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Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | vol. 68, no. 1, 1987 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les grandes épidémies et la civilisation des mœurs - Johan Goudsblom p. 3-14 Les grandes épidémies et la civilisation des moeurs. Contre l'idée, communément admise aujourd'hui, d'une détermination «hygiénique» des transformations des moeurs depuis le Moyen-Age, l'analyse des relations entre structures sociales et traitement social des grandes épidémies, inspirée par les recherches de Norbert Elias, fait apparaître les déterminations proprement sociales qui rendent l'«hygiénisation» possible. A travers l'étude de quatre maladies épidémiques —la lèpre, la peste, la syphilis et le choléra—, on peut reconstruire les conditions sociales de la représentation de la contagion et les pratiques préventives qu'elles induisent, notamment les procédures d'exclusion des malades.The Great Epidemics and the Civilizing Process. Contrary to the now widespread idea of a «sanitary» determination of the changes in mores since the Middle Ages, analysis of the relationship between social structures and the social response to the great epidemies, inspired by the work of Norbert Elias, reveals the specifically social determinations which make «hygienieization» possible. A study of four epidemic diseases —leprosy, the plague, syphilis and cholera— makes it possible to reconstruct the social conditions of the representation of contagion and the preventive practices which they induce — in particular, methods of excluding the sick.
- L'expérimentation sur l'homme comme pratique et comme représentation - François-André Isambert p. 15-30 L'expérimentation sur l'homme comme pratique et comme représentation. L'expérimentation médicale sur l'homme est une partie indissociable de la «médecine expérimentale». Elle s'est créé une légende qui oppose les cruautés de la vivisection humaine, l'essai des poisons sur l'homme et l'inoculation des maladies, à l'action de quelques hommes de haute moralité, au premier rang desquels Claude Bernard. Si les cruautés évoquées appartiennent de fait à l'histoire et ont abouti aux pratiques dénoncées à Nuremberg, la constitution d'une éthique légitimant l'expérimentation sur les êtres humains sous certaines conditions s'est faite en suivant les étapes de la médecine et des sciences sur lesquelles elle s'appuie. Les «essais» n'ont pu dépasser le stade pragmatique tant que la médecine a eu pour seul fondement l'observation clinique. Il a fallu que pénètrent dans les hôpitaux la physiologie, la chimie, puis les méthodes statistiques pour que l'expérimentation sur l'homme prenne son visage moderne. Ces apports successifs ont, à chaque fois, soulevé des questions éthiques nouvelles, rendant plus complexe un conflit de principes jamais apaisé. Les comités d'éthique qui se sont saisis de ces questions restent des lieux d'affrontement et de compromis.Experiments on Man as Practice and as Representation. Medical experiments on man are an inseparable part of «experimental medicine». They have created a legend which contrasts the cruelties of human vivisection, testing of poisons and inoculation, with the conduct of a few men of high morality, in the forefront of whom is Claude Bernard. While the cruelties referred to indeed belong to history and led to the practices denounced at Nuremberg, the constitution of an ethic legitimising experiments on human beings in certain conditions followed the successive stages of medicine and of the sciences on which it is based. «Tests» could not go beyond the pragmatic stage so long as medicine was based solely on clinical observation. Not until physiology, chemistry and then statistical methods entered the hospital did human experimentation appear in its modem guise. Each new development raised new ethical questions, further complicating a conflict over principles which has never been settled. The ethics committees which have addressed these questions remain sites of confrontation and compromise.
- Médecine de la folie ou folie de médecins - Andrew Seuil, Diane Favreau p. 31-44 Médecine de la folie ou folie de médecins ? Cet article étudie l'utilisation de la chirurgie sexuelle sur les femmes comme traitement de la folie au 19e siècle, en Angleterre, aux Etats-Unis et au Canada. Deux épisodes sont analysés : l'utilisation de la clitoridectomie entre 1855 et 1866 et le recours à l'ovariotomie de 1807 à la fin du 19e siècle. Sont particulièrement examinés les liens entre les pratiques thérapeutiques, les stéréotypes médicaux et profanes de la féminité dans leurs relations avec la folie et l'évolution du «savoir» médical. Enfin sont étudiés les facteurs sociaux, professionnels et idéologiques qui interviennent dans l'abandon de ces pratiques extrêmes.Sexual Surgery for Psychosis in Nineteenth Century. This paper examines the utilization of sexual surgery on female patients as a treatment for madness in nineteenth century England, the United States, and Canada. Two such episodes are analy sed : the use of clitoridectomy between 1855 and 1866 ; and the resort to ovariotomies from the 1807s through the end of the nineteenth century. Close attention is paid to links between therapeutic practices, lay and medical stereotypes of femininity and its connections with madness, and the evolution of medical «knowledge». Finally, we examine the social, professional, and ideological factors which account for the abandonment of these radical interventions.
- Fléau moderne et médecine d'avenir - Patrice Pinell p. 45-76 Fléau moderne et médecine d'avenir. Contribution à l'histoire sociale de la cancérologie française, cet article étudie la période de l'entre-deux-guerre, première phase de développement de cette branche de la médecine, où se met en place un dispositif régional de centres anticancéreux. On analyse d'abord les conditions sociales d'émergence d'un «mouvement de lutte contre le cancer» —regroupant, au sein d'une association privée, des chirurgiens, des médecins «fondamentalistes», des philanthropes et des «femmes du monde»— dont l'objectif est d'obtenir la reconnaissance par les pouvoirs publics du cancer comme fléau social. Puis, à travers l'étude des principes d'organisation, des modalités de construction et des problèmes d'équipement des centres anticancéreux, on tente de montrer l'originalité profonde de la cancérologie, caractérisée à la fois par la conception «révolutionnaire» des rapports entre spécialités dont elle est le support (la pluri-disciplinarité), par la place privilégiée qu'elle accorde à l'articulation Clinique-Recherche et par l'importance des coûts financiers et des investissements nécessaires aux interventions thérapeutiques. On aborde aussi les questions posées par le développement de ce secteur de la médecine qui remet en cause les rapports entre l'hôpital public et le secteur libéral, les conceptions de la médecine en matière tant les pratiques des professionnels de la santé et les rapports entre spécialistes et omnipraticiens. Enfin, on analyse comment, au cours de ce processus historique, les représentations du cancer se transforment pour acquérir des propriétés qui font aujourd'hui partie du sens commun.A Modem Scourge and the Medicine of the Future. This article, a contribution to the social history of French cancer research, studies the inter-war period, the first phase in the development of this branch of medicine, when a regional network of cancer treatment centres was set up. It starts by analysing the social conditions of emergence of an «anticancer movement» —a private association bringing together surgeons, «fundamentalist» doctors, philanthropists and «society ladies»— seeking to win government recognition of cancer as a social scourge. It then examines the organizational principles, the construction methods and the equipment problems of the cancer centres and endeavours to show the radical originality of cancerology which | is characterized by its «revolutionary» conception of the relationship among the specialisms it supports ; (pluridisciplinarity), by the stress it lays on the linkage between clinical medicine and research, and by the size of the financial costs and investments needed for therapeutic intervention. It also considers the questions raised by the development of this branch of medicine which challenges the relationship between the public hospital and private medicine, medical definitions of incurability, the mode of social oversight of the actions of health professionals, and the relationship between specialists and generai practitioners. Finally it analyses how representations of cancer were transformed in the course of this historical process, acquiring characteristics which are now part of common sense.
- Identité sociale et gestion d'un risque de santé - Michael Pollak, Marie-Ange Schiltz p. 77-102 Identité sociale et gestion d'un risque de santé. Cette analyse des dispositions pratiques que mettent en place des homosexuels pour se protéger contre la contamination du virus HIV, ainsi que leur capacité de mobiliser des soutiens en cas de maladie fait apparaître une diversité de réactions possibles au SIDA, elles-mêmes tributaires des dispositions qui découlent d'une homosexualité plus ou moins assumée et/ou acceptée. En tant que maladie sexuellement transmissible, le SIDA révèle de façon presque caricaturale la logique des échanges sexuels. Mais il révèle aussi leur face cachée sous forme de phénomènes de désidentification, de désolidarisation, d'angoisses sociales et de rejet. En tant que maladie contagieuse, le SIDA révèle des décalages entre un discours médical sur les voies, peu nombreuses, de transmission virale, et des dispositifs pratiques très variables, inspirés par des angoisses plus générales se projetant sur la maladie, ou aussi par des émotions faisant fi de certains risques. On ne peut donc comprendre les différentes façons de gérer ce risque de santé qu'à condition de les mettre en relation avec des trajectoires sociales et les sentiments d'identité qui en découlent.Social Identity and the Management of a Health Risk. This analysis of the practical arrangements which homosexuals make to protect themselves against infection with the HIV virus, and of their capacity to mobilize support in the event of illness, brings to light a variety of possible reactions to AIDS which themselves depend on dispositions deriving from a more or less overt and/or accepted homosexuality. As a sexually transmitted disease, AIDS reveals the logic of sexual exchanges in almost caricatural fashion. But it also reveals their hidden side in the form of phenomena of disidentification, loss of solidarity, social anxiety and rejection. As an infectious disease, AIDS reveals disparities between a medical discourse on the —few— routes of viral infection and widely varying practical precautions, inspired by more general anxieties projected onto the disease or by emotions which disregard certain risks. The different ways of managing this health risk cannot therefore be understood unless they are related to social trajectories and the feelings of identity which flow from them.
- Résumés - p. 103-107