Contenu du sommaire : La spatialisation de l'ordre politique

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 36, no 143, 2023
Titre du numéro La spatialisation de l'ordre politique
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Éditorial - p. 3-4 accès libre
  • Dossier. La spatialisation de l'ordre politique. Action publique, représentation politique et territoire

    • La conversion politique des intérêts sociaux : ordre politique et division sociale de l'espace local - Lorenzo Barrault-Stella, Camille François, Anne-France Taiclet p. 7-25 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À l'intersection de la sociologie politique et de la sociologie urbaine, cet article explore le processus de spatialisation de l'ordre politique en articulant deux angles d'analyse, qui constituent autant d'angles morts produits par le cloisonnement des disciplines et des thématiques de recherche : d'une part, la spatialisation des groupes sociaux et de leur représentation politique, qui s'inscrivent toujours dans des territoires spécifiques, dont la morphologie sociale particulière affecte la capacité (ou l'incapacité) de chaque groupe à convertir et représenter politiquement ses intérêts ; d'autre part, l'action publique, qui module aussi bien la composition sociale des territoires que la capacité des groupes ou des échelles de gouvernement à imposer, arbitrer ou reproduire les différents intérêts sociaux. En proposant de déplier les maillons de la conversion politique des intérêts des groupes sociaux à l'échelle locale, il plaide pour un décloisonnement des disciplines et des méthodes en sciences sociales, indispensable pour analyser les mécanismes de réfraction spatialisée de l'ordre politique – au sein des institutions représentatives du pouvoir local comme dans les politiques publiques territorialisées – et in fine la manière dont s'exerce la domination politique territorialisée.
      At the intersection of political sociology and urban sociology, this article explores the process of spatialization of the political order by articulating two angles of analysis, which constitute so many blind spots produced by the compartmentalization of disciplines and research themes: on the one hand, the spatialization of social groups and their political representation, which are always inscribed in specific territories, whose particular social morphology affects the ability (or inability) of each group to politically convert and represent its interests; on the other, public policy, which modulates both the social composition of territories and the ability of groups or scales of government to impose, arbitrate or reproduce different social interests. In proposing to unravel the links in the political conversion of social groups' interests on a local scale, the paper argues for a decompartmentalization of social science disciplines and methods, which is crucial to ultimately analyzing the way in which territorialized political domination is exercised.
    • Des conglomérats électoraux et leurs bases sociales intra-urbaines : Le cas du scrutin présidentiel de 2022 dans Nantes Métropole - Jean Rivière p. 27-52 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose de saisir la constitution et la composition des principaux conglomérats électoraux qui se sont cristallisés à l'occasion du premier tour du scrutin présidentiel de 2022, et ce en raisonnant à partir du cas nantais, emblématique des dynamiques sociales et électorales du haut de la hiérarchie urbaine française. À travers ce cas, il plaide pour une socio-géographie électorale quantitative et analyse les résultats à l'échelle fine des 475 bureaux de vote de Nantes Métropole, en les éclairant à l'aide d'indicateurs de la statistique publique permettant d'approcher les propriétés sociales des habitants de manière multidimensionnelle. La première partie s'attache à décrire la structuration de l'espace électoral local, ses correspondances avec l'espace social et ses traductions dans l'espace géographique. Cet espace électoral se révèle structuré autour de trois grands pôles, que les parties suivantes de l'article prennent ensuite le temps d'explorer.
      This article proposes to understand the constitution and composition of the main electoral conglomerates that crystallized during the first round of the 2022 presidential election, using the case of Nantes which is emblematic of the social and electoral dynamics of the top of the French urban hierarchy. Through this case, he argues for a quantitative electoral socio-geography and analyzes the results at the fine scale of the 475 polling stations of Nantes Metropole, by illuminating them with the help of public statistics indicators that allow us to approach the social properties of the inhabitants in a multidimensional way. The first part describes the structuring of the local electoral space, its correspondence with the social space and its translation into the geographical space. This electoral space appears to be structured around three main poles, which the following parts of the article then take the time to explore.
    • Le socialisme municipal à l'épreuve du déclin urbain : Transformations démographiques, (dé)mobilisations électorales et métamorphoses de l'action publique locale à Nevers (1971-2022) - Élie Guéraut, Achille Warnant p. 53-78 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'analyser les causes et les conséquences de la crise du socialisme municipal à Nevers, une ville moyenne du centre de la France. Conquise par les socialistes en 1971, la commune connaît une alternance à l'occasion des élections municipales de 2014, à l'occasion desquelles un candidat « sans étiquette » remporte la victoire. Nous montrons que si ce changement s'explique par des facteurs nationaux, tels que la diminution des votes à gauche chez les classes populaires et la « cartellisation » du PS, certaines particularités locales en ont amplifié ces effets. La décroissance démographique et l'appauvrissement qui se sont amplifiés dans les années 2000 ont modifié les bases sociales du pouvoir local, affaiblissant la capacité des socialistes et de leurs alliés à mobiliser leurs soutiens en raison de la réduction des ressources publiques et/ou de la baisse de leur efficacité.
      This article analyzes the reasons behind the crisis of municipal socialism in Nevers, a mid-sized city in France. Despite being under socialist control since 1971, the city experienced a shift during the 2014 municipal elections, resulting in the victory of an independent candidate. We argue that while this change is influenced by national factors such as the decline in left-wing votes among working classes and the “cartelization” of the Socialist Party, certain local factors have amplified these effects. Demographic decline and increased impoverishment in the 2000s have altered the social foundations of local power, weakening the ability of socialists and their allies to mobilize support due to reduced public resources and/or decreased effectiveness.
    • Les mobilisations de parents d'élèves séquano-dyonisiens en faveur de l'égalité territoriale : Sur la dimension spatiale des pratiques protestataires - Félicie Roux p. 79-109 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En abordant de façon systématique la dimension spatiale des pratiques protestataires sous différents aspects – conditions sociales d'émergence, revendications, répertoire d'actions –, cet article montre comment l'espace, dans ses composantes matérielle et symbolique, constitue un ressort de politisation important. Dans un premier temps, l'article examine les effets du contexte résidentiel sur la formation de collectifs socialement différenciés dans deux micro-espaces de la ville en prêtant attention aux trajectoires individuelles tout autant qu'aux interactions et pratiques dans l'espace de vie des mères (et pères) mobilisé·es. Or, si ces groupes ont des intérêts sociaux fortement contrastés, ils convergent pourtant autour d'un mot d'ordre militant, l'égalité territoriale. Dans un deuxième temps, l'article interroge ainsi les modalités d'appropriation de ce mot d'ordre en examinant les résonances discursives entre discours militants et catégories de l'action publique, et les formes de circulation et d'appropriation de ces catégories dans l'espace local. Enfin, la fédération et l'alliance de ces collectifs au niveau départemental, revendiquant « l'égalité 93 », conduisent à des tensions ou distances entre groupes sociaux localisés. Ainsi, si les catégorisations spatiales du monde social permettent la politisation et l'accès de groupes dominés à l'espace public et politique, elles contribuent aussi à construire la légitimité et l'autorité des groupes dominants dans l'espace local.
      By systematically addressing the spatial dimension of protest practices in all their aspects – in particular, the social conditions of emergence, demands and repertoires of action – this article shows how space, in its material and symbolic components, contributes to politicization. First, it examines the effects of the residential context on the formation of activist groups in two neighborhoods, paying as much attention to biographical trajectories as to the interactions and social practices in local space of the mothers (and fathers) mobilized. Although these groups have strongly contrasting social interests, they nevertheless converge around a slogan: territorial equality. The article then examines the ways in which this slogan has been appropriated, looking at the discursive resonances between militant discourse and categories of public action, and the ways in which these categories have circulated and been appropriated in the local space. Finally, the federation and alliance of these collectives at departmental level, claiming “equality 93”, leads to tensions or distances between localized social groups. So, while spatial categorizations of the social world enable the politicization of dominated groups, they also contribute to building the legitimacy and authority of dominant groups in local space.
    • Une double absence dans les quartiers populaires ? : Ancrage politique en déclin et relégation dans l'action publique - Antoine Lévêque p. 111-147 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que la ségrégation urbaine est aujourd'hui bien renseignée, alors qu'une attention fine est désormais déployée à l'égard de l'inscription territoriale des comportements politiques, c'est à la médiation des intérêts sociaux dans l'action publique et à ses traductions territoriales que cet article est consacré. En revenant sur le traitement de la desserte en transport en commun des quartiers populaires de Vaulx-en-Velin – l'une des communes les plus pauvres en France –, nous interrogeons l'évolution du rapport de l'offre politique aux espaces populaires de l'abstention. À mesure que les élus perdent leur ancrage dans les sociabilités populaires marquées par une démobilisation électorale, c'est aussi la façon de représenter les intérêts sociaux dans l'action publique urbaine qui évolue. Dans cette commune, l'intégration progressive des maires aux espaces de gouvernement de l'agglomération n'a pas empêché la relégation des quartiers populaires dans l'action publique. Celle-ci résulte notamment de leur socialisation aux cadrages et aux dispositifs d'action qui circulent dans ces espaces et produisent une hiérarchie des territoires.
      At a time when urban segregation is now well documented, and when close attention is now being paid to the territorial dimension of political behaviour, this article focuses on the representation of social interests in public action and its territorial implications. By examining the issue of public transport services in the working-class districts of Vaulx-en-Velin – one of the poorest municipalities in France – we look at the changing relationship between the local elected officials and neighborhoods where non-voting behavior is in the majority. As elected representatives lose their foothold in these districts, the way in which social interests are represented in urban policies is also changing. In this municipality, the gradual integration of mayors into the urban area government has not prevented working-class neighbourhoods from being relegated to the sidelines of policies. This is largely due to the socialization to the frameworks, tools and standards that circulate in these governing bodies, and which produce a hierarchy of neighborhoods.
  • Varia

    • Ce que l'attente fait aux mouvements sociaux : Temps et micro-mobilisation dans la lutte pour le droit au logement en Espagne - Marcos Ancelovici, Montserrat Emperador Badimon p. 149-173 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les personnes qui risquent une expulsion immobilière font face à un processus institutionnel et bureaucratique dont elles ne contrôlent pas la durée et qui est vécu comme une attente au dénouement incertain. Cet article analyse ce que font les activistes du mouvement pour le droit au logement en Espagne pour neutraliser les effets potentiellement paralysants de cette attente imposée. Sur la base d'observation participante ainsi que d'entretiens semi-dirigés réalisés à Barcelone entre 2013 et 2022, nous analysons l'articulation entre la temporalité institutionnelle dans laquelle s'inscrit la mobilisation contre les expulsions et la temporalité militante propre à cette mobilisation. Nous soutenons que le travail de micro-mobilisation réalisé à la croisée de ces deux temporalités contribue au développement de la capacité des personnes en situation d'insécurité résidentielle d'agir sur leur propre situation. En étudiant ce que les activistes font durant les moments d'attente, nous élargissons les catégories à travers lesquelles on peut rendre compte de l'action collective.
      People threatened with the possibility of eviction face an institutional and bureaucratic process which time they do not control, and which is experienced as a wait with an uncertain outcome. This article analyzes what activists in the housing rights movement in Spain do to counter the potentially paralyzing effects of this imposed wait. On the basis of participant observation as well as semi-structured interviews conducted in Barcelona between 2013 and 2022, we analyze the articulation between the institutional temporality, in which the mobilization against evictions takes place, and the militant temporality specific to this mobilization. We contend that the micro-mobilization work carried out at the intersection of these two temporalities contributes to the development of the capacity of people experiencing residential insecurity to act on their own situation. By studying what activists do during moments of waiting, we expand the analytical categories through which we can account for collective action.
    • À qui s'adressent les dispositifs participatifs dans les quartiers populaires ? : Les entrepreneur·es de participation comme destinataires de l'action publique participative à Marseille et Barcelone - Marion Lang p. 175-199 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le début des années 2000, les dispositifs participatifs se multiplient dans les quartiers populaires, cherchant à toucher des individus présentés par les pouvoirs publics comme souffrant d'un déficit de citoyenneté. Le développement d'un panel de dispositifs et de procédures de participation publique a transformé les tissus associatifs et fait émerger des « entrepreneur·es de participation ». Basé sur une enquête ethnographique dans deux quartiers de Marseille et Barcelone, l'article prend pour point de départ ces entrepreneur·es qui jouent un rôle central dans l'appropriation locale de la participation publique. Il interroge leur contribution à la mise en œuvre de la participation et montre comment leur position oscille entre intermédiaires et destinataires des dispositifs délibératifs. Les entrepreneur·es, en tant qu'intermédiaires, sont chargé·es par les agents et agentes administratives de mobiliser un public habitant lors des réunions de participation. L'étude des logiques de mobilisation montre pourtant que les agent·es institutionnels sont peu attentifs aux pratiques sélectives des entrepreneur·es. En outre, on assiste à une fermeture de certains dispositifs participatifs autour des entrepreneur·es qui en deviennent les principaux publics.
      Since the early 2000s, a growing number of participatory mechanisms have been set up in working-class neighborhoods, with the aim of reaching out to individuals perceived by public authorities as suffering from a lack of citizenship. The development of a range of public participation mechanisms and procedures has transformed the associative fabric and led to the emergence of “participation entrepreneurs”. Based on an ethnographic survey in two districts of Marseille and Barcelona, the article takes as its starting point these entrepreneurs who play a central role in the local appropriation of public participation. It examines their contribution to the implementation of participation and shows how their position oscillates between intermediaries and recipients of participation policies. As intermediaries, entrepreneurs are entrusted by administrative officials with the task of mobilizing the local public at participation meetings. However, the study of mobilization logics shows that institutional agents pay little attention to the selective practices of entrepreneurs. What's more, we're witnessing the closure of certain participatory mechanisms around entrepreneurs, who are becoming their main audience.
  • Lecture critique

  • Notes de lecture