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Revue | Hérodote |
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Numéro | no 190-191, 3ème-4ème trimestre 2023 |
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- Éditorial. Russie-Ukraine : nouvelle géopolitique du monde - Béatrice Giblin p. 3-23 Après 18 mois de guerre le front du conflit russo-ukrainien semble stabilisé, la contre-offensive ukrainienne peine à percer les lignes de défense russes. Cette guerre déclenchée par la Russie a déjà des conséquences sur les rapports de forces géopolitiques mondiaux. Cet éditorial revient sur l'importance des représentations géopolitiques russes sur l'Ukraine dans le déclenchement de la guerre. Il analyse le comportement inattendu des deux armées belligérantes et les conséquences géopolitiques majeures de l'invasion russe de l'Ukraine pour l'Union européenne, l'OTAN, l'Afrique. Les pays démocratiques réalisent qu'ils sont les seuls à apporter un soutien militaire et financier à l'Ukraine, les autres pays voient dans cette guerre l'opportunité de mettre fin à l'hégémonie occidentale, en particulier celle des États-Unis.After 18 months of war the front of the Russian-Ukrainian conflict seems stabilized, the Ukrainian counter-offensive struggles to break through the Russian defensive lines. This war unleashed by Russia already has consequences on the global geopolitical balance of power. This editorial reviews the importance of Russian geopolitical representations of Ukraine in the outbreak of war. It analyses the unexpected behavior of the two belligerent armies and the major geopolitical consequences of the Russian invasion of Ukraine for the European Union, NATO, Africa. The democratic countries realize that they are the only ones to provide military and financial support to Ukraine, the other countries see in this war the opportunity to end the Western hegemony, in particular that of the United States.
- Les États-Unis et l'OTAN face à la guerre en Ukraine - Camille Grand p. 25-40 L'attaque russe contre l'Ukraine a bouleversé le paysage stratégique européen. L'OTAN est revenue vers ses missions fondamentales de défense collective et a entamé une transformation sans précédent depuis la fin de la Guerre froide. Alors que l'Alliance est restée gardée dans sa gestion de la guerre en Ukraine en veillant à ne pas s'engager dans le conflit, elle doit désormais penser sa relation future avec Kyiv. Dans cette crise les États-Unis sont apparus à la fois comme indispensables et prudents. Ils ont privilégié l'unité de l'Alliance, le refus de l'escalade avec Moscou tout en étant les premiers fournisseurs d'assistance militaire à l'Ukraine et en demeurant, pour de nombreux alliés, la garantie ultime de la sécurité de l'Europe. Confrontés à un débat intérieur vif et des priorités en compétition, leur rôle futur dans l'architecture de sécurité européenne reste à redéfinir alors que la guerre en Ukraine est venue percuter leur basculement stratégique vers l'Indopacifique.The Russian attack on Ukraine has shaken up the European strategic landscape. NATO has returned to its core collective defence role and has begun a transformation not seen since the end of the Cold War. While the Alliance has remained guarded in its management of the war in Ukraine by sparing no effort to avoid being dragged into in the conflict, it must now think about its future relationship with Kyiv. In this crisis, the United States has appeared both indispensable and prudent. They have focused on preserving the unity of the Alliance, avoiding escalation with Moscow while being the main providers of military assistance to Ukraine and remaining, for many allies, the ultimate guarantee of Europe's security. Faced with a lively domestic debate and competing priorities, their future role in the European security architecture remains to be redefined as the war in Ukraine has collided with their strategic shift towards the Indo-Pacific.
- La guerre d'Ukraine, l'OTAN et l'Europe de la défense. Organisation et reconfiguration de l'espace euro-atlantique - Jean-Sylvestre Mongrenier p. 41-56 La guerre d'Ukraine n'a pas commencé avec l'« opération spéciale » russe du 24 février 2022. C'est huit ans plus tôt, en mars 2014, qu'une guerre dite « hybride » commença. Désormais, c'est d'une « guerre de haute intensité » dont il s'agit. D'aucuns parlent de résurrection de l'OTAN et de transmutation de l'Union européenne, convertie aux lois de la puissance. Analysée sous ce rapport, la situation géopolitique confirme le partage historique des tâches entre les instances euro-atlantiques : la défense collective est toujours l'apanage de l'OTAN et le rôle de l'Union européenne demeure subsidiaire, ce qui n'exclut pas quelques avancées. En revanche, la guerre en cours induit une reconfiguration des équilibres de puissance en Europe et pose des questions géopolitiques essentielles, qu'il s'agisse de la candidature de l'Ukraine à l'OTAN, des incertitudes de la Turquie ou encore de la nécessité de se déterminer sur le rapport à la Chine populaire.The Ukraine's war did not start with Russia's “special operation”, on February the 24th, 2022. A so-called hybrid war started height years earlier, in March 2014. Henceforth, this is a “war of high intensity”. Some speak of Nato's rebirth and the European Union's mutation which would be converted to the rule of power. Nothing sure. The geopolitical situation validates the historical burden sharing within the Euro-Atlantic bodies: Nato is the natural framework of mutual defense and the European Union plays a subsidiary role what does not exclude any progress. However, the current war determines the reconfiguration of Europe's balance of power and raises geopolitical main issues as Ukraine's candidacy to Nato, uncertainty regarding to Turkey or still the need to focus on determination about the relationship to the People's Republic of China.
- Les États-Unis au secours de l'Ukraine et de l'Europe - Justin Vaïsse p. 57-62 Dans quelle mesure les États-Unis restent les gendarmes du monde, et dans quelle mesure ils abandonnent ce rôle ? Au déclenchement de la guerre en Ukraine l'Amérique se doit de réagir et de contrecarrer les plans de Poutine, car les fondements institutionnels et géopolitiques de l'ordre mondial sont remis en cause (une puissance du P5 viole la Charte de l'ONU et la Russie menace de devenir dominante en Eurasie). L'OTAN et la garantie américaine ont abouti à une incapacité européenne à faire face à ce défi sans l'aide de Washington. De fait, c'est bien le soutien américain qui a fait la différence sur le champ de bataille et qui a donc infléchi le cours de l'histoire européenne (entraînement des forces ukrainiennes depuis plusieurs années et fourniture rapide et massive de matériel militaire et de renseignement dès le début de la guerre). L'avance militaire américaine reste évidente mais la multipolarité complique les choses pour l'Amérique.To what extent the United States remains the gendarmes of the world and to what extent they abandon this role. But at the outbreak of the war in Ukraine, America must react and thwart Putin's plans, because the institutional and geopolitical foundations of the world order are questioned (a P5 power violates the UN Charter and Russia threatens to become dominant in Eurasia). NATO and the US guarantee have resulted in a European inability to face this challenge without Washington's help. In fact, it was the American support that made the difference on the battlefield and therefore changed the course of European history (training of Ukrainian forces for several years and rapid and massive supply of military equipment and intelligence from the beginning of the war). The US military advance remains obvious but multipolarity complicates things for America.
- L'Ukraine, un allié essentiel à la protection du territoire numérique américain - Jonathan Guiffard p. 63-77 Le conflit russo-ukrainien, qui a démarré en février 2014 et qui s'est accéléré en février 2022, a conduit le gouvernement américain à s'engager auprès de l'Ukraine, notamment via un soutien fort dans les domaines cyber et renseignement. L'assistance apportée aux autorités et forces armées ukrainiennes a permis aux institutions américaines de renforcer leur connaissance de la menace stratégique russe dans l'espace numérique. Cet article permet d'entrevoir le rôle central que joue l'écosystème cyber-industriel américain dans ce processus et la manière dont il s'inscrit dans une stratégie globale de surveillance et de protection du territoire américain à l'étranger. Cette coopération étroite est un facteur d'autonomisation du gouvernement ukrainien qui laisse toutefois apparaître des dépendances stratégiques nouvelles, en renforçant à la fois la domination américaine de l'espace numérique et une codépendance de fait des deux partenaires.The Russian-Ukrainian conflict, which started in February 2014 and accelerated in February 2022, has led the US government to engage with Ukraine, including through strong cyber and intelligence support. The assistance granted to the Ukrainian authorities and armed forces has enabled American institutions to strengthen their knowledge of the Russian strategic threat in the digital space. This article provides a glimpse of the central role played by the American cyber-industrial ecosystem in this process and the way in which it fits into a global strategy for the surveillance and protection of American territory abroad. This close cooperation is a factor of empowerment of the Ukrainian government which reveals new strategic dependencies, by reinforcing both American domination of the digital space and a de facto co-dependence of the two partners.
- Du fiasco initial à l'enlisement de l'armée russe en Ukraine - Céline Marangé p. 79-97 La guerre en Ukraine est un conflit de haute intensité sur une ligne de front qui s'étire aujourd'hui sur près de 1 400 km. Elle a révélé plusieurs faiblesses que les engagements précédents, beaucoup plus modestes par leur ampleur et par leur intensité, ne pouvaient pas faire apparaître. Pour comprendre les contre-performances russes en Ukraine, il est essentiel de tenir compte des biais du plan opérationnel initial, des conditions d'engagement en amont et au début de l'invasion et de la prévalence du mensonge, à la fois au sein de l'armée russe et dans les services de renseignement ; il faut aussi prendre en considération les forces morales et l'habileté tactique de la partie ukrainienne, ainsi que l'aide militaire massive que les États-Unis et d'autres pays occidentaux lui ont apportée. Cependant, malgré les déconvenues militaires et les difficultés opérationnelles observées en Ukraine, l'armée russe, si rustiques soient ses moyens, reste une armée redoutable.The war in Ukraine is a high intensity conflict on a front line that now stretches nearly 1,400 kilometers. It revealed several weaknesses that previous commitments, which were much smaller in scope and intensity, could not reveal. In order to understand the Russian counter-performances in Ukraine, it is essential to take into account the biases of the initial operational plan, the conditions of engagement before and at the beginning of the invasion and the prevalence of the lie, both in the Russian army and in the intelligence services; the moral forces and the tactical ability of the Ukrainian side must also be taken into account, as well as the massive military assistance that the United States and other western countries have given it.However, despite the military setbacks and operational difficulties observed in Ukraine, the Russian army, however rustic its means, remains a formidable army.
- Le conflit en Ukraine : laboratoire d'innovations juridiques - Jean-Louis Iten p. 99-118 L'agression de l'Ukraine par la Russie constitue une crise majeure à l'échelle mondiale. Or, bloquée par le veto russe, l'Organisation des Nations unies s'est retrouvée dans l'impossibilité d'agir. Avec des mécanismes traditionnels de sécurité internationale à l'arrêt, la communauté internationale, mais principalement les États occidentaux ont dû trouver de nouveaux moyens d'intervenir. Pour cela, ils ont eu recours à de nouveaux mécanismes juridiques ou ont détourné d'autres de ce pour quoi ils étaient prévus initialement.The aggression of Ukraine by Russia is the worst global crisis until a long time. However, blocked by the Russian veto, the United Nations is unable to restore peace. With the dysfunction of the traditional international security mechanism, the international community and mainly the West, has to find new legal ways to intervene. For this purpose, they initiated new legal mechanisms or recycled others.
- Les ressources naturelles russes à l'heure de la guerre en Ukraine : un atout empoisonné ? - Jean Radvanyi p. 119-136 Avec son cortège de destructions, de sanctions et de boycotts, la guerre russe en Ukraine bouleverse les flux mondiaux de matières premières. En lançant en 2022 une guerre totale contre son voisin, V. Poutine comptait sur la dépendance énergétique européenne pour limiter le soutien occidental envers Kiev. La guerre se prolongeant, c'est l'économie russe, très dépendante de ses exportations vers l'UE qui se trouve affaiblie. Des auteurs occidentaux prévoient déjà l'effondrement d'une économie, incapable de remplacer les ventes de gaz transitant par un réseau de gazoducs désormais fermés, voire détruits. Pourtant, plusieurs signes font douter d'un scénario aussi pessimiste. Si le volume d'exportation et donc le budget russe est réduit, Moscou développe depuis des années une stratégie de substitution, tant sur le plan technique (essor du LNG) que par une diversification de ses clients. Sur ce plan, le Kremlin compte sur ses nombreux alliés et clients du « Sud global ».With its procession of destruction, sanctions and boycotts, the Russian war in Ukraine is disrupting the global flow of raw materials. By launching an all-out war against its neighbor in 2022, V. Putin was counting on European energy dependence to limit Western support for Kyiv. As the war dragged on, the Russian economy, very dependent on its exports to the EU, is weakened. Western authors are already predicting the collapse of an economy, unable to replace gas sales transiting through a network of gas pipelines that are now closed or even destroyed. However, several signs cast doubt on such a pessimistic scenario. If the export volume and therefore the Russian budget is reduced, Moscow has been developing a substitution strategy for years, both technically (growth of LNG) and by diversifying its customers. In this regard, the Kremlin relies on its many allies and clients from the “global south”.
- Dynamiques géopolitiques dans l'espace postsoviétique à la lumière de la guerre d'Ukraine - Viacheslav Avioutskii p. 137-157 La guerre en Ukraine a eu un effet inattendu sur l'influence de la Russie dans l'espace postsoviétique. Contrairement à ses attentes, à l'exception du Bélarus, le Kremlin n'a pas été soutenu par les États ex-soviétiques. Bien que leurs réactions soient prudentes, elles démontrent que l'espace postsoviétique est géopolitiquement fragmenté. Il est divisé en ses alliés (Bélarus, Arménie et Tadjikistan), ses partenaires stratégiques (Kazakhstan et Kirghizistan), les États émancipés (Ouzbékistan, Turkménistan et Azerbaïdjan) et les États qui se sont distanciés (Moldavie et Géorgie). La Russie n'est plus le seul arbitre dans son « étranger proche ». Elle est concurrencée par les États-Unis, l'Union européenne, la Chine et la Turquie. Malgré des tentatives d'intégration économique et le maintien de l'Organisation du traité de Sécurité collective, les États postsoviétiques ne sont pas prêts à renoncer à leur souveraineté.The war in Ukraine has affected in an unexpected manner the influence of Russia in the post-Soviet space. Contrary to its expectations, the Kremlin has not been supported by post-Soviet states, apart from Belarus. Though the reactions of these countries have been careful, they indicate that the post-Soviet space has been geopolitically fragmented. It divided into Russia's allies (Belarus, Armenia, and Tajikistan), strategic partners (Kazakhstan and Kyrgyzstan), emancipated states (Uzbekistan, Turkmenistan, and Azerbaijan) and the states that have grown apart (Moldova and Georgia). Russia is not anymore the unique arbiter in its “near abroad”. It competes there with the USA, the European Union, China, and Turkey. Despite the attempts of economic integration and the preservation of the Collective Security Treaty Organization, post-Soviet states are not ready to give up their sovereignty.
- Russie-Turquie, une complicité toxique - Nora Seni p. 159-169 Cet article a pour ambition de démêler l'entrelacs des relations politiques, économiques et idéologiques dans lequel sont prises la Turquie et la Russie. Il analyse l'anti-occidentalisme des deux présidents, leurs intérêts contraires et ce qui leur permet de dépasser leurs divergences. Le texte s'attache à présenter les enjeux énergétiques qui les lient, les raisons pour lesquelles Poutine soutient Erdoǧan lors des élections présidentielles de mai 2023, la façon dont Ankara s'y prend pour contourner les sanctions contre la Russie tout en fournissant des armes à l'Ukraine.The aim of this article is to untangle the web of political, economic and ideological relations in which Turkey and Russia find themselves. It analyses the anti-Western stance of the two presidents, their conflicting interests and what enables them to overcome their differences. The text looks at the energy issues that bind them, the reasons why Putin is backing Erdoǧan in the presidential elections of May 2023, and how Ankara is getting round the sanctions against Russia while supplying arms to Ukraine.
- La guerre en Ukraine vue des Balkans occidentaux : vers un nouveau paysage géopolitique ? - Amaël Cattaruzza, Igor Štiks p. 171-189 Cet article propose d'étudier les conséquences de la guerre en Ukraine sur la situation géopolitique dans les Balkans occidentaux. Contrairement au reste de l'Europe, les réactions des États et des sociétés des Balkans vis-à-vis de l'Ukraine et de la Russie sont divisées pour plusieurs raisons. Tout d'abord, du fait des rivalités géopolitiques internes à la région – que ce soit au Kosovo, en Serbie, au Monténégro ou en Bosnie-Herzégovine – qui expliquent le soutien d'une partie des Serbes à la politique de Vladimir Poutine. De fait, avant même la guerre en Ukraine, la Russie avait accru son influence diplomatique et informationnelle en soutenant systématiquement les positions serbes dans les Balkans. Ensuite, du fait du « grand jeu » international qui se dessine depuis deux décennies dans la région et qui, dans un contexte de lassitude vis-à-vis d'un élargissement européen en panne, fait émerger de nouveaux acteurs, qui diffusent des projets géopolitiques alternatifs auprès des populations de la région. Cette nouvelle géopolitique régionale dans les Balkans pose de nouveaux défis à l'Europe, alors que la sécurité du continent est menacée.This article examines the consequences of the war in Ukraine for the geopolitical situation in the Western Balkans. Unlike the rest of Europe, the reactions of Balkan States and societies to Ukraine and Russia are divided for several reasons. Firstly, the region's internal geopolitical rivalries – whether in Kosovo, Serbia, Montenegro or Bosnia-Herzegovina – explain why some Serbs support Vladimir Putin's policies. Indeed, even before the war in Ukraine, Russia had increased its diplomatic and informational influence by systematically supporting Serbian positions in the Balkans. Secondly, as a result of the international “great game” that has been taking shape in the region over the past two decades, and which is bringing new players into the picture, spreading alternative geopolitical projects among the region's populations in a context of European enlargement « fatigue ». This new regional geopolitics in the Balkans poses new challenges for Europe, at a time when the continent's security is under threat.
- Israël face à la guerre en Ukraine, ou l'impossible équilibre - Frédéric Encel p. 191-200 Israël ne pouvait en aucun cas demeurer neutre dans la guerre russe en Ukraine. Pourtant, pour le gouvernement Bennet/Lapid, le dilemme était difficile à trancher : d'une part l'opinion – surtout chez les nombreux russophones du pays – n'était pas massivement en faveur d'une Ukraine au passé antisémite, d'autre part, il s'agissait de ne pas froisser Vladimir Poutine, maître de l'espace aérien syrien en pleine pénétration iranienne face au Golan. Mais la nouvelle coalition Netanyahou en place depuis décembre 2022, a décidé d'obtempérer pour partie au moins aux exigences de l'Occident (notamment en termes de ventes de systèmes de détection), les États-Unis et l'UE représentant presque les trois quarts des importations de l'État hébreu et la quasi-totalité des investissements en son sein. Cela dit, les pressions occidentales n'expliquent pas tout ; en contrepartie de son positionnement pro-ukrainien, le nationaliste Netanyahou a demandé et obtenu une grande réserve et l'absence de pressions sur le dossier palestinien... Sollicité pour ces capacités techniques militaires, mais politiquement incapable de résister aux pressions de ses soutiens, Israël démontre tout à la fois sa force et sa faiblesse.There was no way Israel could remain neutral in the Russian war against Ukraine. Yet, for the Bennet/Lapid government, the dilemma was difficult to resolve: on the one hand, public opinion – especially among the country's many Russian-speakers – was not overwhelmingly in favor of a Ukraine with an anti-Semitic past; on the other, it was important to avoid offending Vladimir Putin, who controls Syrian airspace while Iran increases its presence and influence via its proxies in the Golan Heights.But the new Netanyahu coalition, in place since December 2022, has decided to comply at least in part with Western demands (notably in terms of sales of detection systems), since the USA and the EU account for almost three-quarters of the Hebrew state's imports and virtually all its investments. That said, Western pressure doesn't explain everything; in return for his pro-Ukrainian stance, the nationalist Netanyahu demanded and obtained a great deal of restraint and the absence of pressure on the Palestinian issue...Solicited for its technical military capabilities but politically incapable of resisting pressure from its supporters, Israel demonstrates both its strength and its weakness.
- Ukraine-Afrique : la guerre enchevêtrée - Roland Pourtier p. 201-222 La guerre contre l'Ukraine, tout comme la politique africaine de Vladimir Poutine, relève d'une stratégie globale, renouant avec les objectifs de puissance de l'URSS sur les traces de la guerre froide. Le temps long éclaire l'imbrication de deux terrains d'un conflit mondialisé. Hard power militaire aux marges de la Russie d'un côté, soft power diplomatique de l'autre, spécialement en Afrique. De l'Algérie à l'Afrique du Sud, le Kremlin réactive ses alliances « historiques » et en noue de nouvelles au détriment de la France, dévaluée par son échec au Sahel, érigée par la propagande russe en ennemi de l'Afrique. La guerre en Ukraine a mis en pleine lumière la dimension africaine de la lutte contre l'Occident menée par Poutine. Evgueni Prigojine, avec ses mercenaires Wagner, ses spécialistes de la cyberguerre, et ses affairistes en eau trouble, est l'acteur emblématique de cette stratégie hybride qui, en recherchant l'appui du « Sud global », participe d'une recomposition géopolitique des rapports de forces mondiaux.Both Vladimir Putin's war against Ukraine and his Africa policy are part of a global strategy, reviving the USSR's ambitions in the wake of the Cold War. The long term perspective sheds light on the interweaving of two aspects of a globalized conflict. Military hard power on the fringes of Russia on the one hand, and diplomatic soft power on the other, especially in Africa. From Algeria to South Africa, the Kremlin is reactivating its “historic” alliances and forging new ones, to the detriment of France, devalued by its failure in the Sahel, and portrayed by Russian propaganda as the enemy of Africa. The war in Ukraine has highlighted the African dimension of Putin's anti-Western efforts. Evgueni Prigogine, heading his Wagner mercenaries, cyberwarfare specialists, and dodgy businessmen, is the emblematic figure of this hybrid strategy which, seeking the support of the “global South”, is part of a major reshaping of global power relations.
- La Chine et l'Inde face à la guerre en Ukraine : jusqu'où soutenir la Russie ? - Isabelle Saint-Mézard p. 223-235 Au premier abord, l'Inde et la Chine ont adopté une approche semblable face à l'invasion russe de l'Ukraine. Elles ont l'une et l'autre refusé de condamner la Russie et préféré appeler à la résolution du conflit de manière pacifique, par la négociation. Elles ont aussi refusé de s'associer aux trains de sanctions internationales contre la Russie et maintenu leur dialogue politique et leurs échanges commerciaux avec elle. Enfin, l'Inde et la Chine ont invoqué une posture de neutralité sur la guerre en Ukraine et cherché à rallier au nom du « Sud global », l'ensemble des États qui n'ont pas voulu prendre parti dans le conflit. Pourtant, l'ambivalence pro-russe de la Chine et de l'Inde cache bien des nuances dans leurs vision et positionnement respectifs par rapport à la guerre en Ukraine. Surtout, leur volonté de préserver leurs relations avec la Russie relève d'intérêts et de finalités en réalité très distincts. Il apparaît, en définitive, que si la Chine continue de soutenir la Russie du président Poutine, l'Inde peine à ne pas s'en éloigner.At first glance, China and India have adopted a similar approach to the Russian invasion of Ukraine. Both countries have refused to condemn Russia and have preferred to call for a peaceful resolution of the conflict through negotiation. They have also declined to join the international sanctions against Russia and have maintained their political dialogue and trade exchanges with this country. Furthermore, both China and India have claimed a posture of neutrality concerning the war in Ukraine, and sought to rally all the states that have chosen not to take sides in the conflict, in the name of the “Global South”. However, the pro-Russian ambivalence of China and India conceals many nuances in their respective visions and positions regarding the war in Ukraine. More importantly, their willingness to preserve their respective relationship with Russia stems from very distinct interests and purposes. Ultimately, it appears that while China continues to support President Putin's Russia, India struggles not to distance itself from it.
- La « désoccidentalisation » comme stratégie russe de transformation de l'ordre international - Maxime Daniélou p. 237-249 Cet article propose une analyse de la « désoccidentalisation » comme stratégie englobant un ensemble de mesures mises en place par la Russie pour réduire l'influence des États-Unis, de l'Union européenne et de leurs alliés sur la scène internationale. À court terme, cette stratégie a pour but de réduire les effets des sanctions économiques, contrer la tentative d'isolement diplomatique de la Russie et endiguer le support militaire et économique à l'Ukraine. Dans un temps plus long, elle a pour objectif d'accroître l'influence de la Russie dans un ordre international « post-occidental » ou le groupe des BRICS est appelé à jouer un rôle déterminant.This article offers an analysis of “de-Westernization” as a strategy encompassing a set of measures put in place by Russia to reduce the influence of the United States, the European Union and their allies on the international scene. In the short term, this strategy is focusing on reducing the effects of economic sanctions, counter any attempt to isolate Russia and stem military and economic support for Ukraine. In the longer term, it aims to increase Russia's influence and position in a “post-Western” international order in which the BRICS group is called upon to play a decisive role.
- Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, Les Balkans en 100 questions. Carrefour sous influence, Paris, Tallandier, 2023, 352 p. - Amaël Cattaruzza p. 251-252