Contenu du sommaire : Brésil : bilan du mandat 2019-2022

Revue Problèmes d'Amérique Latine Mir@bel
Numéro no 119-120, 2022/1-2
Titre du numéro Brésil : bilan du mandat 2019-2022
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial : Problèmes d'Amérique latine se restructure… - Hervé Théry, Daniel Dory p. 5 accès réservé
  • Dossier. Brésil : bilan du mandat 2019-2022

    • Brésil : bilan du mandat présidentiel 2019-2022 - Hervé Théry, Daniel Dory p. 9-11 accès libre
    • Brésil, une économie à la croisée des chemins - Pierre Salama p. 13-32 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Nous analysons le triangle des incompatibilités : forte inégalité des revenus – reprimarisation de l'économie – forte croissance économique. Une tendance à la stagnation économique, le maintien de fortes inégalités, de graves dommages environnementaux et avec la reprise inflationniste, une détérioration du niveau de vie et une étrange conséquence de la crise : le retrait d'une partie de la population du marché du travail. Comment se fait-il que cela concerne surtout les catégories les moins aisées, voire pauvres ? L'objet de cet article est d'analyser les mécanismes économiques qui conduisent à ces difficultés.
      We analyze the triangle of incompatibilities: high income inequality – reprimarization of the economy – high economic growth. A trend towards economic stagnation, continued high inequality, serious environmental damage and with the inflationary recovery, a deterioration of the standard of living and a strange consequence of the crisis: the withdrawal of a part of the population from the labor market. How is it that this concerns above all the least well-off and even poor categories? The purpose of this article is to analyze the economic mechanisms that lead to these difficulties.
    • Les relations internationales du Brésil, de 2019 à 2022 - Paulo Roberto de Almeida p. 33-43 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Deux périodes distincts dans la diplomatie brésilienne, la première sous un ministre antimondialiste, la deuxième, avec un diplomate de carrière. La politique extérieure, quant à elle, a suivi les instincts primaires du président : une soumission canine au président Trump, la méfiance politique de la Chine (tenue encore pour « communiste »), des accrocs avec les européens sur des questions d'environnement et des droits indigènes, des ruptures idéologiques en Amérique du Sud, un négationnisme forcené pendant la pandémie et l'appui objectif à Poutine dans sa guerre d'agression. Le Brésil est devenu totalement isolé diplomatiquement.
      Two very different styles in Brazilian diplomacy, first under a truly anti-globalist minister, followed by a professional diplomat guided by the traditional patterns of the Foreign Service. External policy though was commanded by the primitive instincts of the president: a strict submission to Donald Trump, a mistrust concerning China's “communist” inclinations, conflicts with European partners around environment and Indigenous rights, an ideological divide in South American between Left and Right governments, a strong negationist stance during the Covid pandemics and an objective position favoring Putin's aggression war. In the end, Brazil found itself in a complete diplomatic isolation.
    • Brésil 2018/2022 : Une démocratie précarisée - Jean-Jacques Kourliandsky p. 45-61 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Le 2 et peut-être le 30 octobre 2022, s'il y a un deuxième tour, les Brésiliens vont élire leur chef d'État. La mandature de Jair Bolsonaro, président sortant, de 2019 à 2022, et à nouveau candidat, a été exceptionnellement difficile pour la démocratie. La victoire annoncée du candidat Luis Inácio Lula da Silva, Président du Brésil de 2003 à 2010, en tête des intentions ce vote de janvier à septembre 2022, pourrait-elle ouvrir la voie d'une restauration démocratique ? Ses deux mandatures, ont en effet consolidé l'esprit des lois, la mise en œuvre de tous les aspects prescrits par la Constitution de 1988.Pour autant doit-on, peut-on, en admettant que le candidat Lula soit effectivement élu, considérer que cette victoire permettrait de réparer l'ordre démocratique abimé par le chef d'État sortant ? Ne pourrait-on pas analyser les années Bolsonaro comme celles, moins anormales qu'il y paraît, de la reprise d'un temps long, à peine corrigé par les présidences de Luis Inácio Lula da Silva, temps d'une « vie démocratique » tissée d'épisodes liberticides ?
      The 2nd of October or the 30th, if necessary, Brazilians elect their federal President. Jair Bolsonaro, outgoing president stand as candidate. For four years, between 2019 and 2022, the Brazilian democracy was hard hit by a lot of Bolsonaro's initiatives. All the opinion polls since January 2022 predict Lula, former head of state, as winner. Will this possible victory restore democracy to its former condition? Lula has been a law-abiding President, from 2003 to 2010. But his possible victory no guarantees that democracy will be repaired. The Bolsonaro's years have renewed and rehabilitated the limited democracy used before the military dictatorship time. Before 1964, anniversary of the military coup, in the Empire, in the Old Republic and the Second Republic, the subalterns doesn't have a say in the Parliament and the Government. The democratic order restored or first created in 1985, had, with Lula in 2022, to confront an opponent, Jair Bolsonaro, and an old order in comeback.
    • Bilan de quatre années de présidence Bolsonaro - Nicolas Dolo p. 63-71 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Avant le 1er tour des élections générales et présidentielles au Brésil de 2022, cet article passe en revue le bilan de la présidence de Jair Bolsonaro depuis son élection en octobre 2018. Il liste notamment les succès et limites du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité, un élément majeur de la stabilité du pays, et des politiques de développement des infrastructures, de l'économie, et des mesures socio-éducatives. Il revient également sur les obstacles partisans et institutionnels liés au fédéralisme, tout en resituant ces luttes d'influence dans le cadre des ambitions internationales et du positionnement géopolitique du Brésil
      Before the first round of the general and presidential elections in Brazil in 2022, this article reviews the track records of Jair Bolsonaro's presidency since his election in October 2018. It lists the successes and limits of the government in its fight against criminality, a major component of the country's stability, and its policies for the development of infrastructure, the economy, and socio-educational measures. It also details some of the political and institutional obstacles linked to federalism, while resituating these power struggles within the framework of Brazil's international ambitions and geopolitical positioning.
    • Les politiques agricoles sous Bolsonaro - Éric Sabourin, Carolina Milhorance, Paulo Niederle, Catia Grisa, Sergio Pereira Leite, Sergio Schneider p. 73-91 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      L'article traite des changements dans les politiques agricoles du Brésil sous le gouvernement Jair Bolsonaro. Il mobilise trois catégories d'analyse : le changement politique, le démantèlement et la dérégulation des politiques publiques. Après une introduction posant le problème et le cadre d'analyse, le texte compte trois sections : la première porte sur le démantèlement des politiques spécifiques à l'agriculture familiale et paysanne ; la seconde concerne le soutien aux demandes de l'agrobusiness et la troisième examine quelques-uns des processus en cours pour le monde agricole brésilien à la fin du mandat de Jair Bolsonaro (2019-2022). L'étude montre une forte dégradation alimentaire, sociale, économique et environnementale pour la grande majorité des exploitations familiales et un renforcement des secteurs les plus prédateurs de l'agrobusiness.
      The article discusses changes in Brazilian agricultural policies under the Jair Bolsonaro government. It mobilises three categories of analysis: political change, dismantling and deregulation of public policies. After an introduction setting out the problem and the framework for analysis, the text has three sections. The first deals with the dismantling of policies specific to family and peasant agriculture, the second with support for agribusiness demands, and the third examines some of the processes underway for Brazilian agriculture at the end of Jair Bolsonaro's term (2019-2022). The study shows a strong food, social, economic and environmental degradation for the vast majority of family farms and a strengthening of the most predatory sectors of agribusiness.
    • Entre inégalités et idéologies, le Covid-19 aux temps de Jair Bolsonaro - Pascal Handschumacher, Helen Gurgel, Christovam Barcellos, Eliane Silva, Diego Xavier p. 93-123 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      L'épidémie de Covid-19 qui touche sévèrement le Brésil depuis 2020 s'inscrit dans des dimensions territoriales spécifiques, distinctes de l'emprise spatiale d'indicateurs de santé d'avant la pandémie. À l'échelle des municipios (communes), la distribution croisée d'indicateurs synthétiques de santé et du Covid-19 au regard des hétérogénéités sociales, économiques et politiques montre une géographie originale de la pandémie. L'incidence élevée du Covid dans les municipios favorables au Président Bolsonaro traduit une meilleure adhésion aux messages négationnistes alors qu'un taux de létalité élevé dans des espaces marginalisés illustre des lacunes structurelles.
      The Covid-19 epidemic, which has severely hurt Brazil since the beginning of 2020, shows specific territorial dimensions, different from the spatial distribution of pre-pandemic health indicators. According to social, economic and political heterogeneities at municipios level, the distribution of these health indicators crossed with Covid-19 markers shows an original geography of the pandemic. Higher incidence rates of Covid in municipios favorable to President Boslsonaro reflects a better adherence to denialist messages, while a high lethality rate in marginalized areas illustrates structural deficiencies.
    • O desmonte das ações de prevenção e controle de desmatamento na Amazônia (2019-2021) – Um estudo sobre os municípios prioritários - Paulo Roberto Cunha, André Lima, Clayton Bittencourt Junior, Guilherme Barbosa Checco p. 125-158 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cet article propose de vérifier si le gouvernement fédéral brésilien disposait des instruments de politique publique nécessaires et suffisants pour éviter l'augmentation significative de la déforestation illégale en Amazonie, de plus de 60% sur la période allant d'août 2018 à juillet 2021, sans qu'il ait été nécessaire de modifier réglementation en vigueur. Il analyse à cet effet le Plan d'action pour la prévention et le contrôle de la déforestation en Amazonie légale (PPCDAm) ainsi que les outils normatifs et de gestion prévus dans le décret fédéral n° 6.321/2007, ou encore dans la politique des municipalités prioritaires, et identifie les actions qui n'ont pas été mises en œuvre.
      The present work investigates whether existing Brazil's Federal rules and policy instruments were enough to avoid a recent increase of more than 60% of Amazon rainforest illegal deforestation between August 2018 and July 2001. It analyzes the “PPCDAm – Plano de Ação para a Prevenção e Controle de Desmatamento da Amazônia Legal” (Action Plan for the Prevention and Control of Deforestation of the Amazon Rainforest), focusing on norms and management tools present in Federal Decree n° 6.321/2007, specially on policies tailored for priority municipalities, this analysis identifies which actions lacked implementation and its consequences.
    • Ne pas faire, laisser faire, empêcher de faire : la politique du gouvernement Bolsonaro pour affaiblir les droits fonciers amérindiens - François-Michel Le Tourneau p. 159-187 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Affaiblir les droits fonciers des Amérindiens a représenté une véritable obsession pour le président Bolsonaro et pour son gouvernement. Arqué sur une idéologie réactionnaire, un paternalisme mielleux ou encore en raison d'intérêts matériels bien compris, il a utilisé tous les dispositifs légaux et toutes les astuces administratives dans ce seul but et selon trois stratégies principales. En premier lieu, ne pas faire, c'est-à-dire entraver l'action de l'État pour créer une inertie administrative. En second lieu, laisser faire en fermant les yeux sur les invasions des territoires amérindiens ou en créant les conditions pour qu'elles se produisent. Enfin, empêcher de faire, en essayant d'affaiblir le mouvement amérindien ou en s'attaquant au pouvoir judiciaire afin de dynamiter la protection des territoires amérindiens. Si ces intentions très nettes n'ont pas pu être suivies d'autant d'effet que le locataire du Planalto l'aurait voulu, parce qu'elles s'opposent à la législation en vigueur ou à la Constitution, les conséquences potentielles de cette politique sont massives puisque les territoires amérindiens représentent presque 14% de la superficie du Brésil, principalement (98,2%) localisés en Amazonie. Nous analysons dans cet article ces trois axes de la politique vis-à-vis des territoires amérindiens en tentant de montrer que loin d'être des éléments isolés, tous les actes et faits qui la composent sont le reflet d'une stratégie élaborée.
      Weakening the land rights of Indigenous peoples has been a constant obsession of Jair Bolsonaro and his government. Based on a right-wing ideology, sheer paternalism or moved by simple material interest, the president and his men used all the legal and administrative resources at their disposal to that end, running along three main principles. The first one is to “refuse to do”, dehydrating the action of the specialized federal agency FUNAI or creating administrative inertia. The second one is “leave them do”, assisting passively to invasions of Indigenous territories by external actors or even creating the conditions for them to happen. The last one is “prevent from doing”, by attacking indigenous NGOs and trying to make the judiciary less able to rule in the favor of Indigenous rights. If the government's expectation were largely repelled because they were evidently contradicting the laws or the Constitution, the consequences are nonetheless potentially crucial as Indigenous territories make for almost 14% of Brazil, and as they are mostly (98,2%) located in the Amazon. In this paper, we analyze the three three axis of Bolsonaro's Indigenous policy and show how it shows a great coherence in trying to dismantle Indigenous land rights as much as it could possibly do.
    • Les transports sous Bolsonaro : le néolibéralisme à marche forcée - Matias Chambouleyron p. 189-205 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Cet article décrit les principales réalisations dans le secteur des transports sous le gouvernement Bolsonaro. Si le gouvernement a tenté d'accroître la diversification d'une matrice de transport trop soutenue par la route, comme dans les gouvernements précédents, les instruments choisis sont de coupe néolibérale marquée. La vitesse et l'amplitude des changements impliquent des limites au succès des politiques entreprises et des risques systémiques.
      This article describes the main achievements in the transport sector under the Bolsonaro government. If the government tried to increase the diversification of a transport matrix overly supported on road, as in previous governments, the instruments chosen are of marked neoliberal cut. The speed and amplitude of the changes imply limitations to the success of the policies undertaken and systemic risks.
  • Varia

    • Le pont sur l'Oyapock : entre ouverture et fermeture. Les paradoxes d'un objet socio-technique qui lie et qui délie - Priscilla Thébaux, Christelle Gramaglia, Damien Davy p. 209-224 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      En 1997, les présidents Chirac et Cardoso évoquent pour la première fois, le projet de pont routier sur le fleuve Oyapock pour relier la Guyane Française et l'état brésilien d'Amapá. Les travaux s'achèvent en septembre 2011 mais il faut attendre mars 2017 pour que l'ouvrage soit ouvert à la circulation. Entre temps, les retards du chantier puis l'inauguration plusieurs fois ajournée ont suscité la critique, ce qui a conduit à remettre en cause son utilité. Rappelons que la frontière n'a été stabilisée qu'en 1900, suite à un arbitrage diplomatique suisse. Cette décision a défini les nationalités des populations concernées en fonction de leur localisation de part et d'autre de l'Oyapock, mais les habitants locaux ont continué à naviguer d'une rive à l'autre. Aussi, dans ce « tout petit monde sans frontière » (Grenand, 2012, p.3), quel est le rôle politique du pont dans la redéfinition de la frontière et des souverainetés en jeu ? Cet article s'appuie sur une enquête originale qui combine une analyse de la littérature grise, de la presse et des méthodes ethnographiques. Il s'inspire de la sociologie des sciences et des techniques permettant d'analyser les conditions de succès ou d'échec des innovations, et de la géographie des frontières. Nous insistons sur la double nature du pont de l'Oyapock, un ouvrage qui délie tout autant qu'il relie dépendamment de l'échelle considérée. Pensé comme un trait d'union diplomatique entre deux pays, il tend à séparer plus que de réunir des populations qui entretenaient jusque-là des relations étroites.
      In 1997, French and Brazilien presidents Chirac and Cardoso announced for the first time their plans for a road bridge over the Oyapock River to connect French Guiana and the Brazilian state of Amapá. The work was completed in September 2011, but it was not until March 2017 that the structure was opened to circulation. During conception, delays in construction and then inauguration, which was postponed several times, gave rise to criticism and resulted in its usefulness being questioned. Indeed, it is important to note that the border was only stabilized in 1900, following Swiss diplomatic arbitration. This resulted in people obtaining their nationality according to which side of the Oyapock they inhabitated, but the local inhabitants continued to navigate from one bank to the other. Also, in the «tout petit monde sans frontière» (Grenand, 2012, p.3), the authors question the political role of the bridge in redefining the border and sovereignties at stake. The present article is an original investigation inspired by the sociology of science and technology, combining institutional literature, press articles and ethnographic methodologies, into the conditions necessary for the success or failure of innovations and the geography of borders. Here we insist on the dual role of the Oyapock bridge, which both unifies and divides, depending on the scale considered; proposed as a diplomatic link between two countries, it also separates rather than reunites populations that had previously maintained close relations.
    • Entre Brésil et Guyane Française (XVIIe-XIXe siècle), frontières ou confins ? - Marc Pavé p. 225-241 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La frontière entre les colonies portugaises puis le Brésil et la Guyane française est tardivement fixée, en 1900. Ce relatif retard s'explique d'abord sur le long terme par le fait que les pays concernés maîtrisent peu les territoires environnants constitués par l'intérieur de la Guyane française, et du côté brésilien de l'actuel Amapa et d'une partie du Para. Leur taille nous fait préférer à leur sujet l'expression de « confins » plutôt que de « marges ». La relative éclipse des souverainetés autorise toutes sortes d'activités et de peuplements dont les grandes lignes sont évoquées ici. Le règlement de la question frontalière en 1900 s'inscrit dans le contexte de ruée vers l'or et d'affirmation des nationalismes. Enfin, les espaces concernés restent peut-être jusqu'à nos jours parfois des confins.
      The border between the Portuguese colonies and then Brazil and French Guiana was established late, in 1900. This relative delay is explained first of all in the long term by the fact that the countries concerned have little control over the surrounding territories constituted by the interior of French Guiana, and on the Brazilian side of the present-day Amapa and part of Para. Their size makes us prefer the expression of “confines” rather than “margins”. The relative eclipse of sovereignty allows all kinds of activities and settlements, the main lines of which are mentioned here. The settlement of the frontier question in 1900 was part of the context of the gold rush and the affirmation of nationalism. Finally, the spaces concerned remain perhaps until our days sometimes confines.