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Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | vol. 23, no. 1, 1978 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Sexe, symboles, vêtements et socialisme - Eric Hobsbawm p. 2-18 Sexe, symboles, vêtements et socialisme. En 1830, la Liberté guidait le peuple, puissante et désirable jeune femme aux seins nus. Quatre-vingts ans plus tard, le Prolétaire au torse mâle et nu casse les chaînes du monde à grands coups de marteau. Que s'est-il passé entre-temps ? Pourquoi cette permanence, la nudité, et ce changement, l'homme remplaçant la femme ? Telles sont les deux questions que se pose cet article, où Eric Hobsbawm aborde avec un sérieux humour un sujet trop peu étudié : la manière dont un groupe public, ici le mouvement socialiste de ses origines à nos jours, constitue et modifie son iconographie, c'est-à-dire le stock d'images (dessinées, peintes, sculptées, photographiées) destinées à le présenter et à le représenter aux yeux et à l'esprit de ses militants et du public. Au fond, c'est tout le problème du rapport entre l'idéologie, vue à travers l'évolution de ses manifestations concrètes, et les conditions économiques et politiques qui est ainsi posé, non dans la généralité abstraite, mais au moyen de l'étude documentée d'un phénomène précis et bien délimité dans l'histoire, à laquelle il appartient déjà pour une bonne part.Sex, Symbols, Clothing and Socialism. In 1830, Liberty led the people - a strong and desirable young woman with naked breasts. Eighty years la ter, the Worker, a male naked to the waist, was breaking the chains of the bourgeois world with vigorous hammerstrokes. What happened in the interval ? Why this permanence -nudity ; and why this change -the man replacing the woman ? These are the two questions raised in this article, in which Eric Hobsbawm, adopting an approach which is both serious and humorous, looks at a subject that has been too little studied : the way in which a public group -here the socialist movement from its origins up to the present day- establishes and modifies its iconography, that is, the stock of images (whether drawn, painted, sculpted, or photographed) used to present it and to represent it to the eyes and the mind of both its militant members and the public at large. In essence, this brings up the whole problem of the relationship between ideology, as seen in the evolution of its concrete manifestations, and political and economic conditions. But here this problem is not raised on the level of abstract generalizations ; rather, the author deals with it by means of a documented study of a precise and well defi-ned phenomenon which is in large part historical.
- Introduction à l'oeuvre de Francis D. Klingender - Jean-Louis Fabiani p. 19-22
- Joseph Wright de Derby, peintre de la révolution industrielle - Francis D. Klingender p. 23-36 Joseph Wright de Derby. Ce texte est extrait d'un livre pionnier en histoire sociale de l'art, Art and the industrial révolution (1947). L'étude des effets de la révolution industrielle sur la production, la distribution et la réception des oeuvres d'art exige de l'historien qu'il rompe avec les hiérarchies traditionnelles de l'esthétique : les arts généralement considérés comme «mineurs» et la production d'objets d'usage courant (poterie, ferronnerie) prennent une grande importance si l'on veut rendre compte des changements qui affectent l'art dans son ensemble. S'intéressant à des formes que l'histoire et la critique rejettent le plus souvent dans les ténèbres du non-art, F.D. Klingender refuse néanmoins le réductionisme des théories du reflet qui traitent les productions esthétiques comme de simples effets. Les artistes sont partie prenante de la révolution industrielle. L'examen des transforma- tions qui apparaissent dans le cas de la poterie montre comment la division du travail, en réservant à l'artiste le domaine de la conception, fait surgir les problèmes nouveaux de la création industrielle : le statut de l'artiste se modifie, les premiers grands capitalistes se consacrent au mécénat et la production de masse introduit une véritable révolution du goût, en suscitant la première esthétique industrielle. Les peintres George Stubbs et Joseph Wright sont d'excellents représentants de ce nouveau type d'artistes : ils s'intéressent aussi bien au progrès des sciences et des techniques qu'à la peinture et ils vivent dans un cercle de savants, de «philosophes» et d'industriels. Joseph Wright est le premier, parmi les peintres professionnels, à exprimer l'esprit de la révolution industrielle : c'est l'occasion pour Klingender d'étudier l'apparition des thèmes liés au travail et à la technique dans l'histoire des arts, et de réintégrer l'art dans l'ensemble des pratiques sociales : ni génie hors du monde, ni simple illustrateur, l'artiste devient un des acteurs du monde industriel.Joseph Wright of Derby. This text is an extract from a pioneering book in the social history of art, Art and the Indus trial Revolution (1947). The study of the effects of the industrial revolution on the production, distribution, and reception of works of art requires the historian to abandon the traditional aesthetic hierarchies. Thus, the arts generally considered as «minor» and the production of objects of daily use (pottery, ironworking) take on a great importance if one wishes to account for the changes which affect art as a whole. Directing his attention to forms that history and criticism usually relegate to the shadowy regions of non-art, F.D. Klingender nevertheless rejects the reductionism of theories of reflection whict treat aesthetic productions simply as effects. The artists play a considerable role in the industrial revolution. The examination of the transformations which appear in the case of pottery shows how the division of labor, by reserving the conception of the art object for the artist, generated new problems in the sphere of industrial creation. In this period, the status of the artist changes, the first big capitalists devote themselves to patronage of the arts, and mass production brings about a true revolution in taste, giving rise to the first industrial aesthetics. The painters George Stubbs and Joseph Wright are excellent representatives of this new type of artist : they are as much interested in scientific and technical progress as in painting, and they live in a circle of scientists, «philosophers», and industrialists. Joseph Wright was the first one among the professional painters to express the spirit of the industrial revolution. This gives F.D. Klingender the opportunity to study the appearance in the history of art of themes linked to work and technology, and also to integrate art into the whole range of social practices. Neither superhuman genius nor simple illustrator, the artist becomes one of the actors in the industrial world.
- L'espace impossible de Bramante - Marisa Dalai, Germano Mulazzani p. 37-50 L'espace impossible de Bramante. A l'occasion d'une exposition de la Pinacothèque de Brera en 1977, un groupe de spécialistes a reconstitué l'espace réel de la salle dans laquelle se présentaient à l'origine les fresques de Bramante connues sous le nom de fresques des Hommes d'armes. La conjonction d'une lecture iconologique, réalisée par Germano Mulazzani, et d'une analyse de l'usage de la perspective, menée par Marisa Dalaï, après la restauration des huit figures, conduit à poser un problème inattendu. Tout se passe comme si l'artiste, affirmant son nouveau pouvoir d'intellectuel en face du pouvoir, avait voulu refuser au destinataire de son oeuvre, par un ultime effet d'illusionniste, la possibilité de se l'approprier réellement : il ne se contente pas de lui soumettre l'énigme des quatre Eléments et des quatre Vertus, dont la solution, pour qui a lu Platon, est Tempérance et Justice, et de lui lancer le défi de son rire, en se représentant lui-même sous les traits de Démocrite ; il appelle et refuse à la fois la participation du spectateur à la perception et au déchiffrement de la représentation qu'il lui donne, il lui offre et lui interdit à la fois la vision complète et le déchiffrement des significations représentées. D'une part, il invite le spectateur à s'engager pratiquement dans l'oeuvre même, à participer à son «fonctionnement», comme on dirait aujourd'hui, en se situant au centre de la pièce, lieu géométrique où se révèle et se réalise la vérité de toute l'allégorie politique de l'Etat parfait, c'est-à-dire la Tempérance et la Justice ; d'autre part, il l'exclut de ce lieu impossible, de cette place imprenable ou intenable, en situant le point de fuite principal de toute la composition à une hauteur telle qu'il est inaccessible même à une tête princière. On comprend le rire de Bramante-Démocrite ...Bramante's Impossible Space For an exhibition at the Brera Pinacoteca in 1977, a team of specialists reconstructed the actual space in which the Bramante frescoes known asthe Men of Arms frescoes originally appeared. The combination of an iconological reading, by Germano Mulazzani, with an analysis of the use of perspective, by Marisa Dalaïi, sets up an unusual problem. It is exactly as if, asserting his new power as an intellectual creator in opposition to political power, the painter had sought to use a supreme trick of the illusionnist's art to deny the recipient of his work the possibility of really taking possession of it. Not only does he confront the spectator with the enigma of the four Elements and the four Virtues, to which the answer, for a reader of Plato, is Temperance and Justice ; not only does he throw down the challenge of his own laughter, since he depicts himself in the guise of Democritus ; but, in addition, he demands and y et refuses the spectator's participation in perceiving and decoding the representation with which he is presented. The artist offers and yet denies the spectator a full vision and a full decoding of the meanings that are represented. On the one hand, he invites the spectator to involve himself in a practical way in the work itself, to play a part in its «functioning», by standing in the centre of the room, the locus where the truth of the whole political allegory of the perfect State is revealed and realized, in other words Temperance and Justice ; on the other hand, he excludes the spectator from that unattainable and untenable spot by placing the main vanishing-point of the whole composition so high that even for a princely head it is inaccessible. No wonder Bramante-Democritus laughs ...
- Dialogue sur la poésie orale en Kabylie - Mouloud Mammeri, Pierre Bourdieu p. 51-66
- Sur l'objectivation participante. Réponse à quelques objections - Pierre Bourdieu p. 67-69
- Résumés - p. 70-73