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Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | vol. 49, no. 1, 1983 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Méprises et mépris - Dario Gamboni p. 2-28 Méprises et mépris. Les études de cas exposées dans cet article montrent que les violences physiques exercées contre des objets esthétiques représentent une contre-violence qui répond à la violence symbolique exercée par l'entremise des biens culturels. Le premier cas (une série de déprédations commises en 1980 dans le cadre d'une exposition de sculptures tenue en plein air) donne les moyens d'examiner dans le détail les modalités d'apparition et de développement,dans un cadre historique et social déterminé, de tels conflits. Dans le second cas, un acte iconoclaste, attribué à une méprise sur le statut de l'objet visé, l'analyse des relations tissées entre l'auteur de l'œuvre, les responsables de sa conservation et l'auteur de sa destruction permettent de mettre à jour les intérêts, les enjeux et les contraintes qui déterminent leurs conduites respectives ; en particulier, les contradictions et les travestissements que l'on observe peuvent être rapportés aux tabous qui pèsent d'une part sur Ficonoclasme, et d'autre part sur l'aspect économique de l'activité artistique.Misapprehension and Aggression. The case-studies in this article show that acts of physical violence against aesthetic objects represent a counter-violence which responds to the symbolic violence exerted through cultural products. The first case (a series of attacks committed in 1980 in an open-air sculpture exhibition) allows a detailed study of the emergence and development of such conflicts, in a specific historical and social context. In the second case, an act of iconoclasm, attributed to misunderstanding of the status of the object attacked, analysis of the relations between the author of the work, those responsible for its conservation, and the individual who destroyed it, brings to light the interests, stakes and constraints which determine their respective behaviour. In particular, the contradictions and misreadings which are observed can be related to the taboos which surround both iconoclasm and the economic aspect of artistic activity.
- La réinterprétation de la perspective linéaire au Japon (1740-1830) et son retour en France (1860-1910) - Shigemi Inaga p. 29-45 La réinterprétation de la perspective linéaire au Japon (1740-1830) et son retour en France (1860-1910). Importée au milieu du 18e siècle, la perspective linéaire occidentale offrait un nouvel espace plastique aux artistes japonais. En adaptant cette technique à leur propre culture, ceux-ci devaient créer une mise en page originale, caractérisée par «la chute du second plan». L'abandon de ce dernier, introduisant un vide à la place de l'homogénéité spatiale de la perspective occidentale, sert uniquement à rehausser le contraste entre la proximité et l'éloignement et permet la symbiose d'éléments plastiques hétérogènes, organisation de l'espace caractéristique de la culture japonaise. Si les impressionnistes et leurs successeurs ont tiré de l'estampe japonaise des enseignements essentiels pour le renouvellement de la représentation de l'espace, c'est qu'ils ont cru avoir trouvé une solution à leur problème dans ce «montage» à la japonaise.The Re-interpretation of Linear Perspective in Japan (1740-1830) and its Return to France (1860-1910). Linear perspective was imported into Japan in the mid-18th century, providing Japanese artists with a new plastic space. In adapting this technique to their own culture, they created an original layout, characterized by the «collapse of the middle-ground». The abandonment of the middle-ground, which introduces a void in place of the spatial homogeneity of Western perspective, serves only to heighten the contrast between proximity and distance and allows the symbiosis of heterogeneous plastic elements, an organization of space characteristic of Japanese culture. If the Impressionists and their successors drew from Japanese prints essential lessons for the renewal of the representation of space, this is because they believed they had found an answer to their problem in this Japanese-style «montage».
- La perspective académique - Nathalie Heinich p. 47-70 La perspective académique. A travers les mésaventures d'Abraham Bosse, graveur protestant et professeur de perspective à l'Académie de peinture, on peut saisir l'évolution de la doctrine académique : l'instauration d'un nouveau statut de la peinture s'accomplit d'abord autour de sa légitimation (par l'assimilation aux arts libéraux) puis de la revendication de l'autonomie (par l'affirmation d'une spécificité du pictural). C'est ainsi que sous les différentes théories de la perspective se trace déjà le partage entre ce qu'on appellera plus tard Y art et la science — un partage qui met en jeu non pas une «vision du monde» propre au 17e siècle, ni les intérêts de classe des destinataires des œuvres, mais bien, à travers les différents habitus et les divers états du champ, le propre statut social des producteurs d'œuvres et de discours, que la «sociologie» de l'art oublie trop souvent de prendre en compte.Academic Perspective. The misadventures of Abraham Bosse, a Protestant engraver and teacher of perspective at the Academy of Painting, cast light on the evolution of Academic doctrine. A new status is established for painting, initially around its legitimation (through assimilation to the Liberal Arts) and then around the claim to autonomy (through assertion of the specificity of the pictorial). Thus, behind the different theories of perspective, the dividing-line is already being drawn between what will la ter be called art and science — a demarcation which brings into play not a «world-view» specific to the 17th century, nor the class interests of the addressees of the works, but, through the different habitus and the various states of the field, the actual social status of the producers of works and discourses, which the «sociology» of art too often fails to take into account.
- L'oeil de l'histoire - Svetlana Alpers p. 71-101 L'œil de l'histoire. En partant de la place occupée par la carte dans L'Atelier de Vermeer, on peut observer les relations entre la cartographie et la peinture dans la Hollande du 17e siècle. A la manière des cartes, des atlas et des images de toutes sortes, les tableaux de paysages contribuent à la connaissance du monde. Proche de l'arpenteur par son rapport au terrain et à la surface descriptive, par son souci des repères et sa vision géographique de l'espace habité, le peintre hollandais rend compte d'un univers social où, à la différence de l'Angleterre par exemple, le rapport à la terre n'est pas placé sous le double signe de la possession foncière et de l'autorité. Et, en faisant de la représentation par l'image un moyen de la connaissance historique, les Hollandais du 17e siècle, s'opposant ainsi à l'art narratif italien, revendiquent une conception de l'histoire qui privilégie la description et le témoignage et néglige l'interprétation et la mise en scène des actions héroïques des grands de la terre.The eye of history. Discussion of the place of the map in Vermeer's Art of Painting leads to a consideration of the relations between cartography in 17th-century Holland. Like maps, atlases and all sorts of images, landscape paintings contribute to knowledge of the world. The Dutch painter is close to the surveyor by virtue of his relationship to the land and the descriptive surface, his attention to landmarks and his geographical vision of populated space ; he presents a social universe in which the relation to the land is not, as it is in England for example, predominantly coloured by ownership and authority. By making pictorial representation a means of historical knowledge, in contrast to Italian narrative art, the 17th-century Dutch painters put forward a conception of history which emphasizes description and testimony and leaves aside interpretation and the depiction of the heroic deeds of the great.
- Les musées et leurs ennemis - Francis Haskell p. 103-106 Les musées et leurs ennemis. Depuis la fin du 18e siècle, les thèses des ennemis et des amis des musées avancent des représentations opposées de la bonne relation aux œuvres d'art qui doivent, pour les uns, rester inscrites dans leur paysage social, naturel et idéologique d'origine tandis que, pour les autres, leur contemplation dans un temple-musée est la condition d'une émotion esthétique se suffisant à elle-même.Museums and their Enemies. Since the late 18th century, the enemies and the friends of museums have put forward contrasting conceptions of the correct relationship to works of art. For the former, they should remain in their original social, natural and ideological setting ; for the latter, contemplation of them in a temple-museum creates the conditions for a self-sufficient aesthetic emotion.
- L'aura de Walter Benjamin - Nathalie Heinich p. 107-109 L'aura de Walter Benjamin. L'«aura» de l'œuvre d'art, c'est ce dont la photographie, en tant que moyen de reproduction de masse, entraînerait la perte. Mais n'est-ce pas plutôt ce qu'elle fait naître, a contrario, dans l'original ? Cet effet d'imputation négative, caractéristique des subtiles torsions imprimées par Walter Benjamin à ses objets, ne contribue-t-il pas à l'aura dont jouit sa personnalité philosophique ?Walter Benjamin's Aura. The «aura» of the work of art is that which photography, a means of mass reproduction, is claimed to destroy. But is it not rather that which photography engenders in the original ? This effect of negative imputation, characteristic of the subtle twists Walter Benjamin applies to the objects he writes about, perhaps contributes to the aura surrounding his philosophical personality.
- Résumés - p. 111-113