Contenu du sommaire : Financements et agencements disciplinaires

Revue Revue d'histoire des sciences humaines Mir@bel
Numéro no 45, automne 2024
Titre du numéro Financements et agencements disciplinaires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier

    • Academic Fields, Funding, and Turbulent Times - Antonin Cohen, Ron Levi p. 7-18 accès libre
    • Cash Is Not King - Serge Benest p. 19-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Créée en 1947, la VIe Section de l'École pratique des hautes études (EPHE) – renommée École des hautes études en sciences sociales (EHESS) en 1975 – est souvent décrite comme le bastion institutionnel des historiens des Annales. Elle fut pourtant initialement conçue comme un lieu de formation pour les économistes afin d'œuvrer à la reconstruction d'après-guerre. En étudiant le rôle des financements ainsi que le programme de recherche scientifique de la VIe section, cet article entend démontrer la prédominance initiale de la discipline économique au sein de l'établissement puis analyser son déclin. L'article expose comment les financeurs de la section ambitionnaient de redéfinir l'identité des économistes universitaires en les réorientant vers une expertise pratique ; alors que les économistes de la section, refusant d'assumer le rôle d'experts, s'opposèrent à cette ambition.
      Created in 1947 as the Sixth Section of the École pratique des hautes études (EPHE), the École des hautes études en sciences sociales (EHESS) is usually recognized as the institutional stronghold of the Annales historians. Yet, new archival investigations indicate that the Section was initially conceived as a training place for economists for postwar reconstruction and, making economics central to its initial agenda. By both following the money trail, examining the scientific research agenda of the Sixth Section, this article endeavors to demonstrate the initial prominence of economics and to explain its subsequent decline within the Section. It unpacks how the Section's funders sought to reshape the identity of academic economists by reorienting them toward practical expertise, whereas the Section's economists resisted this patronage aim, uninterested in assuming the role of experts.
    • Rediscovering the Early History of Social Scientific Data Centers in the US - Emily Hauptmann p. 43-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les centres de recueil de données en sciences sociales sont depuis longtemps essentiels à la réalisation de la recherche dans le domaine aux États-Unis. Pourtant, il y a encore eu peu d'enquêtes historiques sur leur origine et le début de leur trajectoire institutionnelle. On s'appuie ici sur une série de travaux publiés par des chercheurs en sciences sociales qui ont participé à l'essor des centres de données, sur les archives institutionnelles non publiées des deux premiers centres de données en sciences sociales fondés dans l'après-guerre, le Roper Center for Public Opinion Research et l'Inter-University Consortium of Political and Social Research (ICPSR), ainsi que sur des évocations plus récentes de cette période. Ces diverses sources permettent de retracer les aspirations intellectuelles et professionnelles qui ont conduit à la création de tels centres, mais aussi les obstacles majeurs qu'ils ont dû affronter. L'article s'achève par une réflexion sur ce en quoi la connaissance et la recherche actuelles en sciences sociales sont tributaires du genre d'hégémonie acquise par les centres de données de l'époque.
      Social scientific data centers have long been essential to how social science research in the US gets done. Yet, there has been little historical investigation of their origins and early institutional lives. To rediscover this early history, I rely on a range of published works by social scientists who participated in the data center boom, unpublished institutional records of the two earliest social scientific data centers founded in the postwar period, the Roper Center for Public Opinion Research and the Inter-University Consortium of Political and Social Research (ICPSR), as well as more recent historical accounts of this period. All of these sources speak to the intellectual and professional aspirations that drove the creation of social scientific data centers and the most fundamental obstacles they faced. I conclude by reflecting on how the dominance data centers ultimately achieved continues to shape social scientific knowledge and research.
    • Mettre la science politique au service du développement ? - Quentin Deforge p. 69-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De 1966 à 1978, la United States Agency for International Development (USAID) a financé les Comparative Legislative Studies, aujourd'hui devenues Legislative Studies. En s'appuyant sur des archives de la USAID, ainsi que sur certains des travaux que ces financements ont permis de produire, l'article montre que la formation de cet espace académique n'est pas le produit d'une logique hétéronome. Elle est au contraire le produit de l'importation au sein de l'agence de concurrences existant dans le champ académique entre des économistes, et des politistes qui ont bénéficié de ces financements en promettant de produire, au nom du « développement politique », des savoirs qui devaient permettre de « développer » les parlements les pays du Sud. In fine, ces derniers ont cependant essentiellement contribué à former un espace académique selon leurs propres intérêts, en le structurant autour d'une approche comparative, alors que les travaux étasuniens sur les parlements étaient jusqu'ici centrés sur le Congrès.
      From 1966 to 1978, the United States Agency for International Development (USAID) funded Comparative Legislative Studies, now Legislative Studies. Drawing on USAID archives and some of the work that this funding made possible, the article shows that the formation of this academic space is not the product of a heteronomous logic. On the contrary, it is the product of the importing into the agency of competition existing in the academic field between economists and political scientists who benefited from this funding by promising to produce, in the name of “political development,” knowledge that would enable the “development” of parliaments in the Global South. In the end, however, the latter mainly contributed to shaping an academic space according to their interests by structuring it around a comparative approach. In contrast, US work on parliaments had hitherto focused on Congress.
    • Le « choix » de Raymond Aron : relations internationales ou sociologie européenne ? - Antonin Cohen p. 95-138 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article illustre la manière dont la compétition pour le financement des sciences humaines et sociales est susceptible de modifier (ou non) l'agencement disciplinaire du champ académique. Il analyse comment la coopération entre Raymond Aron et Jean-Baptiste Duroselle pour créer une discipline nouvelle, les relations internationales, elle-même enjeu de définitions concurrentes (théorie politique, études aréales), est enclavée dans une concurrence entre agents, institutions et sous-champs académiques. Si le centre de recherche est le point d'entrée qui semble le plus pertinent dans les stratégies de subversion de l'ordre disciplinaire, notamment aux yeux des fondations philanthropiques, les agents du champ académique ne peuvent faire complètement abstraction de cet ordre dans leurs stratégies de reproduction, qui passent elles par les facultés. L'article replace les financements de la fondation Ford dans leur séquence historique, et propose une lecture synchronique de la création de deux centres de recherche, le centre d'études des relations internationales (CERI) et le centre de sociologie européenne (CSE).
      Competition for funding in the humanities and social sciences is likely to modify (or not) the disciplinary organization of the academic field, as this article shows. It analyzes how the cooperation between Raymond Aron and Jean-Baptiste Duroselle to create a new discipline, international relations, itself the subject of contested definitions (political theory, area studies), is embedded in a competition between agents, institutions and academic subfields. While strategies to subvert the disciplinary order find in the research center what may be the most relevant point of entry particularly in the eyes of philanthropic foundations, agents of the academic field cannot completely disregard this order in their reproduction strategies, which themselves pass through the faculties. The article places Ford Foundation funding in its historical sequence, and offers a synchronic reading of the creation of two research centers, the centre d'études des relations internationales (CERI) and the centre de sociologie européenne (CSE).
  • Document

  • Géographies académiques

    • Géographies académiques - p. 182- accès libre
    • Uruguayan Higher Education in Long-Term Perspective - Lucas D´Avenia, Vania Markarian p. 183-199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article rend compte de l'état actuel de l'enseignement supérieur en Uruguay en examinant des facteurs tels que les spécificités d'échelle et les arrangements politiques propres au pays pour expliquer la configuration du système universitaire et les obstacles à son amélioration. Notre objectif est de comprendre un modèle qui s'est développé non pas par une révision complète et systématique de sa structure, mais par l'agrégation de diverses composantes et de réformes partielles sur plusieurs décennies. Pour ce faire, nous nous concentrons particulièrement sur la période commençant en 1985, au moment où le pays renoue avec la démocratie après une longue dictature civile et militaire, sans oublier le contexte historique de la fondation de l'université nationale dans les années 1840.
      This article surveys the current state of higher education in Uruguay, examining factors such as the country's scale and political arrangements to explain the system's configuration and the challenges it faces in making improvements. Our goal is to understand a system that has developed not through a systematic overhaul of its structures but by aggregating various components and partial reforms over several decades. To achieve this, we focus mainly on the period beginning in 1985, when the country returned to democracy after the civil-military dictatorship. We also consider the historical context of the national university's foundation in the 1840s.
  • Débats, chantiers et livres