Contenu du sommaire : Violences académiques ordinaires

Les violences académiques ordinaires peuvent emprunter plusieurs formes, dont les dynamiques, y compris les plus intrasubjectives comme le suicide, ne peuvent faire l'économie d'une remise en perspective organisationnelle. À défaut, le risque est de redoubler les tendances à la psychologisation qui affectent depuis plusieurs décennies les analyses des rapports sociaux au travail.

L'article relate une intervention en psychodynamique du travail dans une animalerie, qui a fait suite au repérage par la médecine du travail de situations de souffrance. Des agents dénonçaient une violence managériale à leur encontre qui, au fond, en masquait une autre, à laquelle tous participaient indirectement et silencieusement : celle exercée contre les animaux. Le travail mené a contribué à l'émergence de nouvelles formes de coopération.

Les différentes formes de violence éprouvées au sein des universités peuvent aussi s'exercer sur des groupes situés en marge des institutions et de leurs missions officielles. En dépit du caractère essentiel de leur activité, les agents de nettoyage externalisé·es sont invisibilisé·es des études sur les conditions de travail dans l'Enseignement supérieur et la recherche ainsi que sur leur lieu de travail. Elles et ils sont pourtant susceptibles d'être confronté·es à une dégradation de leurs conditions de travail qui résulte des logiques inhérentes au système de la sous-traitance. Le récit d'une mobilisation d'agents de nettoyage externalisé·es dans une université permet ainsi de rappeler les principales formes de violence subies qui en sont le moteur, et de préciser le rôle parfois déterminant des différents membres de l'université (syndicats, direction, personnel administratif et enseignant, étudiant·es) dans la genèse et l'issue du mouvement.

L'édition scientifique publique en contexte de science ouverte est traversée par de nombreux enjeux socioéconomiques et politiques, souvent à rebours d'une pratique qualitative du métier et d'une prise en compte des conditions propres à son exercice et de ses professionnel·les. Cet article relatant notre expérience d'éditrices s'inscrit dans ce contexte, qui génère nombre de maux. À partir des résultats d'une enquête en psychodynamique du travail que nous avons nourrie et qui fait émerger les risques de désubjectivation auxquels les professionnel·les de l'édition scientifique publique sont exposé·es, nous appelons à la vigilance de notre communauté, tant scientifique que technicienne, pour une attention renouvelée aux personnels qui éditent la science.

À partir d'une observation participante à un dispositif d'intégration d'enseignant·es-chercheur·euses en période de stagiairisation et constitué de jeux d'improvisation théâtrale demandant aux participant·es de « vendre n'importe quoi à n'importe qui », cet article examine comment l'œuvre commune de l'enseignement supérieur et de la recherche subit des torsions visant à la rendre plus proche du « marché ». S'appuyant sur d'autres dispositifs « ludiques » progressant dans l'Enseignement Supérieur et Recherche (ESR), l'auteure propose des axes d'analyse de ce dispositif et des rapports qu'il entretient avec des mutations organisationnelles et structurelles du champ académique. Il s'agit alors de montrer que les torsions éthiques en question participent à la banalisation de la violence dans l'ESR.

Avec l'augmentation des tâches pédagogiques et administratives à l'université, les enseignant·es-chercheur·euses subissent une pression temporelle dans la réalisation de leurs activités. Cet article s'intéresse à l'expérience de la gestion du temps par les enseignantes-chercheuses qui endossent la responsabilité de l'accompagnement personnalisé des étudiant·es. Il montre que l'exigence de synchronicité entre des temporalités contradictoires génère chez elles un sentiment d'impuissance, de culpabilité, et de tiraillement.

La présente contribution est un témoignage anonyme qui examine un parcours de dix ans de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans des grandes écoles. Il explore le cheminement personnel d'une étudiante, de la conscientisation des violences à la mobilisation collective contre elles. Il insiste sur l'insuffisance des moyens de lutte mis en place et sur les défaillances observées en matière de sanctions. Il conclut à la difficulté pour les victimes et ceux/celles qui les accompagnent, dans l'après #Metoo, de croire au discours affiché par les grandes écoles en matière de lutte contre les VSS.

Les avancées féministes ont reconfiguré la relation entre le militantisme féministe et l'institution universitaire, en particulier dans les espaces les plus étroitement liés aux études de genre. Cet article réfléchit à certaines des difficultés, des contradictions et des barrières nées de cette nouvelle interaction, dans le but de maintenir et d'améliorer une relation autonome, symbiotique et de renforcement mutuel entre l'institution et le mouvement.

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur et la recherche en France a connu un indéniable coup d'accélérateur à la suite du mouvement #MeToo. Cela faisait alors plus d'une quinzaine d'années qu'au sein du monde académique des voix s'élevaient pour dénoncer cette réalité. Si les dispositifs de prévention et de prise en charge existent depuis lors, les freins et les difficultés à leur réelle mise en œuvre restent nombreux.

Cet article interroge les corrélations entre l'organisation hiérarchique du système académique, ses répercussions sur les apprenti.es chercheur·euses, l'effacement de l'expérience humaine pourtant inhérente à la production des savoirs, et la violence épistémique. Il interroge également de manière critique les possibles modes de transformation de nos pratiques en confrontant l'expérience ethnographique aux perspectives de la recherche-création.

Peu documentés dans notre secteur d'activités, les effets des logiques gestionnaires et managériales sur la réalité vécue au travail par les agent·es se font néanmoins sentir depuis de nombreuses années à l'université. Syndiqué·es ou impliqué·es dans ces mutations institutionnelles, nous avons créé l'Observatoire des Conditions de Travail dans notre établissement afin d'objectiver par la recherche scientifique ce que nous percevions syndicalement comme une dégradation des conditions de travail de l'ensemble du personnel.

Alors que se diffuse massivement ce qu'on appelle la « nouvelle gestion publique » dans tous les services publics, dont celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, les situations dites de « souffrances au travail » se multiplient, donnant lieu à des dispositifs institutionnels, qui diffèrent selon les universités autonomes, de gestion des risques dits « psychosociaux ». Nous montrons dans cet article que les dispositifs RPS tels qu'ils existent dans certaines universités sont un outil managérial, une manière d'individualiser le diagnostic et l'accompagnement des personnels en souffrance, en contournant et détournant les instances et les acteurs (notamment syndicaux) qui seraient en mesure de proposer un diagnostic collectif et socio-organisationnel des facteurs de souffrance.

Cet article, destiné à un lectorat militant, propose une courte synthèse des travaux sur le « burn-out militant », que nous pouvons traduire par « épuisement militant ». Il cherche à répondre à deux questions principales. Qu'est-ce que le burn-out militant ? Comment faire en sorte que les individus qui s'engagent ne soient pas consumés par leur engagement et puissent continuer à (tenter de) changer le monde sans s'esquinter la santé ? Après un travail de définition, soulignant les spécificités du travail militant, cette contribution esquisse quelques propositions pour tenter d'éviter ce phénomène dont les causes sont en grande partie organisationnelles.