Contenu du sommaire : Géopolitique du Grand Paris
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 193, 2ème trimestre 2024 |
Titre du numéro | Géopolitique du Grand Paris |
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- Éditorial. Une géopolitique du Grand Paris - Philippe Subra p. 5-12 Le Grand Paris est d'abord, depuis 2010, un gigantesque chantier, celui d'un nouveau métro de 200 kilomètres et du cluster scientifique Paris-Saclay. Mais c'est aussi l'enjeu de rivalités géopolitiques entre des acteurs – l'État, la région Île-de-France, la Ville de Paris, les sept départements, les maires, les militants écologistes – autour de deux grandes questions. D'abord, celle des politiques d'aménagement : faut-il limiter la place de l'automobile en ville ? continuer à consommer des terres agricoles ? développer l'aéroport Charles-de-Gaulle ? accepter la gentrification ? réduire le parc de logements sociaux ? densifier la petite couronne pour répondre à la crise du logement ? Ensuite celle du système de gouvernance du territoire. L'État central continue de jouer un rôle majeur, mais n'a pas su imposer une véritable réforme. La Métropole du Grand Paris, créée en 2016, ne pèse d'aucun poids dans les grandes décisions et les investissements. Le conseil régional essaye de récupérer ses compétences, mais n'y parvient pas. Les départements et la Ville de Paris défendent efficacement le statu quo. Les maires restent les maîtres du jeu.Since 2010, the Grand Paris project has been a gigantic construction site comprising a new 200 km metro and the Paris-Saclay science and technology cluster. But it's also the focus of geopolitical rivalries between the players – the French state, the Ile-de-France region, the city of Paris, the seven departments, many mayors, and environmental activists – over two important issues. First, planning policy: should we limit the number of cars in cities? Should we continue to use up agricultural land? Should we expand the Charles de Gaulle Airport (CDG)? Should we accept gentrification? Should we reduce the number of social housing units? Should we densify the inner suburbs in response to the housing crisis? And then there is the question of regional governance. Central government continues to play an important role but has failed to push through any real reform. The Metropole du Grand Paris, founded in 2016, has no weight in important decisions and investments. The regional council has been trying to regain its powers but without success. The departments and the City of Paris are effectively defending the status quo. Down the line, mayors remain the masters of the game.
- Comment les maires ont tué la Métropole du Grand Paris - Simon Ronai p. 13-29 En Île-de-France, la décentralisation de 1982-1983 s'est d'abord traduite par une montée en puissance des maires, la région n'obtenant le contrôle de la politique des transports que 17 ans plus tard. Les années 2000-2020 ont vu le triomphe de la métropolisation, avec le projet de nouveau métro, le Grand Paris Express, mais pas l'apparition d'un pouvoir métropolitain fort. La Métropole du Grand Paris, créée en 2016 après de nombreuses péripéties législatives, est un acteur faible, du fait de l'opposition de l'ensemble des autres acteurs politiques : la région Île-de-France, la Ville de Paris, les sept autres départements et la quasi-totalité des maires. Chacun défendant ses intérêts et ses positions de pouvoir. Emmanuel Macron a, semble-t-il, renoncé à réformer la gouvernance du Grand Paris, tandis que se multiplient les manœuvres des uns et des autres (tentative de fusion des Yvelines et des Hauts-de-Seine, fusion de la Ville et du département de Paris, candidature d'un proche de la présidente de la région à la tête de la Métropole, etc.).In the Île-de-France region, the decentralization of 1982-1983 initially led to an increase in the powers of the mayors, with the region only gaining responsibility for transport policy 17 years later. The years 2000-2020 saw the triumph of metropolization with the Grand Paris Express metro project, but not the emergence of a strong metropolitan power. The Metropole du Grand Paris, which was created in 2016 after numerous legislative changes, is a weak player because all the other political players were against it: the Île-de-France region, the City of Paris, the seven other departments and almost all the mayors. They were all defending their own interests and positions of power. Emmanuel Macron seems to have given up on reforming the administration of Grand Paris, while the maneuvers of one party or another are piling up (attempt to merge Yvelines and Hauts-de-Seine, merging the city and department of Paris, candidacy of a close friend of the region's president to run the metropolis, etc.).
- La résilience de la banlieue bleue dans le Grand Paris - Tangui Pennec p. 31-51 La banlieue bleue est le système géopolitique local qui a été mis en place dans les années 1980 par la droite des Hauts-de-Seine dans le but de s'assurer le contrôle politique de ce territoire stratégique du Grand Paris et la maîtrise de la manne financière du quartier d'affaires de La Défense. Il repose sur deux échelons de pouvoir : le département et un ensemble de villes. Ce système collectif semble désormais en voie d'épuisement et est menacé dans le cadre de l'intégration métropolitaine, car la Métropole du Grand Paris a privé les maires d'un certain nombre de compétences et de ressources financières importantes. L'existence même du département est en suspens. Cet article vise donc à analyser la résilience de la banlieue bleue dans le Grand Paris, à travers les différentes stratégies géopolitiques élaborées par les élus pour pérenniser le système. Il interroge en creux la faiblesse politique et économique de la Métropole du Grand Paris.The “blue suburb” is the local geopolitical system that was set up in the 1980s by the right-wing in Hauts-de-Seine, with the aim of securing political control over this strategic territory of Grand Paris and the financial windfall from the La Défense business district. It is based on two levels of power: the department and a set of cities. This collective system now appears to be running out of steam and is threatened in the context of metropolitan integration, as the Metropole du Grand Paris has deprived mayors of a number of important skills and financial resources. The very existence of the department is pending. This article aims to analyze the resilience of the blue suburb in Grand Paris, through the various geopolitical strategies developed by the elected officials to ensure the sustainability of the system. It also examines the political and economic weakness of the Metropole du Grand Paris.
- Retour sur ces évènements qui ont marqué l'histoire géopolitique du Grand Paris (xixe-xxie siècles) - Emmanuel Bellanger p. 53-71 Le Grand Paris n'est pas une invention du xxie siècle. Ses annales puisent leurs racines sur plus de deux siècles d'histoire. Les conditions de son avènement politique sont anciennes. Elles remontent à la création du département de Paris, rebaptisé département de la Seine sous la Révolution française. La volonté de ceinturer ce « territoire capitale » d'une large zone rurale, la Seine banlieue et la Seine-et-Oise, témoigne de la défiance des pouvoirs publics à l'égard de la radicalité des « classes laborieuses et dangereuses » parisiennes. Portée par les révolutions industrielles, la croissance urbaine de Grand Paris est exceptionnelle. Elle donne naissance aux banlieues ouvrières, nourricières et résidentielles. Pendant plus de 170 ans, cette métropole, la plus riche et dense d'Europe, devient en France l'épicentre du développement économique, du déploiement de grands réseaux et de la polarisation des richesses. Elle est aussi le lieu de clivages partisans et de ségrégations sociales. Cette exceptionnalité sera à l'origine de grandes réformes territoriales et géopolitiques mises en perspective dans cet article.The Grand Paris is not an invention of the 21st century. Its history dates back more than two centuries. The conditions of its political emergence are ancient. They date back to the creation of the department of Paris, renamed the Department of the Seine during the French Revolution. The desire to encircle this “capital territory” with a large rural zone, the Seine banlieue and the Seine-et-Oise, testifies to the distrust of public authorities towards the radicalism of the Parisian “working and dangerous classes”. Driven by industrial revolutions, the urban growth of the Grand Paris is exceptional. It gives birth to working-class, food-producing and residential suburbs. For more than 170 years, this metropolis, the richest and densest in Europe, becomes in France the epicenter of economic development, the deployment of large networks and the polarization of wealth. It is also the place of partisan divides and social segregations. This exceptionalism will be at the origin of major territorial and geopolitical reforms that this article puts into perspective.
- Le Grand Paris Express, du conflit au consensus - Philippe Subra p. 73-87 Le Grand Paris Express était la pièce maîtresse du projet du Grand Paris, lancé en 2007 par Nicolas Sarkozy pour renforcer la position de Paris dans la compétition entre villes mondiales. Ce nouveau métro de 200 kilomètres qui desservira la banlieue de Paris a fait l'objet d'un conflit assez violent entre l'État et la région Île-de France, qui portait à la fois sur le tracé et sur la question de savoir qui en aurait la maîtrise d'ouvrage, Île-de-France Mobilités (présidé par la région) ou un établissement public contrôlé par l'État, la Société du Grand Paris. Région et État ont fini par trouver un accord en 2010, après que l'État a accepté de cofinancer d'autres projets régionaux de transport. La construction a pris plusieurs années de retard, mais la principale dérive est financière. Le coût du projet est passé de 20,5 à 35 milliards d'euros en quelques années et son mode de financement paraît fragile, car il repose largement sur la construction de bureaux autour des nouvelles gares.The Grand Paris Express was the centerpiece of the Grand Paris project, launched in 2007 by then-President Nicolas Sarkozy to strengthen Paris' position in the competition between global cities. This new 200-km-metro serving the suburbs of Paris was the subject of a fierce dispute between the French government and the Île-de-France region, over both the route and the question of whether the project should be managed by Île-de-France Mobilités (controlled by the region) or by a state-controlled public agency, Société du Grand Paris. The Region and the government finally reached agreement in 2010, after the latter agreed to co-finance other regional transport projects. Construction is several years behind schedule, but the main drift is financial. The cost of the project has risen from 20.5 to 35 billion euros in just a few years, and its financing method seems fragile, as it relies heavily on the construction of offices around the new stations.
- Un équipement métropolitain sous tension. Le cas de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle - Laurent Terral p. 89-107 Les aéroports figurent parmi les équipements de transport incontournables des grandes métropoles. Celui de Paris-CDG, avec sa fonction de hub, est de très loin le plus fréquenté du pays. Au cours de la dernière décennie, il a connu une histoire agitée. Entre les projets d'extension et les perspectives d'accroissement de son trafic, la volonté des autorités publiques de le rapprocher du centre de Paris grâce au CDG Express et le projet de privatisation de son exploitant, le groupe ADP, il s'est retrouvé en première ligne de l'actualité du territoire métropolitain. Ces trois ambitions ont rappelé combien la question aéroportuaire dépasse l'échelle des pouvoirs locaux et interpelle de façon presque systématique le rôle de l'État à propos d'enjeux majeurs : transition écologique, souveraineté nationale, compétitivité du territoire... Si la crise du Covid-19 a pu servir de prétexte à certains choix politiques, elle n'a pas pour autant éclairé la position de l'État sur ce qu'il attend de la première plate-forme du pays dans le futur.Airports are one of the key transport facilities in major cities. Paris-CDG, with its hub function, is by far the busiest in the country. Over the last decade, it has had a turbulent history. With plans to extend the airport and increase traffic, the public authorities' desire to bring it closer to the centre of Paris with the CDG Express, and the planned privatisation of its operator (groupe ADP), it has been at the forefront of the news in the metropolitan area. These three ambitions have served as a reminder of the extent to which the airport issue goes beyond the scale of local authorities and almost systematically calls into question the role of the State in relation to major issues: ecological transition, national sovereignty, regional competitiveness, etc. While the Covid-19 crisis may have served as a pretext for certain political choices, it has not clarified the State's position on what it expects from the country's leading hub in the future.
- L'automobile, objet géopolitique ? Une lecture des débats sur la place de la voiture dans la région francilienne - Hadrien Commenges, Jean Debrie, Juliette Maulat p. 109-125 La place de l'automobile en ville est au cœur de nombreux débats largement médiatisés. Si ces débats révèlent des conflits partisans entre personnalités et groupes politiques, ils sont aussi marqués par des oppositions et contradictions entre échelles de planification et de régulation, corollaire d'une géographie de la dépendance automobile. Cet article a pour objectif d'explorer la dimension spatiale de ces conflits dans la région francilienne. Après avoir caractérisé la gouvernance de la métropole francilienne automobile, trois études de cas sont traitées : la fermeture des berges de Seine à Paris, les débats sur la requalification du boulevard périphérique, la mise en place de la Zone à faibles émissions dans le périmètre métropolitain. Ces études de cas permettent d'identifier une géopolitique de l'automobile caractérisée par une forte politisation du débat, une absence de consensus entre acteurs de l'action publique locale (nationale, régionale, intercommunale et communale) et enfin une fragmentation et une différenciation spatiale des politiques publiques sur cet objet automobile.The place of the car in the city in the Paris region is at the heart of strong and virulent debates. They are linked to political conflicts and to the multi-level planning and regulation of mobilities but also to the variegated geography of automobile dependency. The aim of this article is to explore the spatial dimension of the conflicts related to car in the Paris city-region. After an overview of the players involved in road governance and transport planning in the Paris Region, three case studies are examined: the closure of the banks of the Seine in Paris to car traffic, the debates on the requalification of the boulevard périphérique, and the recent implementation of the Low Emission Zone within the metropolitan area. These case studies draw a geopolitics of the automobile characterized by a highly politicized debate, a lack of consensus between the scale of governments (national, regional, inter-municipal and communal) and a spatial fragmentation of public policies on the car issue.
- Le logement en région parisienne : une faillite institutionnelle et un enjeu démocratique - Frédéric Gilli p. 127-142 L'Île-de-France connaît une crise à la fois de l'offre et de la demande de logements, qui se traduit par l'envolée des prix immobiliers et un rythme de construction qui ralentit fortement. Face à cette crise, les acteurs de la politique du logement ne savent plus travailler ensemble et sont pris dans leurs contradictions : les habitants veulent des logements, mais refusent la densification, les entreprises proposent quelques projets alibis, type écoquartiers, mais n'arrivent pas à changer vraiment de modèle, les maires veulent à la fois des logements, des espaces verts et des prix maîtrisés, tout en vendant les terrains publics au prix fort. La lourdeur des procédures fait que les grandes orientations du schéma directeur régional mettent des années à s'inscrire dans les documents de planification au niveau local. Les dynamiques urbaines qui affectent différemment les territoires, des portes de Paris jusqu'aux lisières de l'agglomération, sont perçues comme brutales, parce qu'elles vont trop vite et n'ont pas été précédées par un vrai débat démocratique.The Ile-de-France region is experiencing a crisis in housing supply and demand, which is reflected in rising real estate prices and a sharp slowdown in the pace of construction. Faced with this crisis, the players involved in housing policy no longer know how to work together and are caught up in their own contradictions: Residents want housing but reject densification; companies propose a few token projects, such as eco-districts, but are unable to really change their model; mayors simultaneously want housing, green spaces and controlled prices while selling public land at a high price. Cumbersome procedures mean that it takes years for the general guidelines of the regional master plan to be incorporated into local planning documents. The urban planning dynamic, which affects different areas differently, from the gateway to Paris to the outskirts of the conurbation, is perceived as brutal because it is happening too fast and has not been preceded by a genuine democratic debate.
- Le Grand Paris Express, une politique de gentrification ? - Anne Clerval, Laura Wojcik p. 143-161 Le Grand Paris Express est un projet d'aménagement de grande ampleur, qui implique la construction d'un nouveau réseau de métro, mais aussi de 68 futurs quartiers de gare, censés concentrer l'effort de production de logement pour les années à venir dans la région parisienne. C'est un chantier d'une ampleur inédite dont cet article analyse la programmation en termes de logement par différents niveaux de décision. Il apparaît que la majorité des logements neufs construits ou prévus dans ces quartiers seront des logements privés en accession à la propriété, bénéficiant d'une accessibilité inégalée jusqu'ici dans des banlieues souvent mal reliées au reste de l'agglomération. La part des logements sociaux prévus est variable localement et imprécise. Plus encore, des maires mobilisent les projets ANRU pour accélérer le changement social dans les futurs quartiers de gare. Les nouveaux quartiers de gare apparaissent comme une politique de gentrification qu'aucune intervention de la Métropole du Grand Paris ne vient contrecarrer.The Grand Paris Express is a large-scale development project, involving not only the construction of a new metro network, but also 68 future station districts, which are expected to concentrate the housing production effort for years to come in the Paris region. It's a project on an unprecedented scale, and this article analyzes the programming in terms of housing by different decision-making levels. It appears that the majority of new housing built or planned in these neighborhoods will be private home-ownership units, benefiting from unprecedented accessibility in suburbs that are often poorly connected to the rest of the metropolis. The proportion of social housing planned is locally variable and imprecise. What's more, some mayors are using ANRU projects to accelerate social change in future station districts. The new station districts appear to be a gentrification policy that is not being countered by the Metropole du Grand Paris.
- « Les quartiers en rénovation urbaine sont les seuls lieux où l'ascension sociale fonctionne encore » - Patrick Braouezec p. 163-171 Patrick Braouezec, ancien maire communiste de Saint-Denis, revient sur le bilan de l'aménagement de La Plaine Saint-Denis, pour lui largement positif. Davantage que par l'évolution sociologique de la ville, en partie une conséquence de cette opération d'aménagement, il explique la perte de la mairie et de la communauté d'agglomération au profit du parti socialiste par le choix du PC de se replier sur lui-même, en renonçant à dialoguer avec l'ensemble des acteurs du territoire, autres courants politiques, associations ou entreprises. Il souligne le rôle des quartiers populaires, seuls territoires à assurer réellement la fonction d'ascenseur social, notamment pour les populations issues de l'immigration. Il critique enfin le fonctionnement de la Métropole du Grand Paris, ingouvernable et cherchant systématiquement le consensus, et se prononce pour une métropole à l'échelle de l'Île-de France, basée sur la coopération entre la région et une vingtaine de grosses intercommunalités et reflétant la polycentralité de l'agglomération.Patrick Braouezec, former Communist Party mayor of Saint-Denis, looks back on the development of Plaine-Saint-Denis, which he sees as largely positive. More than the sociological development of the town, which is partly a consequence of this development initiative, he explains the loss of the mayor's office and the agglomeration municipality to the Socialist Party with the Communist Party's decision to withdraw into itself and abandon dialog with all local players, other political currents, associations, and businesses. He emphasizes the role of working-class neighborhoods, the only areas that really act as a social elevator, especially for the immigrant population. Finally, he criticizes the functioning of the Metropole du Grand Paris, which he describes as ungovernable as it systematically seeks consensus and advocates a metropolis on the scale of the Île-de-France region, based on cooperation between the region and some twenty large inter-municipal bodies, reflecting the polycentricity of the metropolitan area.
- « La Seine-Saint-Denis, même gentrifiée, restera un territoire d'accueil des populations défavorisées et étrangères » - Stéphane Troussel p. 173-180 Interview with Stéphane Troussel, président (socialiste) du département de Seine-Saint-Denis, explique que son travail consiste largement à alerter l'État sur la situation de ce territoire et obtenir le rattrapage de son retard en matière d'équipements publics. Ces difficultés sont en partie liées au rôle de la Seine-Saint-Denis dans l'accueil des populations migrantes. Un rôle qui va perdurer, malgré tous les discours démagogiques sur le contrôle de l'immigration, et qu'il faut donc organiser, en en partageant la charge avec les autres départements d'Île-de-France. Il se prononce pour une réforme de la Métropole du Grand Paris, étendue à l'échelle de la région et organisée sur la base des huit départements. Quant à l'importance de l'abstention aux élections (50 à 70 % dans de nombreuses communes des banlieues populaires), il l'explique autant par le discours des élus qui s'abritent derrière la technique et renoncent à faire de la politique, que par les caractéristiques du territoire (forte proportion de jeunes et de personnes d'origine immigrée).Stéphane Troussel, President of the Seine-Saint-Denis department (Socialist Party), explains that his role is above all to draw the French government's attention to the area's situation and ensure that it catches up in providing sufficient public services there. These difficulties are partly due to the role played by Seine-Saint-Denis in receiving migrants. Despite all the demagogic rhetoric about controlling immigration, this role will continue, and we must organize it by sharing the burden with the other departments in the Île-de-France region. He argues for a reform of the metropolis of Paris, extended to the size of the region and organized on the basis of the eight departments. He explains the high abstention rate (50-70% in many working-class suburban municipalities) both by the rhetoric of elected officials, who hide behind formalities and turn their backs on politics, and by the characteristics of the region (high proportion of young people and people with a migrant background).
- EuropaCity, Paris-Saclay, réaménagement de la gare du Nord : retour sur trois conflits d'aménagement majeurs des années 2010-2023 - Philippe Subra p. 181-196 L'Île-de-France a connu dans les années 2010 trois conflits majeurs autour de grands projets d'aménagement, avec des issues très différentes. La SNCF projetait de réaménager profondément la gare du Nord, afin d'accueillir un trafic en forte croissance, au prix de la construction de plus de 40 000 m2 de commerces et de bureaux. Le projet a suscité une fronde des associations de quartier et des grands noms de l'architecture. La Ville de Paris, d'abord favorable, a fini par retirer son soutien. Mais c'est la dérive des coûts du projet et les retards accumulés par le groupe Ceetrus, qui ont eu finalement raison du projet. Au nord de Paris, le projet EuropaCity, du même groupe, n'a pas résisté à la contestation d'une partie des élus locaux et des écologistes refusant l'artificialisation de terres agricoles et qui avaient réussi à en faire le symbole d'un urbanisme dépassé, et a perdu le soutien du gouvernement, soucieux de « verdir » son image. Au sud, en revanche, l'aménagement du cluster scientifique de Paris-Saclay a pu se poursuivre, malgré l'opposition des mêmes écologistes.In the 2010s, the Paris region experienced three major conflicts surrounding major development projects, with very different outcomes. The SNCF was planning a major redevelopment of the Gare du Nord train station, to accommodate rapidly growing traffic, at the cost of building over 40,000 m2 of retail and office space. The project sparked an outcry from neighborhood associations and leading architects. The Paris city council, initially in favor, eventually withdrew its support. But it was the project's runaway costs and the delays accumulated by the Ceetrus group that finally got the better of the project. North of Paris, the EuropaCity project, by the same group, failed to withstand the opposition of some local elected representatives and environmentalists who refused to allow the artificialization of farmland and who had succeeded in making it a symbol of outdated urban planning, and lost the support of the government, anxious to put an environment-friendly shine on its image. South of Paris, on the other hand, development of the Paris-Saclay science cluster was able to proceed, despite opposition from the same environmentalists.
- « Il faut créer une région/métropole capable de piloter l'aménagement dans toutes ses dimensions » - Pierre Veltz p. 197-206 Pierre Veltz, économiste, ancien directeur de la Mission du Grand Paris et ancien président de Paris-Saclay, revient sur la façon dont le projet du Grand Paris Express a été élaboré, comme une « chasse gardée » du ministre Christian Blanc. Celui-ci avait fait le choix de ne pas collaborer avec la région Île-de-France et de privilégier le dialogue avec les maires. Il tire le bilan de l'aménagement du « cluster scientifique et technologique » de Paris-Saclay et défend le choix d'une ligne du nouveau métro, la ligne 18, pour desservir le site. Les inquiétudes des écologistes concernant une future urbanisation du plateau de Saclay lui paraissent totalement infondées, car les terres agricoles sont fortement protégées. La Métropole du Grand Paris est pour lui « le syndicat de l'immobilisme », permettant à chaque maire de rester maître chez lui. La solution est le transfert des compétences de la MGP à la région Île-de-France, avec comme niveau intermédiaire une vingtaine de grandes villes intercommunales de 400 000 à 500 000 habitants.Interview with Pierre Veltz, economist, former director of the Mission du Grand Paris and former president of Paris-Saclay, sees the way in which the Grand Paris Express project was developed by then-Minister Christian Blanc as its own private project. He decided against cooperating with the Île-de-France region, preferring instead to enter into a dialog with the mayors. He takes stock of the development of the Paris-Saclay “Science and Technology Cluster” and defends the decision to build a new metro line, line 18, to connect the site. The concerns of ecologists about the future urbanization of the Saclay plateau appear to him to be completely unfounded, as the agricultural land is strongly protected. For him, the Metropole du Grand Paris (MGP) is “an union of immobility” that allows each mayor to keep control of their own house. The solution is to transfer the powers of the MGP to the Île-de-France region, with some twenty large inter-municipal cities with a population of between 4 and 500,000 as an intermediate level.