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Revue | Revue Française de Sociologie |
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Numéro | vol. 63, no 1, janvier-mars 2022 |
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- La fabrique du privilège du désir : L'apprentissage socialement différencié du désir sexuel au croisement du genre et de la classe - Rébecca Lévy-Guillain p. 7-34 Les grandes enquêtes quantitatives ont constaté l'existence de différences sociales dans les manières de vivre le désir sexuel. Envisageant ces différences comme un foyer d'inégalités dans la sexualité, cet article cherche à comprendre comment se fabriquent de telles différences entre groupes sociaux, notamment en fonction du genre et de la classe sociale. S'appuyant sur une enquête par entretiens biographiques conduits auprès d'individus aux profils sociaux diversifiés, il envisage l'apprentissage du désir comme un parcours qui commence au cours de l'enfance et se poursuit tout au long de la vie, et qui met en jeu des expériences se déroulant dans plusieurs sphères sociales. Il montre alors que la socialisation au désir opère en transmettant un ensemble de dispositions corporelles – via la pratique répétée d'activités physiques – et de dispositions mentales – via l'incorporation instantanée ou conscientisée de cadres interprétatifs et de répertoires de significations. Ainsi, l'article établit, d'une part, que les hommes sont davantage socialisés au désir que les femmes. Il conclut, d'autre part, que la socialisation enfantine et juvénile que connaissent les femmes issues des classes populaires inscrit plus durablement des dispositions au désir que celle qui s'opère à l'âge adulte, chez les femmes appartenant aux classes moyennes et supérieures, et via l'appropriation de grilles d'analyses féministes ou psychologiques.Major French quantitative surveys have observed social differences in the ways people experience sexual desire. This article envisions those differences as a locus of inequality in the area of sexuality, and seeks to understand how they are produced in terms of gender and social class. Drawing on a life history survey of individuals with diverse social profiles, it envisions the learning of sexual desire as a trajectory that begins in childhood and continues throughout a person's life, bringing experiences into play that unfold in several different social spheres. It shows that the socialization of desire operates by transmitting a set of bodily dispositions—through repeated practice of physical activities—and mental dispositions—through either instantaneous or consciously internalized interpretive frameworks and meaning repertoires. Proceeding this way, it establishes that men are socialized in sexual desire to a greater degree than women and concludes that the child and juvenile socialization experienced by women of working-class background becomes more durably integrated into their dispositions concerning sexual desire than the socialization that operates in adulthood among women of middle- or upper-class background through the appropriation of feminist or psychological interpretive schemata.
- La production d'un sens commun. Le cas de l'accompagnement vers l'emploi en France - Alice Lavabre p. 35-63 Depuis une quinzaine d'années, l'accompagnement semble être la manière la plus acceptable d'aider ceux qui sont privés d'emploi. Cet article vise à montrer comment a été produite cette évidence partagée, et ce en quoi elle consiste exactement : l'usage d'un même vocabulaire ? Un ensemble de normes et de pratiques ? Un même cadre de pensée ? Il s'agit ici de poser le problème en termes de formation de sens commun, plutôt que de circulation ou d'homogénéisation. À travers ce déplacement théorique, il apparait que l'accompagnement n'est pas qu'un lexique qui aurait circulé d'un univers à l'autre, mais un langage produit collectivement par un ensemble d'acteurs très divers. Ce langage n'a pas été imposé par un groupe ou une institution en particulier ; il n'a pas non plus été adopté parce que l'accompagnement serait particulièrement efficace. Il a résulté d'une convergence d'intérêts et d'appropriations autour d'une nouvelle conception, anti-assistancielle, de l'aide à autrui.Over the last fifteen years, “accompaniment” has come to represent the most acceptable way of helping unemployed people in France. This article aims to show how this shared assumption has emerged, and what exactly it consists in: Widespread usage of the same word? A set of norms and practices? A shared framework of thought? We will approach the problem in terms of formation of common sense, rather than circulation or homogenization. Through this shift of theoretical perspective, accompaniment does not appear to be a vocabulary moving from one sphere to another, but rather a language collectively produced by a particularly heterogeneous set of actors. This language was not imposed by a specific group or institution; nor was it adopted because of the effectiveness of accompaniment. It resulted from a convergence of interests and appropriations surrounding a new conception of helping others, opposed to assistance.
- L'homophilie sociale au collège : Amitiés et inimitiés entre élèves socialement distants dans quatre établissements mixtes - Timothée Chabot p. 65-111 La plupart des travaux portant sur la mixité sociale au collège se sont focalisés sur la composition socioprofessionnelle des établissements. En revanche, l'état des relations entre élèves au sein des établissements mixtes est mal connu. Se pose en particulier la question de l'homophilie sociale, c'est-à-dire de la propension des élèves à avoir des amis dont l'origine sociale est proche de la leur. Le présent article analyse les réseaux de relations de 861 élèves suivis entre leurs classes de 6e et de 3e, au sein de quatre collèges caractérisés par un fort degré de mixité sociale. Il mesure l'impact de l'origine socioprofessionnelle sur les amitiés et inimitiés des élèves, et le compare à celui d'autres facteurs d'homophilie (genre, notes et origine migratoire). Trois grands résultats sont identifiés. D'abord, il existe bien de l'homophilie sociale, plus prononcée parmi les amitiés fortes ainsi que celles qui se déploient à l'extérieur de l'établissement. Ensuite, l'origine sociale ne semble pas avoir d'effet significatif sur les inimitiés entre élèves. Enfin, la force de l'homophilie varie fortement d'un établissement à l'autre, suggérant un rôle important du contexte scolaire local.Most studies of degrees of social mix in middle school focus on individual schools' socio-occupational composition (i.e., the socio-occupational statuses of their students' parents). But little is known about relations between students within socially mixed schools. One question that arises in this connection is social homophily; i.e., the propensity to have friends of social backgrounds close to one's own. This article analyses the social networks of 861 students from their first to fourth years of middle school in four French schools characterized by strong social mix. It measures the impact of socio-occupational background on their friendships and enmities and compares that to the impacts of other homophily factors (gender, grades [academic performance], migrant status and, if applicable, migrant origin). It finds, first, that social homophily does exist in middle school and is more pronounced for strong friendships and friendships that extend beyond the school environment than for those confined to it. Second, social background does not seem to have a significant effect on student enmities. Third, homophily strength varies considerably from one school to another, suggesting an important role for local school context.
- Des parcours migratoires aux positions économiques : ce que les migrations complexes changent à l'insertion des immigrés - Louise Caron p. 113-148 Cet article interroge ce qu'une meilleure prise en compte des expériences migratoires antérieures apporte à la compréhension des processus d'intégration des immigrés dans le pays de destination. En se fondant sur les données de l'enquête « Trajectoires et Origines » (TeO) (Ined-Insee, 2008-2009), il décrit d'abord la diversité des parcours géographiques passés des immigrés en France grâce à des analyses de séquences qui mettent au jour plusieurs formes de migrations complexes (transit de courte durée, transit de longue durée, épisodes migratoires épars avant l'arrivée en France, allers-retours après l'installation en métropole). Des régressions montrent ensuite en particulier que les trajectoires marquées par des migrations de transit sont associées à des situations économiques et résidentielles plus favorables en France. Différents mécanismes explicatifs sont discutés, comme l'hypothèse de disparités dans les ressources initiales et acquises au cours de la migration. Ces analyses confirment que la spécificité des trajectoires migratoires constitue une dimension supplémentaire pertinente pour rendre compte de l'hétérogénéité des positions socioéconomiques des immigrés.This article examines the role of past migration experiences in immigrants' integration, and to what extent considering geographic trajectories enriches immigration theories. Using the Trajectories and Origins survey (TeO) (Ined-Insee, 2008-2009), analyses first describe the diversity of migration pathways among immigrants in France. Regressions then show how migration histories are related to distinct levels of economic and residential integration. In particular, transit migrations are associated with more favorable positions in France. Different mechanisms are discussed, such as the hypothesis of disparities in initial and acquired resources during migration. These analyses confirm that migration trajectories constitute an additional relevant dimension for understanding the heterogeneity of immigrants' positions, especially within the same origin.
- La fabrique du privilège du désir : L'apprentissage socialement différencié du désir sexuel au croisement du genre et de la classe - Rébecca Lévy-Guillain p. 7-34
Les livres
- Akoka (Karen), L'asile et l'exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants. - Éric Phélippeau p. 149-151
- Urfalino (Philippe), Décider ensemble. La fabrique de l'obligation collective. - Patrick Castel p. 152-155
- Fontaine (Philippe), Pooley (Jefferson) (eds.), Society on the Edge: Social Science and Public Policy in the Postwar United States. - Marc Smyrl p. 155-158
- Chernilo (Daniel), Debating Humanity. Towards a Philosophical Sociology. - Sylvain Beck p. 158-161
- Macé (Éric), Après la société. Manuel de sociologie augmentée. - Matthieu de Nanteuil-Miribel p. 162-165
- Dalgalarrondo (Sébastien), Fournier (Tristan), L'utopie sauvage. Enquête sur notre irrépressible besoin de nature. - Laura Centemeri p. 165-169
- Fligstein (Neil), The Banks Dit It. An Anatomy of the Financial Crisis. - François Schœnberger p. 169-172
- Williams (Joan C.), La classe ouvrière blanche. Surmonter l'incompréhension de classe aux États-Unis. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Carole Roudot-Gonion. - Olivier Masclet p. 172-176
- Pinson (Gilles), La ville néolibérale. - Marie-Hélène Zérah p. 176-178
- Moricot (Caroline), Agir à distance, enquête sur la délocalisation du geste. - Gérald Gaglio p. 178-181
- Lazega (Emmanuel), Bureaucracy, Collegiality and Social Change. Redefining Organizations with Multilevel Relational Infrastructure. - Michel Grossetti p. 182-185
- Pasquali (Paul), Héritocratie. Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite (1870-1920). - Jean-Louis Fabiani p. 185-188