Contenu du sommaire : En Afrique, l'ordre constitutionnel en questions
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Afrique Contemporaine ![]() |
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Numéro | no 278, 2024/2 |
Titre du numéro | En Afrique, l'ordre constitutionnel en questions |
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- Éditorial - Jean du Bois de Gaudusson p. 7-8
Dossier : En Afrique, l'ordre constitutionnel en questions
- Préface à trois voix - Jean du Bois de Gaudusson, Christine Desouches, Bonaventure Mvé Ondo p. 9-10
- L'ordre constitutionnel : un défi, un piège, une opportunité - Jean du Bois de Gaudusson p. 11-14
- Ordre constitutionnel et communauté internationale : du symbole au mirage ? - Christine Desouches p. 15-20
- Penser les constitutions - Bonaventure Mvé Ondo p. 21-26
- Les organisations internationales et l'ordre constitutionnel en Afrique - Gérard Aïvo p. 27-54 L'ordre constitutionnel dans les États africains a beaucoup évolué depuis la décolonisation. Il a connu des mutations. D'un ordre constitutionnel formel à l'origine, il est devenu depuis la fin de la guerre froide et la vague de démocratisation des années 1990, un ordre substantiel démocratique. Cependant, depuis quelques années, l'ordre constitutionnel est sous pression et est régulièrement remis en cause, soit de la part des chefs d'État en exercice qui monopolisent le pouvoir au mépris des principes de l'État de droit, soit par des coups d'État militaires, entrainant la réaction souvent vigoureuse des organisations internationales et régionales qui se sont juridiquement investies du rôle de garant de la stabilité de l'ordre constitutionnel dans le monde. Si, à l'examen, la contribution des organisations internationales à l'instauration d'un ordre constitutionnel démocratique dans les États africains est indéniable, il convient néanmoins de s'interroger sur leur efficacité quant à la stabilité durable de ce dernier. C'est l'objectif de la présente réflexion qui, à travers une démarche analytique, empirique et institutionnaliste, met en lumière le dévoiement insidieux de l'action de ces organisations qui ne s'inscrivent pas toujours dans une démarche objective en faveur des valeurs démocratiques.The constitutional order in African states has evolved significantly since decolonization. It has undergone considerable transformations. Originally a formally constitutional order, since the end of the Cold War and the wave of democratization of the 1990s it has become a substantively democratic order. However, for several years, the constitutional order has come under pressure and is regularly called into question, either by current heads of state monopolizing power in defiance of the principles of the rule of law, or by military coups, prompting often forceful responses from international and regional organizations—which have legally assumed the role of guarantors of the stability of the constitutional order throughout the world. While the contribution of international organizations to the establishment of a democratic constitutional order in African states is undeniable, it is nevertheless worth examining their effectiveness in ensuring its lasting stability. This is the objective of the present contribution which, through an analytical, empirical, and institutionalist approach, highlights the insidious way in which these organizations' actions may stray from their intended objectives, sometimes failing to align with an objective commitment to democratic values.
- Juridictions constitutionnelles africaines et retour à l'ordre constitutionnel : la dimension électorale - Jean-Louis Atangana Amougou p. 55-76 Quel a été le rôle des juridictions constitutionnelles face à l'ordre constitutionnel en Afrique durant ces trois dernières décennies ? Que ce soit en tant que juge de la constitutionnalité des lois, régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics ou en tant que juge des élections, le juge constitutionnel se trouve désormais au centre de toutes les procédures et problématiques qui touchent à l'État de droit et à l'ordre constitutionnel. De notre étude, il ressort de l'observation de la vie politique que le juge constitutionnel subsaharien chargé de veiller au bon fonctionnement des pouvoirs publics, de contrôler la constitutionnalité des lois et de protéger les droits fondamentaux des citoyens apparaît comme le meilleur garant de l'ordre constitutionnel en ce qu'il cumule souvent les attributions de juge constitutionnel classique et celles de juge électoral. L'étude tente d'explorer cet angle mort du droit constitutionnel en proposant d'observer et d'analyser le rôle du juge constitutionnel dans son rapport avec l'ordre constitutionnel soit directement à travers l'organisation des élections ou indirectement à travers la sélection des candidats. Le résultat est qu'en Afrique comme ailleurs et peut-être plus en Afrique, si les juridictions constitutionnelles contribuent à la conservation de l'ordre constitutionnel, elles peuvent aussi malheureusement se muer en organes de déstabilisation de cet ordre constitutionnel.What has been the role of constitutional courts in upholding the constitutional order in Africa over the last three decades? Whether acting as arbiters of the constitutionality of laws, regulators of the functioning of the public authorities, or judges of elections, constitutional judges have come to occupy a central role in all the procedures and issues relating to the rule of law and the constitutional order. From our study and the observation of political life, it emerges that, in sub-Saharan Africa, constitutional judges—tasked with ensuring the proper functioning of the public authorities, reviewing the constitutionality of laws, and protecting the fundamental rights of citizens—appear to be the best guarantors of the constitutional order, as this role often combines the responsibilities of a traditional constitutional judge with those of an electoral judge. The study attempts to explore this poorly examined aspect of constitutional law by observing and analyzing the constitutional judge's role in relation to the constitutional order, either directly through the organization of elections or indirectly through the selection of candidates. The findings suggest that, in Africa as elsewhere—and perhaps more so in Africa—while constitutional courts contribute to the preservation of the constitutional order, they can, unfortunately, also turn into instruments of its destabilization.
- Les dynamiques inconstitutionnelles en Afrique noire francophone : sortir d'une vision enchanteresse de l'ordre constitutionnel : Le cas des successions présidentielles au Togo et au Sénégal - Arnold Martial Ateba p. 77-98 Le respect et la mise en application des constitutions en Afrique noire francophone font l'objet d'une littérature controversée. Le discours dominant est celui du non-respect des constitutions. Il s'illustre notamment par la rupture de ou le retour à l'ordre constitutionnel. Se rangeant, ainsi, sur l'axiome que l'ordre fonde le droit, cette vision sécrète, cependant, des impuretés. La sociologie politique du droit, comme trame théorique mobilisée renseignant sur les tensions entre droit et légitimité politique, permet de lire les trajectoires croisées et singulières du constitutionnalisme en Afrique subsaharienne. Les luttes autour des successions présidentielles en constituent le site empirique d'observation depuis 1990.Respect for and implementation of constitutions in French-speaking sub-Saharan Africa have been the subject of much controversy in the literature. The dominant discourse revolves around non-compliance with constitutions, and is typified by references to either “the breakdown of” or “the return to” the constitutional order. Built on the axiom that order is the foundation of law, this vision, however, reveals certain flaws. The political sociology of law, as a theoretical framework based on the crisis between law and political legitimacy, allows for an analysis of the intersecting and unique trajectories of constitutionalism in sub-Saharan Africa. Struggles over presidential succession have provided the empirical context for observation since 1990.
- L'ordre constitutionnel de transition en Afrique : étude des cas à partir des États d'Afrique noire francophone - Jean Mermoz Bikoro p. 99-116 Le droit constitutionnel africain est décidément résilient. Quand bien même la survenance d'une crise débouche sur la déconstitutionnalisation de la vie politique, on assiste à l'émergence de normes dont la vocation est d'encadrer à titre provisoire l'organisation et le fonctionnement du pouvoir. Ainsi, à l'ordre constitutionnel ordinaire, se substitue un ordre constitutionnel de transition chapeauté par une Constitution intérimaire. À l'analyse, il s'agit d'un ordre de nécessité qui a la particularité d'être fondamentalement programmatique.African constitutional law is decidedly resilient. Even when a crisis leads to the deconstitutionalization of political life, we witness the emergence of norms designed to temporarily regulate the organization and functioning of power. Thus, the ordinary constitutional order is replaced by a transitional constitutional order, overseen by an interim constitution. Upon analysis, this represents a constitutional order of necessity that is also fundamentally programmatic in nature.
- Déconstruction et reconstruction de l'ordre constitutionnel au Gabon (2023-2024) - Stéphane Bolle p. 117-135 Depuis le « coup de liberté » du 30 août 2023, le Gabon a déconstruit et reconstruit, non sans équivoques, son ordre constitutionnel. Cette mue singulière et inédite est née d'un changement anticonstitutionnel de gouvernement réputé salvateur qui éprouve le droit africain de la démocratie. Elle se fait dans le cadre d'une transition militaro-civile et ultra-présidentielle, reposant sur un « bricolage » juridique continu. Elle est entrée dans une phase décisive avec un exercice reconstituant se voulant participatif et évolutionnaire. La nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum le 16 novembre 2024 doit déboucher sur une élection présidentielle de sortie de la transition en août 2025.Since the “coup de liberté” of August 30, 2023, Gabon has deconstructed and rebuilt, though not wholly unequivocally, its constitutional order. This unique and unprecedented transformation stemmed from an unconstitutional change of government, a move that, though deemed necessary, is challenging the African right to democracy. This dramatic shift is taking place within the framework of a military-civilian and ultra-presidential transition, based on continuous legal “bricolage.” The process has entered a decisive phase, with efforts to rebuild the constitutional order in a participatory and evolutionary manner. The new constitution, which will be submitted to a referendum on November 16, 2024, is expected to lead to a presidential election to mark the end of the transition in August 2025.
- Les ordonnances constitutionnelles de l'armée : essai de réflexion théorique sur une catégorie juridique complexe - Ghislain Bombela Mosoua p. 137-154 Longtemps ignorées et laissées aux oubliettes dans l'étude du constitutionnalisme africain, les ordonnances militaires refont surface avec la recrudescence des coups d'État que traverse le continent noir ces dernières années. Entre 2021 et 2023, ce n'est pas moins de sept coups d'État qui ont secoué l'Afrique : le Tchad le 21 avril 2021, le Mali deux coups d'État en neuf mois le 18 août 2020 et le 24 mai 2021, la Guinée le 5 septembre 2021, le Soudan le 25 octobre 2021, le Burkina Faso le 24 janvier 2022, le Niger le 26 juillet 2023 et le Gabon le 30 août 2023. Cet état des choses traduit le retour de l'armée au pouvoir et la restauration des régimes militaires en Afrique. En accédant au pouvoir, les militaires entrainent une rupture de la légalité constitutionnelle. Cette rupture de l'ordre constitutionnel balise la voie aux ordonnances militaires, qui constituent la nouvelle légalité constitutionnelle des États africains en crise ou en transition. Il en ressort donc qu'il existe un double ordre constitutionnel au sein des États africains. Un ordre constitutionnel normal en temps de paix et un ordre constitutionnel de crise ou d'exception en contexte de coup d'État, généralement fondé sur les ordonnances constitutionnelles de l'armée. L'objectif de la présente réflexion est d'effectuer une analyse juridique serrée de cette catégorie juridique complexe. Pour ce faire, seront mobilisés comme outils théoriques et méthodologiques le décisionnisme tel que défendu par Carl Schmitt, le néoréalisme juridique, l'histoire et les pratiques constitutionnelles des États africains.Long ignored in the analysis of African constitutionalism, military ordinances have recently come to the fore following the wave of coups d'état across the continent. Between 2021 and 2023, there have been at least seven coups d'état in Africa: Chad on April 21, 2021; Mali, which faced two coups in nine months, one in August 2020 and another in May 2021; Guinea on September 5, 2021; Sudan on October 25, 2021; Burkina Faso on January 24, 2022; Niger on July 26, 2023; and Gabon on August 30, 2023. This situation marks the return of the military to power and the restoration of military regimes in Africa. By forcing its way into power, the military causes a breakdown in constitutional legality. This leads to use of military ordinances as the new constitutional legality of African States facing crises or in transition. As a matter of fact, there is a dual constitutional order within African States: a normal constitutional order in peacetime and a constitutional order of crisis or exception in the context of coups d'état, typically based on constitutional ordinances issued by the army. This article seeks to provide a rigorous legal analysis of this complex legal category. In terms of the theoretical framework, it draws on Carl Schmitt's decisionism, legal neorealism, history, and constitutional practices in African States.
- La contribution de la Cour constitutionnelle dans l'émergence d'un nouvel ordre constitutionnel au Maroc - El Maamoun Fikri p. 155-172 La Constitution marocaine de 2011 consacre un large éventail de droits et libertés fondamentaux, tout en évoquant pour la première fois le principe de séparation et d'équilibre des pouvoirs. Afin de garantir l'effectivité de ces dispositions avancées, elle prévoit la création d'une Cour constitutionnelle, dont la composition et les attributions confirment clairement son caractère juridictionnel. Bien que cette Cour soit appelée à jouer un rôle clé dans l'émergence d'un nouvel ordre constitutionnel au Maroc, il apparaît que sa contribution reste encore limitée, en raison de facteurs à la fois endogènes et exogènes.The Moroccan Constitution of 2011 enshrines a wide range of fundamental rights and freedoms, while for the first time introducing the principle of separation and balance of powers. In order to ensure the effectiveness of these advanced provisions, it provides for the establishment of a Constitutional Court, whose composition and powers clearly affirm its judicial nature. Although this Court is expected to play a key role in the emergence of a new constitutional order in Morocco, it appears that its contribution remains limited, due to both internal and external factors.
- Le droit transitoire en question(s) - Fabrice Hourquebie p. 173-186 L'article interroge la signification de ce que serait le droit transitoire, notamment mobilisé dans les périodes de transitions politiques et constitutionnelles que connaissent un certain nombre d'États d'Afrique francophone, pour essayer de le distinguer de notions voisines comme le droit transitionnel, le droit intérimaire ou le droit intermédiaire. De l'acception retenue, découlent des normes spécifiques (souvent regroupées sous la bannière du droit constitutionnel des crises) et des institutions singulières, comme la justice transitionnelle, dont la qualification ne lève pas nécessairement toutes les ambiguïtés sur son rapport au droit constitutionnel transitoire.This article explores the meaning of transitory law, as applied in periods of political and constitutional transitions in a number of French-speaking African states, and attempts to distinguish it from related concepts such as transitional law, interim law, or intermediate law. Specific norms (often grouped together under the banner of constitutional crisis law) and unique institutions, such as transitional justice, derive from the meaning given to the term, though its definition does not necessarily resolve all ambiguities regarding its relationship with transitional constitutional law.
- Les coups d'État et le processus de rétablissement de l'ordre constitutionnel en Afrique - Alain Itoula Kifoumba p. 187-208 Tout pouvoir politique, quelle que soit sa nature, est encadré par les règles juridiques, principalement constitutionnelles. C'est dans ce contexte qu'en Afrique, après un coup d'État militaire, les auteurs du putsch s'attèlent à reconstituer l'ordre constitutionnel, suspendu ou abrogé par leur prise de pouvoir. Depuis 2012, le constat est qu'il y a une recrudescence des coups d'État, en particulier en Afrique de l'Ouest et centrale qui suspend la constitution et emporte le chef de l'État. La conséquence est qu'ils font rentrer le continent dans un cycle de renouvellement quasi perpétuel du nouveau constitutionnalisme introduit dans les années 1990. En ce sens que, lorsque l'ordre constitutionnel n'arrive plus à assurer ses fonctions d'encadrer le pouvoir et de garantir les droits et libertés fondamentales, parce que corrompu par la majorité au pouvoir, le coup d'État apparait comme un moyen de le suspendre et de le rétablir. Il s'agira de mettre en évidence la stratégie mise en place par les putschistes pour reconstruire l'ordre constitutionnel.All political power, whatever its nature, is governed by legal, mainly constitutional, rules. It is in this context that, in Africa, after a military coup, the perpetrators of the putsch set about re-establishing the constitutional order, suspended or abrogated by their seizure of power. Since 2012, there has been a resurgence of coups d'état, particularly in West and Central Africa. As a result, the continent is entering a cycle of almost perpetual renewal of the new constitutionalism introduced in the 1990s. In this sense, when the constitutional order can no longer perform its function of overseeing power and guaranteeing fundamental rights and freedoms, because it has been corrupted by the ruling majority, the coup d'état appears to be a means of suspending and re-establishing it. The aim of this article is to highlight the strategies employed by coup plotters to rebuild the constitutional order.
- Le souverainisme de l'État Sahélien à l'épreuve du défi sécuritaire : le cas du Burkina Faso - Augustin Loada p. 209-226 Le présent article cherche à expliquer les raisons de la rhétorique souverainiste constatée dans les États du Sahel central dirigés par des juntes militaro-civiles, à travers l'exemple du Burkina Faso. Il montre que ces juntes, après s'être engagées à conduire des transitions démocratiques courtes ont par la suite fait de la souveraineté, une arme politique en vue de la conservation et de l'exercice absolutiste du pouvoir d'État, rompant ainsi, sur le plan géopolitique, avec les puissances occidentales et les valeurs démocratiques.This paper seeks to explain the reasons behind the rhetoric of sovereignty observed in the central Sahel states led by military-civilian juntas, through the example of Burkina Faso. It shows that these juntas, after pledging to bring about brief periods of democratic transition, subsequently turned sovereignty into a political weapon for the conservation and absolutist exercise of state power, thus breaking, on the geopolitical level, with Western powers and democratic values.
- L'éclosion de la violence comme signe de la perversion du système politique : De la violence épisodique à la violence chronique dans les démocraties pluralistes - Slobodan Milacic p. 227-246 La violence éclate partout dans le monde ; le constat est dramatique pour les systèmes politiques, tant ceux de « l'Occident collectif » que du « Sud Global », y compris ceux du continent africain, qui ont pour vocation primordiale la paix sociale. Le phénomène de violence semble miner notamment les démocraties pluralistes « en crises » conjoncturelles, pratiquement continues, bien qu'alternatives ou successives, sans avoir l'air de menacer le système en tant que tel, dans sa globalité. Pourtant ce sont des déséquilibres structurels et leurs dynamiques péjoratives qui donnent au problème ses aspects dramatiques, à la longue. Les plus menacées sont les démocraties « en transition » et les « démocraties historiques voire en post-modernité ». Le système politique, y compris dans sa composante constitutionnelle en place, ne paraît pas en mesure de limiter avec efficacité, la violence qui, structurellement, monte en puissance. La violence accompagne, désormais, les principaux temps forts de la vie et des décisions politiques et systémiques. Les sociétés ne peuvent pas subsister durablement avec le chaos de la violence, plus ou moins « sauvage », sans un système organisationnel qui l'encadre. Il faut s'interroger sur cet aspect de « l'accélération de l'histoire » qui comporte une forte dose de menaces existentielles.Violence is erupting all over the world, with dramatic consequences for the political systems of both the “collective West” and the “Global South”, as well as those of the African continent, whose primary mission is social peace. The phenomenon of violence seems to be undermining pluralist democracies in particular, which are in situations of near-continual crisis—albeit not all at the same time, but rather alternately or successively—without seeming to threaten the system as a whole. Yet it is precisely these structural imbalances and their harmful dynamics that lend gravity to the problem in the long run. The democracies most at risk are those “in transition” and the “historical or even post-modern democracies” in question. The current political system, including its constitutional component, does not appear capable of effectively limiting the violence that is structurally on the rise. Violence is now a constant fixture in political and institutional life and decision-making. Societies cannot sustainably survive with the chaos of violence, whether “wild” or otherwise, without an organizational system to help govern it. This aspect of the “acceleration of history,” which its attendant existential threats, needs to be addressed.
- Les institutions de transition - Éric M. Ngango Youmbi p. 247-266 Malgré l'ouverture démocratique des années 1990, les situations de perturbation de l'ordre constitutionnel sur le continent africain sont abondantes. Le droit constitutionnel est pris en défaut devant un tel phénomène : les théories, institutions et dispositifs classiques sont impuissants, non seulement à régir de telles situations, mais aussi à les expliquer. La présente contribution tente de répondre à une question : que se passe-t-il lorsque pour une raison ou pour une autre la Constitution est suspendue, les institutions dissoutes et le régime politique révoqué ? Autour de cette question, deux thèses classiques s'affrontent : la thèse du non-droit et la thèse décisionniste. L'auteur explore une troisième voie dictée par la réalité : celle d'un constitutionnalisme alternatif, qu'il a récemment théorisé sous la notion de « droit constitutionnel transitionnel ». Ayant déjà développé dans un article l'aspect normatif de ce droit, il s'intéresse dans la présente contribution aux institutions de transition, pour saisir au-delà de la question de leur légitimité, celle de leurs logiques juridiques.Despite the democratic changes in the early 90s, instances of disruption to the constitutional order have been widespread across the African continent. Since then, no institutional mechanism has been able to regulate this phenomenon. This article asks what happens when the Constitution is suspended, the institutions dissolved, and the political regime revoked. Two theses are usually considered: the thesis of lawlessness and the decisionist thesis. In a previous article, I formulated the hypothesis of a third way imposed by reality; an alternative constitutionalism that I theorize under the name of “transitional constitutional law.” Having already developed the normative aspect of this law, this article aims to delve beyond the question of legitimacy to analyze the legal logics of these transitional institutions.
- Saisir l'ordre constitutionnel par les instruments : la politique de démocratie de la CEDEAO - Abdoul Karim Saidou p. 267-292 Cet article propose une analyse de la crise de l'ordre constitutionnel instauré par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). La démarche théorique et conceptuelle est inspirée de la sociologie de l'action publique et aborde l'ordre constitutionnel par le prisme des instruments d'action publique. En mettant la focale sur le choix des instruments et leurs effets, l'article montre d'une part, un ordre constitutionnel politisé et de l'autre, un ordre constitutionnel reconfiguré.This article offers an analysis of the crisis of the constitutional order set in motion by the Economic Community of West African States (ECOWAS). The theoretical and conceptual approach is inspired by the sociology of public action and examines the constitutional order through the lens of public action instruments. By focusing on the choice of instruments and their effects, the article reveals on the one hand, a politicized constitutional order and on the other, a reconfigured constitutional order.
- Considérations brèves sur les figures de l'ordre constitutionnel en Afrique - Luc Sindjoun p. 293-301 L'ordre constitutionnel, comme catégorie d'analyse des régimes politiques africains, permet de penser ceux-ci comme à la fois comme organisation et commandement, comme agencement des rôles, prescription des comportements, et hiérarchisation de la société dans une perspective dynamique mettant en exergue une diversité de figures, tantôt distinctes, tantôt complémentaires. L'ordre constitutionnel en question est lié à l'histoire et à la culture, à l'importation et à la « vernacularisation », à la norme écrite et à la norme non-écrite ; il varie en fonctions des circonstances de temps, de lieu et d'action. Il est travaillé par des dynamiques de stabilité et de changement.As a category of analysis of African political regimes, the constitutional order allows us to conceptualize the latter as both an organization and a form of command, as an arrangement of roles, a set of behavioral prescriptions, and a hierarchization of society in a dynamic framework. This framework highlights a diversity of figures, sometimes distinct, sometimes complementary. The constitutional order in question is linked to history and culture, to importation and “vernacularization,” to the written norm and the unwritten norm; it varies depending on the circumstances of time, place, and action. It is shaped by dynamics of both stability and change.
- À la recherche d'un ordre constitutionnel démocratique en Afrique subsaharienne francophone - Serge François Sobze p. 303-327 De quel ordre constitutionnel parle-t-on ? Après les tumultes de la démocratie politique caractérisée dans les années 1990 par les résistances, les succès et les insuccès, l'Afrique noire s'est résolument mise à la recherche d'un ordre constitutionnel qui serait propulseur d'un État de droit démocratique. Elle s'est inspirée des valeurs constitutionnelles et a-constitutionnelles, plus précisément des objectifs et principes énoncés dans l'Acte constitutif de l'Union africaine tels que la bonne gouvernance, la participation populaire, l'État de droit et les droits de l'homme. La présente contribution se propose de déconstruire et de reconstruire une nouvelle grille d'analyse à partir des crises politiques et institutionnelles actuelles, considérées comme des obstacles à l'enracinement d'un ordre démocratique à visage humain en Afrique. Cette réflexion qui se veut une analyse reposant sur l'exégèse et sur la sociologie des normes, suggère de sortir l'ordre constitutionnel africain de son état alité ou émasculé pour un ordre constitutionnel vivifié ou revitalisé.Which constitutional order are we talking about exactly? After the political democratic upheavals of the 1990s, marked by resistance, successes, and failures, sub-Saharan Africa has resolutely sought to establish a constitutional order capable of advancing a democratic rule of law. It drew inspiration from constitutional and extra-constitutional values, particularly the objectives and principles set out in the Constitutive Act of the African Union, such as good governance, popular participation, the rule of law, and human rights. The aim of this contribution is to deconstruct and reconstruct a new analytical framework based on current political and institutional crises, seen as obstacles to the establishment of a truly humane democratic order in Africa. This analysis, grounded in the exegesis and sociology of norms, advocates for transitioning the African constitutional order from a dormant or weakened state to a revitalized and dynamic one.
- En guise de conclusion : pour un ordre constitutionnel démocratique - Robert Dossou p. 329
- Préface à trois voix - Jean du Bois de Gaudusson, Christine Desouches, Bonaventure Mvé Ondo p. 9-10
Notes de lecture
- Leonardo R. Arriola, Lise Rakner, and Nicolas van de Walle (ed.), Democratic Backsliding in Africa? Autocratization, Resilience, and Contention, Oxford University Press, 2023 - Pierre Jacquemot p. 331-339
- Xavier Aurégan, Chine, puissance africaine : Géopolitique des relations sino-africaines, Paris, Armand Colin, 2024 - Yves Gounin p. 340-341
- Michel Cahen, Colonialité. Plaidoyer pour la précision d'un concept, Karthala, Coll. Disputation, 2024 - Bonaventure Mvé Ondo p. 342-346
- George Courade, « Comme le fleuve, la vérité se perd dans le désert », Faire de la recherche dans les Afriques en décolonisation, Les Indes savantes, 2023, 152 p. - Jean-Pierre Listre p. 347-349
- Joseph Pascal Mbaha, Arman Leka Essomba et Paul Tchawa (dir.), Territoires, pluralisme identitaire et coexistence communautaire en Afrique – (Dynamique de conflits et imaginaires de l'espace), L'Harmattan, coll. Etudes africaines, sociologie, 2024 - Jean-Bernard Véron p. 350-352
- Jean-Pierre Olivier de Sardan, L'enchevêtrement des crises au Sahel, Niger, Mali, Burkina Faso, Karthala, Collection Disputatio, 2023 - Marc Raffinot p. 353-360
- Bonacci Giulia, Delmas Adrien, Argyriadis Kali, Cuba and Africa, 1959–1994: Writing an Alternative Atlantic History, Wits University Press, 2020 - Michel Bampély p. 361-362
- Fanny Pigeaud, Ndongo Samba Sylla, De la démocratie en Françafrique, une histoire de l'impérialisme électoral, La Découverte, 2024 - Gilles Lainé p. 363-367
- Victoria Ojo-Adewuyi, Criminal Justice Responses to the Boko Haram Crisis in Nigeria, Springer, volume 34, 2024 - Rajae Zine El Abidine p. 368-371
- Leonardo R. Arriola, Lise Rakner, and Nicolas van de Walle (ed.), Democratic Backsliding in Africa? Autocratization, Resilience, and Contention, Oxford University Press, 2023 - Pierre Jacquemot p. 331-339