Contenu du sommaire : Le Kremlin et les Occidentaux depuis la fin de la guerre froide
Revue |
Relations internationales ![]() |
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Numéro | no 197, printemps 2024 |
Titre du numéro | Le Kremlin et les Occidentaux depuis la fin de la guerre froide |
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- Le Kremlin et l'Occident face aux guerres de la Russie poutinienne (2000-2021) - Anne de Tinguy p. 3-17 Tchétchénie, Géorgie, Syrie, Ukraine, conflits sécessionnistes, antagonisme avec l'Occident : depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la guerre et la confrontation ont été continûment présentes en Russie. Pourtant l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a surpris la plupart des observateurs. Comment l'expliquer ? Le présent article cherche à répondre à cette question et, ce faisant, à éclairer les origines de l'agression russe en s'interrogeant sur l'existence d'un lien entre la funeste décision russe du 24 février, les conflits qui se sont succédé depuis 2000, la réception de ces conflits dans les États occidentaux et celle des réactions que celle-ci suscite à Moscou.Chechnya, Georgia, Syria, Ukraine, secessionist conflicts, and antagonism with the West: since Vladimir Putin came to power, war and confrontation have been ever-present in Russia. However, Russia's invasion of Ukraine on 24 February came as a surprise to most observers. How can this be explained? The purpose of this article is to try to answer this question and to shed light on the causes of Russian aggression by the existence of a link between the disastrous decision of 24 February, the incessant conflicts since 2000, the reception of these conflicts in the Western countries, and the way Moscow reacted.
- Le « monde russe » : un concept mouvant au service de l'impérialisme poutinien - Marie-Pierre Rey p. 19-28 L'article revient sur le concept de « monde russe » qui constitue à l'heure actuelle un élément central de l'idéologie poutinienne. Apparu en 1997-1998, le « monde russe », terme alors un peu flou, est initialement circonscrit à la sphère culturelle et linguistique. Il se transforme peu à peu, et en 2007, renforcé par la création d'une structure conjointement financée par le ministère des Affaires étrangères russe et le ministère de la Science et de l'Éducation, il devient l'instrument d'une diplomatie d'influence. Mais à partir de 2014, et plus encore de février 2022, il se transforme en un outil opérationnel au service de l'impérialisme belliciste de Vladimir Poutine, ce qu'il est toujours aujourd'hui.This article looks back at the concept of the “Russian world”, which is now a central element of Putin's ideology. First coined in 1997-1998, the “Russian world” – a somewhat vague term at the time – was initially confined to the cultural and linguistic sphere. It was gradually transformed, and in 2007, strengthened by the creation of a structure jointly financed by the Russian Ministry of Foreign Affairs and the Ministry of Science and Education, it became the instrument of a diplomacy of influence. But from 2014, and even more so from February 2022, it was transformed into an operational tool in the service of Vladimir Putin's warmongering imperialism, which it still is today.
- Le glissement sémantique de « fascisme » à « nazisme », anecdote ou synecdoque ? Analyse conceptuelle et historique de la propagande poutinienne - Irène Herrmann p. 29-44 Le 24 février 2022, Vladimir Poutine a justifié l'invasion de l'Ukraine en invoquant la nécessité de « dénazifier » le pays. Il utilise ainsi un terme que Staline lui-même n'employait pas, puisque les élites de l'Union soviétique – dont le président actuel valorise tant la mémoire – ont toujours affirmé lutter contre le fascisme. Cet écart de langage en apparence insignifiant sert de point de départ à une enquête d'histoire conceptuelle retraçant le pouvoir rhétorique et la genèse des notions brandies dans cette croisade anti-occidentale. À terme, cet examen permet de jeter un regard décalé sur les objectifs de guerre invoqués par la Russie et souligne l'importance d'un facteur encore peu exploré, soit le besoin de prendre le monde à témoin pour y trouver des partisans – même en Occident !On 24 February 2022, Vladimir Putin justified the invasion of Ukraine by invoking the need to “denazify” the country. In so doing, he used a term that Stalin himself discarded, since the elites of the Soviet Union – whose memory is so highly valued by the current President – always spoke of fighting fascism. This seemingly insignificant difference in language serves as the starting point for research in conceptual history tracing the rhetorical power and genesis of the notions brandished in this anti-Western crusade. This investigation provides a different perspective on the war aims invoked by Russia and highlights the importance of a factor not fully explored so far: the need to call upon the world as bear witness in order to find supporters – even in the West!
- La Russie et la Cour européenne des droits de l'homme : de l'ambivalence à l'hostilité - Anne Gazier p. 45-57 Les relations entre la Russie et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont été marquées dès le départ, par l'attitude ambivalente des autorités russes. D'un côté, de 1998 aux années 2000, le pouvoir russe s'est efforcé de rendre la législation russe conforme aux normes européennes relatives aux droits fondamentaux. De l'autre, la Russie s'est montrée pour le moins réticente à exécuter les arrêts de la CEDH concernant des domaines sensibles comme la guerre en Tchétchénie. Peu à peu, surtout à partir du début des années 2010, cette ambivalence a cédé la place à une hostilité croissante. Ainsi, la Cour constitutionnelle russe s'est opposée à la CEDH dans plusieurs affaires et a obtenu que lui soit attribué le pouvoir de faire obstacle à l'exécution de ses arrêts. Ce rejet de l'autorité de la Cour de Strasbourg, dû principalement au durcissement du régime russe, a préparé le terrain au divorce intervenu en 2022, après l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe.Relations between Russia and the European Court of Human Rights (ECHR) have been marked from the outset by the ambivalent attitude of the Russian authorities. On the one hand, from 1998 to 2000, the Russian authorities endeavored to bring Russian legislation into line with European standards on fundamental rights. On the other hand, Russia was reluctant, to say the least, to comply with ECHR rulings in sensitive areas such as the war in Chechnya. Gradually, especially from the early 2010s, this ambivalence gave way to growing hostility. For example, the Russian Constitutional Court has opposed the ECHR in several cases and has obtained the power to block the execution of its judgments. This rejection of the Strasbourg Court's authority, mainly due to the hardening of the Russian regime, paved the way for the divorce that took place in 2022, after Russia's exclusion from the Council of Europe.
- L'évolution des relations russo-occidentales au sein de trois organisations sécuritaires : l'Organisation des Nations Unies, l'Organisation de coopération de Shanghai et l'Organisation du Traité de sécurité collective - Hélène Hamant p. 59-73 Cet article analyse l'évolution des relations russo-occidentales à partir de textes discutés dans trois organisations sécuritaires : l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC). Il montre qu'elles se sont détériorées et que cette détérioration n'est pas intervenue au même moment, de façon identique et avec les mêmes effets dans ces différentes institutions.This article analyses the evolution of Russo-Western relations based on texts discussed in three security organizations: the United Nations (UN), the Shanghai Cooperation Organization (SCO) and the Collective Security Treaty Organization (CSTO). It demonstrates that these relations have deteriorated, and that this deterioration did not occur at the same time, in the same manner, and with the same impact on these different institutions.
- L'Union européenne et l'Ukraine, 1991-2001 : une coopération difficile et fragile - Michel Catala p. 75-91 Les Européens sont prudents face à l'indépendance de l'Ukraine en 1991 et 1992, et la Commission européenne et les États membres de l'Union européenne (UE) posent des conditions pour conclure en juin 1994 un accord de partenariat et de coopération et pour accorder des aides financières, espérant ainsi accélérer les réformes politiques et économiques du pays. Il faut attendre 1998 et les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est pour voir les relations euro-ukrainiennes s'améliorer, mais celles-ci demeurent fragilisées par les difficultés politiques de l'Ukraine.Europeans were cautious about Ukraine's independence in 1991 and 1992, and the European Commission and EU Member States set conditions for concluding a Partnership and Cooperation Agreement in June 1994 and for granting financial aid, hoping in this way to speed up the country's political and economic reforms. It was not until 1998 and the prospect of EU enlargement to the east that Euro-Ukrainian relations improved, but they remained weakened by Ukraine's political difficulties.
- Les trajectoires nucléaires ukrainienne et russe depuis la fin de la Guerre froide : essai de périodisation (1986-2023) - Frédéric Gloriant p. 93-110 En combinant trois niveaux d'observation – l'évolution de la stratégie nucléaire de la Russie, les négociations russo-américaines en matière de maîtrise des armements et de désarmement, la dénucléarisation de l'Ukraine – cet article propose un premier essai de périodisation historique pour les trajectoires nucléaires de l'Ukraine et de la Russie depuis la fin de la Guerre froide. L'objectif est de fournir quelques éléments d'interprétation et de mise en perspective sur le rôle du facteur nucléaire dans les guerres russo-ukrainiennes qui ont éclaté en 2014 et 2022.Combining three levels of observation – the evolution of Russia's nuclear strategy, the negotiations between Russia and the United States of America on arms control and disarmament, and the denuclearization of Ukraine – this article offers a first historical periodization concerning the nuclear trajectories of Ukraine and Russia since the end of the Cold War. The objective is to provide some elements of interpretation and perspective regarding the role played by the nuclear factor in the wars which broke out between Russia and Ukraine in 2014 and 2022.
- Le droit contre la guerre (ius contra bellum) à l'épreuve du conflit déclenché par la Fédération de Russie contre l'Ukraine - Giovanni Distefano p. 111-129 Aucun adjectif ne peut décrire l'énormité de cette agression qui sape les principes cardinaux de l'ordre juridique international contemporain fondé sur la Charte des Nations Unies. La présente contribution analyse les principes fondamentaux régissant l'agression russe contre l'Ukraine ainsi que les droits et les obligations applicables à l'agresseur, à l'agressé et à la communauté internationale. Elle examine également les conséquences juridiques, en termes de responsabilité internationale, entre d'une part, la Fédération de Russie et l'Ukraine, et d'autre part, entre la Fédération de Russie et les autres États. Dans ce contexte, nous nous pencherons sur la problématique des États neutres, notamment de la Suisse. Enfin, cette contribution abordera le rôle l'ONU, de la Cour internationale de Justice, son principal organe judiciaire, du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale chargés par la Charte,du maintien et du rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. L'article ne porte donc que sur l'une des deux branches de l'ancien Droit de la guerre, à savoir le régime du recours à la force (ius contra bellum), excluant ainsi le ius in bello ou droit des conflits armés, qui régit l'emploi de la force pendant un conflit armé, international ou non.No adjective is too many to describe the enormity of this aggression, which undermines the cardinal principles of the contemporary international legal order rooted in the United Nations Charter. This contribution analyses the fundamental principles governing Russian aggression against Ukraine and the rights and obligations applicable to the aggressor, the aggressed and the international community. Therefore, we deal only with one of the two branches of the old law of war, namely the regime governing the use of force ( ius contra bellum), thus excluding the rules governing the use of force during an armed conflict, whether international or non-international, the ius in bello or law of armed conflicts. This contribution dwells also on the legal consequences, under the Law of State responsibility, between the Russian Federation and Ukraine on the one hand, and between the Russian Federation and third States on the other. In this context, we will delve into the issue of neutral states, particularly Switzerland. Finally, this contribution will peruse the role of the UN, of the International Court of Justice – its principal judicial body – and of the Security Council and the General Assembly, which have been entrusted by the Charter with the duty to maintain and restore international peace and security.
- Choc des Titans ou cheval de Troie dans le multilatéralisme ? Les enjeux d'un ordre multipolaire pour la Russie et la Chine - Régine Perron p. 131-147 Depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022 par la Russie, l'ordre multipolaire est davantage revendiqué, de concert, par la Chine et la Russie. L'expression « ordre multipolaire », formulée pour la première fois par Kissinger en 1969, est consacrée après la fin de la Guerre froide. Depuis 2009, après la déclaration commune présentée à l'ONU en 1997 par la Chine et la Russie, un monde multipolaire est devenu une revendication majeure du Sud face au Nord, surtout face aux États-Unis. Depuis le début des années 2000, Alexandre Douguine et Zhao Tingyang ont peaufiné le concept jusqu'à présenter une vision étrangement commune. Vladimir Poutine et Xi Jinping construisent désormais cet ordre multipolaire, étape par étape, avec leurs alliés des BRICS et de l'OCS.Since Russia's invasion of Ukraine in February 2022, the multipolar order has been increasingly asserted together by China and Russia. This multipolar order is an expression that became established after the end of the Cold War, but it was Kissinger who first formulated it in 1969. Since 2009, after the joint declaration presented to the UN in 1997 by China and Russia, the multipolar world has become a major demand of the South vis-à-vis the North, especially the United States. Since the early 2000s, it has been refined by Alexandre Douguine and Zhao Tingyang, to the point where it presents a strangely common vision. The multipolar order is now being built by Vladimir Putin and Xi Jinping, step by step, with their allies of the BRICS and the SCO.
- Andreas KAPPELER, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2022, 317 p. - Jean-Paul Gagey p. 155-159