Contenu du sommaire : Le sexisme au cœur du couple

Revue Travail, genres et société Mir@bel
Numéro no 52, 2024
Titre du numéro Le sexisme au cœur du couple
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Parcours

    • Ernestine Ronai, une pionnière des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes - Ernestine Ronai, Séverine Lemière, Rachel Silvera p. 5-22 accès libre avec résumé
      Le parcours d'Ernestine Ronai est celui d'une femme d'origine juive, née en 1946, ne parlant que le yiddish dans son enfance et qui deviendra l'une des pionnières dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Femme de conviction et de terrain, elle a été institutrice, secrétaire nationale de l'association Femmes solidaires du Parti communiste puis psychologue scolaire. Avec la création du premier Observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis qu'elle anime depuis 2002, elle a permis l'expérimentation de nombreux dispositifs comme le « téléphone grave-danger » et impulsé un partenariat fort entre les acteurs et actrices des violences faites aux femmes (police, justice et associations, etc.). Ce parcours exemplaire couvre des périodes clés de notre Histoire et témoigne des luttes nécessaires à la prise en compte, progressive et encore inachevée, des violences faites aux femmes par les pouvoirs publics. L'engagement d'Ernestine Ronai est avant tout concret car il change le quotidien de nombreuses femmes et enfants victimes de violences.
  • Dossier : Le sexisme au cœur du couple

    • Introduction - Fanny Gallot, Clotilde Lemarchant, Sophie Pochic, Hyacinthe Ravet p. 23-26 accès libre
    • Le portage salarial, statut hybride idéal pour les femmes ? : Une égalisation en trompe-l'œil de l'accès à l'indépendance - Alexis Louvion p. 27-43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une enquête par entretiens portant sur trente-cinq « indépendant·es », l'article propose d'examiner les limites du portage salarial, forme d'emploi à mi-chemin entre salariat et indépendance, en tant que vecteur d'émancipation économique des femmes. Si les promoteurs du portage salarial soulignent que les femmes devraient particulièrement se saisir de ce statut hybride offrant une relative sécurité sur le plan social et financier, l'enquête montre que le caractère flou de cette forme d'emploi en favorise des réappropriations genrées. À travers une typologie des différentes manières d'investir et d'exercer le portage salarial chez les femmes et chez les hommes, l'article montre ainsi que l'indépendance sous cette forme s'articule souvent à des arrangements conjugaux qui maintiennent une division genrée du travail domestique souvent peu compatible avec leur activité professionnelle.
      Based on a qualitative survey of thirty-five self-employed women, this article examines the limits of umbrella companies in France as a means for women's economic emancipation. These companies offer a form of employment halfway between salaried employment and self-employment. While those promoting umbrella companies underline that women in particular should take advantage of this hybrid status offering relative social and financial security, the survey shows that the unclear nature of this form of employment encourages gendered re-appropriations. Through a typology of the different ways in which women and men appropriate and practice freelance work through umbrella companies, the article shows that this form of self-employment is often linked to marital arrangements that maintain a gendered division of domestic labor that is often incompatible with women's professional activity.
    • Produire l'agenda commun. Travail temporel et pouvoir dans les couples à horaires atypiques - Marine Quennehen, Anne Lambert p. 45-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Qui définit le temps commun dans les couples à horaires atypiques, concernés par le travail la nuit, tard le soir, le matin et/ou le week-end ? Comment sont concrètement mis en commun les agendas individuels ? Les modes d'organisation et de priorisation des différents temps sociaux diffèrent-ils entre conjoints ? Le travail sur le temps – diffus et omniprésent – est difficilement comptable ; pas plus qu'il ne semble être mesuré par les conjoints, il n'est pas comptabilisé par la statistique publique, renforçant d'autant son invisibilité. Cet article, en s'attachant à l'étude des pratiques de production et de gestion du temps familial au sein de couples à horaires atypiques, entend ainsi contribuer à le mettre au jour. Ce faisant, il interroge le pouvoir subversif du travail temporel ainsi effectué. Très largement pris en charge par les femmes, est-il susceptible de leur conférer une plus grande maîtrise dans la gestion de leur temps – à la fois personnel, familial et professionnel ?
      Who defines the time spent together in couples working atypical hours, such as nights, late nights, early mornings, and/or weekends? How are individual schedules concretely pooled? Does each spouse organize and prioritize their various social times differently? Temporal work – which is diffuse yet omnipresent – is not a matter of book-keeping; spouses do not seem to keep track of it, and similarly, it is not recorded by public statistics, thus making it all the more invisible. By studying the production and management of family time in couples working atypical hours, this article aims to help bring this work to light. It thus questions the subversive power of the temporal work performed. As it is mostly handled by women, does it provide them with greater control over the management of their time – whether personal, family, and professional?
    • Dans l'ombre d'un homme ? : Itinéraires d'une commerçante de Khat (Éthiopie, 1974-2015) - Céline Lesourd p. 63-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À Dire Dawa, la parole est donnée à Mouna, célèbre vendeuse de khat, un arbre dont les feuilles aux propriétés stimulantes sont généralement mastiquées par des hommes et vendues par des femmes. À partir de son récit, il est proposé de comprendre cette division sexuée du travail en analysant les modalités d'entrée en affaire des commerçantes, leurs itinéraires d'accumulation et leurs mobilités transfrontalières. Il leur faut ainsi activer des liens de dépendance qu'ils soient familiaux, claniques, matrimoniaux pour accumuler du capital et, entre contraintes et ressources, composer avec la sexualisation à laquelle exposent les représentations sociales du khat. Des années 1980 à nos jours, des négociations intimes sur le prix de leur marchandise aux chantages sur leurs circulations transnationales, face à la violence des hommes et celle de l'État, l'article montre la capacité d'agir de ces commerçantes, résistant ou jouant avec les normes de genre, pour maintenir et/ou faire prospérer leur business.
      Khat is a shrub whose leaves are generally sold by women to men who chew them for their stimulating properties in Ethiopia. In Dire Dawa, Mouna, a famous seller of khat, tells her story, which allows understanding this gendered division of labor by analyzing the ways in which women enter this line of work, their journey of capital accumulation, and their cross-border mobility. They need to resort to family, clan, and matrimonial bonds of dependence to accumulate capital, and between constraints and resources, to cope with the sexualization to which they are exposed due to the social representations associated with khat. From the 1980s to the present day, from intimate negotiations over the price of their merchandise to blackmail over their transnational movements, in the face of male and state violence, the article shows these female traders' ability to act, how they resist or play with gender norms to keep their business afloat and/or make it flourish.
    • La lutte contre les violences conjugales aux prises avec les politiques sociales et sécuritaires - Sandrine Dauphin p. 81-96 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La lutte contre les violences conjugales est devenue depuis quelques années le domaine d'intervention majeur du ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes mais l'échec et le manque de moyens de cette politique continuent d'être dénoncés par les associations. L'institution aux droits des femmes peine à imposer la spécificité structurelle de ces violences. L'article explique ce manque d'efficacité par une fragmentation des actions en raison d'un manque de coordination entre les politiques d'égalité, sociale et de lutte contre la délinquance. Le rapport de force est défavorable au ministère chargé de l'égalité dont l'action demeure principalement sur le registre symbolique. Les ministères sociaux, de l'Intérieur et de la Justice promeuvent quant à eux un accompagnement de personnes qualifiées de « vulnérables » par des approches individualisées et psychologisantes et un traitement des auteurs par le registre pénal en privilégiant la répression à la prévention.
      In recent years, the fight against domestic violence has become a major area of action for the French Ministry of Equality between Women and Men. However, the failing, underfunded policies aimed at this issue have been denounced by non-profit organizations. The Ministry has struggled to impose the structural specificity of this type of violence. This lack of effectiveness may result from the fragmentation of actions due to a lack of coordination between equality, social, and anti-crime policies. The balance of power is unfavorable to the Ministry in charge of equality, whose action remains mainly symbolic. The Ministries of Social Affairs, of the Interior, and of Justice, on the other hand, have promoted custom-made, psychologizing approaches to support individuals described as “vulnerable,” while dealing with perpetrators through the criminal justice system, thus favoring repression rather than prevention.
  • Mutations

    • « C'est très bien mais… ». Effets et usages des quotas de sexe dans les fédérations sportives olympiques - Annabelle Caprais, Stéphanie Rubi, Fabien Sabatier p. 99-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse aux effets de l'imposition par la loi « sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes » de 2014 de quotas de sexe dans la gouvernance des fédérations sportives nationales en France. Dans la lignée des études portant sur la réception des politiques publiques, il examine la réception subjective et objective du dispositif. La démarche s'appuie dans un premier temps sur une analyse quantitative des élections fédérales des quatre dernières olympiades (2009-2024). Elle adopte ensuite une approche « par le bas » en se concentrant sur le point de vue des ressortissant·es et mobilise 36 entretiens avec des dirigeant·es de huit fédérations. Si la plupart des fédérations respectent les quotas, les dirigeant·es interprètent la loi de façon très inégale et les résistances restent prégnantes. Émergent ainsi quatre types de discours : « l'impossibilité pratique », « le laisser-faire », « le mal nécessaire » et « l'égalité comme performance ».
      Gender quotas were imposed in France by the 2014 law “on real equality between women and men.” This article examines their effects on the governance of national French sports federations. In line with studies on the reception of public policies, it analyzes the subjective and objective reception of the measure. First, it presents a quantitative analysis of federal elections over the last four Olympiads (2009-2024). Then it adopts a “bottom-up” approach, focusing on the point of view of different nationals through 36 interviews with executives from eight federations. While most federations have complied with these quotas, the executives have interpreted the law very differently, and resistance still persists. Four types of discourse can be identified: “practical impossibility,” “laissez-faire,” “necessary evil,” and “equality as a performance.”
    • « Don't mess with her ». Des politiques de féminisation inachevées dans une école de la tech - Camille Dupuy, François Sarfati p. 117-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que le monde numérique est fondé sur des valeurs d'ouverture, les femmes en sont relativement exclues. Le constat de la faiblesse de celles-ci parmi les étudiant·es et les salarié·es de ce domaine ainsi que des inégalités et des violences qu'elles y subissent, a conduit à la mise en place de politiques de promotion des femmes. Nous analysons une politique de « mixité » au sein d'une école privée gratuite formant aux métiers du numérique à partir d'une enquête conduite dans deux campus. Peu nombreuses à l'intégrer, les jeunes femmes qui en franchissent les portes décrivent un environnement peu propice, voire hostile, au déroulement de leur scolarité. La dénonciation de cette situation participe à la volonté de féminiser l'école et, ce faisant, ce secteur professionnel. Nous analysons les actions mises en place en interrogeant leurs portées et leurs limites dans une mise en œuvre tous azimuts qui conduit à reproduire des stéréotypes de genre et rencontre beaucoup de résistances.
      While the digital world is founded on values of openness, women are relatively excluded from it. The lack of women among students and employees in this field, as well as the inequalities and violence they are confronted with, has led to introducing policies to promote women. We analyze a “gender diversity” policy at a free private school offering training in tech jobs, based on a survey conducted on two campuses. The small number of young women who were studying at the school described an environment that was not conducive to their education, or could even be hostile. Denouncing this situation has been part of the drive to feminize the school and the professional sector as a whole. We analyze the actions implemented, by examining their scope and their limits in a wide-ranging implementation that has led to reproducing gender stereotypes and has met with significant resistance.
  • Controverse : L'apprentissage dans l'enseignement supérieur à l'épreuve du genre

  • Critiques

  • Ouvrages reçus