Contenu du sommaire : Penser et faire l'Europe + Géopolitique locale de la ruralité + Varia
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L'Espace Politique ![]() |
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Numéro | no 53-54, 2024/2-3 |
Titre du numéro | Penser et faire l'Europe + Géopolitique locale de la ruralité + Varia |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Penser et faire l'Europe à l'échelle locale : une approche par les territoires
- Penser et faire l'Europe à l'échelle locale : une approche par les territoires - Étienne Toureille, Brice Laménie
- Les relations entre l'Europe du Nord et la Russie post-soviétique à travers le prisme de la conservation de la nature - Ian Florin Dans une démarche de géopolitique critique, cet article montre comment l'Europe a été mobilisée en tant qu'objet géographique pour penser et mettre en pratique la conservation transnationale de l'environnement entre la Finlande, la Norvège et la Russie depuis le sortir de la guerre froide. Il est basé sur une recherche documentaire et quarante entretiens avec des acteurs locaux de l'initiative pour la Ceinture verte de Fennoscandie, qui vise à créer un réseau écologique le long de l'ancien rideau de fer qui se dressait entre l'Europe du Nord et l'Union soviétique. D'abord, il explique comment le développement de la ceinture verte s'est articulé avec l'idée de diffuser les valeurs du projet européen dans la Russie post-soviétique. Ensuite, il montre comment la conservation transnationale de l'environnement est organisée et opère en réalité au niveau local à travers des acteurs décentralisés. À l'heure où la théorie néoréaliste revient par la grande porte pour expliquer le caractère indépassable de l'affrontement entre les blocs européens et russes, ce travail appelle à nuancer cette perspective. Cet article illustre comment la relation entre l'Union européenne et la Russie n'est pas le fait de deux blocs monolithiques motivés par leur seul intérêt de puissance, mais qu'elle opère à travers des canaux divers et répond des subjectivités des acteurs qui la composent au niveau local.Taking a critical geopolitical approach, this article shows how Europe has been mobilized as a geographical object for thinking about and putting into practice transnational environmental conservation between Finland, Norway and Russia since the end of the Cold War. This study contributes to the literature on critical geopolitics and environmental governance by examining the intersection of conservation and international relations in post-Soviet Europe. It engages with scholarship on geopolitical imaginaries, which conceptualize how social constructed spatial entities such as Europe are mobilized for thinking about and putting into practice international relations. The article builds on existing research on transboundary conservation, European integration, and the role of environmental initiatives in shaping geopolitical narratives. By exploring how conservation efforts are used in international relations, this research adds to debates on the instrumentalization of environmental governance within broader geopolitical frameworks.Methodologically, this study employs a qualitative approach, combining documentary research with in-depth, semi-structured interviews. The documentary analysis includes official policy documents, reports, and promotional materials related to the Green Belt of Fennoscandia (GBF). The study also draws on forty interviews with policymakers, conservationists, and local stakeholders across Finland, Norway, and Russia. These interviews explore perceptions of the GBF's role in transnational governance and its function within European-Russian relations. A thematic analysis of the collected data enables a nuanced understanding of how conservation initiatives are framed and mobilized in different political and institutional contexts.This article illustrates how the relationship between the European Union and Russia is not the work of two monolithic blocs motivated solely by their interest in power, but that it operates through diverse channels and responds to the subjectivities of the actors who make it up at local level. Firstly, it shows how the development of the green belt was linked to the idea of spreading the values of the European project in post-Soviet Russia. Secondly, it explains how transnational environmental conservation is organized and actually operates at local level through decentralized actors.
- Gouvernance et dynamiques territoriales dans la mise en œuvre du volet urbain de la politique de cohésion de l'Union européenne en Île-de-France - Brice Laménie La politique européenne de cohésion est souvent donnée en exemple pour dépeindre les relations entre l'Union européenne (UE) et ses composantes territoriales. À partir de l'exemple du lancement de la programmation 2014-2020 du volet urbain de cette politique en Île-de-France, qui intervient à la suite du transfert de la gestion de l'État vers les conseils régionaux et qui s'est opéré dans le cadre d'une mise en concurrence entre groupements de collectivités, notre propos s'intéresse aux mécanismes de résistance et aux formes d'adaptation résultant de l'intervention de l'Union européenne dans la gouvernance territoriale. La procédure de sélection visant à l'allocation des financements européens rend aussi bien compte des tensions internes qui existent au sein de chaque territoire dans la formalisation de l'acte de candidature que de la façon dont le conseil régional va s'en saisir afin d'articuler ses priorités avec celles de l'UE. Les fonds de la politique de cohésion sont avant tout considérés comme une ressource financière dans un contexte de restrictions budgétaires. Leur mobilisation, puisqu'elle implique pour les bénéficiaires de répondre à un certain nombre d'obligations, constitue un capital valorisable dans les dynamiques concurrentielles et territoriales à l'œuvre dans la conduite de l'action publique.European cohesion policy is often used as an example to describe the relationship between the European Union (EU) and local end regional authorities. With the example of the launch of the 2014-2020 programming period of the urban dimension of this policy in the Ile-de-France region, our paper looks at the mechanisms of resistance and adaptation resulting from the intervention of European Union in territorial governance in the context of the transfer of EU funding management from the State to the regional councils. The selection procedure for the allocation of European funding reflects both the internal tensions that exist within each territory and the way in which the Regional Council will use it to align its own priorities with those of the EU. Cohesion policy funds are considered above all as a financial resource in a context of budgetary restriction. They require beneficiaries to meet a lot of obligations and can be used in dynamics at work in the public policy management.
- Quand le local se saisit du volet urbain de la politique de cohésion à Varsovie : une européanisation de la gouvernance et du territoire à l'épreuve des conflits politiques - Chloé Sénécat Dans un contexte de conflit entre les échelles locale et nationale en Pologne, la Ville de Varsovie s'est inscrite dans une logique pro-européenne jusqu'au retournement des élections de fin 2023. En se saisissant des instruments du volet urbain de la politique de cohésion de l'Union européenne, elle s'est opposée au gouvernement, ce qui n'est pas sans conséquence sur son développement territorial. Dans quelle mesure ce volet urbain participe-t-il à une transformation de la territorialité à Varsovie ? En quoi a-t-il traduit en pratiques des tensions entre acteurs d'une gouvernance structurée par les conflits ? Entre géographie et science politique, cet article se propose d'explorer le processus d'européanisation « par le bas » (Pasquier, Weisbein, 2004) en cours à Varsovie, en mobilisant un travail de terrain composé d'entretiens avec seize acteurs de la gouvernance urbaine multi-niveaux. Après avoir étudié la traduction localisée de la dimension urbaine européenne à Varsovie, nous en analyserons les effets : une européanisation des politiques et du territoire. Ce processus sera relativisé dans une dernière partie consacrée à la question de la gouvernance multi-niveaux, organisée autour de conflits politiques. C'est la relation entre gouvernance et territorialité qui est en jeu. L'observation de la mise en œuvre du volet urbain à Varsovie permet de conclure à une européanisation du territoire par la mise en œuvre des Investissements Territoriaux Intégrés accélérant la coopération métropolitaine. Mais cette transformation de la territorialité dépend de la gouvernance et de ses évolutions, dans un contexte où la Commission européenne ne possède pas de compétence en matière d'aménagement du territoire.Against a backdrop of political conflict between the local and national levels in Poland, the City of Warsaw adopted a pro-European policy until the changes brought by the elections at the end of 2023. Using the instruments of the urban strand of the European Union's cohesion policy, it opposed the Eurosceptic government, which had a significant impact on its territorial development. So to what extent does this urban strand contribute to a transformation of territoriality in Warsaw? How has it translated into practice the tensions between stakeholders in a governance structured by conflict? Between geography (Brenner, 1999 ; Rivière, 2011 ; Laménie, 2019) and political science (Lascoumes, Le Gales, 2004; Pinson, 2006), this article explores the process of Europeanisation (Radaelli, 2003) “from below” (Pasquier, Weisbein, 2004) underway in Warsaw. This article is based on a study of this literature and a field research made up of sixteen interviews with actors involved in the urbain multi-level governance within the City of Warsaw and the European institutions.Through an approach based on instruments, we can distinguish two dimensions of European urban development. The first is tangible, based on the funding of concrete projects on the territory. The second is intangible, involving the networking of European cities for the exchange of experience and “good practices”. This distinction enables us to analyse the localised translation of the urban strand in Warsaw: local players are taking advantage of these two approaches, both to make up for a shortfall in available infrastructure and to adopt new methods of project governance. This mobilisation of European tools has resulted in a twofold Europeanisation. The first concerns public policies: local and European strategies are in line. The second concerns the territory: the implementation of Integrated Territorial Investments has undoubtedly encouraged metropolitan cooperation in Warsaw, and the creation of a functional urban area, as defined by the European institutions. This Europeanisation is taking place "from below", in the sense that local stakeholders are reclaiming the European discourse on urban development in order to adapt it to the needs of the area. In Warsaw, local stakeholders were using the instruments of the urban strand to oppose the government until the last elections in 2023. The conflict with the national stakeholder, who was Eurosceptic at the time, reinforced a European Union/City of Warsaw front: general policy was then translated into practice at local level. Multilevel governance structured around conflicts hinders Europeanisation.The change of government in 2023 seems to offer the prospect of accelerating this Europeanisation, with the national strategy aligned with the European and local one. However, this Europeanisation, considered “from below”, could then turn out to be a circumstantial alliance, in order to oppose the government politically. Especially as this pro-European shift has not yet been confirmed. In this case, the question of in a context of heightened tensions within multi-level governance will arise. In both cases, Warsaw becomes a textbook case for understanding Europe in its territories, by raising the question of the link between territoriality and governance.
- La Communauté autonome basque et la gouvernance multiniveau dans l'Arc Atlantique : tensions et stratégies - Tamara Espiñeira-Guirao Cet article analyse les dynamiques de la gouvernance multiniveau dans l'Arc Atlantique, en se concentrant sur la stratégie de la Communauté autonome basque (CAB). En mobilisant les théories de la gouvernance multiniveau (Hooghe & Marks) et de l'aménagement souple (Faludi), l'étude examine comment la CAB utilise les instruments européens tels qu'INTERREG, les Réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) et la macro-région atlantique pour surmonter les rigidités institutionnelles et défendre ses priorités locales. En s'appuyant sur le concept d'usages de l'Europe (Jacquot & Woll), l'article montre comment la CAB manipule ces cadres européens pour articuler ambitions transnationales (macro-région) et pragmatisme territorial (corridor Atlantique). En outre, la redéfinition de l'Arc Atlantique en tant que borderscape (Rajaram & Grundy-Warr) illustre les tensions entre innovation institutionnelle et domination étatique, freinant l'intégration transnationale. En conclusion, l'étude souligne la complexité des stratégies régionales dans un cadre européen en mutation, et la nécessité d'un dialogue renforcé entre les échelles locales, nationales et transnationales pour une gouvernance cohérente de l'Arc Atlantique.This article explores the dynamics of multi-level governance in the Atlantic Arc, focusing on the strategy of the Basque Autonomous Community (BAC). Drawing on the theories of multi-level governance (Hooghe & Marks) and soft planning (Faludi), the study investigates how the BAC uses European frameworks such as INTERREG, TEN-T corridors, and the Atlantic macro-region to overcome institutional rigidity and defend its local priorities. Through the lens of strategic instrumentalization (Jacquot & Woll), the article demonstrates how the BAC leverages these European frameworks to balance transnational ambitions (macro-region) and territorial pragmatism (Atlantic Corridor). Furthermore, the reinterpretation of the Atlantic Arc as borderscapes (Rajaram & Grundy-Warr) reveals the tensions between institutional innovation and state-dominated governance, which hinder deeper transnational integration. In conclusion, the study highlights the complexity of regional strategies within a shifting European framework and emphasizes the need for enhanced dialogue across local, national, and transnational scales to achieve coherent governance in the Atlantic Arc.
- Vivre dans les espaces frontaliers au Pays Basque : entre vécus et perceptions, des territorialités diverses à la frontière - Elena Casiriain Cet article interroge les espaces de vie dans un contexte frontalier au cœur du Pays Basque divisé par la frontière franco-espagnole. Il s'appuie sur un projet de recherche-action porté par trois structures du territoire (le Conseil de Développement du Pays Basque, l'association Cederna-Garalur et l'Universidad del País Vasco) et financé par l'Eurorégion NAEN, intitulé Mugalur. Il consistait à organiser sept ateliers participatifs dans sept localités frontalières différentes en y invitant les habitants de proximité des deux côtés de la frontière. Pendant ces ateliers de cartographie sensible, les participants étaient invités à dessiner leurs espaces de vie sur des cartes, puis à échanger et questionner leurs pratiques quotidiennes dans ce contexte frontalier. C'est à partir de ce matériau que l'article interroge les façons d'habiter et les diverses territorialités qui se dessinent dans un contexte contradictoire de frontière « effacée » dans le cadre de l'espace Schengen d'un côté, et un sentiment de diminution de relations transfrontalières de l'autre. En s'appuyant sur une démarche d'une anthropologie de l'espace, ce texte rend compte de pratiques quotidiennes transfrontalières perçues qui concernent avant tout les achats et les loisirs. En remettant en question la notion de « transfrontalier » dans le cas basque et en portant une attention à l'espace vécu à partir des attachements aux lieux et à la dimension émotionnelle, des territorialités plus mouvantes et diverses émergent qui entrent en contradiction avec les espaces conçus. Enfin, la question des espaces relationnels permet de souligner les différentes modalités de se mettre en lien selon les perceptions et les vécus de l'espace. Cette question rend également compte de différentes façons de faire l'expérience d'une frontière dans un contexte européen aujourd'hui.This article examines living spaces in a border context at the heart of the Basque Country, divided by the French-Spanish border. It draws on an action-research project led by three local organizations: the Conseil de Développement du Pays Basque, an association with more than 400 members from the civil society of Northern Basque Country; the Cederna-Garalur association, which serves as a development agency in the northern valleys of Navarre; and the Universidad del País Vasco, particularly a team of anthropologist researchers from the university. This project, titled Mugalur, is funded by the NAEN Euroregion. It involved seven participatory workshops in seven border towns, with residents from both sides of the border. These 124 participants were asked to create sensitive maps by drawing their living spaces on base maps, then exchange and question their daily practices in this border context. The article interrogates ways of living and the various territorialities that emerge in a contradictory border context from this creative mapping material: on one hand, a “disappeared” border within the Schengen Area, and on the other, a sense of reduced cross-border relations. How can this feeling be explained, when connections beyond the border seem to be allowed and even encouraged by institutions?Drawing on a methodology that combines spatial anthropology and border studies –in other words, with a constructivist approach to the notion of borders – this text presents cross-border daily practices as lived by cross-border people. Using Lefebvre's theory of space, the collected data is analyzed through the concepts of perceived, lived, and appreciated spaces. It seems that crossing the border in the Basque Country is primarily expressed through consumption and leisure practices: therefore, the perceived space, is a space of proximity benefiting from the differential the border allows in terms of price and availability. By questioning the notion of “crossborder” in the Basque case and focusing on the lived space based on attachments to places and emotional dimensions, more fluid and diverse territorialities emerge, nevertheless. These territories come into conflict with conceived spaces which struggle to detach themselves from the actual administrative and state boundaries. Thinking about the conceived space beyond borders would likely be an European ideal that is far from being achieved in this case. Finally, the matter of relational spaces emphasizes the different ways for people to interconnect, depending on how they experience space. This question also reflects various ways of experiencing a border in an European context today.Thus, considering how people perceive, live and appreciate spaces and considering the multiplicity of border experiences, this text reveals the complexity of living spaces and the dynamic capacity to create boundaries and territories in a logic of (de)bordering. These different forms of spaces coexist and shape cross-border relations, which should not be seen merely as a relationship between two entities on either side of the international border, but as a relational network that dynamically draws multiple borders. The main contribution of this text lies in the exploration of lived spaces and territorial appropriations that reflect the tensions between the cultural unity of the Basque Country, which disregards the border between two states, and the relationship to otherness in relation to the formation of multiple borders.
- (Re)penser l'Union européenne depuis la Caraïbe : imaginaires, identités et projections des étudiant·es en Guadeloupe et en Martinique - Camille Dabestani En s'appuyant sur une enquête de terrain par questionnaire cartographique en ligne et par entretiens menée auprès d'étudiant·es en Martinique et en Guadeloupe, cet article interroge leurs pratiques, leurs représentations de l'Europe et de ses relations avec les macrorégions les plus prégnantes dans leurs imaginaires (Caraïbe, Antilles). Il s'agit d'analyser des représentations internes et locales de l'Europe, celles d'une périphérie interne vis-à-vis d'un centre mais aussi de l'Europe en tant que marge. La mise en regard des discours de l'UE avec les pratiques et les représentations de l'Europe des étudiant·es permet d'approfondir des rapports qui préfigurent comme différenciés. Quand le statut de Région Ultrapériphérique (RUP) positionne ces territoires comme trait d'union de l'UE avec le monde, l'Europe apparaît chez les étudiant·es comme une marge administrative outre-atlantique. La place (ou non) de l'Europe dans leurs imaginaires macrorégionaux questionne une territorialité mobile et l'expression des identités en contexte postcolonial. Les étudiant·es en Martinique et en Guadeloupe se saisissent également de leurs relations à l'Europe et l'UE pour (re)penser la place et les liens avec la Caraïbe, avec la France et le monde. Les imaginaires macrorégionaux des étudiant·es alimentent les réflexions sur la prise en compte des articulations et de la complexité des rapports individuels et collectifs aux espaces que le concept d'entre-deux permet de prolonger.Based on a field survey of students in Martinique and Guadeloupe, using online cartographic questionnaires and interviews, this article examines their practices and representations of Europe and its relations with the macro-regions that are most prominent in their imaginations (Caribbean, West Indies). The aim is to analyze internal and local representations of Europe, those of an internal periphery regarding a center, but also of Europe as a margin. Comparing the EU's discourse with students' practices and representations of Europe allows us to delve deeper into relationships that appear to be differentiated. While the status of Outermost Region (OR) positions these territories as a link between the EU and the world, Europe appears to students as an administrative margin on the other side of the Atlantic. The place (or the absence) of Europe in their macro-regional imaginations raises questions about mobile territoriality and the expression of identities in a post-colonial context. Students in Martinique and Guadeloupe use their relationship with Europe and the EU to (re)think their place and links with the Caribbean, France and the world. The students' macro-regional imaginations allow to reflect on how to consider the articulations and complexity of individual and collective relationships to spaces, which the concept of “in-between” helps to extend.
- Trouver sa voix. Parcours vers l'inscription électorale des citoyens européens étrangers résidant en France - Thibault Courcelle, David Gouard, Camille Kelbel Depuis le traité de Maastricht de 1992, les citoyens européens mobiles au sein de l'espace politique européen bénéficient du droit de vote aux élections municipales et européennes dans leur pays d'accueil. En France, seul un quart d'entre eux sont effectivement inscrits sur les listes électorales dans leur commune de résidence. On sait aujourd'hui peu de choses sur les raisons et circonstances qui amènent ces citoyens à s'inscrire et à participer à ces scrutins. Cet article entend combler ce manque sur la base de l'analyse d'entretiens effectués entre 2022 et 2024 auprès d'une trentaine de citoyens européens (non-nationaux) inscrits sur les listes électorales françaises. L'étude montre d'abord l'importance des projections de vie en France, au-delà de la seule durée de résidence, dans l'intérêt porté à la participation civique et électorale. En second lieu, elle insiste sur la dimension collective de l'inscription et de la participation électorale. En cela, l'intégration sociale de ces citoyens européens, observable surtout à l'échelle locale, est corrélée à la manifestation de micro-pressions sociales autour de l'acte électoral. Elle montre également la primauté de cette dimension sur les motivations qui seraient adossées à un sentiment d'appartenance à l'Europe. Enfin, l'usage du droit de vote chez ces citoyens étrangers travaille leur rapport subjectif à la citoyenneté française. En effet, ils sont nombreux à manifester de la frustration à être empêchés de participer aux élections nationales organisées en France, ce qui amène une partie d'entre eux à demander la nationalité française.Since the Maastricht Treaty of 1992, mobile European citizens within the EU political space have been granted the right to vote in municipal and European elections in their host country. In France, however, only a quarter of non-national European citizens are actually registered on the electoral rolls in their municipality of residence. Little is currently known about the reasons and circumstances that lead these citizens to register and participate in these elections. This article aims to fill this gap by analyzing interviews conducted between 2022 and 2024 with more than thirty (non-national) European citizens registered on French electoral rolls. The study first highlights the significance of long-term settlement plans in France—beyond mere length of residence—in shaping interest in civic and electoral participation. Secondly, results emphasize the collective dimension of voter registration and electoral participation. In this respect, the social integration of these European citizens, particularly observable at the local level, is associated with the emergence of micro-level social pressures surrounding electoral engagement. The study also demonstrates the primacy of this collective dimension over motivations linked to a sense of belonging to Europe. Finally, the exercise of voting rights among these foreign citizens influences their subjective relationship with French citizenship. Indeed, many express frustration at being unable to participate in national elections in France, which leads some of them to seek naturalization in France.
- Penser et faire l'Europe à l'échelle locale : une approche par les territoires - Étienne Toureille, Brice Laménie
Géopolitique locale de la ruralité : engagements citoyens et dynamiques alternatives
- Géopolitique locale de la ruralité : engagements citoyens et dynamiques alternatives - Franck Chignier-Riboulon
- De la conquête territoriale à l'ancrage local : engagements d'acteurs pour maintenir un vivre ensemble par le football - Meddy Escuriet Le football est le premier sport de masse à l'échelle mondiale. En France, c'est celui qui compte le plus grand nombre de licenciés. Si les clubs professionnels peuvent être des mastodontes culturels et économiques, les clubs amateurs, particulièrement en milieu rural, rencontrent souvent des difficultés significatives. Ces clubs jouent pourtant un rôle crucial dans les territoires où ils sont ancrés, en tant qu'acteurs majeurs du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. L'Union Sportive Egliseneuve-près-Billom, située dans une commune rurale du Puy-de-Dôme, illustre cette réalité. Confronté à une diminution du nombre de licenciés et à une forte concurrence locale, le club a dû adapter ses pratiques, en tenant compte d'un contexte géopolitique complexe, où se mêlent enjeux territoriaux et dynamiques d'acteurs. Cet article propose d'analyser les stratégies géographiques et territoriales mises en œuvre par le club pour attirer de nouveaux joueurs, assurer sa pérennité associative et renforcer son rôle structurant dans la communauté.Football is the world's leading mass participation sport. In France, it has the highest number of registered players. While professional clubs can be cultural and economic behemoths, amateur clubs, particularly in rural areas, often face significant difficulties. Yet these clubs play a crucial role in the areas where they are based, as major contributors to community life and social cohesion. The Union Sportive Egliseneuve-près-Billom, located in a rural commune in the Puy-de-Dôme department, is a case in point. Faced with a decline in the number of members and strong local competition, the club has had to adapt its practices, taking into account a complex geopolitical context in which territorial issues and the dynamics of the players are intertwined. This article looks at the geographical and territorial strategies implemented by the club to attract new players, ensure its continued existence as an association and strengthen its role in the community.
- Les lieux de vie collectifs et écologiques, acteurs du renouveau endogène des territoires ruraux de basse densité en France et au Québec : un enjeu de gouvernance territoriale - Florent Amat Depuis la fin des années 1990, nombre d'espaces ruraux occidentaux connaissent une recrudescence de migrations néo-rurales motivées par des protestations sociales ou des considérations écologiques qui alimentent des modes de vie alternatifs aux modes de vie urbains modernes. Portées par de nouveaux résidents mais aussi par des ruraux de longue date, ces alternatives sont notamment fondées sur l'expérimentation et l'exemplarité, et leurs porteurs s'attachent à la mise en actes quotidienne de leurs convictions idéologiques, à rebours de projets militants ou de conquête politique des institutions. En se tournant vers des territoires ruraux de basse densité perçus comme propices à expérimenter et à diffuser ces modes de vie, certains projets peuvent participer à leur renouveau endogène tout en suscitant des jeux d'influence entre des représentations conventionnelles, traditionnelles et alternatives des espaces ruraux, portées par différents acteurs. Ils s'impliquent du même coup dans la gouvernance de ces territoires. En nous intéressant à une forme particulière d'alternatives rurales, les lieux de vie collectifs et écologiques, nous montrons que certains d'entre eux peuvent avoir un réel impact sur les dynamiques locales, à condition de faire de l'ancrage territorial un objectif principal. Pour ce faire, nous utilisons des données qualitatives récoltées lors d'une étude de cas multiples en Ariège, dans l'Orne et dans la région de la Gaspésie au Québec. Après avoir évoqué les divers degrés d'ancrage territorial des collectifs, et l'obstacle récurrent de représentations clivantes, nous nous attardons sur trois cas afin d'illustrer combien le rapport au territoire des collectifs est déterminé par la combinaison de facteurs endogènes, exogènes et contextuels. Enfin, nous présentons les points de vue des élus et techniciens des territoires administratifs visités, qui peuvent voir dans ces projets tant des opportunités que des menaces pour le territoire et pour eux-mêmes.Since the late 1990s, Western rural areas are witnessing an increasing phenomenon of a particular type of urban to rural migrations led by social and ecological considerations. This contributes to the eruption of alternative lifestyles opposed to the mainstream urban way of life, taking part in what Halfacree calls the radical rural. Supported either by newcomers or long-time residents in rural spaces, those alternatives are built on place-based experimentation and exemplariness. This distinguishes them from militant or partisan projects. Some projects take place within low-density rural areas and contribute to their revival from within, while sparking off debates between conventional, traditional and alternative socio-spatial representations of rural spaces. Doing so, they get involved in and challenge local governance. We are interested in a specific category of rural alternatives: ecological community living. Those are micro-political initiatives led by at least three people, beyond the nuclear family, with the purpose of living according to their beliefs. They particularly aim at promoting ecology and solidarity at least within their own community. However, most of them are also aiming at a broader diffusion of their ideas and practices. We show how some projects which aim at putting down roots locally can impact local dynamics, contrary to others being more oriented towards trans-local networks. Our research is based on qualitative data issued from a multiple case study in Gaspésie (Quebec, Canada), Ariège and Orne (France). More precisely, we draw on 66 cumulative days of participant observation within 14 ecological communities, 33 semi-directive interviews with rural actors –either community members or public actors–, as well as informal interviews and document analysis. Our research is in line with the works on the construction of rural and rurality in a context of restructuration of rural spaces. It also draws on the French-speaking research on everyday life alternatives. Within these approaches, we apply Jodelet's definition of representation to the French theoretical approach of local governance (gouvernance territoriale). We first introduce how various projects show uneven bonds with rural communities, and how they are confronted to polarizing socio-spatial representations. Then, we explore three cases to show the extent to which collectives' relationship with the communities is determined by a combination of endogenous, exogenous and contextual factors. Eventually, we examine local elected representative and public servant's ambivalent perspective upon ecological community living, which can be perceived as opportunities as much as threats regarding their own local governance mission. In conclusion, rural alternatives act both as local actors and as representatives of supra-local interests working for broader social change. Hence, this article contributes both to the literature on the radical rural and on local governance in rural spaces, in a context of increasing multifunctionality and climate crisis.
- Les écolieux, nouveaux acteurs des ruralités : enclave de classe ou points d'ancrage pour le renouveau des campagnes ? - Ewa Chuecos Une nouvelle géographie alternative des campagnes se dessine par les départs de citadin·e·s en mal de nature et aspirant à habiter autrement le territoire. Dans la diversité des lieux alternatifs au sein des ruralités, le millier d'écolieux déjà implanté en France vient interroger non seulement les modes de vie métropolitains dans leurs rapports au vivant mais aussi les pratiques d'aménagement des communautés rurales. Des visions de l'écologie et de la géographie se rencontrent, ce qui amène à interroger l'implantation et le rôle de ces écolieux dans et pour des territoires ruraux, particulièrement ceux présentés comme en déclin par les autorités. Ces lieux permettent-ils d'enclencher un renouveau démographique, économique et culturel ou s'agit-il, comme certain·e·s tendent à le penser, d'enclaves de classes fort bien dotées socialement, culturellement, venues coloniser les ruralités ? Par une méthodologie ethnographique basée sur des immersions de plusieurs semaines dans 3 écolieux, nous décrivons à la fois les nombreux services proposés par les écolieux aux territoires mais aussi leurs difficultés d'intégration auprès des collectivités locales ainsi que des populations rurales, pour alors mettre en lumière leurs stratégies d'adaptation visant à construire, non sans parfois quelques difficultés, dialogue et coopérations.A new alternative geography of the countryside is emerging through the departures of city dwellers in search of nature and aspiring to live in the territory differently. In the diversity of alternative places within rural areas, the thousand ecovillages already established in France come to question not only metropolitan lifestyles that are destructive of life but also the planning practices of rural communities. The visions of ecology and territory confront and tame each other, which leads us to question the role of these ecovillages within rural territories. Indeed, are ecovillages places that can trigger a demographic, economic and cultural renewal in rural areas perceived as in decline or are they, as some tend to think, class enclaves very well endowed socially, culturally, who came to colonize rural areas ? Through an ethnographic methodology based on immersions of several weeks in 3 ecovillages, participant observation and around twenty biographical interviews, this article will attempt to show both the numerous services offered by ecovillages within the territories but also their difficulties of integration with local communities and rural populations.
- L'identité rurale de la vallée de la Bruche : une stratégie d'opposition à l'élaboration du plan de prévention du risque inondation - Hugo Sanchez, Brice Martin, Laetitia Neuviller Rodriguez La vallée de la Bruche située dans le Bas-Rhin en Alsace est fortement exposée au risque d'inondation par débordement de cours d'eau. Afin de réduire la vulnérabilité du territoire, l'Etat approuve en 2019 plusieurs Plans de prévention du risque inondation (PPRI). Dans la Communauté de communes de la Vallée de la Bruche, le PPRI a fait l'objet d'une vive opposition de la part des élus. L'article documente la façon dont les municipalités ont stratégiquement utilisé l'avis rendu dans le cadre de la consultation des personnes publiques et organismes associés (PPOA). Celui-ci est un discours géopolitique d'une grande cohérence géographique. Fait singulier, il est exprimé similairement par l'ensemble des collectivités opposées au PPRI. De surcroît l'étude démontre que le sentiment d'appartenance à la vallée de la Bruche est un fait multi-scalaire qui s'étend aux élus de différentes collectivités territoriales. Ce sentiment est nécessairement à l'origine de la mobilisation de ces différents élus et du « front discursif » constitué dans le cadre de cette contestation.The Bruche Valley, located in the Bas-Rhin region of Alsace, is highly susceptible to the risk of flooding due to the overflow of rivers. In order to mitigate the vulnerability of the area, the French State approved several Flood Risk Prevention Plans (PPRI) in 2019. In the Community of Communes of the Bruche Valley, the PPRI faced strong opposition from local officials. This article examines how the municipalities strategically utilized the opinion issued during the consultation of public authorities and associated organizations (PPOA). This opinion represents a geopolitical discourse marked by a high degree of geographical coherence. Notably, it is expressed in a similar manner by all the local authorities opposing the PPRI. Furthermore, the study demonstrates that the sense of belonging to the Bruche Valley is a multi-scalar phenomenon that extends across officials from various territorial entities. This sense of belonging is intrinsically linked to the mobilization of these different officials and to the formation of a “discursive front” within the context of this opposition.
- Objectif ZAN (Zéro artificialisation nette) et territoires ruraux : du débat national à la parole d'acteurs locaux - Joachim Dendievel L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) a pour but de lutter contre l'étalement urbain, de préserver la biodiversité ainsi que les espaces naturels agricoles et forestiers. Depuis son inscription dans la loi climat et résilience de 2021, il a donné lieu à une inflation d'expressions et de débats soulevés en particulier par les élus. Alors que les enjeux urbains, qu'il s'agisse du renouvellement urbain ou de la densification avaient déjà été balisés, il s'agit de comprendre comment la mise en œuvre du ZAN dans les territoires ruraux est abordée dans le débat national et dans l'expression d'acteurs locaux.Un premier temps précise le cadre de la politique ZAN, son rythme et sa déclinaison en cascade à toutes les échelles de l'action publique. Un deuxième temps aborde les nombreuses expressions nationales des années 2022 et 2023 et surtout le débat parlementaire 2023 ayant abouti à la loi du 20 juillet 2023. Les associations de maires et le Sénat y ont porté le sujet des petites communes rurales considérées comme victimes du ZAN. Dans un troisième temps, l'analyse du débat parlementaire concernant les territoires ruraux permet d'identifier des controverses, à la fois sur le diagnostic, sur les rapports interterritoriaux, ou sur la manière d'aborder le développement territorial. S'appuyant sur les expressions d'acteurs locaux recueillies lors d'une enquête menée dans le Gard et l'Hérault de mars 2024 à mai 2024, une dernière partie montre que la mise en œuvre du ZAN dans les territoires ruraux est un sujet de tension où se jouent des questions d'identité et de contrôle de territoire. La mise en œuvre du ZAN est abordée différemment selon l'ancienneté du processus de planification et selon la diversité des enjeux identifiés par les acteurs.The Zero Net Artificialization (ZAN) objective is designed to fight urban sprawl and preserve biodiversity and natural agricultural and forest areas. After 2050, ZAN will be effective, meaning that any new artificial surface will have to be compensated by an equivalent “renaturalized” surface. To achieve this target, objectives are defined by decade. The intermediate objective for 2021-2031 is the consumption of space compared with the previous decade. Since its inclusion in the 2021 Climate and Resilience Act, it has given rise to an inflation of expressions and debates raised in particular among elected representatives. While urban issues such as urban renewal and densification had already been defined, the aim of this article is to understand how the implementation of ZAN in rural areas is being addressed in the national debate and in the expressions of local actors. This article is based on several sources. The analysis of the debate comes from the expressions of major national actors. Then it focuses on the parliamentary debate by analyzing the minutes of the public sessions of the two French assemblies, the Senate and the National Assembly, which led to the law of July 20th, 2023, a law “aimed at facilitating the implementation of objectives to fight the artificialization of land and to strengthen support from elected local representatives”. The way national press covered this debate provides a complementary perspective. As a counterpoint, by changing scale and focusing on the more concrete implementation of the ZAN objective in rural territories, the article uses local actors' opinions gathered in a survey conducted from March 21 to May 21, 2024 in the Gard and Hérault departments. The ZAN objective calls into question regional planning and development models. The 2023 parliamentary debate puts small rural communities at the heart of concerns. They symbolize a rural community fearing to be left behind by elected representatives' vertical policy, even though it appears that rural areas make a fairly significant contribution to the artificialization of lands. The flagship measure of the 2023 law is the guarantee given to each commune to be able to consume one hectare (10 000 m2) during the 2021-2031 decade, preserving the ability of elected officials in small communes to act, but it risks compromising, in a number of territories, the construction of inter-communal projects. The parliamentary debate has highlighted controversies over the diagnosis, inter-territorial relations and approach to territorial development. This national debate reflects only a fraction of the questions that are being asked locally. The implementation of ZAN in rural areas is a tense issue, where questions of identity and territorial control are at stake. It is approached differently, depending on the age of the planning process and the diversity of issues identified by local actors. Like other transition policies, the ZAN objective confronts societies with complex dynamics of transformation. Open debate is not over yet and elected representatives' real-life experience in rural areas go beyond land issues.
- Géopolitique locale de la ruralité : engagements citoyens et dynamiques alternatives - Franck Chignier-Riboulon
Varia
- Authentique, convenable et national : les stratégies d'accès à l'espace public des mouvements organisés par les femmes en Turquie - Gülçin Erdi Le contrôle de l'espace public a toujours été un enjeu crucial en Turquie. À différentes périodes de l'histoire contemporaine du pays, le régime politique a tenté de contrôler l'espace pour mieux contrôler la population, créant ainsi des espaces autoritaires. Des critères politiques, culturels et moraux ont dessiné les frontières de qui est autorisé ou non dans l'espace public. L'article discute ces critères autour de deux notions, « citoyenneté convenable » et « authentique et national » en prenant l'exemple des mobilisations variées organisées par des femmes qui tentent de revendiquer leur présence dans l'espace public, défiant ainsi le contrôle étatique. Ces mobilisations, souvent intersectionnelles, démontrent que l'accès à l'espace public est conditionné non seulement par le genre, mais aussi par d'autres identités politiques et culturelles niées et refusées par l'Etat. En mettant l'accent sur ces luttes, l'article vise à analyser les rapports de force entre ces mobilisations et le pouvoir politique en optant pour une analyse spatiale et en considérant l'espace pas seulement comme un outil mais aussi comme un véritable enjeu politique, démontrant ainsi la complexité des dynamiques de pouvoir et d'inclusion dans les sociétés autoritaires.The control of public space has always been a crucial issue in Turkey. In different periods of the country's contemporary history, the political regime has tried to control space in order to better control the population, thus creating authoritarian spaces. Political, cultural, and moral criteria have drawn the boundaries of who is allowed to enter public space and who is not. The article discusses these criteria around two notions, “proper citizenship and “authentic and national, using the example of the various mobilizations organized by women who have tried to claim their presence in public space, thereby challenging state control. These mobilizations, which are often intersectional, show that access to public space is conditioned not only by gender, but also by other political and cultural identities that are denied and rejected by the state. By focusing on these struggles, the article aims to analyze the power relations between these mobilizations and political power, opting for a spatial analysis and treating space not only as a tool but as a real political issue, thus demonstrating the complexity of the dynamics of power and inclusion in authoritarian societies.
- Indo-Pacifique, espace de compétition technologique entre la Chine et les États-Unis - François Xavier Noah Edzimbi Le concept Indo-Pacifique suggère l'importance du domaine maritime dans les relations internationales et plus précisément en géopolitique. Support de la mondialisation d'une part, de la cristallisation de tensions entre États ou acteurs non étatiques d'autre part, la mer, en particulier de la façade asiatique du Pacifique à l'océan Indien, est un support privilégié de la réflexion stratégique des puissances. Chacune d'entre elles développe sa propre interprétation. En ce sens, l'Indo-Pacifique, d'abord par sa géographie (routes maritimes, détroits, diversités des configurations maritimes, zones portuaires, corridors vers l'intérieur des continents), puis par la densité des formes de rivalités et des tensions, fait l'objet d'une attention dans les milieux stratégiques et diplomatiques. En cette troisième décennie du XXIe siècle, la rivalité sino-américaine présente de nombreux défis. En mobilisant la méthode géopolitique, cet article met en perspective le cadre évolutif du concept d'« Indo-Pacifique » (en Amérique, en Europe et en Asie), présente la compétition technologique entre les États-Unis et la Chine et ses conséquences dans l'ensemble régional. La potentielle victoire de Pékin ou de Washington dépendra de leur arrimage respectif aux représentations et désirs divers des populations.The Indo-Pacific concept suggests the importance of the maritime domain in international relations and more precisely in geopolitics. A support for globalization, and for the crystallization of tensions between states or non-state actors, the sea, in particular from the Asian coastline from the Pacific to the Indian Ocean, is a privileged support for powers's strategies. Each of them develops its own interpretation. In this sense, the Indo-Pacific, first by its geography (maritime routes, straits, diversity of maritime configurations, port areas, corridors towards the interior of continents), then by the density of forms of rivalry and tensions, is the subject of sustained attention in strategic and diplomatic circles. In this third decade of the 21st century, the Sino-American rivalry presents many challenges. By mobilizing the geopolitical method, this scientific exercise puts into perspective the evolving framework of the Indo-Pacific concept (in America, Europe and Asia), and then presents the technological competition between the United States and China as well as its consequences throughout the region. The potential victory of Beijing or Washington will depend on their respective alignment with the diverse representations and desires of the populations.
- Quand les associations expérimentent : les dynamiques relationnelles locales à l'épreuve des appels à projets. Le cas du PIC La Locomotive - Nina Aubry, Aurélien Martineau, Emmanuel Bioteau L'article interroge les effets des appels à projets (AAP) sur les associations et sur les dynamiques relationnelles locales dans lesquelles elles s'inscrivent. Il questionne la traduction concrète des injonctions à la mise en réseau et au multipartenariat. Le cas d'une expérimentation conduite dans le cadre du Plan d'investissement dans les compétences 100 % Inclusion et portée par un centre social associatif illustre la complexité et l'ambivalence des effets territoriaux des AAP. À partir de trois années d'observation participante, de données quantitatives sur les personnes accompagnées ainsi que de trente-huit entretiens semi-directifs réalisés avec des membres du consortium, l'article dresse un portrait précis des dynamiques relationnelles suscitées et transformées par la généralisation des AAP dans une commune nouvelle, rurale, du Maine-et-Loire. Alors que les logiques institutionnelles dont résultent les AAP sont déjà richement documentées, l'article appréhende les AAP à partir de ce qu'en vivent et en font les associations. Il expose comment ces projets en consortium peuvent renforcer les réseaux locaux, mais génèrent aussi des effets pernicieux et positionnent les associations en situation de dépendance et/ou de concurrence. À partir du cas étudié, la réflexion met notamment en avant des logiques de raffinage à l'œuvre entre les partenaires, quand concurrence et coopération s'entremêlent.The article examines the effects of project calls on associations and the local relational dynamics in which they operate. It explores the concrete translation of injunctions to networking and multi-partnership collaboration. The case of an experiment conducted within the framework of the 100% Inclusion Skills Investment Plan, led by a community social center, illustrates the complexity and ambivalence of the territorial effects of call for projects. Based on three years of participant observation, quantitative data on the individuals supported, and thirty-eight semi-structured interviews with consortium members, the article provides a detailed portrait of the relational dynamics generated and transformed by the widespread use of call for projects in a newly formed rural municipality in Maine-et-Loire (western France). While the institutional logics behind call for projects are already well documented, this article approaches them from the perspective of how associations experience and navigate them. It highlights how consortium-based projects can strengthen local networks but also produce detrimental effects, placing associations in situations of dependence and/or competition. The analysis of the case study particularly emphasizes the refining processes at play among partners, where competition and cooperation intertwine.
- La politisation des contestations écologistes contre les activités de croisière maritime - Nathan Gouin Depuis quelques années, les villes portuaires européennes sont animées par de nouvelles contestations dirigées contre les activités de croisières. Cantonnées à Venise jusqu'en 2019, elles se sont depuis étendues à de nombreuses villes, tout d'abord en Méditerranée (Barcelone, Palma de Majorque, mais aussi Marseille, Ajaccio, Nice), puis ailleurs en Europe. Ces contestations s'inscrivent au sein d'une transformation plus large du rapport de force entre les idéologies et une montée en puissance de l'écologie politique. Le modèle économique et touristique des villes portuaires basé sur la croissance néolibérale est ainsi de plus en plus contesté sous l'effet de différentes formes de politisation. L'exemple des croisières permet ainsi de montrer un renouveau des formes conflictuelles au sein des villes portuaires, qui intervient par la rupture de certains élus avec le corporatisme libéral, et par un renouvellement des acteurs de défense de l'environnement. L'objectif de l'article, qui s'inscrit au sein de la littérature sur les conflits d'aménagement portuaire, est de recenser et caractériser ces formes de politisation à travers une analyse basée sur l'exploitation d'un corpus d'articles de presse, et d'analyser les premières conséquences de ces politisations sur l'action publique et les pratiques des armateurs de croisières.For some years now, European port cities have been abuzz with new protests against cruise activities. Limited to Venice until 2019, these protests have since spread to many cities, firstly in the Mediterranean (Barcelona, Palma de Mallorca, but also Marseille, Ajaccio and Nice), and then elsewhere in Europe. These protests are part of a wider shift in the balance of power between ideologies and a growing emphasis on political ecology. The economic and tourism model of port cities, based on neo-liberal growth, is being increasingly challenged by various forms of politicisation. The example of the cruise industry shows that there is a renewal of conflict within port cities, with some elected representatives breaking with liberal corporatism, and a new generation of environmental activists. The aim of the article, which is part of the literature on port development conflicts, is to identify and characterise these forms of politicisation through an analysis based on a corpus of press articles, and to analyse the initial consequences of these politicisations on public action and the practices of cruise ship owners.
- Authentique, convenable et national : les stratégies d'accès à l'espace public des mouvements organisés par les femmes en Turquie - Gülçin Erdi