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Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro vol. 46, no. 1, 1983
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le sens en pratique - Pierre Encrevé, Michel De Fornel p. 3-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le sens en pratique. L'étude de la construction de la référence dans un fragment de discours enregistré — une série d'interviews constituée de couples question-réponse — permet de démontrer empiriquement, que le sens des mots est inséparable de leur usage dans le discours. Il s'ensuit que la signification relève autant d'une procédure pragmatique que sémantique. Deux exemples de référence descriptive et ostensive sont analysés, respectivement l'emploi du mot théâtre et des déictiques je/nous — on. L'examen des stratégies linguistiques en particulier métapragmatiques dans leurs liens aux différents habitus, et de la circulation de la parole entre les participants confirme l'importance d'une saisie du sens comme sens en pratique, redevable d'une pragmatique sociolinguistique.
    Meaning in practice. A study of the construction of reference in a fragment of recorded speech — a series of interviews consisting of questions and answers — makes it possible to demonstrate empirically that the meaning of words is inseparable from their use in discourse. It follows that signification depends as much on a pragmatic procedure as on a semantic one. Two examples of descriptive and ostensive reference are analysed : the use, respectively, of the word theatre and of the deictics je /nous — on. Examination of linguistic strategies, in particular meta-pragmatic ones, in relation to the different habitus, and of the circulation of speech between the participants confirms the importance of a grasp of meaning as meaning in practice, based on a socio-linguistic meta-pragmatics.
  • Légitimité et actes de langage - Michel De Fornel p. 31-38 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Légitimité et actes de langage. Dans Quand dire, c'est faire, Austin a montré qu'un acte est effectué «avec bonheur» si les conditions de félicité rendent le contexte approprié à son accomplissement. Le rôle de ces conditions s'est révélé un enjeu central en pragmatique tant pour définir le statut théorique de la force illocutoire que pour élaborer une théorie des actes de langage indirects. L'examen de diverses reformulations ultérieures, en particulier celles de Searle, Gordon et Lakoff, Labov et Fanshel conduit à proposer, dans le cadre d'une pragmatique sociolinguistique, une distinction selon le degré d'officialité du marché entre les actes illocutoires institués tels que «baptiser», «licencier» qui ont lieu dans des échanges linguistiques réglés institutionnellement par une institution et les actes illocutoires intentionnels, tels qu'«affirmer», «féliciter» où la légitimité de celui qui parle n'est pas constitutive de l'acte mais est essentielle pour la détermination de l'intention illocutoire.
    Legitimacy and speech act. In How to Do Things with Words, Austin showed that a speech act is uttered «happily» if the conditions of felicity make the context appropriate to its implementation. The role of these conditions has proved to be a central issue for pragmatics, both in defining the theoretical status of illocutionary force and in constructing a theory of indirect speech acts. Various subsequent reformulations, in particular those of Searle, Gordon and Lakoff, Labov and Fanshel, are examined. Within the framework of a socio-linguistic pragmatics, a distinction is proposed, according to the degree of officiality of the market, between instituted illocutionary acts such as 'baptizing', 'dismissing', which take place in institutionally regulated linguistic exchanges, and intentional illocutionary acts such as 'asserting', 'congratulating', in which the legitimacy of the speakers is not constitutive of the act but is essential in order to determine the illocutionary intention.
  • La liaison sans enchaînement - Pierre Encrevé p. 39-66 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La liaison sans enchaînement. On a toujours tenu pour acquis que les Français réalisent la liaison entre deux mots en faisant entendre la consonne de liaison à l'initiale du second mot. L'étude empirique d'interventions à la radio ou à la télévision de dirigeants politiques actuels indique que cette prononciation n'est pas catégorique. Au contraire, une proportion remarquable de liaisons facultatives sont réalisées sans enchaînement, la consonne restant solidaire du premier mot et séparée (le plus souvent par un coup de glotte) de la voyelle suivante. Un traitement linguistique est proposé qui permet d'affiner le fonctionnement du modèle théorique de la phonologie tridimensionnelle. Le lien, traditionnellement affirmé, entre la proportion de réalisation des liaisons facultatives et les caractéristiques sociales des locuteurs ne pourrait être précisément établi qu'au moyen d'un modèle très complexe prenant en compte d'une part l'origine sociale, le capital culturel, et la génération et d'autre part le marché. La liaison sans enchaînement, qui semble en croissance nette depuis une décennie, n'a pas cours seulement chez les hommes politiques, mais chez tous les professionnels de la parole publique. D'autres phénomènes phonétiques s'étendant à toute la population peuvent en être rapprochés.
    Liaison without enchaînement. It has always been assumed that the French make the liaison between two words by sounding the linking consonant in the first syllable of the second word. Empirical study of the speech of present-day politicians on TV or radio shows that this pronunciation is not the only one possible. In fact, a remarkable proportion of optional liaisons are made without enchaînement : the consonant remains part of the first word and is separated (often by a glottal stop) from the following vowel. A linguistic treatment is proposed which makes it possible to refine the functioning of the theoretical model of three-dimensional phonology. The link which is traditionally asserted between the proportion of optional liaisons made and the social characteristics of the speaker can only be precisely established by means of a very complex model which takes into account, on the one hand, social origin and cultural capital and, on the other, the market. Liaison without enchainement, which seems to have been increasing strongly in the last decade, is current not only among politicians but among all professional public speakers. Other phonetic phenomena which extend to the whole population may be considered in a similar light.
  • Le changement linguistique - p. 67-71 accès libre
  • Langage et pratiques sociales - Bernard Laks p. 73-97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Langage et pratiques sociales Un double travail, sociologique et linguistique, est mené sur un groupe de six adolescents d'origine ouvrière de la banlieue parisienne. Sous le rapport des critères généralement retenus par la taxinomie sociologique (âge, sexe, origine sociale, lieu d'habitation, etc.) ce groupe de pairs est homogène. Deux séries de variables sociolinguistiques sont analysées : l'ouverture de la voyelle et la suppression du /l/ dans le pronom sujet elle(s) et la sélection du coordonnant neutre. L'analyse sociolinguistique met en évidence les limites de l'homogénéité du groupe : deux sous-groupes s'opposent systématiquement et une hiérarchie sociolinguistique interne apparaît. Ce constat impose un retour à la sociologie des agents. La description des histoires sociales et des trajectoires familiales, l'analyse des habitus individuels permettent de lever la contradiction : ce groupe de pairs est, du point de vue sociologique comme du point de vue linguistique, relativement homogène et relativement hétérogène. Une mise en relation systématique des pratiques linguistiques et des pratiques sociales est proposée. La description des habitus individuels rend compte des régularités observées et permet de proposer une analyse sociolinguistique des pratiques langagières des membres du groupe.
    Language and social practices. This article describes a sociological and linguistic study of a group of six adolescents from the Paris suburbs. In terms of the usual criteria of sociological classification (age, sex, social origin, place of residence, etc.), this is a homogeneous peer-group. Two series of socio-linguistic variables were analysed : opening of the vowel and suppression of/l/ in the subject pronoun elle(s), and the selection of the neutral coordinator. Socio-linguistic analysis brings to light the limits of this group's homo-geneity : two sub-groups are systematically opposed and an internal socio-linguistic hierarchy emerges. This discovery calls for a return to the sociology of the agents. When the social histories and family trajectories are described and the individual habitus analysed, the contradiction is resolved : both linguistically and sociologically this peer-group is relatively homogenous and relatively heterogeneous. A systematic relationship between linguistic practices and social practices is proposed. Description of the individual habitus accounts for the regularities observed and makes it possible to put forward a socio-linguistic analysis of the linguistic practices of the group members.
  • Vous avez dit "populaire" ? - Pierre Bourdieu p. 98-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Vous avez dit «populaire» ? La mise en œuvre du modèle général de la production du discours comme mise en relation d'un habitus linguistique (qui varie selon le sexe, la génération, la position sociale, l'origine sociale et ethnique) et d'un marché (qui peut être un marché dominant ou un marché franc, réservé aux dominés, et lui-même plus ou moins tendu, selon que l'échange est public ou privé) permet de faire voler en éclats la notion réaliste de «langage populaire», née de l'application de catégories mythiques.
    Did Someone Say «Popular» ? Application of the general model of the production of discourse as the inter-relation of a linguistic habitus (which varies by sex, generation, social position, social and ethnic origin) and a market (which may be a dominant market or a free market, reserved for the dominated, and itself more or less tense, depending on whether the exchange is public or private) explodes the realist notion of «popular speech», which is shown to be the product of mythic categories.
  • Résumés - p. 106-109 accès libre