Contenu du sommaire : La jeunesse dans les politiques locales : échelons de décision et partenariats

Cet article s'appuie sur une partie des résultats obtenus par la mise en œuvre d'une démarche socio-ethnographique dans le cadre d'une recherche doctorale en cours en sciences de l'éducation et de la formation. Il documente la manière dont les interactions entre échelons de politiques publiques ont une influence sur le processus d'émergence d'une politique locale de jeunesses. Il explore comment une démarche de développement endogène, portée par des acteurs locaux, est contrainte par les activités des échelons européens et nationaux, et interroge la possibilité de faire émerger des besoins du terrain de réelles orientations politiques en direction des jeunes.

L'étude croisée de deux programmes destinés à la jeunesse (le programme d'investissements d'avenir et le plan d'investissement dans les compétences) interroge la place effectivement laissée aux questions de jeunesse dans ces politiques publiques. Mis en œuvre au moyen d'instruments de gouvernement à distance et portés localement par des institutions prises dans des stratégies qui leur sont propres, ces programmes tendent à reléguer au second plan l'attention portée aux jeunes et à leurs préoccupations au nom des impératifs partenariaux à construire, à entretenir et à pérenniser. En conséquence, et paradoxalement, l'objet « jeunesse » tend à disparaître de ces politiques de jeunesse.

Cet article explore les modalités selon lesquelles les conseils régionaux, en France hexagonale, mettent en œuvre des politiques en direction des jeunes et inscrivent cette catégorie populationnelle comme enjeu de gouvernance. Il analyse, tout d'abord, l'évolution du champ de compétence des conseils régionaux dans la prise en compte des jeunes, à travers l'observation de différents dispositifs leur étant spécifiquement dédiés et l'étude des politiques menées dans les domaines de l'éducation et de l'orientation. Il montre, ensuite, comment les conseils régionaux s'approprient de manière différenciée le rôle de collectivité « cheffe de file » en matière de « politique de la jeunesse » que leur confère la loi depuis 2017, tout en soulignant les formes de mise à distance des jeunes dans ces processus.

Cette contribution éclaire la manière dont les politiques d'éducation dans les quartiers populaires travaillent la catégorie de la jeunesse. Le cas des Cités éducatives, label qui positionne les jeunes au centre de ses préoccupations, et dont l'ambition officielle est de construire une alliance renforcée des institutions en vue d'une éducation globale de la jeunesse, est révélateur des insuffisances que prêtent les autorités aux institutions et dispositifs déjà existants. Venant s'encastrer dans d'autres politiques éducatives telles que l'éducation prioritaire, cette labellisation se heurte à l'ensemble des institutions qui structurent historiquement la jeunesse. L'ambition des cités éducatives achoppe sur les conceptions hétérogènes de la jeunesse portées par leurs acteurs.

Cet article entend contribuer à l'analyse de l'action publique en direction de la jeunesse au niveau local, à partir des interactions entre région et lycées autour de la santé des lycéen·ne·s. À travers l'étude d'un dispositif de financement de projets d'éducation à la santé, l'article montre que la région cherche peu à orienter le contenu des actions de santé. Elle a davantage pour objectifs de donner la priorité à certains publics et territoires (perçus comme en difficulté), à des façons de « faire projet », voire à la construction de sa propre place dans le territoire compétitif de la politique locale d'éducation. L'analyse du contenu des projets déposés par les équipes éducatives en lycée révèle le caractère enchevêtré d'une politique prise entre mise en œuvre territorialisée des orientations nationales et préoccupations pour la gestion de l'ordre scolaire.