Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°50
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 50, 1994 |
Titre du numéro | Revue de l'OFCE n°50 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Perspectives de l'économie française en 1994 et 1995 - Division modèle-trimestriel Mosaïque, Pierre-Alain Muet, Gérard Cornilleau, Andrew Brociner, Loïc Cadiou, Eric Contais, Catherine Mathieu p. 5-28 Cet article présente les perspectives de croissance de l'économie française à l'horizon 1995. La reprise est désormais bien engagée en Europe continentale, où les enquêtes sur les opinions des chefs d'entreprise font état d'un redressement de la demande étrangère comme intérieure. Ces perspectives de demande conduisent à anticiper une reprise de l'investissement, qui serait le principal moteur de la croissance en 1995. En France, le PIB croîtrait de 2 % en 1994 et de 3,1 % l'année suivante. Cette croissance serait non inflationniste (1, 7 % d'augmentation des prix à la consommation en 1995), et la balance commerciale, comme celle des paiements courants, demeureraient excédentaires. La croissance ne serait cependant pas assez forte pour réduire significativement le nombre de chômeurs, qui atteindrait près de 3,5 millions à la fin 1995. La reprise est cependant fragile. Elle suppose que les autorités monétaires européennes poursuivent leur politique de baisse de taux d'intérêt, malgré l'accroissement des taux d'utilisation des capacités de production. Elle suppose aussi que les autorités budget lires ne cherchent pas à réduire trop rapidement les déficits publics, mais se contentent d'engranger les recettes fiscales dues à la croissance.Forecasts for the French economy in 1994 and 1995 Division modèle trimestriel Mosaïque This article presents the forecasts of economic growth for the French economy until 1995. The recovery is now under way in continental Europe, where business surveys show an increase in dometic and foreign demand. These demand perspectives lead to an expected increase in investment, which will be the main engine of growth in 1995. In France, the forecast for GDP is a growth rate of 2 % in 1994 and 3,1 % in 1995. This growth will be non-inflationary (the growth rate of consumer prices is forecast for 1,7 % in 1995), and the trade balance, like the current account balance, will be in surplus. The growth rate will not, however, be sufficient to reduce the number of unemployed, which will reach 3,5 millions by the end of 1995. The recovery is, nevertheless, fragile. The forecast assumes that interest rates in Europe will continue to decrease, despite the increase in the rate of capacity utilization. It also assumes that governments don't reduce their budget deficits too quickly, but only accumulate fiscal revenues induced by economic growth.
- Allongement de l'espérance de vie, croissance et retraites - Thierry Chauveau, Rahim Loufir p. 29-64 Les conséquences de diverses mesures de politique économique pour limiter la hausse des cotisations-retraite et mieux les répartir entre les générations ont déjà fait l'objet d'une étude publiée dans cette Revue (Cf. n° 47 octobre 1993). Cette étude faisait appel à la simulation dynamique d'un modèle à générations imbriquées qui, comme tous ses prédécesseurs, souffrait d'un handicap « technique », l'espérance de vie des individus y était supposée constante (et égale à 80 ans). L 'objet de ce nouveau travail est de présenter les résultats obtenus, pour la première fois, en s' affranchissant de cette hypothèse c'est-à-dire en « collant » exactement aux projections démographiques effectuées par la Banque mondiale. Le nouveau scénario démographique est beaucoup moins favorable que naguère ; le taux de dépendance enfants/actifs baisse désormais très peu et le taux de dépendance retraités/actifs s'élève encore plus vigoureusement de sorte que la proportion d'actifs dans la population totale, après avoir légèrement crû, diminue de façon substantielle. Il s'ensuit qu'à l'horizon 2050, les agrégats par tête corrigés du progrès technique diminuent de façon sensible, alors qu'ils s'élevaient naguère très légèrement, et que l'augmentation des prélèvements obligatoires est substantiellement plus marquée dans le nouveau scénario. Si le compte central désormais retenu est moins « rose » que l'ancien, la nouvelle description des effets des variantes de politique économique n'est pas très différente de l'ancienne. L'intérêt de la nouvelle étude ne se limite pas, néanmoins, à une simple réévaluation de résultats antérieurs : elle apporte un éclairage nouveau sur deux questions importantes : Nous effectuons, tout d'abord, une comparaison systématique entre l'option « maintien des prestations » — c'est-à-dire le maintien du taux de remplacement — ei l'option polaire « maintien des cotisations » — c'est-à-dire du taux de ces cotisations. Dans un cas comme dans l'autre, le système actuel de retraites est maintenu, mais l'effort de solidarité entre les générations y est réparti de façon très différente. Le corollaire d'une politique relativement généreuse à l'égard des retraités — c'est la première option — est une hausse considérable des prélèvements obligatoires et en particulier des taux de cotisation retraite. Avec la seconde option le taux de remplacement — et par conséquent le niveau de vie relatif des retraités — baisse de façon marquée : c'est la conséquence du maintien à leur niveau initial des taux de cotisation. De plus, si la variante « maintien des prestations » est plus équitable que celle du « maintien des cotisations », elle accentue la différence de bien- être, à une date donnée entre les retraités et les actifs. Soulignons, enfin, que les évolutions des agrégats économiques et celles du « bien-être moyen » sont, d'un compte à l'autre assez proches même si l'avantage va à la variante « maintien des cotisations » (la production par tête, corrigée du progrès technique n'y baisse que de 6 % à l'horizon 2050 contre 12 % dans l'autre cas). L'autre question abordée dans cette étude est celle des interactions entre croissance et évolution du système de retraites. Contrairement à une idée répandue, l'accélération du rythme, supposé ici exogène, du progrès technique ne permet nullement de résoudre les problèmes d'équité, ni ceux liés à l'augmentation potentielle des taux de prélèvements obligatoires. Ce rythme joue, au contraire, un rôle important dans l'analyse de la « soutenabilité » des options institutionnelles. Si l'on s'impose comme règle du jeu l'absence de baisse de pouvoir d'achat des prestations retraite, l'option « maintien des cotisations » n 'est envisageable que si la croissance est au moins de 1,25 %, les gains de productivité ne pouvant, en deçà de ce seuil, compenser les effets négatifs de la baisse du taux de remplacement; l'option «maintien des prestations» s'accommode d'une croissance beaucoup plus faible (0,45 %) de sorte qu'il existe une assez grande asymétrie entre les deux options étudiées. Est-il utile d'ajouter que l'augmentation du rythme du progrès technique exerce des effets très marqués sur la croissance et le bien-être ?Lengthening of Life Expectancy, Growth and Pensions Thierry Chauveau, Rahim Loufir In the computable general equilibrium models with overlapping generations, it is usual to hold the life expectancy constant. In this paper, we get rid of this unrealistic hypothesis by introducing a variable life expectancy. Such a change allows us to use directly the demographic projections for studying the economic transition of some institutional and technical scenarios relating to the French public pension system. First of all, we compare two polar scenarios : the first one consists in maintaining the current replacement rate, and the second one consists in maintaining the current pension contribution rate. Mac- roeconomic aggregates as well as welfare criteria are then examined. On the top of that, we consider to what extent the rythm of technical progress can influence the evolution of the public pension system. Finally, we proceed to a sensitivity analysis of the previous version of our model (see Revue de l'OFCE n° 47) in the light of a variable life expectancy.
- Indépendance des banques centrales, politiques monétaire et budgétaire : une approche stratégique - Fabrice Capoen, Henri Sterdyniak, Pierre Villa p. 65-102 Le thème de l'indépendance de la Banque centrale a reçu récemment une attention importante, tant dans la littérature théorique que dans le débat public. Celle-ci empêcherait les gouvernements de pratiquer des politiques économiques trop expansionnistes, qui, intégrées dans les anticipations des agents, sont impuissantes à soutenir l'activité et ne font qu'engendrer de l'inflation. Elle crédibiliserait la volonté de l'Etat de maintenir un bas taux d'inflation. Toutefois, les risques de cette indépendance ne semblent pas avoir été convenablement réfléchis. En cas d'indépendance de la Banque centrale, se pose un problème d'affectation et de coordination des instruments de la politique économique. Si des considérations institutionnelles amènent à consacrer la politique monétaire à la lutte contre l'inflation et la politique budgétaire au soutien de l'activité, cette affectation forcée a-t-elle un sens au niveau économique ? Des orientations différentes des politiques monétaire et budgétaire peuvent entraîner des situations de taux d'intérêt élevés, de surévaluation du taux de change, de déficit public dont le coût, tant pour le pays concerné que pour ses partenaires, doit être pris en compte. La première partie de l'article se situe en économie fermée. Dans un modèle keynésien où les politiques budgétaire et monétaire sont utilisées de façon indépendante pour gérer l'arbitrage inflation/production, le conflit entre elles se traduit par un équilibre non-optimal caractérisé par un taux d'intérêt trop élevé et un déficit public trop important. De même, dans un modèle à la Barro-Gordon (1983), une Banque centrale indépendante ne garantit pas les agents contre les surprises inflationnistes si la politique budgétaire est expansionniste. Enfin, une maquette dynamique montre que l'affectation de la politique monétaire à la lutte contre l'inflation ne va pas de soi : la hausse des taux d'intérêt augmente les charges financières pesant sur les entreprises et réduit leur profitabilité, ce qui nuit à leur investissement, donc au développement des capacités de production. Une configuration où la politique budgétaire régule la demande et la politique monétaire régule la profitabilité des entreprises serait préférable. La deuxième partie présente une maquette à deux pays, dans laquelle la problématique de la coordination des politiques économiques est réinterprétée dans une situation d'indépendance des politiques monétaire et budgétaire. L'indépendance des Banques centrales rend encore plus difficile la coordination des politiques économiques puisque chaque pays parle par deux voix discordantes. Le problème de la coordination interne s'ajoute à celui de la coordination internationale pour aboutir, en cas de choc inflationnisme, à un équilibre à forts taux d'intérêt et forts niveaux des déficits publics alors que la constellation inverse (bas taux d'intérêt, politiques budgétaires restrictives) serait préférable. Cet inefficacité provient du fait que l'instrument monétaire est relativement moins efficace en cas de choc inflationniste mondial. Seule, la négociation entre autorités monétaire et budgétaire permettrait d'y échapper. Mais, est-elle compatible avec l'indépendance de la Banque centrale ?Central Bank independence, monetary and fiscal policies : a strategic approach Fabrice Capoen, Henri Sterdyniak, Pierre Villa Central Bank independence has recently received a great deal of attention, in both theoretical literature and the public debate. This independence is meant to prevent goverments from practizing over- expansionary economic policies, which, when integrated in private agents expectations, are unable to sustain activity and thus only result in increased inflation. Independence increases the credibility of the government commitment to maintain a low level of inflation. However the risks of independence have not yet been considered to a sufficient extent. While institutional considerations lead to dedicate respectively monetary policy to inflation control and fiscal policy to activity regulation, this separation can be dangerous at a macroeconomic level. Diverging orientations of monetary and fiscal policies may lead to situations featuring high interest rates, large public deficits and overvalued exchange rates, the costs of which, for the country as well as its partners, must be considered. The first part of the article studies the closed economy case. In a Keynesian model, in which fiscal and monetary policies are used in independent ways to manage the inflation/unemployement trade-off, the conflict beetwen them induces a sub-optimal equilibrium, where both interest rates and public deficit are to high. In the same way, in a Barro-Gordon model, an independent Central Bank does not insure private agents against an inflationary surprise due to fiscal expansion. Finally a dynamic model shows that the rise of interest rates increases the financial burden borne by the firms, reduces their profitability and investments, and consequently limits the development of the production capacity. A situation where fiscal policy controls the demand and where monetary policy is dedicated to controlling profitability of firms would be preferable. The second part of the article introduces a two-country model. The lack of internal coordination between monetary and budgetary policies worsens the lack of international coordination so as to lead, in an inflationary shock context, to an equilibrium with high interest rates and deep public deficits, whereas the opposite policy-mix would be better (low interest rate, restrictive fiscal policy). The point is that the monetary tool is relatively less efficient when a world wide inflationary shock occurs. Only, a concerted behavior of monetary and fiscal authorities can result in an efficient policy-mix. But, is it compatible with Central Bank indépendance ?
- Marchés financiers, crédibilité et souveraineté - Frédéric Lordon p. 103-124 La structure même de la décision financière de marché, par son jeu d'anticipations croisées et d'indétermination spéculaire, ouvre la possibilité de mouvements mimétiques et de prophéties auto-réalisatrices dont les produits sont marqués par l'arbitraire. Une croyance quelconque, aussi irrationnelle soit-elle, peut entrer dans la réalité du seul fait d'être collectivement partagée et validée. Conformément à un apologue désormais bien connu des économistes, si les opérateurs sont persuadés que la présence de taches solaires influence les cours à la baisse, une telle occurrence déclenchera des mouvements de vente qui ex-post valideront la croyance initiale. La maîtrise des techniques d'interventions déployées par les opérateurs ne doit alors pas masquer que leur rationalité n'est que conditionnelle, et qu'en amont de leur décision, la formation de leurs anticipations et de leur représentation du monde peut être d'une parfaite irrationalité. L'habillage de la décision par un discours qui veut prendre la forme du raisonnement économique n'est alors au mieux qu'une rationalisation légitimatrice. C'est au cœur d'une telle disposition que se logent les comportements les plus aberrants des marchés financiers. Ceux-ci peuvent en particulier prendre deux formes auxquelles on s'attache plus particulièrement dans cet article et qu'on qualifie respectivement de « paranoïaque » et de « machiavélique ». Dans la première forme, les inquiétudes liées à la préservation de la liquidité peuvent dégénérer en angoisse paranoïaque, où toute information est systématiquement interprétée en les termes les plus négatifs. Mais quand ils ne se laissent pas aller à leur humeur, les marchés sont aussi capables de projet. On interprète ainsi la crise monétaire du SME comme un affrontement proprement politique entre puissances financières et pouvoirs publics à propos du projet de construction européenne. Cette perspective éclaire alors d'un jour nouveau les problématiques de la crédibilité des politiques économiques. D'une part en tant qu'elle est l'expression d'une demande de tranquilisation, la crédibilité se présente comme une injonction virtuellement indéfinie. Une politique qui se propose d'apaiser l'angoisse de la liquidité en entrant dans sa logique et en satisfaisant les unes après les autres ses exigences apparaît alors comme une entreprise sans terme ni espoir. D'autre part on peut s'inquiéter de cette tutelle auto-dési- gnée que s'arrogent les marchés financiers sur les politiques économiques, surveillance qui ajoute l'illégitimité démocratique à l'ineptie fréquente des évaluations qu'elle dispense.Financial markets, credibility, and sovereignty Frédéric Lordon The very nature of decisions on financial markets, characterized by crossed anticipations and specular indeterminacy, entails the possibility of mimetic movements and self-fulfilling prophecies, the outcomes of which may be quite arbitrary. Any belief, however irrational, may become a reality due to the sole fact of being collectively agreed. According to a tale now well known to economists, if financial investors are convinced that sunspots have a bearish influence, their occurring will entail sales movements which will ex post seem to confirm such a belief. The technical virtuosity of financial investors thus makes up only a conditional rationality : above their feed their decision-making the formation of their expectations and of their « views » on the world that feed their decision-making may be quite irrational. The rationalization of their decisions by a seemingly economically rational discourse is thus at best a search for legitimation. In such a structure are lying the most aberrant behaviors of financial markets. These behaviors may in particular appear under two forms and respectively labelled as « paranoiac » and « machiavelic ». In the firt case, the care for liquidity may degenerate into a paranoiac anxiety and lead to interpret systematically any news in the most negative way. When they are not driven by their mood, financial markets are also capable of making plans. In this line, the EMS crisis is interpreted as a genuine political confrontation between financial powers and governments around the European construction project. This perspective thus sheds a new ligth on the theme of the credibility of economic policies. On one hand, as the expression of a demand for definitive quietness, credibility appears as quasi indefinite injunction. An economic policy which intends to calm liquidity anxiety within its logic and to satisfy one after another all its demands would be endless and hopeless. On the other hand one may find worrying this self- nominated authority of financial markets on economic policies which is at the same time democratically illegitimate and frequently incompetent.
- Chronique des tendances de la société française - Louis Dirn, Laurence Duboys Fresney, Louis Chauvel, Jean-Pierre Jaslin, Henri Mendras, Irène Théry p. 125-148 Cette nouvelle chronique met en évidence : • Les continuités et ruptures de la structure familiale. D'un côté le dernier bilan démographique montre la persistance dans certaines régions françaises de « familles souches » que l'on croyait disparues. D'un autre côté, nous montrons que les « familles recomposées », qui se multiplient en France, créent des situations familiales nouvelles et très variées. • La vitalité des bourgs ruraux. Après avoir connu une expansion qui rapprochait le mode de vie de leur population de celui des citadins, ces bourgs subissent aujourd'hui la crise. • L'étude de la répartition des revenus entre les CSP montre que jusqu'en 1989 la tendance n'était pas à l'augmentation des inégalités et à la naissance d'une société coupée en deux. • Les modes de fonctionnement de la formation permanente. Elle ne peut remplir aujourd'hui le rôle de remède à l'emploi que tout le monde souhaite si certains écueils, dénoncés ici, ne se sont pas évités et si un choix n'est pas fait parmi les stratégies possibles.
- Summaries in English - p. 149-151