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Revue | Revue trimestrielle des droits de l'homme |
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Numéro | no 134, 2023/2 |
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Doctrine
- La liberté d'expression du juge : règle ou exception ? - Dean Spielmann p. 307-341 L'étendue de la liberté d'expression des magistrats constitue une question importante qui provoque des débats passionnants tant dans la doctrine que dans la jurisprudence. Elle implique en effet une mise en balance subtile entre le droit à la liberté d'expression, dont le juge bénéficie en principe, et ses devoirs et responsabilités, incarnés surtout par le devoir de réserve auquel chaque juge est astreint. Afin de répondre à la question de savoir si la liberté d'expression du juge constitue la règle ou l'exception, la présente étude procède, dans un premier temps, à un survol sommaire des différents régimes encadrant la liberté d'expression des juges nationaux en Europe, des membres de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que des juges de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans un second temps sera abordée la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le sujet des limites à la liberté d'expression du juge national.The extent of the freedom of expression of judges is an important issue which has given rise to exciting debates both in legal literature and in case law. It involves a subtle balancing act between the right to freedom of expression, which judges enjoy in principle, and their duties and responsibilities, embodied above all by the duty of discretion to which every judge is bound. In order to answer the question of whether the freedom of expression of a judge is the rule or the exception, this study first provides a brief overview of the various regimes governing the freedom of expression of national judges in Europe, members of the Court of Justice of the European Union and judges of the European Court of Human Rights. Secondly, the case law of the European Court of Human Rights on the subject of the limits on the freedom of expression of the national court will be addressed.
- Plaidoyer pour la motivation des mesures provisoires adoptées par la Cour européenne des droits de l'homme - Thibaut Larrouturou p. 343-364 Malgré l'importance de plus en plus marquée que revêtent les mesures provisoires adoptées par la Cour européenne des droits de l'homme, celles-ci ne sont par principe pas motivées. Le présent article milite pour un changement de pratique de la Cour en la matière, en soulignant tout à la fois le besoin d'une réforme et sa faisabilité.Despite the increasing importance of interim measures adopted by the European Court of Human Rights, they do not, as a rule, provide reasons. This piece argues for a change in the Court's practice in this area, highlighting that a reform is both needed and possible.
- La liberté d'expression du juge : règle ou exception ? - Dean Spielmann p. 307-341
Chronique
- Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (2022) - David Szymczak p. 365-419 Cette chronique annuelle vise à présenter un aperçu à la fois panoramique et critique de la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l'homme sur l'année écoulée (2022). Elle ne privilégie pas une analyse détaillée des arrêts et décisions de la Cour mais s'efforce plutôt d'en identifier les grandes tendances, les principales orientations.This periodical review aims to present a panoramic and critical overview of the case law rendered by the European Court of Human Rights over the past year (2022). It does not focus on a detailed analysis of the judgments and decisions of the Court but rather tries to identify the main trends and orientations.
- Chronique des arrêts de la Cour suprême des États-Unis en matière de droits fondamentaux : (octobre 2020 – juillet 2022) - Thomas Hochmann p. 421-452 Cette septième chronique recense les arrêts les plus marquants rendus par la Cour suprême des États-Unis lors des deux derniers exercices. Les trois nominations opérées par le président Trump ont transformé la Cour. Les effets sont particulièrement visibles à l'égard de la religion, de la peine de mort, du droit de porter une arme, de l'avortement et du droit électoral.This periodical review of the decisions of the United States Supreme Court focuses on the most important decisions of the last two terms. The three appointments made by President Trump have transformed the Court. The effects are particularly visible with regard to religion, the death penalty, the right to bear arms, abortion and electoral law.
- Chronique sur la justice climatique en Europe (2015-2022) - Delphine Misonne, Marta Torre-Schaub, Amélie Adam p. 453-480 L'Europe connaît depuis l'année 2015 l'essor d'une jurisprudence dite « climatique », issue de l'activité judiciaire sans précédent d'associations, individus et collectivités territoriales. Alors même que les juges nationaux y répondent de manière inégale, l'on observe l'émergence d'éléments communs aux différents recours déposés, ainsi qu'aux différentes décisions rendues. L'objet de cette chronique, la première d'une série annuelle, est de mettre en avant ces éléments communs autour de trois axes faisant le point sur (I) les acteurs (juridictions saisies, profil des requérants et des défendeurs), (II) les interrogations fondamentales qui animent les recours, et (III) les sources du droit mobilisées, en ce compris l'invocation des droits humains.Since 2015, Europe has been experiencing a rise in “climate” jurisprudence resulting from the unprecedented judicial activity of associations, individuals and local authorities. Even though national judges respond in an unequal manner, we observe the emergence of common elements in the way lawsuits are constructed and in the content of judicial decisions. The purpose of this column, the first in an annual series, is to highlight these common elements around three axes: (I) actors (the courts, the profile of the applicants and defendants), (II) fundamental questions being raised through such lawsuits, and (III) the main sources of law being mobilized, including the invocation of human rights.
- Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (2022) - David Szymczak p. 365-419
Jurisprudence
- Une condamnation pour injure raciale ne viole pas la liberté d'expression : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision Bonnet (Soral) c. France, 25 janvier 2022) - Christian Charrière-Bournazel p. 481-486 La Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 25 janvier 2022, déclare irrecevable la requête de Monsieur Alain Soral condamné pour injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à la religion juive. La Cour rappelle que l'Holocauste fait partie des « faits historiques clairement établis » de sorte que les autorités françaises ont été légitimes à réprimer le négationnisme, et la condamnation du requérant ne constitue donc pas une violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant la liberté d'expression.The European Court of Human Rights, in its decision of 25 January 2022, declared inadmissible the application of Mr. Alain Soral who was convicted of public insults against a group of people because of their Jewish affiliation. The Court reiterated that the Holocaust is one of the “clearly established historical events” so that the French authorities were legitimate in repressing Holocaust denial, and the conviction of the applicant therefore did not constitute a violation of Article 10 of the European Convention on Human Rights guaranteeing freedom of expression.
- L'information du justiciable quant aux voies de recours, composante essentielle du droit d'accès au juge : (obs. sous Cour const. (b.), arrêt no 23/2022, 10 février 2022) - Antoine Gillet p. 487-507 Le devoir d'information quant aux voies de recours ouvertes à un justiciable contre une décision qui le concerne, soutien nécessaire de son droit d'accès au juge, paraît aujourd'hui largement consacré par la Cour constitutionnelle belge. Les lignes qui suivent ont vocation à retracer l'évolution, impulsée par la Cour européenne des droits de l'homme, qui a mené à cette consécration.The duty to provide information on the remedies available to a person against a decision that concerns them, which is a necessary support for their right of access to the courts, now seems to have been widely accepted by the Belgian Constitutional Court. In this paper, we analyze the evolution initiated by the European Court of Human Rights which led to this consecration.
- Déchéance de nationalité et expulsion subséquente pour actes de terrorisme : la Cour européenne des droits de l'homme confirme la grande marge d'appréciation des États : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision Johansen c. Danemark, 3 mars 2022) - Matthieu Lys p. 509-533 La Cour européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable la requête d'un homme déchu de la nationalité danoise à la suite de sa condamnation pour des infractions de terrorisme et faisant l'objet d'une mesure d'expulsion. Déclarant la requête « manifestement non fondée » au stade de la recevabilité, la Cour confirme sa jurisprudence antérieure, laissant une très grande marge d'appréciation aux États pour décider de déchoir un de leurs ressortissants de sa nationalité pour des raisons d'ordre public, en particulier lorsque ces raisons sont liées à la lutte contre le terrorisme, ainsi que le peu de poids accordé aux droits individuels face à cet objectif défini de manière très large.The European Court of Human Rights has declared inadmissible the application of a man who was stripped of his Danish nationality following his conviction for terrorism offenses and subject to a deportation order. Declaring the application “manifestly unfounded” at the admissibility stage, the Court confirmed its earlier case law, leaving a very wide margin of appreciation to States in deciding to deprive a citizen of his nationality for reasons of public order, in particular when these reasons are linked to the fight against terrorism, and also confirms that individual rights have little weight in the face of this very broadly defined objective.
- La protection de la réputation d'une autorité publique : un objectif (parfois) illégitime : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt OOO Memo c. Russie, 15 mars 2022) - Sophie Dumont, Ahmed Tiouririne p. 535-553 L'arrêt OOO Memo c. Russie est le premier arrêt dans lequel la Cour européenne des droits de l'homme juge explicitement que la protection de la réputation d'un organisme public ne constitue pas un objectif légitime permettant de justifier une restriction à la liberté d'expression. L'inquiétude croissante quant au danger que représentent les Strategic Litigations against Public Participation (SLAPPs) pour la démocratie a sans doute conduit la Cour à opérer ce qui s'apparente à un revirement de sa jurisprudence. La Cour ne renvoie dès lors plus le traitement de l'admissibilité d'une telle restriction au stade de la proportionnalité qui permettait pourtant un contrôle plus adapté à la diversité des situations factuelles.OOO Memo v. Russia is the first case in which the European Court of Human Rights explicitly held that the protection of the reputation of public authorities does not constitute a legitimate aim to justify a restriction on the freedom of expression. The growing concern about the danger caused to democracy by Strategic Litigations against Public Participation (SLAPPs) may have led the Court to overrule its case law on the matter. Indeed, the Court did not address the examination of the restriction at the proportionality stage, even though it allowed for a more appropriate review given the diversity of factual situations.
- L'inscription du droit des personnes handicapées dans le champ de protection du droit au respect de la vie privée : (obs. sous Cour eur. dr. h., arrêt Arnar Hegi Lárusson c. Islande, 31 mai 2022) - Frédéric Sudre p. 555-567 Revenant sur la jurisprudence antérieure, l'arrêt Lárusson, se fondant principalement sur le droit au développement personnel, reconnaît aux personnes handicapées le bénéfice du droit au respect de la vie privée dans le contexte de l'accessibilité des bâtiments publics ou des bâtiments ouverts au public et fait obligation à l'État partie de procéder à des « aménagements raisonnables », au sens de la Convention des Nations Unies relative aux personnes handicapées, afin d'assurer la participation des personnes handicapées à la vie sociale et culturelle sur la base de l'égalité avec les autres. La voie semble ouverte à une reconnaissance plus large du droit des personnes handicapées à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté.Returning to previous case law, the Lárusson decision, based primarily on the right to personal development, recognizes the right of persons with disabilities to privacy in the context of accessibility of public buildings or buildings open to the public and requires the State party to make “reasonable accommodations”, within the meaning of the United Nations Convention on Persons with Disabilities, to ensure the participation of persons with disabilities in social and cultural life on an equal basis with others. This seems to pave the way for a broader recognition of the right of persons with disabilities to independence, social integration and participation in the life of the community.
- Les leçons de la Cour suprême des États-Unis sur la fragilité des droits : (obs. sous Cour suprême U.S., Dobbs v. Jackson Women's Health Organization, 24 juin 2022) - Mariana Almeida Kato p. 569-585 Le 24 juin 2022, par une décision historique, la Cour suprême des États-Unis a renversé l'arrêt Roe v. Wade, 410 U.S. 113, 153 (1973) qui reconnaissait le fondement constitutionnel du droit à l'avortement. Cette décision marque une nouvelle étape de la vie de la Cour, désormais extrêmement politisée et conservatrice. Elle laisse présager, en outre, un avenir dangereux pour plusieurs autres droits aujourd'hui reconnus par la Cour sur le fondement du 14e Amendement de la Constitution nord-américaine.On 24 June 2022, in a landmark decision, the US Supreme Court overturned Roe v. Wade, 410 U.
S. 113, 153 (1973), which recognized the right to abortion as a constitutional right. This decision marks a new era in the Court, one that is extremely political and conservative. It also portends a dangerous future for several other rights recognized by the Court based on the 14th Amendment of the US Constitution.
- Une condamnation pour injure raciale ne viole pas la liberté d'expression : (obs. sous Cour eur. dr. h., décision Bonnet (Soral) c. France, 25 janvier 2022) - Christian Charrière-Bournazel p. 481-486
- Bibliographie - p. 587-594