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Revue | Revue économique |
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Numéro | vol. 54, no 2, mars 2003 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Une analyse théorique des fondements et du fonctionnement de la relation d'autorité intrafirme - Bernard Baudry
et Bruno Tinel p. 229 Depuis une vingtaine d'années, le thème de l'autorité dans la relation d'emploi a fait l'objet d'un regain d'intérêt parmi les économistes, en raison notamment de la prise en compte de l'incomplétude des contrats. Dans cet article, notre objectif est double. Il s'agit tout d'abord de porter un jugement sur la fameuse controverse Coase/Alchian-Demsetz, en étudiant les fondements de l'autorité intrafirme. Il s'agit également de montrer que la relation d'autorité intrafirme ne peut se résumer à une variable unique, mais au contraire repose sur une pluralité de mécanismes. Dès lors, compte tenu de cette pluralité, la relation d'autorité entre un employeur et un employé doit s'appréhender en termes de degré, et non en termes d'autorité infinie – ou nulle – de l'employeur sur l'employé.For about twenty years, the notion of authority has been put forward again into the analysis of employment relationship, especially concerning contracts incompleteness. This article has two purposes. First, it aims at giving an assessment of the famous controversy between Coase and Alchian-Demsetz through an analysis of the foundations of authority. Second, it is shown that the authority relationship inside the firm cannot only depend on a single variable. On the contrary, authority rests upon a multiplicity of mechanisms. Employer's authority over employee has therefore to be understood in terms of degrees rather than in boolean terms. Classification JEL : B210, D230, J530, L220, M500.
- Faut-il un mécanisme fiscal d'assurance dans une union monétaire ? - Patrick Artus p. 253 L'existence de chocs asymétriques peut pousser, dans une union monétaire, à fusionner les systèmes de transferts sociaux. Cette organisation, qu'on peut appeler assurance fiscale, stabilise en principe ce type de choc, puisque le pays non affecté par le choc finance une partie des transferts vers l'autre pays. En revanche, le régionalisme (maintien des systèmes nationaux de transferts) permet d'éviter que les pays plus riches paient, en moyenne, une partie des transferts sociaux mis en place dans les pays les moins riches. Nous construisons un modèle théorique pour analyser les éléments de ce choix entre assurance fiscale et régionalisme du système de transfert. Nous montrons que la politique monétaire, normalement de lutte contre l'inflation, de la Banque centrale de l'union monétaire, joue un rôle majeur dans ce choix et que nous sommes amenés à prendre, de ce fait, une position hostile au mécanisme d'assurance.The existence of asymetrical disturbances can give the idea in a monetary union, to merge the social tranfers systems. This organization which can be named fiscal insurance, is in principle stabilizing, since the country not affected by the shock finances a part of the transfers paid in the other country. However, regionalism (maintaining the national transfers system) permits to avoid that the richer countries, on the average, finance a share of the social transfers decided of in the poorer countries. We build a theoretical model to analyse the components of this choice between fiscal insurance and regionalism of the social transfers system. We show that the monetary policy, normally aiming at stabilizing prices, implemented by the Central Bank of the Union, plays a major role in that choice, and that we are led to take a position not in favor of the insurance mechanism. Classification JEL : E 58 ; E 62 ; E 63
- Les causes du chômage en France
- Une ré-estimation du modèle ws-ps - Yannick L'Horty
et Christophe Rault p. 271 Nous proposons une estimation multivariée du modèle ws-ps sur données macroéconomiques françaises. Partant d'une présentation théorique des déterminants structurels de la formation des salaires et des prix, nous estimons, à l'aide d'un var-ecm partiel, les relations entre le taux de chômage, le coût réel du travail et ses déterminants sur la période 1970-1/1996-4. L'estimation conduit à un niveau du chômage d'équilibre proche de son niveau effectif en fin de période. La montée du chômage d'équilibre, de dix points en vingt-cinq ans, s'expliquerait essentiellement par celle des prélèvements fiscaux et sociaux, par le ralentissement de la productivité du travail et par la dégradation de la sécurité de l'emploi mesurée par le taux de sortie de l'emploi vers le chômage. Les termes de l'échange, qui ont varié essentiellement sous l'influence des chocs pétroliers, et le mésappariement entre qualifications offertes et demandées sur le marché du travail, n'expliqueraient qu'une faible part de la montée du chômage d'équilibre. L'étude conduit en outre à mettre en doute l'influence de nombreux autres déterminants : la moindre dégressivité des prélèvements sociaux n'aurait pas eu d'influence sur la montée du chômage d'équilibre, et il en irait de même de la hausse du taux de remplacement, de la réduction de la durée du travail, de la hausse du smic et de celle des taux d'intérêt réels qui n'auraient pas eu d'influence directe en dehors de leurs effets sur la productivité du travail.We propose a new multivariate estimation of the ws-ps model on French macroeconomic data. Starting from a theoretical presentation of structural determinants of wage and price setting, we have estimated using a conditional var-ecm model, the relationships between unemployment rate, real labour cost and its determinants over the 1970-1/1996-4 period. The estimation leads to a rate of equilibrium unemployment nearing its effective level at the end of the period. The rise in equilibrium unemployment, by 10 points in 25 years, would be accounted for essentially by the rise of tax and social deductions, the slow down of labour productivity and by deterioration of job security assessed by the downsizing rate. The terms of exchange which have essentially varied under the impact of oil crises and distortion between proposed and required qualifications on labour market, would only account for a slight part of the rise of equilibrium unemployment. This study moreover leads to questioning the influence of numerous other determinants : the lesser digressiveness of social deductions wouldn't have had any impact on the increase of equilibrium unemployment and it would be the same for replacement rate, working hour reduction, the Smic increase and the real interest rates (which wouldn't have had a direct impact except their effects on labour productivity). Classification JEL : C32, E24
- Le taux de change euro/dollar
- Une perspective de long terme - Jérôme Teïletche p. 295 Nous proposons une spécification liant le taux de change réel euro/dollar au différentiel de productivité, au différentiel de dépenses gouvernementales et au différentiel de taux d'intérêt réel. Cette modélisation décrit de façon précise l'évolution de l'euro/dollar sur les deux dernières décennies et possède des capacités prédictives satisfaisantes pour des horizons de trois mois à un an, même après prise en compte de problèmes économétriques potentiels par la méthode du bootstrap. Sur la période récente, les résultats précédents semblent se maintenir pour l'année 1999 mais ne tiennent plus pour l'année 2000, principalement en raison du relâchement du lien traditionnel entre taux de change et différentiel de taux, conduisant à conclure à une sous-évaluation de l'euro de 15 % en juin 2000.We propose a specification of the euro/dollar real exchange rate based on the productivity differential, the governments spending differential and the real interest rate differential. This model suitably describes the euro/dollar path over the last two decades and presents satisfactory forecasting abilities, even after taking account of some econometric problems on the basis of the bootstrap method. Over the recent period, these results seem to hold for the 1999 year but the model fails in 2000, essentially because of the relax of the traditional link between the exchange rate and the interest rate differential, leading us to conclude to a 15 % undervaluation of the euro in June 2000. Classification JEL : F31, F47, C53.
La théorie évolutionniste du changement économique vingt ans après
- Introduction - Richard Arena et Nathalie Lazaric p. 323
- La théorie évolutionniste du changement économique de Nelson et Winter -
Une analyse économique réprospective - Richard Arena
et Nathalie Lazaric p. 329 L'objectif de cet article consiste en une évaluation critique de la théorie évolutionniste contemporaine qui s'est développée depuis l'ouvrage fondateur de Nelson et Winter [1982]. Cet ouvrage et cette théorie s'appuient sur les traditions schumpeterienne et simonienne, quitte à renoncer à certaines de leurs hypothèses initiales. Nelson et Winter proposent une critique de l'« orthodoxie contemporaine » et de ses fondements microéconomiques. Ils suggèrent, par ailleurs, un programme de recherche qualifié de « génétique organisationnelle » qui s'inspire de la biologie. Cette approche a soulevé de nombreuses critiques car il existe une ambiguïté quant au niveau pertinent de sélection des technologies ou des routines. La nature même de la création de la connaissance est discutée. Par ailleurs, le rôle des routines dans la théorie évolutionniste est mis en avant au niveau conceptuel et au plan de la formalisation. Le projet de recherche proposé se caractérise au total par une originalité certaine même si des problèmes liés à la caractérisation des processus de sélection et de mutation existent et font débat au sein de l'évolutionnisme contemporain.The aim of this article is to underline the development of the Evolutionary Theory starting from the original book of Nelson and Winter [1982]. This book is inspired by the Shumpeterian and Simonian traditions even if these authors are abandoning some of their core hypothesises. Nelson and Winter provide a criticism of orthodox foundations notably via the conceptualisation of productive activity with the production set. They suggest a new research agenda inspired from biology called « organizational genetics ». This latter has launched a huge of sympathy and critics because the philogenetic and ontogenetic levels of selection of routines and technologies are both confused and contradictory, notably concerning the emergence and the creation of knowledge. The role of routines is also discussed here at a conceptual and qualitative level in order to reach a better understanding of key concepts such as skills, capabilities. Finally, this research agenda offers an important originality even if some problems remain with the endogenous process of selection and mutation. Classification JEL : D20, D21, D23, D24, D57, E23, L23, N00, O30, O14.
- The Mystery of the Routine
The Darwinian Destiny of An Evolutionary Theory of Economic Change - - Geoffrey M. Hodgson p. 355 Les trois principes centraux de l'approche darwiniste sont présents dans l'ouvrage de Nelson et Winter (1982) : la sélection, la variété et l'héritage. Ce article s'interroge sur leur statut : la mise en œuvre de ces concepts reste-t-elle purement analogique ? Suppose-t-elle au contraire une articulation forte entre évolution sociale et mutation biologique ? Comment expliquer qu'en dépit de leurs références darwinistes, Nelson et Winter décrivent leur théorie comme « lamarckiste » ? Cette approche « lamarckiste » est mise en relation avec les faiblesses que présentent les définitions du concept central de routine chez ces auteurs : l'argument développé ici est que l'analyse d'une routine doit mettre l'accent sur les génotypes plutôt que sur les comportements et les phénotypes. Conformément à l'approche développée par Winter (1987), on défend l'idée que l'utilisation des concepts darwinistes en économie s'appuie sur des principes généraux communs aux systèmes biologiques et sociaux. Cela permet de considérer la routine comme un « réplicateur » au sens de la littérature récente consacrée à l'évolution culturelle. Cette approche ontologique, inspirée des principes darwinistes, conduit alors à discuter les mécanismes de réplication en tant que source de variété et comme processus de sélection. Classification JEL : B25, B52, D20, D83The three core Darwinian principles of variety, inheritance and selection are found in Nelson and Winter's Evolutionary Theory of Economic Change (1982). Is the application of these core Darwinian principles purely analogical, or does it also relate to ontological communalities between social and biological evolution? Why do Nelson and Winter describe their theory as “Lamarckian” despite this strong Darwinian content? This “Lamarckian” inclination is related to their imperfect and inconsistent definitions of their core concept of “routine”. It is argued here that a routine must be treated as a genotype rather than a (behavioural) phenotype. Following Winter (1987), it is also argued that the use of Darwinian principles in economics relates to general features that are common to both social and biological systems. This permits consideration of the routine as a replicator in a broad Darwinian analysis. A definition of replication is taken from the recent literature on cultural evolution and applied to the key concepts of (individual) habit and (organisational) routine. An ontologically-grounded Darwinian and evolutionary economics leads us to a more detailed discussion of the mechanisms of replication, as well as the sources of variety and the processes of selection.
- Interprétation évolutionniste du changement économique -
Une étude comparative - Giovanni Dosi
et Sidney G. Winter p. 385 Cet article tente, d'une part, d'identifier les éléments de base qui forment la théorie évolutionniste en économie et, d'autre part, d'offrir une évaluation comparative des différentes approches au sein de cette littérature. Il s'efforce de dresser un tableau présentant les principaux résultats auxquels conduisent les approches qui fournissent des explications évolutionnistes aux phénomènes économiques, puis de mettre en évidence les points communs et les différences entre ces résultats. Plus précisément seront envisagés les modèles et les études empiriques relevant d'une perspective « post-schumpeterienne », les modèles issus de la théorie des jeux évolutionnistes, ceux d'économies artificielles, les approches d'écologie organisationnelle, et une partie de la littérature consacrée à l'apprentissage adaptatif.This work is an attempt, first, to outline the basic building blocks of evolutionary theory in economics and, second, to offer a comparative assessment of different strands of literature which call upon evolutionary ideas of some sort. We sketch out what we consider to be the main results achieved so far by a few different approaches that invoke, evolutionary explanations of economic phenomena and map some overlaps and differences among them. More specifically, we shall consider models and empirical studies in a post-schumpeterian perspective, evolutionary game theories, organizational ecology approaches, artificial economies and a part of literature on adaptative learning. Classification JEL : B25, B41, B52, B53, C63, C79, C80, C81, D21, D83
- Industrial Growth and the Theory of Retardation
Precursors of an Adaptive Evolutionary Theory of EconomicChange - - John Stanley Metcalfe p. 407 Dans les années 1930, l'idée d'une croissance industrielle a été largement explorée par les économistes, en particulier par S. Kuznets et A. Burns. Dans leurs études empiriques, la diversité des taux de croissance et les retards de croissance industrielle sont analysés comme une caractéristique centrale du développement économique capitaliste. La théorie de la croissance diversifiée et du retard économique n'a suscité que récemment l'intérêt des économistes évolutionnistes. Cet article souligne l'importance de la contribution de R. Nelson et S. Winter dans cette entreprise. Il développe un modèle de croissance industrielle avec progrès technique endogène, dans lequel les conditions du retard sont identifiées et discutées. Sa proximité avec l'approche autrichienne est forte, lorsqu'on considère la manière dont cette dernière conceptualise l'activité économique comme un processus de découverte dans lequel l'innovation crée de nouvelles niches de marché qui sont intensivement explorées et développées par la suite. Classification JEL : E11, O3, O30, O14, N60In the 1930s the idea of industrial growth was explored extensively by many economists in particular by Simon Kuznets and Arthur Burns. In their detailed empirical studies they identified diversity of industry growth rates and retardation of industry growth rates as a central feature of capitalist economic development. Yet the theory of growth rate diversity and retardation has only recently begun to be explored in detail by evolutionary economists. This paper is written in recognition of the contribution of Richard Nelson and Sidney Winter to this enterprise. It develops a model of industrial growth with endogenous technical progress in which the conditions for retardation are identified and explored. The paper has wider connections with the Austrian emphasis on economic activity as a discovery process in which innovation creates new market niches that are subsequently explored and further developed.