Contenu du sommaire : Repenser l'international(isme) : variations sur les travaux de Guillaume Devin

Revue Etudes Internationales Mir@bel
Numéro Volume 53, no 2, été 2022
Titre du numéro Repenser l'international(isme) : variations sur les travaux de Guillaume Devin
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Section thématique

    • Hommage à Guillaume Devin - Delphine Allès, Gilles Bertrand, Auriane Guilbaud, Franck Petiteville, Frédéric Ramel et Simon Tordjman p. 141 accès libre avec indexation
    • Guillaume Devin : une démarche de sciences sociales de l'international - François-Xavier Dudouet, Franck Petiteville, Antoine Vion et Catherine wihtol de Wenden p. 145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les relations internationales sont un objet sociologique comme les autres. À la différence des pères fondateurs de la discipline outre-Manche et outre-Atlantique, très attachés à une ligne de séparation entre les affaires du dedans (recherche de la vie bonne) et les affaires du dehors (recherche de la survie), Guillaume Devin n'entend pas embrasser une lecture théorique figée de la réalité internationale, mais à ouvrir les manières de la saisir et ce, en mobilisant une pluralité de références sociologiques, mais aussi au-delà. L'objet de cet article sera de mettre en relief les singularités de ce geste scientifique en prenant en considération l'ensemble des disciplines connexes qui lui ont servi en partie de matrices (droit, histoire) et en insistant sur quelques prolongements et enseignements méthodologiques de ce geste.
      International relations (ir) are an object of sociology as any other. Contrary to the Anglo-Saxon founding fathers of the discipline of IR who have been very attached to delineating domestic affairs (realm of welfare) and international politics (quest of survival), Guillaume Devin was never interested to stick to a theoretical perspective of ir which would be detached from sociological input. Beyond sociology, he always tried to open the study of ir to other social sciences, history, and law. This article attempts to give an account of this multidimensional study of IR.
    • Le multilatéralisme en mouvements - Auriane Guilbaud, Morgan Larhant, Mathilde Leloup, Sarah Tanke et Simon Tordjman p. 161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Les organisations internationales s'imposent depuis 1945 comme des arènes incontournables des politiques étrangères. Pour autant, en dépit d'une intensification de l'activité éditoriale dans l'immédiat post-guerre froide, le multilatéralisme ne constitue au début des années 2000 qu'un domaine résiduel des études internationales francophones. Aborder les organisations internationales comme une « forme majeure de l'action internationale » et s'attacher à en accroître l'intelligibilité supposent de rompre avec une lecture de l'international encore dominée par le jeu de la puissance et la volonté de domination. Cette entreprise intellectuelle – qui prit rapidement des dimensions collectives (co-écriture et co-direction d'ouvrages, directions de mémoires de Master et de thèses de doctorats, création et animation du Groupe de Recherche sur l'Action Multilatérale [gram]) – est également une réhabilitation de la solidarité et de la coopération comme clés de lecture du jeu politique international. Plutôt que la permanence, il s'agit, chez Guillaume Devin, de privilégier l'étude des marges de manœuvre, des jeux d'acteurs, et du changement de ces institutions en même temps que d'instaurer une lecture large de leur fonctionnalité.
      Since 1945, international organizations have established themselves as essential arenas for foreign policy. However, despite an intensification of editorial activity in the immediate post-Cold War period, multilateralism at the beginning of the 2000s was only a residual field of french-speaking international studies. Addressing international organizations as a “major form of international action” and striving to increase their intelligibility presupposes breaking with an understanding of global governance as the sole output of power politics. This intellec- tual enterprise –which quickly took on collective dimensions (co-writing and co-direction of books, direction of Master's theses and doctoral theses, creation and animation of the Research Group on Multilateral Action)– is also one of rehabilitation of solidarity and cooperation as key concepts to reading the international political game. Rather than permanence and hierarchies, Guillaume Devin favors the study of the leeway, interplay of actors, and the evolving functionality that affect international institutions.
    • Guillaume Devin et la sociologie française des relations internationales : plaidoyer pour un avenir fécond de la discipline - Bertrand Badie p. 185 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Guillaume Devin suit l'art de la méthode scientifique : c'est en partant d'un constat d'insatisfaction à l'égard de la théorie consacrée des relations internationales qu'il convoque la sociologie et l'histoire afin de concevoir une approche paradigmatique des relations internationales mieux en prise sur l'objet international et surtout sur sa complexité contemporaine. Nul doute que cet effort novateur ouvre, en France et au-delà, des voies nouvelles qui allient une banalisation de l'international comme fait social et une réévaluation du politique qui abandonne ainsi cette configuration mécanique et prédéterminée que la vulgate dominante des relations internationales lui avait conférée sous les oripeaux de la très médiatique géopolitique. Un appel somme toute à un retour à la recherche...
      The French political scientist Guillaume Devin has followed in his works the classical rules of sociological method. He properly reacted to his dissatisfaction with the IR theoretical mainstream by making use of sociology and history in order to get to grips with international relations facts. This option has really paved the way, in France and everywhere else, to new approaches through which international relations get emancipated from this kind of exceptionalism that previously characterized the discipline. It also contributed to reconsider inter- national politics by admitting its historical dimension which requires a special investigation. His works are somewhat like a way back to empirical researches.
    • Guillaume Devin vu d'ailleurs : Trois regards d'universitaires francophones : Valérie Rosoux, Vincent Pouliot, Carlos Milani - Valérie Rosoux, Vincent Pouliot et Carlos R. S. Milani p. 197 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Trois internationalistes francophones (Belgique, Canada, Brésil) expliquent ce que l'oeuvre de Guillaume Devin a apporté à leurs recherches et à la discipline des Relations internationales.
      Three French-speaking internationalists (Belgium, Canada, Brazil) explain what the work of Guillaume Devin has brought them, and to International Relations studies.
  • Section non thématique

    • L'interdépendance énergétique Chine-Russie et l'hybridation des institutions de gouvernance des marchés internationaux des hydrocarbures - Mehdi Abbas et Catherine Locatelli p. 209 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Quels sont les effets de l'intensification de l'interdépendance énergétique entre la Russie, deuxième exportateur mondial d'hydrocarbures, et la Chine, premier importateur mondial ? L'interdépendance bilatérale serait le levier de l'hybridation des institutions d'encadrement des relations énergétiques internationales. Centrée sur des enjeux de puissance et de sécurité énergétique, l'intensification de l'interdépendance s'accompagne de changements institutionnels, qualifiés d'hybridation, fondés sur un arbitrage sécurité-efficience spécifique. Quatre facteurs paramètrent cette hybridation : le contexte structurel auquel font face les acteurs, le comportement stratégique du complexe État-Entreprises, les propriétés sectorielles et les arrangements institutionnels existants.
      What are the effects of the intensification of energy interdependence between Russia, the world's second largest exporter of hydrocarbons, and China, the world's largest importer? Bilateral interdependence is the lever for the hybridization of the institutions governing international energy relations. Based on the issues of power and energy security, the intensification of interdependence leads to institutional changes, known as hybridization, which are linked to a specific security-efficiency trade-off. Four factors shape this hybridization: the structural context faced by the actors, the strategic behaviour of the state-firms complex, sectoral properties and existing institutional arrangements.
    • Les structures sociales des organisations internationales : la production de l'équivoque - Anthony Amicelle, Cécile Crespy et Simon Tordjman p. 235 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      Dès la seconde moitié du vingtième siècle, l'expansion des organisations internationales (oi) s'accompagne d'appels à en résorber la complexité pour en accroître la lisibilité et l'efficacité. Régulièrement rappelée par les États-membres et les fonctionnaires internationaux, la réduction des doublons et des concurrences intra et inter-organisationnels constituerait une condition indispensable à la revitalisation du multilatéralisme et un objectif consensuel des réformes qui le travaillent. Considérant ces imbrications au-delà de leurs seules dimensions institutionnelles, et en s'appuyant sur trois cas d'études (Groupe d'Action Financière [GAFI], OCDE, Nations unies), l'article propose un renversement de perspective en saisissant les articulations entre différents espaces sociaux et registres d'action comme un élément structurant de production du multilatéralisme. Loin d'éroder leur pouvoir normatif, ces relations et les arrangements auxquels elles donnent lieu au sein de nombreuses oi leur fournissent en retour des ressources importantes pour affirmer leur propre autorité et légitimité.
      Since the second half of the 20th century, the development of international organizations (io) has been characterized by calls to reduce their complexity in order to increase their legibility and effectiveness. As regularly reminded by member states and international civil servants, the reduction of overlaps in and between international institutions is mainly considered as a prerequisite for the revitalization of multilateralism and a consensual goal of the reforms that are working it. Considering overlaps beyond their institutional dimensions, and based on three case studies (Financial Action Task Force [fatf], oecd, United Nations), the article proposes to grasp overlaps as a means to produce a functional/operational multilateralism. Far from eroding their normative power, we argue that overlaps between social universes - scientific, economic, security, political, legal, judicial, and administrative, to name a few- that run through many ios paradoxically provide them with important resources to assert their own authority and legitimacy.
    • Réutiliser des données qualitatives pour analyser les politiques de défense : avenir ou utopie ? - Ousmanou Nwatchock A Birema p. 291 accès libre avec résumé avec résumé en anglais avec indexation
      La négociation constitue l'un des principes régulateurs des organisations internationales. Bien que largement étudiée en termes matériels (climat, commerce, armement, etc.), elle concerne aussi les conquêtes de postes internationaux, où il arrive de voir des États négocier en faveur de certains de leurs partenaires. Notre article traite justement du cas de l'Organisation internationale de la Francophonie (oif), et analyse l'option française d'une négociation du consensus en faveur du Rwanda à l'occasion de l'élection au secrétariat général de cette organisation en 2018. Après une précision conceptuelle sur la notion de « négociation pour autrui » en Relations internationales, notre texte revient sur les variables historiques des élections à ce poste, avant de dérouler les stratégies opérationnalisées par la France en 2018. On en apprend que le pilotage du multilatéralisme francophone repose sur une démarche hégémonique de la France, facilitée à la fois par des divisions régulières entre Africains, une relative prudence canadienne et une quasi-indifférence des pays asiatiques de la Francophonie. Tout cela oblige la France à tenir une articulation flexible entre ses intérêts, ceux de ses partenaires, et les principes et valeurs portés par cette organisation.
      Negotiation is one of the regulating principles of international organizations. Although largely studied in material terms (climate, trade, armaments, etc.), it also concerns the conquest of international positions, where States sometimes negotiate in favour of certain of their partners. Our article deals with the case of the Organisation internationale de la Francophonie (oif), and analyses the French option of negotiating a consensus in favour of Rwanda for the election to the General Secretariat in 2018. After a conceptual clarification on ‘negotiation for others' in International Relations, our article returns to the historical variables of the elections to this position, before unfolding the strategies operationalised by France in 2018. We learn that the steering of francophone multilateralism is based on a hegemonic approach by France, which is facilitated by regular divisions between Africans, a relative caution of Canada and a quasi-indifference of Asian countries members of the Francophonie. All this allows France to maintain a flexible articulation between its interests, those of its partners, and the prin- ciples and values promoted by this organization.