Contenu du sommaire : Les diagrammes en linguistique
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 87, 2023 |
Titre du numéro | Les diagrammes en linguistique |
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- Des outils graphiques pour étudier le langage et les langues. Les diagrammes en linguistique - Nicolas Mazziotta, Jacques François, Sylvain Kahane p. 7-28
- Les styles collectifs de pensée visuelle en sciences du langage : canons et variations - Jacques François p. 29-49 Jusqu'au début du XIXe siècle, les représentations schématiques n'ont pas trouvé de place dans les traités de grammaire. Tout au plus un format tabulaire s'était-il lentement imposé en lexicographie afin de faciliter la consultation des articles. Ce mode de représentation visuelle était étranger au « style collectif de pensée » des érudits dans le domaine des humanités. C'est l'intuition d'une analogie entre l'évolution des espèces et celle des langues qui a ouvert la voie à un style de pensée ouvert aux représentations schématiques et en premier lieu aux arbres visualisant la généalogie des langues. L'approche du raisonnement visuel, appliquée par l'immunologue polonais Ludwik Fleck à son secteur de recherche dans les années 1930, a anticipé celle de ‘paradigme scientifique' due au sociologue de sciences Thomas Kuhn en 1962. Avec ses ‘diagrammes existentiels', Charles Peirce a tenté sans grand écho au tournant du XXe siècle d'appliquer le « raisonnement diagrammatique » aux fondements de la logique. Ronald Langacker a eu plus de succès avec les diagrammes iconiques de sa Grammaire Cognitive un siècle plus tard. Mais c'est surtout en linguistique historique que la controverse initiée dans les années 1860 par Hugo Schuchardt sur la pertinence du Stammbaum des langues indo-européennes d'August Schleicher a eu les répercussions les plus tardives, puisqu'avec les nouveaux « arbres de consensus » de la « phylogénie des langues » les représentations arborescentes sont à nouveau à l'ordre du jour ( cf. Gray et Atkinson, 2003 ; Brown et al., 2008 ; Lipps et al., 2018 ; Heggarty et al., 2023).Until the early 19th century, schematic representations had no place in grammar treatises. At the very most, a tabular format had slowly become the norm in lexicography, to ease browsing of entries. This mode of visual representation was foreign to the « collective style of thought » of humanities scholars. It was the intuition of an analogy between the evolution of species and that of languages that paved the way for a style of thinking open to schematic representations and, in the first instance, to trees visualizing the genealogy of languages. The visual reasoning approach, applied by Polish immunologist Ludwik Fleck to his field of research in the 1930s, anticipated that of the « scientific paradigm » coined by sociologist of science Thomas Kuhn in 1962. With his « existential diagrams », Charles Peirce tried to apply « diagrammatic reasoning » to the foundations of logic at the turn of the 20th century, but without much success. Ronald Langacker was more successful a century later with the iconic diagrams of his Cognitive Grammar. But it was above all in historical linguistics that the controversy initiated in the 1860s by Hugo Schuchardt over the relevance of August Schleicher's Stammbaum of Indo-European languages had its latest repercussions, since with the new « consensus trees » of the « phylogeny of languages » arborescent representations are now back on the agenda ( cf. Gray et Atkinson, 2003 ; Brown et al., 2008 ; Lipps et al., 2018 ; Heggarty et al., 2023).
- Les cartes sémantiques en typologie des langues. La médiation iconique entre qualification et quantification dans des représentations visuelles du discours linguistique - Sémir Badir, Stéphane Polis p. 51-73 Depuis les années 1980, les linguistes travaillant dans le champ de la typologie des langues font usage de représentations graphiques regroupées sous l'étiquette de « cartes sémantiques » (« semantic maps »). La description de ce corpus relativement hétérogène permet d'en dégager deux grands types : d'une part, des graphes appelés « classical maps » ou « connectivity maps », d'autre part, des graphiques en nuage de points appelés « proximity maps » ou « similarity maps ». Une analyse sémiotique montre que ces types correspondent à des régimes et visées épistémiques distincts. Les schémas du premier type présentent les résultats d'une démarche hypothético-déductive et servent d'explication générale. Les seconds dépendent au contraire d'une analyse inductive et s'offrent à l'interprétation. À partir de l'observation de graphes apparus dans des publications récentes, on montrera que des tentatives d'hybridation entre geste de qualification et geste de quantification révèlent une médiation iconique, dont la fonction mérite d'être mieux appréciée pour cerner les enjeux sous-jacents à l'utilisation des diagrammes dans le discours linguistique.Since the 1980s, linguists working in the field of linguistic typology have been using graphical representations that are labelled « semantic maps ». The description of this relatively heterogeneous corpus shows that two main types of maps are used: graphs called « classical maps » or « connectivity maps » on the one hand, and scatter plots called « proximity maps » or « similarity maps » on the other hand. A semiotic analysis reveals that these two types of maps correspond to distinct epistemic regimes and aims. The graphs present the results of a hypothetico-deductive analysis and serve as a general explanation, while the scatter plots are the results of an inductive analysis and are open to interpretations. Based on the discussion of graphs in recent publications, we show that attempts at hybridizing the gesture of qualification and the gesture of quantification involve an iconic mediation, which function deserves highlighting in order to better understand the use of graphs within the linguistic discourse.
- Place(s) et limite(s) des diagrammes en sémantique cognitive - Gilles Col p. 75-96 La sémantique cognitive a comme postulat et méthodologie de rejeter une approche vériconditionnelle et formelle de la sémantique. Ce rejet passe par un recours à des « diagrammes » qui vont des dessins naïfs de Vandeloise (1986) pour décrire l'espace, jusqu'aux représentations dynamiques de Fauconnier et Turner (2002) pour illustrer l'intégration conceptuelle, en passant par des schémas plus statiques comme ceux de Langacker (1987) mais qui tentent malgré tout de saisir la construction du sens. La question centrale des diagrammes en sémantique cognitive est cependant bien celle-ci : comment décrire la construction dynamique du sens avec des diagrammes qui sont généralement statiques ? Nous répondons à cette question en faisant des propositions issues de Col (2017) pour une approche dynamique des diagrammes susceptibles de décrire la progression sémantique d'un énoncé dans son déroulement, diagrammes que nous identifierons comme des « diagrammes de flux » (François, 2021).The postulate and methodology of cognitive semantics is to reject a vericonditional and formal approach to semantics. This rejection involves the use of « diagrams », ranging from the naive drawings of Vandeloise (1986) to describe space, to the dynamic representations of Fauconnier and Turner (2002) to illustrate conceptual integration, and including more static diagrams such as those of Langacker (1987), which nevertheless attempt to capture the construction of meaning. However, the central question of diagrams in cognitive semantics is the following: how can we describe the dynamics of meaning construction with diagrams that are generally static? We answer this question by putting forward proposals drawn from Col (2017) for a dynamic approach to diagrams. These proposals allow for a better description of the semantic progression of an utterance as it unfolds, and will be referred to as « flow diagrams » (François, 2021).
- Ce que contiennent (et ce que ne contiennent pas) les cartes géolinguistiques : un regard depuis la Galloromania - Esther Baiwir p. 97-110 Les cartes géolinguistiques semblent être des objets lisibles, issus de la superposition de données linguistiques « authentiques » sur un fond de carte physique. Derrière cette apparente simplicité pourtant, diverses stratégies existent, de la carte la plus brute à la carte interprétative. Dans les cartes proposant des symboles ou des aplats de couleur, on constate une distanciation par rapport à la matérialité du signe linguistique : typisation, regroupement de variantes, sélection de schèmes morphologiques, etc. Afin de garantir la lisibilité des documents, le processus d'enrichissement des documents va donc de pair avec une élimination d'informations. Ces cartes fonctionnent dès lors comme un discours sur le corpus, mettant en évidence une partie (ou une certaine vision) du corpus. Dans le cas d'ouvrages comme les atlas linguistiques, le corpus doit alors nécessairement être disponible ailleurs. Pour ne pas se méprendre sur ce que contiennent (ou pas) les documents qu'il reçoit, le lecteur doit donc les appréhender avec leur contexte et leur péritexte.Geolinguistic maps appear to be legible objects, resulting from the superimposition of « authentic » linguistic data on a physical map background. However, behind this apparent simplicity, there are different strategies, from the most survey-like map to the interpretative map. With maps with symbols or colored areas, we move away from the linguistic sign: typisation, grouping of variants, selection of morphological patterns, etc. For readability's sake, information had to be removed. These maps therefore function as a discourse on the corpus, highlighting a part of the corpus or a view of it. In the case of works such as linguistic atlases, the corpus has to be made available elsewhere. In order to not misunderstand what is (or is not) contained in the documents they receive, the reader must therefore understand them with their context and peritext.
- Grammaires graphiques - Nicolas Mazziotta, Sylvain Kahane p. 111-127 Ce texte traite de l'inscription des grammaires formelles à l'aide de diagrammes. Au travers de l'examen d'exemples tirés de la grammaire catégorielle, de la tree-adjoining grammar (TAG) et de la grammaire d'unification polarisée (GUP), nous montrons comment les diagrammes inscrivent les opérations nécessaires pour effectuer des calculs tels que la vérification de la structure d'une phrase ou la génération de structures syntaxiques à partir de structure sémantique. Ces opérations sont assemblées dans un métadiagramme, qui établit des relations entre plusieurs diagrammes. Le métadiagramme inscrit visuellement des opérations abstraites ; ce faisant, il autorise l'utilisateur à assigner une valeur à la position relative des entités graphiques sur le plan dans le processus de réflexion, ce qui peut mener à une utilisation créative qui exploite les contraintes formelles posées.This paper discusses the representation of formal grammars using diagrams. Through the analysis of examples from categorial grammar, tree-adjoining grammar (TAG), and polarized unification grammar (grammaire d'unification polarisée, GUP), we demonstrate how diagrams encode the operations required for tasks such as verifying sentence structure or generating syntactic structures from semantic structures. These operations are combined within a metadiagram, establishing relationships between multiple diagrams. The metadiagram visually represents abstract operations, enabling the user to assign value to the relative positioning of graphical entities on the plane, which can lead to creative use that leverages the formal constraints.
- Délimitation des diagrammes syntaxiques dans la grammaire scolaire - Nicolas Gregov p. 129-145 Dans cet article, nous proposons une réflexion sur la délimitation des diagrammes syntaxiques dans la grammaire scolaire. En faisant l'hypothèse d'une transposition didactique des diagrammes du savoir savant (les travaux en syntaxe) vers le savoir à enseigner (la grammaire scolaire), nous cherchons à identifier et catégoriser les diagrammes utilisés dans les ouvrages de grammaire scolaire. Face à certaines schématisations au statut incertain, situées entre la phrase et le diagramme prototypique, nous élaborons une grille d'analyse permettant d'évaluer la « diagrammaticité », soit le degré d'iconicité, de ces schématisations. Nous appliquons ensuite cette grille aux diagrammes présents dans trois grammaires scolaires récentes, la Grammaire Bescherelle (2006), le Petit Grevisse (2009) et la Phrase (2015). L'analyse met en évidence une diversité de pratiques diagrammatiques au sein de la grammaire scolaire, tout en soulignant l'influence des savoirs savants.In this article, we question the delimitation of syntactic diagrams in school grammar. By assuming a didactic transposition of diagrams from scholarly knowledge (syntactic work) to the knowledge to be taught (school grammar), we seek to identify and categorize the diagrams used in school grammar books. Faced with certain schematizations with uncertain status, situated between sentences and prototypical diagrams, we develop a grid to evaluate the « diagrammaticity » or degree of iconicity of these schematizations. We then apply this grid to the diagrams in three recent school grammars : Grammaire Bescherelle (2006), Petit Grevisse (2009) and La Phrase (2015). The analysis highlights diverse diagrammatic practices within school grammar, while underlining the influence of scholarly knowledge.
- Vers une base de données raisonnée des modélisations graphiques pour étudier le langage et les langues - Nicolas Mazziotta, Jacques François, Sylvain Kahane p. 147-155