Contenu du sommaire : Les vies longues de la maison
Revue | Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie |
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Numéro | no 35, 2023 |
Titre du numéro | Les vies longues de la maison |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Introduction
- La perspective de la souris - Marie Durand p. 10-25
Dossier
- La force du regard qu'a la petite fenêtre. La maison comme entrelacs de corps désirants dans un quartier d'habitat autoconstruit de Rio de Janeiro - Thomas Cortado p. 28-47 Examinant les logiques sous-jacentes à l'emplacement des fenêtres dans un lotissement périphérique de Rio de Janeiro, l'article soutient que l'ethnographie des corps et des intentions qui leur sont prêtées permet de mieux saisir les choix architecturaux des habitants ; réciproquement, l'ethnographie des pratiques architecturales dévoile la place des corps et des regards dans la sociabilité des habitants. L'article montre que l'orientation des fenêtres détermine la capacité de ces derniers à préserver leur « intimité », à garantir leur « liberté » de se comporter chez eux comme ils le désirent. Elle les confronte également à la menace du « mauvais œil », en exposant leur intimité aux regards envieux. L'ethnographie des fenêtres révèle ainsi la présence structurante d'autrui, de son corps et de ses désirs dans l'intimité de chacun ; elle nous invite à penser la personne comme une composition de relations incarnées, fondée sur la capacité des corps et des choses à « s'entre-affecter ».Examining the underlying logic for the position of windows in a peripheral housing project in Rio de Janeiro, this article supports the idea that ethnography of bodies and of the intentions ascribed to them allows to better grasp the architectural choices of inhabitants. And, vice versa, the ethnography of architectural practices reveals the place of body and gaze in the inhabitants' social life. This article shows that the orientation of windows determines the inhabitants' ability to protect their “intimacy” and to guarantee the “freedom” to behave the way they want at home. It also tackles the threat of the “evil eye”, exposing their intimacy to envious eyes. The ethnography of windows thus shows the structuring presence of the other, their body and desires in everyone's intimacy; it encourages to see a person as an arrangement of embodied relations, built on the ability of bodies and things to influence each other.
- Vie et mort des maisons khmu dans le Nord-Laos - Rosalie Stolz p. 48-65 À partir d'une étude de cas dans le Nord-Laos, cet article examine les « longues vies » des maisons en se focalisant sur la question de la temporalité. En prenant comme point de départ les études sur les maisons en Asie du Sud-Est, qui explorent le lien entre la biographie des personnes et leurs maisons, nous insistons sur l'importance de la mobilité pour la compréhension des rythmes et dimensions de l'habitation. Il s'agit par ailleurs d'être plus attentif à manière dont se termine l'histoire d'une maison, beaucoup moins étudiée que la façon dont elle commence. Le cas présenté ici donne à penser à la fois sur l'expérience locale et sur ce que nous-mêmes entendons par les longues vies des maisons.Based on a case from northern Laos, this article inquires about the “long lives” of houses by focussing on their temporality. Drawing inspiration from the literature on houses in Southeast Asia, which studies the interconnection between the biographies of persons and their houses, I give special consideration to the importance of mobility to understand the rhythms and dimensions of dwelling. Moreover, I argue that we need to give more attention to the ending of a house's history for their endings have received far less attention than their beginnings. The case presented here shows, however, that endings are rather productive–from the local perspective as well as for our understanding of the long lives of houses.
- Construire dans un environnement incertain. La qualité politique des matériaux de construction en contexte colonial et postcolonial au Vanuatu - Maëlle Calandra, Marie Durand p. 66-89 Au Vanuatu (Pacifique sud), depuis la fin du XIXe siècle, les habitants construisent des infrastructures associées à leur vie quotidienne : maisons, églises, chemins, etc., avec des matériaux locaux tirés de l'environnement immédiat et/ou importés, tels que ciment, tôle ondulée, etc. Les matériaux employés reflètent à la fois des savoirs associés aux territoires insulaires et aux statuts sociaux. Ils sont aussi liés aux transformations spatiotemporelles engendrées par les situations coloniales et postcoloniales. À travers une analyse de l'utilisation des matériaux dans les pratiques de (re)construction, cet article explore les transformations et les enjeux politiques liés aux bâtiments. Deux cas sont étudiés : le premier est relatif à la construction d'églises en contexte chrétien, ayant bouleversé l'organisation de l'espace ainsi que la compréhension locale des présences spirituelles et des relations à la terre ; le second porte sur les politiques de (re)construction coloniales et postcoloniales intégrant les risques environnementaux (notamment cycloniques), qui produisent de nouveaux déplacements, au propre comme au figuré, dans les liens au territoire.In Vanuatu (South Pacific), since the end of the 19th century, inhabitants have been building infrastructures associated with their daily life (houses, churches, lanes, etc.), using local materials taken from their close environment and/or imported, such as cement, corrugated galvanized iron, etc. The materials used demonstrate expertise on islands as well as social status. They are also linked to spatial and temporal changes created by the colonial and postcolonial contexts. Through the analysis of materials used in (re)construction, this article explores the changes and political stakes linked to buildings. Two cases are explored: the first one pertains to the construction of churches in a Christian context, disrupting the organization of space and of the local understanding of spiritual presence and relationship with the Earth; the second one is about the policies of colonial and postcolonial (re)construction including natural hazards (especially cyclones), which create, both literally and metaphorically, new movements in relation to the land.
- L'hôtel Pasteur à Rennes. Une expérience d'urbanisme transitoire - Céline De Mil, Chloé Le Mouel p. 90-111 La réhabilitation de l'hôtel Pasteur à Rennes est le fruit d'un projet expérimental s'appuyant sur la participation citoyenne. Ce dispositif d'urbanisme transitoire vise à transformer la fonction d'un bâtiment en préfigurant ses usages in situ, reliant ainsi sa vie passée à ses fonctions futures en invitant ses occupants à s'approprier les lieux. Mise en place par Patrick Bouchain et Sophie Ricard, la méthode transitoire à l'hôtel Pasteur repose sur deux outils : d'une part, l'organisation de temps de rencontres via l'Université foraine et, d'autre part, une présence continue et sur le long terme à travers la permanence architecturale. à partir de cette étude de cas, ce texte s'interroge sur la possibilité, par l'intervention des acteurs de la société civile en amont, de créer des lieux différents, représentatifs à la fois des personnes qu'ils accueillent et du territoire qui les entoure.The restoration of Hotel Pasteur in Rennes is the product of an experimental project based on the involvement of citizens. This transitory planning device aims to change the function of a building by heralding its usage in situ, thus linking its past life and its future function by encouraging its inhabitants to claim its space. This transitory method at Hotel Pasteur, set by Patrick Bouchain and Sophie Ricard, is done on two levels: on the one hand, organizing the meeting time through the travelling University, and, on the other hand, maintaining an uninterrupted and long presence through the architectural permanency. Taking this case study as starting point, this text questions the possibility, through the participants' responses in advance, to create different spaces that are representative of both the people they are receiving as well as the territory surrounding them.
- La force du regard qu'a la petite fenêtre. La maison comme entrelacs de corps désirants dans un quartier d'habitat autoconstruit de Rio de Janeiro - Thomas Cortado p. 28-47
Portfolio
- La vie mode d'emploi dans le camp de réfugiés de Zaatari (Jordanie). Analyse sociographique de l'habitat « de fortune » des réfugiés syriens - Kamel Doraï, Pauline Piraud-Fournet p. 112-135
Entretien
- Entretien avec Xavier Génot. Se reconstruire après la catastrophe - Marie Durand, Chloé Le Mouel, Xavier Génot p. 138-151
Traduction
- Diamants et éponge - Albena Yaneva p. 154-162
Note de lecture
- Franz Boas à la lettre. Transcrire les langues, cartographier les mythes - Éléonore Devevey p. 166-172
Varia
- Puissance de l'image ? Un roi en Éthiopie, en Jamaïque et au-delà (1930-2020) - Giulia Bonacci, Estelle Sohier p. 176-195 Lors du couronnement de Hailé Sélassié Ier à Addis-Abeba en novembre 1930, des photographies ont été prises pour transmettre les fondements de l'idéologie royale éthiopienne. Sur la scène médiatique internationale, le souverain incarnait une représentation alternative du pouvoir politique et un symbole d'indépendance dans l'Afrique colonisée. Cet article analyse la vie politique et sociale de ses portraits aux États-Unis et en Jamaïque. Il questionne leur agentivité dans d'autres contextes culturels, en portant une attention particulière à la matérialité des images, aux discours et pratiques qu'elles ont suscités, en particulier lors de la genèse du mouvement rastafari. Nous soutenons que la photographie a permis de créer des repères visuels partagés de part et d'autre de l'Atlantique, en bouleversant le champ connotatif associé au phénotype noir, en appuyant le renversement symbolique des rapports de domination et en nourrissant la création de nouvelles identités collectives.In November 1930, during the coronation of Hailé Sélassié in Addis-Abeba, photographs were taken in order to relay the principles of the royal Ethiopian ideology. For the international media, the sovereign embodied an alternative representation of political authority and a symbol of independence in colonized Africa. This article analyzes the political and social life of his portraits in the United States and Jamaica. It questions their agency in other cultural contexts, and carries particular focus to the material side of images, to the discourse and practices they generated, especially during the beginning of the Rastafari movement. We maintain that photography allowed to create visual landmarks shared on both sides of the Atlantic, disrupting the meanings associated with the black phenotype, supporting the symbolic reversal of power relations and encouraging the establishment of new group identities.
- La statue amazonienne, du Brésil à Paris. Épilogue pour une comédie archéologique - André Delpuech, Stéphen Rostain, Magdalena Ruiz Marmolejo, Cristiana Barreto, Caroline Hamon p. 196-216 Le musée du quai Branly – Jacques Chirac conserve une grande statue de pierre rapportée d'Amazonie par le comte de Castelnau en 1847. À peine débarque-t-elle en France qu'elle fait l'objet d'un scandale au Brésil. Certains dénoncent les inexactitudes du récit de l'explorateur, d'autres vont jusqu'à publier une pièce de théâtre comique suggérant que l'objet ne serait pas un artefact archéologique amérindien mais un faux sculpté par un maçon brésilien. Malgré son succès en France, l'authenticité de la statue a été jusqu'à récemment mise en doute. Cet article cherche à dissiper cette incertitude. L'histoire de la sculpture et des écrits la concernant est ici décryptée et l'analyse des stigmates permet de retracer son existence mouvementée. Cette recherche autorise à avancer que l'objet est bien d'origine amérindienne, vraisemblablement du Nord-Ouest amazonien. Une attribution culturelle et chronologique plus précise reste en l'état impossible.The Quai Branly – Jacques Chirac Museum holds a large stone statue brought back from Amazonia by the Count of Castelnau in 1847. After its arrival in France, it was the subject of a scandal in Brazil. Some criticized the inaccuracies of the explorer's account, while others go so far as to publish a play suggesting that the object was in fact a fake carved by a Brazilian mason, and not an Amerindian archaeological artifact. Despite its success in France, the authenticity of the statue was until recently questioned. This papers tries to resolve this uncertainty. The history of the sculpture and the writings concerning it has been deciphered. The analysis of the traces allows a reconstruction of the eventful. Their work permits them to advance that the object is indeed of Amerindian origin, probably from the Amazonian Northwest. More precise cultural and chronological attribution remains impossible.
- Puissance de l'image ? Un roi en Éthiopie, en Jamaïque et au-delà (1930-2020) - Giulia Bonacci, Estelle Sohier p. 176-195