Contenu du sommaire : Les équivoques de la dissuasion à la migration

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro no 254, 2024/2
Titre du numéro Les équivoques de la dissuasion à la migration
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  • Décourager les départs ? Acteurs, ambivalences et réceptions de la dissuasion migratoire en Afrique - Camille Cassarini, Aïssatou Mbodj-Pouye, Kelly Poulet p. 257-279 accès libre
  • Études et essais

    • A “Migrantisation” of Borderwork? Emergence, Work Status, and Careers of Peer Intermediaries in Morocco's Migration Industry: The Case of Voluntary Returns - Anissa Maâ p. 281-305 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Cet article explore l'idée d'une « migrantisation » de la fabrique des frontières à partir du cas de l'intermédiation par les pairs de l'information en direction des migrants à propos des retours volontaires depuis le Maroc. Sous quelles conditions les « migrants subsahariens » sont-ils employés dans le cadre de projets de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ? Quelles sont les trajectoires, les carrières et le statut d'emploi de ces intermédiaires pairs ? Dans quelle mesure l'intermédiation par les pairs façonne-t-elle les relations et les frontières sociales au sein de l'industrie de la migration et des communautés migrantes ? En mobilisant des données ethnographiques et des sources documentaires collectées à l'occasion de terrains de recherche au Maroc, l'article retrace l'émergence de l'intermédiation par les pairs et souligne sa diversité à partir de l'étude approfondie de trois trajectoires exemplaires. Il examine la « migrantisation » au regard de questions de racialisation, de travail et d'im/mobilité.‪
      This paper explores the idea of a “migrantisation” of borderwork through the case of peer intermediation in the provision of information to migrants regarding voluntary returns from Morocco. Under what conditions are people categorised as sub-Saharan migrants being employed in projects led by the International Organisation for Migration (IOM)? What are the trajectories, careers, and work status of these peer intermediaries? To what extent does peer intermediation shape social relationships and boundaries within the migration industry and migrant communities? Using ethnographic data and documentary sources collected during fieldwork in Morocco, the paper traces the emergence of peer intermediation and underlines its diversity through the in-depth study of three illustrative trajectories. It examines “migrantisation” in relation to issues of racialisation, work, and im/mobility.
    • Smugglers vs. Students: Migration Deterrence and Understandings of Risk Among Eritrean Refugees in Ethiopia - Jennifer Riggan, Amanda Poole p. 303-356 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Entre 2016 et 2019, l'Éthiopie commence à mettre en œuvre des politiques destinées à dissuader les réfugiés érythréens accueillis sur son territoire de migrer ailleurs. Ces politiques ne se limitent pas à éduquer les réfugiés aux risques de la migration, mais s'appuient également sur des programmes de développement et d'intégration dans l'objectif de créer les conditions propices à faire de l'Éthiopie un meilleur État d'accueil à long terme. Pour comprendre si ces politiques ont changé la façon dont les réfugiés érythréens envisagent la migration depuis l'Éthiopie, l'article défend l'idée qu'il faut non seulement considérer la façon dont les réfugiés perçoivent les risques de la migration, mais également comprendre comment ceux-ci perçoivent les risques d'une installation en Éthiopie.‪
      Between 2016 and 2019, Ethiopia began to implement a series of policies intended to deter the onward migration of Eritrean refugees. These policies were not limited to educating refugees about the risks of migration, but also used development and local integration to create conditions which would ostensibly make Ethiopia a better long-term hosting state. We argue that in order to understand whether these policies changed the way Eritrean refugees thought about migration from Ethiopia, we need to not only consider how refugees think about the risks of migration, but also understand how refugees think about the risks of staying in Ethiopia.
    • Aux marges du « développement », les espaces discrets du contrôle migratoire. Quand le « panafricanisme entrepreneurial » fait frontière en Tunisie - Camille Cassarini p. 307-331 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article interroge la position des acteurs entrepreneuriaux estudiantins dans la mise en œuvre du contrôle migratoire en Tunisie. Au croisement des mondes de la migration et du développement, les « étudiants africains » ont été, depuis 2015 et l'arrivée de nombreux fonds européens dédiés à la gestion des migrations, une cible privilégiée des acteurs du gouvernement international des migrations. Souvent chargés de « sensibiliser » les personnes considérées comme « migrantes » aux risques de la migration et aux opportunités du modèle entrepreneurial en Afrique, ces acteurs développent des modèles de réussite fondés sur l'accès à la mobilité et sur la promotion de celle-ci au sein du continent africain. Refusant une lecture strictement opportuniste de leurs pratiques, cet article cherche à saisir en quoi l'engagement de ces étudiants dans la mise en ordre des mobilités se branche sur un imaginaire politique panafricaniste.
      ‪This article looks at the position of African student entrepreneurs in the implementation of migration control in Tunisia. At the crossroads of the migration and development worlds, “African students” have been a prime target for international migration government actors since 2015 and the arrival of significant European funds for migration management. Often aimed to “raise awareness” among people considered to be “migrants” of the risks of migration and the opportunities of entrepreneurial models in Africa, these actors have been able to develop success models based on access to and the promotion of mobility within the African continent. Against a purely opportunistic reading of migration control, this article seeks to understand how students' involvement in the ordering of mobility connects to a pan-Africanist political imaginary.‪
    • « Quand la radio met sur le droit chemin » : campagnes de sensibilisation et lutte contre la migration en Casamance au Sénégal - Doudou Dièye Gueye p. 357-376 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite des campagnes de sensibilisation aux risques de l'émigration dite « irrégulière » et de leurs effets sur les communautés locales. En Casamance, des émissions radiophoniques et des séances dites de « causeries villageoises » sont organisées par des ONG pour lutter contre ce type d'émigration. Alors que leur objectif est de détourner de l'aventure migratoire, les jeunes et leurs familles y puisent des informations sur les routes migratoires et s'en servent pour redéfinir de nouvelles zones de passage ou de nouvelles connexions avec des intermédiaires.
      ‪This article addresses awareness campaigns against the risks of “irregular” migration and their effects on local communities. In Casamance, radio broadcasts and community discussions in villages are organized by NGOs to fight against this type of migration. Although their aim is to deter departures, the youth and their family members use such awareness campains to get information about migration routes and to redefine new paths or new connections with migration brokers.‪
    • Contested Strategies of Migration Governance: Visible Actors and Invisible Discourses of Information Campaigns in Senegambia - Valentina Cappi, Alagie Jinkang, Pierluigi Musarò p. 377-401 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      ‪Cet article explore les macro- et micro-trajectoires reliant les financeurs, les fournisseurs, les diffuseurs et les publics cibles dans la production, la réception, l'appropriation ou le refus des campagnes d'information ciblant les pays d'Afrique de l'Ouest. Deux études empiriques explorant les perceptions des campagnes d'information par les migrants, les opérateurs en première ligne, les décideurs politiques et les journalistes, nous ont permis d'identifier la persistance des approches coloniales dans la mise-en-frontière symbolique de la mobilité Sud-Nord. D'une part, les programmes scolaires occidentalisés et des médias branchés sur l'Europe alimentent des imaginaires positifs à propos de l'Europe ; d'autre part, les campagnes d'information cherchent à encourager l'immobilité chez les migrants potentiels en ignorant les conditions difficiles dans leur pays d'origine. Les récits concurrents sur la migration sans papiers peinent tous à prendre en compte le fait que les voies légales sont inaccessibles à la plupart des migrants (potentiels).‪
      This paper explores the macro and micro trajectories linking funders, providers, disseminators and target audiences in the production, reception, appropriation or refusal of information campaigns targeting West African countries. Two different empirical studies exploring the perceptions of information campaigns by migrants, first-line practitioners, policymakers, and journalists, have enabled us to identify the persistence of colonial approaches in the symbolic bordering of South-North mobility. On the one hand, westernised school curricula and EU-focused media fuel positive imaginaries regarding Europe; on the other hand, information campaigns summon to encourage immobility in potential movers by ignoring the difficult conditions in their countries of origin. Competing narratives about undocumented migration all struggle to take into account the fact that legal routes are a high threshold and inaccessible to most (potential) movers.
  • Notes et documents

    • Koma Coulibaly, un chef d'arrondissement et la sensibilisation au problème de l'« exode » : contrôler et prévenir l'émigration à Garalo (Mali), 1962-1967 - Daouda Gary-Tounkara p. 403-420 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objectif d'historiciser la notion de politique de prévention de l'émigration à l'échelle des États africains, du Mali en particulier, après l'indépendance et au cours des années 1960. Il éclaire et documente cette politique à travers le récit de vie et le parcours d'un administrateur de terrain, El Hadj Koma Coulibaly, le chef de l'arrondissement de Garalo, situé dans la région de Sikasso. Après avoir montré comment la mobilité est inscrite dans la trajectoire personnelle et professionnelle de Koma et de celle de sa famille, l'article étudie son action dans la lutte contre l'exode, ses espoirs, déceptions et désillusions et son regard sur la gestion des affaires publiques par le pouvoir central malien dans les trois premières décennies de l'indépendance.
      ‪The aim of this article is to historicize the notion of migration deterrence policy at the level of African States, and in Mali in particular, after independence and during the 1960s. It sheds light on and documents this policy through the life story and career of a field administrator, El Hadj Koma Coulibaly, head of the Garalo district in the Sikasso region. After showing how mobility is part of Koma's personal and professional trajectory and that of his family, the article highlights his action in the fight against exodus, his hopes, disappointments and disillusions, and his view of the management of public affairs by Mali's central government in the first three decades of independence.‪
    • Quand les programmes de réintégration interrogent la citoyenneté : La figure du « retourné » au Nigéria et au Mali - Maybritt Jill Alpes, Almamy Sylla p. 421-442 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine l'impact des programmes de réintégration sur la citoyenneté au Nigéria et au Mali — programmes qui font partie des mesures européennes visant à prévenir les départs. Tandis que les campagnes « de sensibilisation » font des « retournés » des « migrants messagers », nous interrogeons l'expérience que les « retournés » ont de leur nouveau statut social et nous demandons comment celles et ceux qui ne sont jamais partis les perçoivent. L'article répond à ces interrogations sur la base d'observations croisées auprès de « retournés » et d'autres citoyens à Benin City (Nigéria) et à Bamako (Mali). Il suggère que les programmes de réintégration favorisent de nouvelles hiérarchies sociales ainsi que l'émergence de rapports privilégiés entre les « retournés » et l'État. Ces programmes induisent également une invisibilisation des droits civils et socioéconomiques. En conclusion, nous plaidons en faveur d'une prise en compte conjointe des « retournés » et des autres citoyens dans l'analyse de l'utilisation de l'aide au développement pour des programmes de réintégration.
      ‪This article examines the impact of reintegration programmes on citizenship in Nigeria and Mali—programmes that are part of European efforts to prevent departures. As “awareness-raising” campaigns turn to returnees as “migrants as messengers,” we ask how returnees themselves experience their new social status and how they are perceived by those who have never left. We answer these questions based on cross observations with returnees and other citizens in Benin City, Nigeria, and Bamako, Mali. Our findings suggest that reintegration programmes create new social hierarchies, as well as privileged interactions between returnees and the State. These programmes also result in the invisibilisation of civic and socioeconomic rights. In conclusion, we plead for a joint examination of returnees and other citizens with regards to the use of development aid for reintegration programmes.‪
  • Dialogues et entretiens

    • Le droit au voyage pour tous ! Entretien avec Mamadou Dia, « éternel migrant » et président d'Hahatay Gandiol, Sénégal - Kelly Poulet p. 443-458 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Mamadou Dia, originaire de Gandiol (Saint-Louis du Sénégal), voyage dans la sous-région ouest-africaine avant d'embarquer en mai 2006, à presque 23 ans, dans une pirogue en direction de l'Espagne depuis Yarakh, village de pêcheurs à Dakar. « Clandestin » durant quatre années, il raconte dans un ouvrage son périple et ses conditions de vie avant de retourner au Sénégal, à Gandiol, pour construire des projets pour et avec les jeunes de son village. En tant que président de l'ONG Hahatay de Gandiol, il se distancie des discours et pratiques du « développement » pour mettre en avant ce qu'il décrit comme de « l'autoréalisation communautaire ». Pourtant, son profil et ses actions semblent s'inscrire dans un domaine privilégié des arènes internationales du développement, à savoir la contribution des migrants de retour au développement de leur espace d'origine et par-là même, à la lutte contre l'émigration « irrégulière ». Cet entretien avec Mamadou Dia a pour objectif de questionner les paradoxes de son positionnement en tant qu'ancien migrant et acteur associatif local face aux programmes de développement dont il a pu bénéficier et qu'il a pu s'approprier. Il restitue son regard sur la réception des discours et actions des migrants de retour par les bailleurs et les organisations œuvrant à la lutte contre l'émigration clandestine, mais également par ceux encore jamais partis qui rêvent aussi de départ.
      ‪Mamadou Dia, a native of Gandiol (Saint-Louis, Senegal), traveled throughout the West African sub-region before embarking in May 2006, at the age of almost 23, on a pirogue bound for Spain from Yarakh, a fishing village near Dakar. A “stowaway” (“illegal migrant”) for four years, he recounts in a book his journey and living conditions, then decides to return to Senegal, to Gandiol, to build projects for and with the young people of his village. As president of the Hahatay NGO in Gandiol, he distances himself from the rhetoric and practices of “development” to emphasize what he describes as “community self-realization.” And yet, his profile and actions seem to be in line with one of the main thrusts of the international development arena, namely the contribution of return migrants to the development of their areas of origin and, by the same token, to the fight against “irregular” emigration. The aim of this interview with Mamadou Dia is to explore the paradoxes of his positioning as a former migrant and local community player in relation to the development programs from which he has benefited and which he has been able to appropriate. He shares his views on the reception of the discourses and actions of returning migrants by donors and organizations working to combat clandestine emigration, as well as by those who have never left but may dream of leaving, too.‪
  • Chronique bibliographique