Contenu du sommaire : Capitalismes africains
Revue | Actuel Marx |
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Numéro | no 72, 2022 |
Titre du numéro | Capitalismes africains |
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- Présentation - p. 7-9
Dossier - Capitalismes africains
- Explorer les contradictions du capitalisme en Afrique - Nicolas Pons-Vignon, Bruno Tinel p. 11-18 Après avoir identifié quelques-uns des multiples biais intellectuels qui obèrent trop souvent l'analyse de la réalité économique africaine, cette introduction précise la perspective de ce numéro. Il tente de définir l'esprit d'une économie politique lucide appliquée aux pays d'Afrique, avant de présenter brièvement les articles du dossier.After identifying some of the many intellectual biases that too often obstruct the analysis of African economic reality, this introduction clarifies the perspective of this issue. It attempts to define the spirit of a lucid political economy applied to African countries, before briefly presenting the articles in the special issue.
- L'émergence d'une classe industrielle nationale est-elle possible en Afrique ? Le « débat kényan » vu à travers le prisme de la Metal and Engineering Corporation (METEC) en Éthiopie - Sibulele Nkunzi, Nicolas Pons-Vignon, Bruno Tinel p. 19-40 Une classe capitaliste nationale peut-elle émerger dans les pays africains nouvellement indépendants ? Débattue il y a quarante ans à propos du Kenya, la question se pose également pour l'Éthiopie des trois dernières décennies. Bien que ce pays n'ait jamais été colonisé, son passage il y a trente ans d'un régime militaire à un État démocratique et développeur a marqué un tournant comparable à celui des pays africains anciennement colonisés. Cette transition politique promettait d'accorder un rôle économique plus important au secteur privé national, jusqu'alors très limité. Cette transition s'est toutefois accompagnée d'importantes contradictions en matière de propriété du capital, compte tenu de la centralisation de la politique industrielle par l'État éthiopien. Cet article analyse les tentatives de l'État éthiopien de stimuler la formation d'une classe capitaliste productive et autochtone, dans le secteur des métaux et de l'ingénierie, au cours de la dernière décennie.Can a national capitalist class emerge in newly independent African countries? This question was debated forty years ago in relation to Kenya, but it is also relevant to Ethiopia in the last three decades. Although Ethiopia was never colonized, its transition thirty years ago from military rule to a democratic and developmental state marked a turning point comparable to that of formerly colonized African countries. This political transition was supposed to give a greater economic role to the domestic private sector, which had previously been very limited. However, this transition was accompanied by significant contradictions in capital ownership, given the centralization of industrial policy by the Ethiopian state. This article analyzes the Ethiopian state's attempts to stimulate the formation of a productive, indigenous capitalist class in the metals and engineering sectors over the past decade.
- « Le machamba, c'est pour la vie ». Les contradictions de la paysannerie au Mozambique, dans un contexte de précarité - Ruth Castel Branco, Nicolas Pons-Vignon, Bruno Tinel p. 41-58 Les dynamiques de classe du changement agraire en Afrique ont fait l'objet de débats importants. Dans son ouvrage de référence, Femmes, greniers et capitaux, Meillassoux prédisait en 1975 la cannibalisation de la paysannerie, avec la domination croissante des relations capitalistes dans les campagnes. Pourtant, près d'un demi-siècle plus tard, la paysannerie reste une construction sociale, économique et politique pertinente. En s'appuyant sur le cas du Mozambique, cet article explore les significations contradictoires de la paysannerie dans le capitalisme contemporain. La première section retrace la création du paysan-prolétaire en Afrique australe, en s'appuyant sur les travaux de Meillassoux sur la « communauté domestique ». La deuxième partie explore les différentes manières dont les camponeses improvisent leur subsistance à travers trois cas. L'article conclut que la paysannerie incarne un ensemble contradictoire de significations qui reflètent les processus de production de marchandises plutôt qu'un passé précapitaliste.The class dynamics of agrarian change in Africa have been the subject of much debate. In his seminal work, Femmes, greniers et capitaux, Claude Meillassoux predicted in 1975 the cannibalization of the peasantry, with the increasing dominance of capitalist relations in the countryside. Yet, almost half a century later, the peasantry remains a relevant social, economic and political construct. Using the case of Mozambique, this paper explores the contradictory meanings of the peasantry in contemporary capitalism. The first section traces the creation of the peasant-proletarian in Southern Africa, drawing on Meillassoux's work on the “domestic community”. The second section explores the different ways in which camponeses improvise their livelihood through three case studies. The paper concludes that the peasantry embodies a contradictory set of meanings that reflect commodity production processes rather than a pre-capitalist past.
- L'impérialisme fossile français, le sous-impérialisme sud-africain et la résistance anti-impériale - Patrick Bond, Guillaume Fondu p. 59-77 Les opérations actuelles que mène Total en Afrique suivent un schéma ancien : l'exploitation, tournée vers les énergies fossiles, et la corruption des économies, des gouvernements, des sociétés et des environnements des pays en développement, le tout soutenu par la puissance étatique française. Emmanuel Macron rendit la chose tout à fait manifeste en 2021, lorsqu'il insista pour défendre le gaz possédé par Total au Mozambique (20 milliards de dollars) par une intervention militaire, menée par des soldats rwandais et sud-africains. Le rôle sous-impérialiste de Pretoria explique son soutien désespéré aux nouveaux magnats du pétrole avec lesquels Total a fait alliance depuis la moitié des années 2010 pour exploiter d'importantes réserves de gaz et chercher de nouveaux gisements par dynamitage sismique. Mais depuis 2021, deux formes de résistance ont fait vaciller Total : les guérillas islamiques au Mozambique et les mobilisations écologistes et sociales déclenchées le long des côtes sud-africaines, tant du côté de l'océan Atlantique que de l'océan Indien. Mais il faudra dans les mois et les années à venir, organiser une campagne globale contre le renouveau de l'impérialisme – et du sous-impérialisme – fossile.Total's current operations in Africa follow an old pattern: fossil fuel exploitation and corruption of developing country economies, governments, societies and environments, all backed by French state power. Emmanuel Macron made this abundantly clear in 2021, when he insisted on defending Total's $20 billion gas assets in Mozambique through military intervention, led by Rwandan and South African soldiers. Pretoria's sub-imperialist role explains its desperate support for the new oil tycoons with whom Total has been allied since the mid-2010s to exploit large gas reserves and search for new deposits by seismic blasting. But since 2021, two forms of resistance have shaken Total: Islamic guerrillas in Mozambique and environmental and social mobilizations along the South African coast, both on the Atlantic and Indian Oceans. But in the months and years to come, we must organize a global campaign against the revival of fossil imperialism - and sub-imperialism.
- Anatomie de l'échec de l'État développeur en Afrique du Sud - Nicolas Pons-Vignon p. 78-97 Malgré la prégnance de la référence à l'État développeur dans les politiques économiques sud-africaines, personne ne considère à ce jour sérieusement le pays comme tel. Pire, la corruption qui gangrène les hautes sphères de l'Etat semble au contraire suggérer l'émergence d'un État prédateur. Cet article analyse l'Afrique du Sud post-apartheid au prisme du paradigme de l'État développeur. Les contraintes qui mettent en échec les politiques industrielles sud-africaines sont analysées à partir du cas d'un programme d'acquisition stratégique lié à d'importants investissements en infrastructure. Les impératifs néolibéraux, la restructuration de l'économie et la faible mobilisation gouvernementale en faveur de l'industrialisation obèrent l'émergence d'un État développeur en Afrique du Sud. Il semble, en réalité, qu'il n'y ait eu aucune tentative sérieuse de mettre en œuvre un tel État, et ce en dépit de la rhétorique du gouvernement.Despite the pervasive reference to the developmental state in South Africa's economic policies, no one seriously considers the country as such. Worse, the corruption in the upper levels of the state seems to suggest the emergence of a predatory state. This article analyzes post-apartheid South Africa through the lens of the developmental state paradigm. The constraints that defeat South African industrial policies are analyzed using the case of a strategic procurement program linked to large infrastructure investments. Neoliberal imperatives, economic restructuring, and weak government commitment to industrialization hinder the emergence of a developmental state in South Africa. In fact, there appears to have been no serious attempt to implement such a state, despite government rhetoric.
- Économie du développement : la revanche d'Albert Hirschman - Bruno Tinel p. 98-121 Alors que l'économie politique du développement a été proclamée morte et enterrée il y a trente ans, notamment par Paul Krugman, la parution récente de l'ouvrage de Cramer, Sender et Oqubay montre qu'il n'en est rien. Après avoir retracé les termes du reflux relatif de l'économie politique du développement, initiée par Hirschman, au profit du mainstream porté par le consensus de Washington durant les années 1980, ce texte souligne la richesse, tant en termes de contenu que de méthode, d'une approche qui privilégie le pluralisme méthodologique, l'historicité et une vision systémique des questions de développement. Il analyse de manière critique la façon dont l'État est vu comme l'agent clé de la stratégie de développement, et présente le cadre analytique qui permet à une politique industrielle de prétendre à la transformation structurelle. La question de l'insertion dans la division internationale du travail est au cœur des débats car la voie est étroite entre, d'une part, une adaptation passive en fonction des dotations factorielles et, d'autre part, une volonté de déconnexion qui ne permet pas d'acquérir une véritable autonomie productive.While the political economy of development was proclaimed dead and buried thirty years ago, notably by Paul Krugman, the recent publication of Cramer, Sender and Oqubay's book shows that this is not the case. After tracing the terms of the relative decline of the political economy of development, initiated by Hirschman, in favor of the mainstream carried by the Washington Consensus during the 1980s, this text emphasizes the breadth, in terms of both content and method, of an approach that favors methodological pluralism, historicity, and a systemic vision of development issues. It critically analyzes the way in which the state is seen as the key agent of development strategy, and presents the analytical framework that allows an industrial policy to claim structural transformation. The question of insertion into the international division of labor is at the heart of the debate ; the path is narrow between, on the one hand, a passive adaptation according to factor endowments and, on the other hand, a desire for disconnection that does not allow for true productive autonomy.
- Explorer les contradictions du capitalisme en Afrique - Nicolas Pons-Vignon, Bruno Tinel p. 11-18
En débat
- Capitalisme managérial. Le pourquoi et le comment dans la formation des revenus - Gérard Duménil, Dominique Lévy p. 123-133 Cet article constitue la réponse à une note critique publiée dans le n° 71 d'Actuel Marx, dans laquelle Fabien Foureault discutait les travaux de G. Duménil et D. Lévy concernant l'actuelle transition entre le capitalisme et un nouveau mode de production, le managérialisme. Le premier argument est le fait que les hauts managers sont rétribués par la distribution de stock-options, considérés comme des revenus du capital par Foureault bien que ces options n'aient pas de rapport avec la détention antérieure d'actions par les bénéficiaires. La forme de la rémunération l'emporte sur les pratiques qui la motivent. Foureault utilise, par ailleurs, les calculs réalisés au sein des Distributional National Accounts qui montrent que la part des revenus du capital au sein du revenu total du 1 % supérieur de la hiérarchie des revenus n'a pas décru. Ces nouvelles estimations sont, pour GD et DL, inutilisables hors des finalités comparatives pour lesquelles elles ont été conçues. Enfin, les auteurs considèrent que Foureault se méprend radicalement quant à la nature de leurs interprétations politiques.This article is a response to a critical note published in Actuel Marx n° 71, in which Fabien Foureault discussed the work of G. Duménil and D. Lévy concerning the current transition from capitalism to a new mode of production, managerialism. The first argument is the fact that top managers are remunerated through the distribution of stock options, considered as capital income by Foureault, even though these options have no relation to the previous ownership of shares by the beneficiaries. The form of the remuneration takes precedence over the practices motivating it. Foureault also uses calculations from the Distributional National Accounts that show that the share of capital income in the total income of the top one percent of the income hierarchy has not declined. Duménil and Lévy consider that these new estimates are unusable outside the comparative purposes for which they were designed. Finally, the authors consider that Foureault radically misunderstands the nature of their policy interpretations.
- Capitalisme managérial. Le pourquoi et le comment dans la formation des revenus - Gérard Duménil, Dominique Lévy p. 123-133
Interventions
- Les nouveaux visages de Marx après la Marx-Engels-Gesammtausgabe (MEGA2) - Marcello Musto, Guillaume Fondu p. 135-151 Marcello Musto examine les dernières publications de la Marx-Engels-Gesammtausgabe (MEGA2), tâche de faire un bilan des documents et informations qu'elle fournit, et s'interroge sur la manière dont l'avancée de cette grande entreprise éditoriale modifie notre image de Marx. L'article s'arrête d'abord sur la formation de la conception matérialiste de l'histoire dans les années 1840, puis sur la longue et tortueuse genèse du Capital, sur l'activité politique commune de Marx et Engels au sein de l'AIT, et enfin sur les travaux – importants et originaux, longtemps mal connus, qui occupèrent les deux hommes dans leurs dernières années.Marcello Musto examines the latest publications of the Marx-Engels-Gesammtausgabe (MEGA2), tries to take stock of the documents and information it provides, and asks how the progress of this great editorial enterprise is changing our image of Marx. The article focuses first on the formation of the materialist conception of history in the 1840s, then on the long and tortuous genesis of Capital, on the joint political activity of Marx and Engels within the IWA, and finally on the important and original work, long misunderstood, that occupied both men in their last years.
- Matérialisme et empiriocriticisme et les luttes philosophiques du marxisme russe - André Boetto p. 152-170 Derrière le mythe de Matérialisme et empiriocriticisme tel qu'il a été érigé par Staline se cache en réalité un large débat à la fois épistémologique et politique qui s'étend sur deux générations de militants marxistes. L'objectif de cet article est de restituer le contexte historique de la production du seul ouvrage philosophique publié par Lénine de son vivant, afin de montrer les ressorts qui ont conduit son auteur à le rédiger. Loin d'être une simple dénonciation des déviations par rapport à l'orthodoxie philosophique, le livre s'avère être né de la rencontre entre deux débats parallèles, l'un portant sur la philosophie marxiste et l'autre sur la stratégie politique, dont les trois acteurs principaux se révèlent être Plekhanov, Bogdanov et Lénine.Behind the myth of Materialism and Empiriocriticism as it was erected by Stalin, there is in reality a large epistemological and political debate that went on over two generations of Marxist activists. The objective of this article is to restore the historical context of the production of the only philosophical work published by Lenin during his lifetime, in order to show the motives that led its author to write it. Far from being a mere denunciation of deviations from philosophical orthodoxy, the book turns out to have been born from the meeting of two parallel debates, one on Marxist philosophy and the other on political strategy, whose three main actors were actually Plekhanov, Bogdanov and Lenin.
- Une politisation du droit par contentieux et antagonismes ? Droit des étrangers, droit de la propriété intellectuelle - Sarah Mekdjian p. 171-189 Si les droits et les discours sur les droits participent d'une mystification de l'exploitation, que peut signifier créer des antagonismes depuis le droit et les scènes judiciaires ? A partir de contentieux qui les opposent à plusieurs préfectures, les co-auteurs du Bureau des dépositions, avec le conseil d'avocats, confrontent et associent deux droits, rarement reliés, et qui, pourtant, participent ensemble de processus de frontiérisation : le droit de la propriété intellectuelle et le droit des étrangers. En associant ces droits, comment œuvrer à leur possible politisation ?If rights and discourses on rights contribute to a mystification of exploitation, what can it mean to create antagonisms founded in law and judicial scenes? Based on litigation that opposed them to several prefectures, the co-authors of the Bureau des dépositions, with the advice of lawyers, confront and associate two kinds of law, rarely linked, and which, however, participate together in processes of frontierization: intellectual property law and the foreigners' law. By associating these rights, how can we work towards their possible politicization?
- Les nouveaux visages de Marx après la Marx-Engels-Gesammtausgabe (MEGA2) - Marcello Musto, Guillaume Fondu p. 135-151
Livres
- Livres - p. 191-206