Contenu du sommaire : De notre responsabilité pour la justice
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 85, no 3, juillet-septembre 2022 |
Titre du numéro | De notre responsabilité pour la justice |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 3-4
Dossier
- De notre responsabilité pour la justice : Penser le politique avec Iris Marion Young. Avant-propos - Marie Garrau p. 5-12
- Le concept d'intégration, effet essentiellement secondaire de la déségrégation raciale ? - Magali Bessone p. 13-29 L'article se propose dans un premier temps de comparer les arguments d'Elizabeth Anderson sur l'intégration comme impératif de justice et ceux d'Iris Marion Young qui critiquent l'idéal d'intégration et lui préfèrent un idéal d'inclusion comme « solidarité différenciée ». Il procède dans un second temps à un test des arguments promouvant ou critiquant l'intégration en les (dé)plaçant dans un contexte français, où le concept relève d'un champ sémantique et d'une sociohistoire très différents de ceux du contexte nord-américain. L'article proposera, dans ce contexte, une défense qualifiée du concept d'intégration, conçu non comme un « impératif » ni un « idéal » mais plutôt comme un « effet essentiellement secondaire » de la déségrégation raciale.This article first proposes to contrast Elizabeth Anderson's arguments on integration as an imperative of justice with those of Iris Marion Young who criticizes the ideal of integration and prefers an ideal of inclusion as “differentiated solidarity.” I then proceed to test the arguments promoting or criticizing integration by placing them in a French context, where the concept has a very different semantic field and sociohistory than in the North American context. The article will propose a qualified defense of the concept of integration, not as an “imperative” or an “ideal” but rather as an “essential by-product” of racial desegregation.
- La démocratisation effective de la société : Soutenir la comparaison entre Dewey et Young - Claude Gautier p. 31-47 La constitution des « publics » chez Dewey [1927] et la délibération inclusive chez Young [2000] visent la résolution d'un problème analogue, celui de la démocratisation effective de la société. Pour y parvenir, il faut, de part et d'autre, revenir au concept politique de « groupe » et le définir non pas ontologiquement – le critère d'identité par exemple – mais fonctionnellement comme une forme opératoire de structuration et de représentation d'intérêts communs. L'une des conditions de possibilité d'une telle approche des « groupes » suppose cependant la construction d'un savoir partagé. On montrera que cette condition demeure problématique dans sa réalisation et que, par conséquent, les difficultés auxquelles se heurtaient Dewey à propos des « publics » se retrouvent dans la théorie youngienne de la démocratie inclusive.Dewey's constitution of “publics” [1927] and Young's inclusive deliberation [2000] aim at solving an analogous problem, that of the effective democratization of society. In order to achieve this, it is necessary on both sides to return to the political concept of the “group” and to define it not ontologically—the criterion of identity, for example—but functionally as an operative form of structuring and representing common interests. One of the conditions for such an approach to “groups,” however, is the construction of a shared knowledge. It will be shown that the realization of this condition remains problematic and that, consequently, the difficulties Dewey faced with regard to “publics” still remain in Young's theory of inclusive democracy.
- Le redéploiement des responsabilités politiques dans la mondialisation - Mathilde Unger p. 49-65 Cet article étudie la notion de « responsabilité politique » définie par Young pour répondre au problème des injustices mondiales. Il tente d'expliquer pourquoi l'auteure prend pour point de départ le modèle de la responsabilité individuelle, écartée dès le xixe siècle pour penser la solidarité sociale, et montre que la responsabilité « politique » chez Young aboutit paradoxalement à la disqualification de l'action publique.This article examines Young's notion of “political responsibility” as a response to the problem of global injustice. It attempts to explain why the author takes the model of individual responsibility as a starting point, discarded since the nineteenth century in favor of social solidarity, and shows that Young's “political” responsibility paradoxically leads to the disqualification of public action.
- Injustice systémique et responsabilité des individus - Bertrand Guillarme p. 67-80 Le lien établi par Young entre la participation d'un agent à la dynamique structurelle produisant l'injustice et sa responsabilité de combattre politiquement l'injustice est intuitivement attrayant, mais il doit être complété pour que la théorie de la responsabilité adossée à la connexion sociale soit intelligible et solide. Quelle est la signification de la responsabilité que Young attribue aux participants au système? Comment cette responsabilité est-elle normativement justifiée? De quelle manière les agents impliqués peuvent-ils la mettre en œuvre?The relationship established by Young between an agent's participation in the structural dynamics that produce injustice and this agent's responsibility to fight injustice politically is intuitively attractive, but it has to be supplemented in order for the social connection theory of responsibility to be sound. What is the meaning of the responsibility assigned by Young to participants in the system? How is this responsibility normatively justified? How can agents implement it?
- Levinas – Merleau-Ponty. Résonances : Avant-propos - Emmanuel de Saint Aubert p. 81-82
- L'autre réplique : Lire Merleau-Ponty avec Levinas - Dorothée Legrand p. 83-100 La lecture ici proposée de Levinas et Merleau-Ponty est orientée par un principe d'irréductibilité, emprunté à Roland Barthes : ces auteurs assument-ils, et comment, une « résistance éperdue à tout système réducteur » ? Contre la réduction de l'homme à l'humain et à l'Être, Levinas aura engagé sa pensée dans l'éthique de l'autre homme. Or Levinas lit chez Merleau-Ponty une ontologie qui, certes non brutale, n'en est pas moins inhumaine en ce qu'elle privilégie la généralité de la chair et non la singularité de chaque homme. Sont engagées ici des conceptions différentes du corps et du langage, dont nous chercherons à montrer les implications cliniques en les confrontant au rapport à l'autre que la psychanalyse lacanienne met en œuvre.The reading of Levinas and Merleau-Ponty that is proposed here is oriented by a principle of irreducibility borrowed from Roland Barthes: Do these authors assume a “desperate resistance to any reductive system,” and if so, how? Against the reduction of a human to humanity and to Being, Levinas engaged his thought in the ethics of the other. Levinas reads in Merleau-Ponty an ontology which, while certainly not brutal, is nonetheless inhuman in that it privileges the generality of the flesh over the singularity of each human. Different conceptions of the body and of language are involved here, whose clinical implications we will seek to show by confronting them with the relation to the other that Lacanian psychoanalysis operates with.
- Autre, même, commun : Le point de vue de Merleau-Ponty - Emmanuel de Saint Aubert p. 101-120 Nous examinons ici comment Merleau-Ponty, en lien étroit avec sa conception personnelle de l'être, aborde certaines thématiques frayées par Levinas – désir, transcendance, altérité, responsabilité… Marquée par une grande attention au monde perçu, son ontologie met en valeur la négativité de l'être comme ressort de notre naissance et de notre coexistence. Indéfini et relatif, résistant et porteur, l'être travaille notre chair dans une dialectique de limitation et d'ouverture, jusqu'à nous libérer de l'ambivalence qui entrave nos relations et nos concepts. Riche de virtualités éthiques, cette ontologie se veut opposée à Sartre, se pense incompatible avec Heidegger, et contraste fortement avec Levinas – y compris avec la lecture que celui-ci a pu en faire.We examine how Merleau-Ponty, in close connection with his personal conception of being, tackles certain themes explored by Levinas, including desire, transcendence, alterity, and responsibility. Marked by a great attention to the perceived world, his ontology emphasizes the negativity of being as a springboard for our birth and coexistence. Undefined and relative, resistant and up-holding, being works our flesh in a dialectic of limitation and openness, to the point of freeing us from the ambivalence that hinders our relationships and concepts. Rich in ethical virtualities, this ontology positions itself against Sartre, believes itself incompatible with Heidegger, and sharply contrasts with Levinas—even with the reading that Levinas has made of it.
- L'autre sens de la raison : Levinas et Merleau-Ponty - Paula Lorelle p. 121-134 Dans « La philosophie et l'éveil », Levinas nous invite à penser une « rationalité dans un autre sens ». En chacun de ses termes, cette expression ouvre avec l'œuvre de Merleau-Ponty un espace de résonance, dessinant différents niveaux de profondeur et n'engageant rien de moins finalement qu'une commune conception de la raison. Il y est d'abord question d'une raison autre qui remonte, chez Levinas, à la « rationalité première » de Totalité et infini et fait écho aux nombreuses mentions par Merleau-Ponty d'une rationalité nouvelle. Il y est ensuite question du sens de la raison : de ce « sens » qui, en deçà des mots, s'éprouve à même l'épaisseur charnelle de la sensibilité. Et ce sens de la raison est autre finalement, défini par son altérité même, comme « écart » ou « différence ». Reste alors à penser cet « écart » qui, de Merleau-Ponty à Levinas, n'a pas le même sens et depuis lequel il sera seulement possible de redéfinir en conclusion cet autre sens de la raison.In “La philosophie et l'éveil,” Levinas invites us to conceive a “rationality in another sense.” In each of its terms, this expression opens a dialog with Merleau-Ponty, suggesting different levels of depth and eventually implying a common conception of reason. Levinas first appeals to another kind of reason that recalls both the “first rationality” of his Totality and Infinity and Merleau-Ponty's numerous references to a new form of rationality. Levinas then discusses the sense of this rationality: this sense that, in Merleau-Ponty too, unfolds beneath the words, within the sensual thickness of the flesh. And this sense is eventually other—defined both by Levinas and Merleau-Ponty in its very alterity as a “difference” or a “gap” (“écart”). Yet, one still needs to define this “gap” whose meaning differs from Levinas to Merleau-Ponty and from which it will only be possible to suggest in conclusion this other sense of reason.
- Une éthique du sensible : penser la relation autrement - Agata Zielinski p. 135-150 En mettant à mal la réciprocité, certaines situations de maladie en viennent à questionner la reconnaissance et l'appartenance de l'autre à une commune humanité. La lecture de Merleau-Ponty et Levinas permet d'esquisser une phénoménologie de la rencontre en l'absence de communication. La chair chez l'un, la vulnérabilité chez l'autre révèlent une proximité malgré soi. L'inquiétante étrangeté de l'autre renvoie à une expérience primordiale de détresse et de dépendance qui nous est commune. À partir de là, peut se constituer une éthique de la proximité à partir du sensible.By undermining reciprocity, certain situations of illness come to question the recognition and belonging of the other to a common humanity. Reading Merleau-Ponty and Levinas allows us to sketch a phenomenology of the encounter in the absence of communication. Flesh in the one and vulnerability in the other reveals a proximity in spite of oneself. The uncanny of the other refers to a primordial experience of distress and dependence that is common to us all. From this, an ethic of proximity can be constituted from the sensitive.
Note de lecture
- Foucault avant Foucault - Philippe Chevallier p. 151-156
- Philosophie et religion chez Ricœur - Guilhem Causse p. 157-166
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