Contenu du sommaire : L'Égypte ancienne du jésuite Kircher (1602-1680) : écriture des savoirs, iconographie, contextes épistémiques

Revue Revue de l'histoire des religions Mir@bel
Numéro tome 239, no 2, avril-juin 2022
Titre du numéro L'Égypte ancienne du jésuite Kircher (1602-1680) : écriture des savoirs, iconographie, contextes épistémiques
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  • L'Égypte ancienne du jésuite Kircher (1602-1680) : écriture des savoirs, iconographie, contextes épistémiques : Avant-propos - Adrien Paschoud, Susanne Bickel p. 179-183 accès libre
  • Vestiges du divin, commencements de l'humain : l'évolution du débat sur les hiéroglyphes de la Renaissance à Champollion - Annette Graczyk p. 185-216 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'article explore les implications mystiques, hermétiques et platoniciennes du discours hiéroglyphique et sa compréhension emblématique depuis la Renaissance. L'approche de Kircher est replacée dans ce contexte. Elle fut rejetée par les spécialistes du xviiie siècle et plus encore après les travaux de Champollion, et la poursuite de la compréhension des hiéroglyphes s'est développée sur la base des conceptions de Vico, Warburton et Herder. Elle faisait désormais autant référence à des caractères non égyptiens qu'à des signes bibliques. L'hypothèse religieuse selon laquelle les hiéroglyphes étaient d'origine divine fut progressivement remise en question, ce qui conduisit à leur désenchantement par la science.
    The article exposes the mystical, hermetic and Platonic charges of the discourse on hieroglyphs and its emblematic understanding since the Renaissance. Kircher's approach is placed in this context. This approach was rejected by eighteenth-century scholars, and even more so after the work of Champollion. The extension of the understanding of hieroglyphs was developed on the basis of the conceptions of Vico, Warburton and Herder. It now also referred to non-Egyptian characters as well as to biblical signs. The religious assumption that hieroglyphs were of divine origin was gradually challenged and the hieroglyph was disenchanted by science.
  • Athanasius Kircher et le déchiffrement des hiéroglyphes : réalité ou fiction ? - Jean Winand p. 217-255 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La réputation de Kircher dans la République des Lettres ne lui survécut pas. Si l'on crédite volontiers Kircher d'avoir fondé les études coptes, il ne s'y intéressa en fait que modérément. C'est au déchiffrement des hiéroglyphes que Kircher voua le reste de son existence, conduisant l'égyptologie naissante dans une impasse. Bien qu'il s'appuyât sur un savoir considérable, Kircher subordonnait ses interprétations à la prisca theologia. Dans le sillage des théories renaissantes sur le symbolisme des hiéroglyphes, Kircher refusa à cette écriture le pouvoir de noter la langue des anciens Égyptiens, ouvrant la porte à toutes les spéculations. La méthode de Kircher sera ici illustrée et évaluée au travers de son interprétation de l'obélisque Pamphile.
    Kircher's reputation in the Republic of Letters did not survive him. While Kircher is readily credited with the founding of Coptic studies, he was only moderately interested in them. It was to deciphering hieroglyphics that Kircher devoted the rest of his life, leading the nascent field of Egyptology to a dead end. Despite relying on a considerable encyclopedia, Kircher subordinated his interpretations to the prisca theologia. In line with Renaissance theories on the supposedly exclusive symbolism of hieroglyphics, Kircher denied this writing the power to note the language of the ancient Egyptians, which opened the door to all manner of speculation. In this study, Kircher's method will be illustrated and evaluated through his interpretation of the Pamphilius obelisk.
  • “As Reflections in a Mirror” Kircher's pictorial argument on modern paganism in the light of Pignoria - Paola Von Wyss-Giacosa p. 257-295 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le dernier chapitre du premier volume d'Œdipus Aegyptiacus, Kircher présentait une argumentation égyptogénétique sur le paganisme moderne qui trouva un large écho, notamment grâce à son utilisation d'illustrations. Il accordait de l'importance à ces visualisations en tant qu'éléments structurants et probatoires. Par son choix d'images, l'érudit faisait référence à l'étude égyptogénétique de Lorenzo Pignoria sur l'idolâtrie contemporaine publiée en 1615. Grâce à sa stratégie picturale, il réussissait à s'intégrer dans le discours paganologique et à le réformer en proposant des innovations méthodologiques et théoriques. Son chapitre est devenu une référence et il est resté influent pour l'interprétation d'artefacts asiatiques dans la République des Lettres pendant des décennies.
    In the closing chapter of the first volume of Œdipus Aegyptiacus, Kircher presented an Egyptogenetic argument on modern paganism that was widely received, not least owing to his deliberate use of illustrations. He attributed great importance to these visualizations as structuring elements and corroborating evidence. Through his selection of images, he made a purposeful reference to Lorenzo Pignoria's Egyptogenetic take on contemporary idolatry, first published in 1615. Through his pictorial strategy he succeeding in becoming integrated into the paganological discourse and reformed it by proposing methodological and theoretical innovations. His chapter became a reference work and remained influential for the interpretation of mostly Asian artefacts in the Republic of Letters for many decades.
  • The Age of Pious Erudition: Kircher's Critics in Context - Daniel Stolzenberg p. 297-324 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article soutient que Kircher et ses critiques ne sauraient être correctement compris hors du contexte d'une époque déterminée, « l'époque de l'érudition pieuse », qui se caractérise par l'alliance entre critique historique et histoire sacrée. Tout a commencé au début du xviie siècle quand Joseph Scaliger et Isaac Casaubon ont appliqué les méthodes historicisantes de la philologie classique à l'étude du judaïsme ancien et de l'Église des origines. Ce mouvement a pris fin un siècle plus tard quand la critique historique s'est avérée être une menace plutôt qu'une bénédiction pour l'apologétique chrétienne. Finalement, c'est l'érudition pieuse qui aura entrainé sa propre chute, selon un processus d'accumulation déployé sur plus d'un siècle, et non pas à cause d'une rupture brutale.
    This essay argues that Kircher and his critics can best be understood in the context of a distinct epoch, “the age of pious erudition”, defined by the alliance of historical criticism and sacred history. It began at the turn of the seventeenth century when Joseph Scaliger and Isaac Casaubon applied the historicizing methods of classical philology to the study of ancient Judaism and the early Church, and it gave way a century later, when historical criticism belatedly revealed itself as a threat rather than a boon to Christian apologetics. Eventually, pious erudition brought about its own demise, but that was a cumulative process that unfolded over a century, rather than a dramatic rupture.
  • Lever les « mystères sublimes » des hiéroglyphes égyptiens : William Warburton et la réfutation du système kirchérien - Sarah Diane Bourdely p. 325-360 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La réfutation de Kircher dans l'Essai sur les hiéroglyphes des Égyptiens de William Warburton a connu une large réception en France, ayant notamment influencé Condillac et servi de référence à l'Encyclopédie, spécialement dans les articles consacrés au langage, à la figure ou à l'énigme. Cet article étudie la façon dont Warburton surpasse les travaux de ses prédécesseurs et entretient un rapport complexe avec les travaux égyptologiques de Kircher. Si Warburton juge, comme la plupart de ses contemporains, la méthode de Kircher peu scientifique, le Theatrum Hieroglyphicum et la China Illustrata lui servent néanmoins de sources précieuses, la plupart des gravures de l'Essai étant issues de ces deux ouvrages dont il reconnaît ainsi la valeur documentaire.
    The refutation of Kircher in William Warburton's Essai sur les hiéroglyphes des Égyptiens was widely received in France, influencing Condillac and serving as a reference for the Encyclopédie, especially in the articles on language, figures and enigmas. This article examines the way in which Warburton surpassed the work of his predecessors and maintained a complex relationship with the Egyptological work of Kircher. Although Warburton, like most of his contemporaries, considered Kircher's methods as unscientific, he nevertheless drew most of the engravings in his Essay from the Theatrum Hieroglyphicum and the China Illustrata, thereby recognising the documentary value of these two works.
  • L'Arche de Kircher. Le dernier voyage de l'Arche de Noé dans le monde moderne - Pierre Antoine Fabre p. 361-379 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Athanasius Kircher publie son Arca Noë en 1675 et s'inscrit dans une longue tradition d'exégèse chrétienne figurant l'Arche comme Église. L'Arche reste aussi le cadre d'une forme de zoologie, dont il tente de dégager des héritages mythiques en soustrayant en particulier le serpent ou la colombe à leur passif ou à leur actif symboliques. Kircher s'efforce de construire une équivalence Arche-Église-Empire et mobilise cette figure comme invocation d'une Espagne à l'échelle du monde qui appartient déjà au passé. Le traité est dédié au jeune Charles II dont le portrait figure dans un frontispice riche de multiples lectures, dans le sillage des grands ouvrages imprimés et illustrés produits par la Compagnie de Jésus durant tout le xviie siècle.
    Athanasius Kircher published his Arca Noë in 1675 and continued a long tradition of Christian exegesis featuring the Ark as the Church. The Ark also remains the framework of a form of zoology, from which he tried to extract mythical legacies by subtracting in particular the serpent or the dove from their symbolic liabilities or assets. Kircher endeavoured to construct an equivalence between the Ark, the Church and the Empire and mobilised this figure as an invocation of Spain on the scale of a world that already belonged to the past. The treatise is dedicated to the young Charles II, whose portrait appears in a frontispiece rich in multiple readings, in the wake of the great printed and illustrated works produced by the Society of Jesus throughout the 17th century.