Contenu du sommaire : Financer les institutions et les activités scientifiques au tournant des XVIIIe et XIXe siècles
Revue | Annales historiques de la Révolution française |
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Numéro | no 407, janvier-mars 2022 |
Titre du numéro | Financer les institutions et les activités scientifiques au tournant des XVIIIe et XIXe siècles |
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Introduction
- Financer les institutions et les activités scientifiques au tournant des XVIIIe et XIXe siècles : moyens, gestion et contraintes - Jean-Luc Chappey, Anne Conchon p. 3-28
Articles
- Les finances de l'Académie Royale des Sciences : histoire des tentatives d'obtention d'un financement durable pour les institutions scientifiques - Sayaka Oki p. 29-53 Cet article analyse les modalités des pratiques du financement royal des institutions académiques des sciences, en s'attachant au cas de l'Académie royale des sciences, première institution ayant offert aux savants un statut rémunéré par une pension pour la recherche scientifique. Les finances de l'Académie n'ont pas été systématiquement étudiées, excepté pour la période allant de 1666 à 1715, cela en raison de la grande dispersion des sources. Notre étude se propose de reconstituer les états financiers de l'Académie au xviiie siècle. Elle constate non seulement les tentatives de négociation par ses membres d'un financement durable, mais également les contributions participatives de certains de ses membres à l'accroissement de son budget. La stabilisation acquise sous l'Ancien Régime rendit possible une argumentation approfondie sur les activités scientifiques comme objet pertinent du financement public dans le contexte révolutionnaire.This article analyses the practices of royal financing of academic institutions of science by focusing on the example of the Royal Academy of Sciences, the first institution to offer scholars a status remunerated by a pension for scientific research. The financing of the Academy has not be systematically studied, except for the period from 1666 to 1715, because of the wide dispersion of sources. This study reconstructs the financial conditions of the Academy in the eighteenth century. It documents not only the efforts made by its members to secure sustainable financing, but also the contributions of certain members to the increase in the budget. The financial stability acquired under the Old Regime made possible argument justifying public investment to scientific activities relevant to public finance within the Revolutionary context.
- Trajectoires savantes, trajectoires économiques : Antoine-Laurent de Jussieu et Michel Adanson - Gilles Geneix p. 55-78 Comment des savants qui étudiaient le monde vivant au XVIIIe siècle pouvaient-ils vivre de leur travail scientifique ? Afin de contribuer à cette enquête sociohistorique, nous nous proposons d'avoir recours à l'étude de cas de deux botanistes, Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1836) et Michel Adanson (1727-1806). Inscrits tous les deux dans la sphère naturaliste parisienne, ils fréquentent les mêmes institutions et étudient le même objet de recherche. En revanche, leur horizon social et leur parcours de vie les différencient radicalement. Jussieu est un héritier, aristocrate, rentier qui « s'occupe » de sciences, et se rattache socialement à la grande bourgeoisie parisienne. Adanson quant à lui, débute sa carrière sans aucun patrimoine ni qualification, avec un statut professionnel de clerc, et vit jusqu'à l'âge de trente-huit ans, soit durant sa haute période de créativité scientifique, au niveau du seuil de dépendance économique.How did scientists who studied the living world in the eighteenth century make a living from their scientific work ? As a contribution to this socio-historical enquiry, the author uses the cases of two botanists, Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1836) and Michel Adanson (1727-1806). Both belonged to the Parisian naturalist sphere, attended the same institutions and studied the same subject. Yet their social horizons and their life trajectories separated them significantly. Jussieu was an heir, an aristocrat, an annuitant who « occupied himself » with science, and was socially attached to the Parisian upper-middle class. Adanson, on the other hand, began his career without any wealth or qualifications, with the professional status of a clerk, and lived until the age of thirty-eight, spending the summit of his scientific creativity perilously close to the level of the economic dependency.
- Pensions, rentes, contrats à la tâche... Formes de rémunérations de quelques techniciennes dans les sciences à la fin du XVIIIe siècle - Isabelle Lémonon-Waxin p. 79-100 Au tournant du XIXe siècle, un petit nombre de femmes visibles dans les archives ont réussi à se tailler une place dans la production scientifique. Intégrées à des collectifs de savants en astronomie, histoire naturelle ou chimie, leurs travaux pour le collectif (comme ceux de leurs collègues masculins) sont rémunérés sous des formes multiples. Les contrats à la tâche, rentes, pensions, gratifications en nature sont financés par des institutions politiques (comme la Maison du roi) ou savantes (comme l'Académie des sciences), des fonds privés voire des souscriptions publiques. Investies dans une pratique plus autonome, quelques-unes bénéficient de contrats à la tâche ponctuels, négocient leurs droits d'autrices ou se posent en entrepreneuses scientifiques, développant une activité commerciale à partir de leurs compétences savantes. Elles peuvent jouir successivement, voire simultanément, de ces formes variées de contractualisation et de légitimation de leur travail scientifique.At the turn of the nineteenth century, a small number of women whose lives are made visible from archives managed to carve out a place for themselves in scientific production. Integrated into scholarly collectives in astronomy, natural history or chemistry, their work for the collective, like that of their male colleagues, was remunerated in multiple forms – work contracts, annuities, pensions, and gratuities in kind financed by political institutions such as the Maison du Roi, or scholarly institutions like the Academy of Sciences, in addition to private funds or even public subscriptions. Invested in a more autonomous practice, some of them benefited from occasional contracts, negotiated their rights as authors or posed as scientific entrepreneurs, developing a commercial activity from their scholarly skills. They could enjoy successively, or even simultaneously, these varied forms of contractualization and legitimization of their scientific work.
- Le financement de l'enseignement des sciences à la fin du XVIIIe siècle. L'exemple du lycée républicain - Francis Fiszleiber p. 101-127 Alors que la quasi-totalité des clubs et sociétés disparaissent au cours de la période révolutionnaire, le Lycée républicain est une des rares institutions à avoir continué à fonctionner. Renommé dans l'Europe entière, il présente une grande originalité par son statut juridique et son administration, par la présence de nombreuses femmes dans son public et par son modèle économique fondé sur la souscription. Compte tenu de la grande qualité de ses professeurs et de leurs enseignements, il ambitionne d'être reconnu par la puissance publique comme un établissement supérieur d'enseignement des sciences. Les circonstances et les soubresauts de la Révolution vont singulièrement fragiliser sa situation financière. Les actionnaires tentent alors par différents moyens d'attirer de nouveaux souscripteurs pour rétablir son équilibre financier et les professeurs doivent renoncer à leurs honoraires pendant trois ans. Ce n'est que sous le Consulat que le Lycée parvient à rétablir l'équilibre de son budget.While nearly all clubs and societies disappeared during the Revolutionary period, the Lycée républicain was among the few institutions that continued to function. Renowned throughout Europe, this institution's legal status and administration, the presence of many women in its student body, and its economic model based on subscriptions made it highly original. Given the high quality of its professors and their teachings, it aspired to be recognized by the public authorities as an institution of higher learning in the sciences. The circumstances and upheavals of the Revolution were to weaken substantially its financial situation. The shareholders sought to attract new subscribers through various means to re-establish its financial stability ; professors were also required relinquish their fees for three years. It was only under the Consulate that the Lycée managed to restore its budgetary solvency.
- La connaissance des temps, de la fin de l'Académie royale des sciences aux premières années du bureau des longitudes (1791-1802), ou comment financer une éphéméride astronomique en période révolutionnaire - Guy Boistel p. 129-152 La Connaissance des temps est la plus ancienne des éphémérides astronomiques et nautiques, publiée, sous la responsabilité de l'Académie royale des sciences, sans discontinuité depuis le mois de mars 1679. Elle est le modèle sur lequel l'astronome royal Nevil Maskelyne bâtit son Nautical Almanac en 1767, le futur « best-seller » en matière d'éphémérides au cours du XIXe siècle, et principal concurrent de la Connaissance des temps. L'astronome Jérôme Lalande a apporté des modifications à cette publication à partir de 1760 qui se feront sentir jusqu'à une époque avancée du XXe siècle. Son successeur Pierre Méchain transformera en 1786 l'éphéméride en almanach nautique à la demande du ministre de la Marine, ce dernier finançant aussi le premier emploi de calculateur de la Connaissance des temps sous le régime académique. Traversant la période révolutionnaire sans trop de difficultés, Lalande est le garant de la continuité de la publication. Il est aussi en 1795 le cofondateur du Bureau des longitudes avec Lakanal et le soutien du Comité d'instruction publique, du Dépôt de la Guerre et du Bureau du Cadastre. Fort de ces financements et soutiens divers, Lalande et ses divers « coopérateurs » sont capables d'assurer la continuité de cet important ouvrage scientifique, de la fin de l'Ancien Régime et la suppression des académies en août 1793, jusqu'au Premier Empire et la reprise en main de la production de l'éphéméride par le Bureau des longitudes. L'étude se propose de suivre les chemins du financement de cette éphéméride et par là, tenter de comprendre les motivations des divers acteurs de cette histoire.The Connaissance des temps is the oldest of the astronomical and nautical ephemerides, published under the auspices of the Royal Academy of Sciences, without interruption ever since March 1679. It is the model on which the royal astronomer Nevil Maskelyne built his Nautical Almanac in 1767, the future « best-seller » in ephemeris during the nineteenth century, and the chief competitor of the Connaissance des temps. The astronomer Jérôme Lalande made changes to this publication beginning in 1760, changes that would be felt well into the twentieth century. In 1786, his successor, Pierre Méchain, transformed the ephemeris into a nautical almanac at the request of the Minister of the Navy, who further financed the first use of calculator of the Connaissance des temps under the Academic aegis. Passing through the Revolutionary period without too many difficulties, Lalande ensured the continuity of publication for the Connaissance des temps. In 1795, he was also with Lakanal the co-founder of the Bureau des Longitudes, and the supporter of the Comité d'instruction publique, the Dépôt de la Guerre and the Bureau du Cadastre. With the aid of these funds and various other supporters, Lalande and his various « cooperators » ensured the continuity of this important scientific work, from the end of the Old Regime and the suppression of the academies in August 1793 until the First Empire and the resumption of the production of the ephemeris by the Bureau des Longitudes. The study follows the means of financing of this ephemeris, and thus attempts to understand the motivations of the various personalities of this history.
- Les relations épistolaires de Faujas de Saint-Fond avec l'administration française. Stratégies et négociations pour financer des recherches entre la Révolution et l'Empire - Guillaume Comparato p. 153-177 Durant les dernières années de l'Ancien Régime, le naturaliste Faujas de Saint-Fond réussit à accumuler de confortables pensions. Cependant, avec « la fin des privilèges », ses gages attribués par la couronne de France sont remis en cause. Commence alors une série de batailles épistolaires entre le naturaliste et les pouvoirs publics. Dans un premier temps, Faujas se bat afin de maintenir ses rétributions malgré une procédure de liquidation qui va durer sept ans. Puis, son statut de professeur de Géologie au Muséum national d'Histoire naturelle une fois entériné par la loi, il reprend sa plume afin de se faire financer ses voyages géologiques. À travers cette étude de cas, c'est tout l'appareil de l'administration française qui est mis en lumière et surtout la gestion financière du personnel savant entre Révolution et Empire.During the last years of the Old Regime, the naturalist Faujas de Saint-Fond managed to accumulate comfortable pensions. But with the « end of the privileges », his wages accorded by the Crown of France were jeopardized. Thus began a series of epistolary battles between the naturalist and the public authorities. At first, Faujas struggled to maintain his retributions despite a procedure of liquidation that would last seven years. Then, once his status as professor of Geology at the National Museum of Natural History was confirmed by the law, he again took up his pen to obtain financing for his geological travels. Through this case study, the whole apparatus of the French administration is illuminated, especially the financial management of the scholarly staff between Revolution and Empire.
- Financer le traitement de la folie entre Révolution et Empire : une approche de la maison de Charenton par les comptes (1797-1814) - Pauline Teyssier p. 179-204 Le traitement de la folie se développe sous la Révolution française au sein d'institutions qui se spécialisent dans l'accueil des aliénés. Parmi elles, la maison de Charenton a un statut particulier puisqu'elle est mise sous surveillance par le ministère de l'Intérieur, et en partie financée par ce dernier. L'analyse de la comptabilité de cette institution permet d'approcher les pratiques thérapeutiques et ainsi de saisir les différentes formes que prend le traitement de la folie au sein de cet établissement au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.The treatment of madness evolved during the French Revolution within institutions specializing in the accommodation of the insane. Among them, the house of Charenton warrants special status since it was under the supervision of, and partly financed by, the Ministry of the Interior. The analysis of the financial accounting of this institution affords an insight into the therapeutic practices, and the different forms for the treatment of madness practiced in this establishment at the turn of the eighteenth and nineteenth centuries.
- Quelle imprimerie pour la nation ? Impressions savantes et temps politiques : une approche financière de l'imprimerie nationale sous la Révolution et l'Empire (1793-1815) - Juliette Milleron-Besenval p. 205-228 Si la création d'ateliers d'imprimerie nationaux répond initialement à la nécessité urgente et impérative d'imprimer et de diffuser les lois sur l'ensemble du territoire de la nouvelle République, les prérogatives de l'Imprimerie nationale s'élargissent rapidement pour intégrer l'édition d'ouvrages et de périodiques savants vendus au profit de leurs auteurs. En dépit des crises monétaires et des difficultés d'approvisionnement, l'établissement devient ainsi l'un des rouages de la politique d'encouragement des sciences mise en œuvre dans le moment républicain. L'avènement de l'Empire marque alors une rupture dans la gestion financière de l'institution, mais également dans les attributions allouées à l'Imprimerie. Moins que le soutien à la production de savoirs savants, l'enjeu est désormais de contribuer à l'entreprise de valorisation et de glorification du pouvoir politique impérial.If the creation of national printing workshops initially responded to the urgent need to print and disseminate laws throughout the territory of the new Republic, the prerogatives of the national printing house were quickly expanded to include the publishing of scholarly works and periodicals sold to profit their authors. Despite the monetary crises and difficulties of supplies, this establishment became one of the cogs in the wheel of a policy of encouraging the sciences implemented during the Republic. The advent of the Empire marked a break in the financial management of the institution, but also in the attributions allocated to the printing house. The challenge from then on was not so much in supporting the production of scholarly knowledge, but in contributing to the glorification of imperial political power.
- Les finances de l'Académie Royale des Sciences : histoire des tentatives d'obtention d'un financement durable pour les institutions scientifiques - Sayaka Oki p. 29-53
Hommages
- Régine Robin (1939-2021) - Jacques Guilhaumou, Sophie Wahnich p. 229-233
- Marcel Dorigny (1948-2021) - Bernard Gainot, Serge Bianchi p. 235-240
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 241-266