Contenu du sommaire : À l'école de la différence : regards croisés sur les enjeux scolaires du handicap

Cet article s'appuie notamment sur des travaux antérieurs où ont été analysées, à partir de Ricœur et de Foucault, les distorsions discursives internes aux textes réglementaires relatifs aux dispositifs inclusifs successifs (Clis, Upi, Ulis). Dans d'autres recherches, ont été mis à jour les liens possibles entre les résistances des systèmes éducatifs à l'inclusion scolaire et la réalisation d'un objectif social stratégique, au sens de Foucault. Ce projet consisterait dans le champ de l'inclusion scolaire, comme on peut l'inférer à partir du rapport Blanc (2011), à viser le transfert entre le milieu spécialisé et le milieu ordinaire des élèves handicapés. Partant de ces résultats antérieurs, cet article explore les mécanismes par lesquels se reconstituent sous le nouveau toit scolaire commun des frontières invisibles via des modes d'affiliation distincts, au plan des pratiques langagières et institutionnelles. Ces mécanismes sont analysés sous le prisme du « tropisme », sous les deux aspects professionnel et institutionnel, à partir de la philosophie de wittgenstein et de l'approche foucaldienne du contrôle social.

Maladie génétique la plus fréquente dans le monde et dans les Antilles Françaises, où elle est considérée comme priorité nationale de santé publique, la drépanocytose a de forts retentissements sur le quotidien des jeunes qui vivent avec : sur leur santé physique, mais également leur qualité de vie, et leur participation sociale. C'est dans l'espace scolaire, lieu d'apprentissage et de socialisation, que le poids de la pathologie est le plus marqué. La présente étude, menée sur des drépanocytaires (n = 81) ainsi que des sujets sains (n = 45) âgés de 6 à 16 ans et résidant en Guadeloupe, s'appuie sur le modèle écologique du Processus de Production du Handicap (Fougeyrollas, 2010 ; Fougeyrollas et Cloutier, 2016). Le travail présenté ici questionne le vécu de la maladie, en particulier dans le champ scolaire, et articule les analyses issues de différents types de matériaux quantitatifs et qualitatifs (i.e, échelles MHAVIE et MQE, entretiens biographiques avec des jeunes malades et leur entourage familial, ainsi que des acteurs pertinents, n = 43). Les données quantitatives relatives à la qualité de la participation sociale et de l'environnement, détaillées dans de précédents travaux (Cholley-Gomez et al., 2022a ; Cholley-Gomez et al., 2022b) attestent de l'impact de la pathologie, et en particulier des situations de handicap ou de restriction de la participation sociale rencontrées dans les espaces liés aux loisirs, et à la scolarité, dans un environnement physique et social particulièrement contraignant. Les données qualitatives permettent d'affiner ces éléments. Chez ces enfants et adolescents le vécu de la drépanocytose est, particulièrement dans le champ scolaire, caractérisé par la problématique de son invisibilité. Une problématique toutefois appréhendée par une forme d'ambivalence puisque les drépanocytaires, en quête de normalisation, adoptent des stratégies de masquage et de contrôle des signes visibles de la maladie, impactant sa gestion ; dans le même temps, les discours montrent des stratégies de dévoilement et un besoin de reconnaissance des difficultés et contraintes liées à la pathologie, finalement peu (re)connus du personnel éducatif et du grand public.

Le village de Bengkala en Indonésie est connu sous le nom de Desa Kolok qui signifie « village sourd ». Dans ce village, où habitent un nombre élevé de personnes sourdes en raison de la transmission d'un gène récessif (winata et al., 1995), les personnes sourdes (koloks) et les personnes entendantes (normals) se côtoient de manière quotidienne. Il existe dans le village des stratégies d'adaptation qui donnent l'impression d'une inclusion maximale des koloks à tous les niveaux de la communauté (vibert et Gaucher, 2020). Les données présentées dans cet article sont basées sur des dessins effectués par les élèves qui fréquentent l'école bilingue (bahasa indonesia / kata kolok) de Bengkala dans le but d'en faire ressortir leur représentation sociale de la surdité. Les dessins révèlent qu'il y a deux moyens d'illustrer la surdité à Bengkala, soit les mots et les mains, ce qui s'éloigne de la conception du rapport surdité-différence corporelle généralement présente dans les sociétés individualistes occidentales. La conclusion provisoire qui ressort des données souligne l'importance d'une représentation de la surdité comme statut social et non comme caractéristique physique.

Depuis les années 2000, la Suisse affermit un mouvement intégratif devant permettre aux élèves ayant des handicaps physiques sévères de fréquenter la classe ordinaire. Le présent article s'appuie sur les résultats d'une ethnographie des trajectoires biographiques de joueur·euses d'unihockey en fauteuil électrique en Suisse. Il montre que dans les trajectoires scolaires des participant·es, les instances en charge de l'intégration des élèves handicapé·es reproduisent les catégories socio-assurantielles de l'« intégrabilité » et de la « non-intégrabilité » au sein de l'école. Dès que l'école intégrative n'est plus adaptée aux besoins des élèves ayant des handicaps physiques sévères, ils·elles vivent une transition institutionnalisée vers l'école séparative. Nous présentons le processus de cette transition presque toujours définitive. Nous décrivons ensuite les expériences paradoxales, aussi bien de l'école intégrative que de l'école séparative, des participant·es. Il ressort des discours que leurs trajectoires scolaires ont été inéluctablement infléchies, ceci restreignant leurs choix de vie, notamment de (non-)activité sur le marché primaire de l'emploi.

Cet article analyse, du point de vue curriculaire et de la construction des identités professionnelles, la mise en place d'un enseignement de spécialité « Numérique et Sciences Informatiques » dans le cadre de la réforme des lycées. La diversité des provenances disciplinaires et de formations de ses enseignants, l'absence d'antériorité dans le cursus des lycéens mais aussi la volonté politique constante de donner une place à l'informatique dans les programmes scolaires interrogent le statut de cet enseignement. Nous l'analysons du point de vue des écarts à la forme scolaire. S'il s'agit d'une évolution, quelle en est la nature ? Cette recherche collective s'appuie sur des données quantitatives recueillies par questionnaire et qualitatives. Les résultats soulignent que cet enseignement questionne la forme scolaire, notamment à travers les dispositifs pédagogiques, la relation aux élèves et l'expertise disciplinaire.

Cette étude s'inscrivant dans la théorie de l'autodétermination (Ryan et Deci, 2017) vise à la fois à cerner la motivation des élèves du secondaire à participer aux cours d'Éducation Physique et Sportive (EPS) et à identifier les rôles du sexe et du niveau habituel d'activité physique. Une analyse en cluster a permis d'identifier quatre profils motivationnels distincts auprès de 539 collégiens et lycéens : « autodéterminé », « déterminé », « modéré », « peu déterminé ». Des analyses différentielles ont mis en évidence des liens significatifs entre le profil motivationnel et le sexe et/ou le niveau habituel d'activité physique. Les filles, les élèves ne fréquentant pas l'association sportive (AS) de leur établissement, ceux ne pratiquant pas une activité physique et sportive extra-scolaire, ceux ayant un faible niveau d'activité physique sont-surreprésentées parmi le profil « peu déterminé ». Au contraire, les garçons sont surreprésentés parmi le profil « déterminé ». Par ailleurs, les élèves fréquentant l'AS ou pratiquant une activité physique et sportive extra-scolaire sont sur-représentés parmi les profils « autodéterminé » et « déterminé ». Ces résultats sont discutés avant une présentation des limites et les implications de l'étude.

Les récentes réformes du collège (2016) et du lycée (2021) orientent la politique scolaire vers une approche de l'éducation de plus en plus centrée sur les compétences méthodologiques, sociales et transversales. Ces dernières posent la question de l'intelligence collective à l'école. Cet article à visée exploratoire propose un essai théorique autour de l'intelligence collective, mis en perspective par l'étude empirique des représentations enseignantes. À partir d'un questionnaire et d'une analyse inductive, nous faisons émerger une carte sémantique du concept en question. Définition théorique et conceptions empiriques se rejoignent sur de nombreux points. D'autre part, différentes modalités pédagogiques sont mises en lien avec l'intelligence collective. Les personnels interrogés expriment l'importance qui devrait y être accordée – notamment au travail interdisciplinaire – dans le domaine de l'éducation. En définitive, les dispositifs qui invitent les élèves et/ou les enseignants à la coopération et à la mise en projet, peuvent produire un terreau fertile pour le développement de l'intelligence collective à l'école.

À l'heure où le contexte sanitaire obligeait les enseignants à mettre place des pratiques d'enseignement à distance, cet article part du postulat que ce contexte a impacté l'intégration des technologies numériques dans l'enseignement et les représentations existantes des ENT (Espace numérique de travail). Utilisant une approche exploratoire, un ensemble de changements est relevé. Les résultats s'appuient sur les réponses à un questionnaire numérique, des entretiens et des relevés de fréquentations d'un ENT et des services intégrés qu'il propose à l'échelle d'un lycée français. Il y est observé une modification du noyau représentationnel de l'ENT par une reconnaissance accrue de son utilité notamment pour l'accès à la « ressource » et les possibilités de « partage ». L'utilité de l'ENT serait mieux perçue même si un certain nombre d'enseignants en conserve une pratique limitée. Les résultats apportent des éléments sur les préoccupations des usagers en vue de proposer des éléments d'accompagnement adaptés au terrain.

Cette recherche exploratoire visait à analyser l'activité de deux collégiens réalisant un match de tennis de table exploitant du jeu du « Cartaping » (Monnet, 2009). Plus précisément, il s'agissait de mettre à l'épreuve les hypothèses formulées par l'auteur, selon lesquelles le Cartaping aurait un impact positif sur les émotions des élèves, sur les dimensions tactiques et stratégiques de leur activité, et sur leur acquisition de compétences plus générales. En nous basant sur le programme de recherche du « cours d'action » (Theureau, 2006), nous avons filmé les élèves lors du match puis réalisé avec eux un entretien d'autoconfrontation. Les résultats ont indiqué qu'à l'échelle du match, les hypothèses de Monnet (2009) ont été validées dans presque 75 % des cas, partiellement validées dans un quart des cas, et invalidées une seule fois. Le Cartaping a surtout eu des effets positifs sur les compétences tactiques et stratégiques des élèves. Ses effets sur les émotions sont plus ambivalents. Des propositions sont formulées pour optimiser le potentiel du Cartaping dans l'enseignement de l'EPS.

Cet article aborde la réforme de la formation à l'enseignement de l'éducation physique et sportive (ÉPS) en Tunisie sous l'angle du processus d'implantation du modèle Licence-Master-Doctorat (LMD). Il identifie les retombées du passage au régime LMD sur la professionnalisation des futurs enseignants d'ÉPS en Tunisie. L'étude s'inscrit dans le champ de l'analyse des politiques éducatives (Green, Camili et Elmore, 2006 ; Lessard, Desjardins, Schwimmer et Ann, 2008). Le devis de recherche qualitatif adopté a été mené par le biais d'entrevues semi-structurées individuelle (21) et d'entrevues de groupe (2) auprès de 29 informateurs sélectionnés selon une stratégie d'échantillonnage non probabiliste mixte. Les entrevues préalablement transcrites ont fait l'objet d'une analyse de contenu selon le modèle des catégories mixtes (L'Écuyer, 1990). L'examen des résultats nous amène à soutenir que la nouvelle mouture de la formation à l'enseignement de l'ÉPS en Tunisie est déprofessionnalisante.

À la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), un accompagnement basé sur les émotions à valence positive a été assuré à huit enseignants résistants à la régulation de leur enseignement suite à l'Évaluation de leur enseignement par les étudiants (EEE). La démarche mise en place a permis à certains d'entre eux d'assouplir leur position afin de percevoir la dimension formative de l'EEE alors que d'autres y ont maintenu leur opposition. L'article questionne le rôle des émotions dans l'accompagnement des enseignants, les incitant à atténuer leur résistance, une fois rassurés. Fondée sur un devis exploratoire à visée compréhensive, la présente étude s'inscrit dans une approche qualitative en vue de comprendre l'amorce du changement entrepris vis-à-vis de l'EEE, suite à un accompagnement basé sur les émotions.