Contenu du sommaire : Economie, Sociologie

Les enquêtes sur la consommation et la sociologie des goûts On examine à la fois la définition implicite du goût que véhiculent les enquêtes de consommation, et les définitions théoriques du goût, comme système de dispositions ou comme système d'oppositions, auxquelles peut se référer le sociologue. L'enquête de l'INSËE sur l'alimentation des Français définit implicitement le goût comme une habitude de consommation : l'offre fait l'usage, l'usage fait l'habitude, l'habitude fait le goût. Pour la sociologie de la culture, les goûts sont plutôt des normes, et des écarts à la norme légitime. C'est pourquoi le sociologue préfère en général les enquêtes d'opinion aux enquêtes de consommation, les noms de plats aux noms de produits. Il reste que le choix de l'objet d'étude est loin d'être socialement neutre : selon que l'on étudie des paniers ou des menus, on se trouve confronté à des définitions du goût qui sont inégalement proches des goûts et des pratiques des différentes classes.

Les représentations implicites des goûts dans les modèles dynamiques de demande La théorie micro-économique entend réduire au maximum le nombre d'hypothèses sur les goûts nécessaire à la construction des modèles de demande. Néanmoins aucun modèle n'atteint jamais la généralité absolue et certaines hypothèses sont même devenues tellement usuelles qu'on ne prend généralement guère la peine sinon de les expliciter complètement du moins de les discuter. Cet article analyse deux d'entre elles particulièrement utiles dans les modèles dynamiques de demande : la séparabilité intemporelle et la récursivité de la fonction d'utilité. La forme des préférences conduisant à chaque type particulier d'utilité est d'abord dérivée, nous amenant à définir les conditions équivalentes de séparabilité et de récursivité applicables aux préordres de préférences. Il est alors montré que si la séparabilité s'accommode fort bien de la récursivité, il n'en va pas de même pour la non-séparabilité. L'hypothèse de formation d'habitudes myopes, vraisemblable en période d'apprentissage, contredit ainsi la récursivité. Or, la récursivité est par ailleurs particulièrement utile puisque nécessaire à la cohérence intertemporelle des comportements de consommation. Les conséquences de la non-vérification de cette hypothèse par la théorie de la demande sont alors analysées en détail.

Subversion dans la reproduction scolaire L'étude longitudinale de deux cohortes d'élèves, suivis pendant huit années (1962-1970 ; 1973-1981), met en évidence la persistance des phénomènes de reproduction dans le fonctionnement de l'école : détermination précoce de l'échec et de la réussite, hiérarchisation des filières, avantages et handicaps lié à l'origine sociale. En onze années, l'accroissement global des chances de succès s'est accompli dans le maintien des structures. Pourtant, une transformation de première importance bouleverse l'univers inerte de l'école : la progression spectaculaire de la réussite scolaire des filles dans tous les milieux sociaux. La voie féminine du succès scolaire ne suit pas le modèle masculin : les avantages, conquis dans les premières années, sont partiellement perdus dans les orientations ultérieures, comme si la moindre agressivité dans la compétition constituait au début un avantage. Pour nommer ce paradoxe, on propose le terme de « subversion ».

Mesure et analyse de l'égalité et de l'équité en éducation L'analyse et la mesure de l'équité dans le système scolaire ont fait l'objet de nombreux travaux de la part des sociologues. Ils prennent souvent la forme de mesure d'indices de sélectivité (sociale, selon le sexe...) évalués au sein d'un niveau éducatif donné (par exemple l'enseignement supérieur). L'article montre que ces mesures ignorent la situation générale de rareté des ressources qui marque fondamentalement la situation de l'école. En particulier, elles ignorent la dimension structurelle du système scolaire (répartition des ressources entre niveaux d'une part, choix en matière de qualité de l'éducation à chacun des niveaux d'autre part) qui constitue l'enveloppe, elle-même plus ou moins inégalitaire, à l'intérieur de laquelle s'inscrivent les différentes formes de sélectivité étudiées traditionnellement. Le texte propose une méthode permettant de mesurer de façon séparée et agrégée les deux voies par lesquelles se génèrent les inégalités dans le système scolaire.

Altruisme au sein de la famille, croissance économique et démographie Cette étude utilise une approche économique pour analyser les comportements familiaux en matière de fécondité. L'importance du « coût » de l'enfant est mise en évidence dans un modèle qui prend en compte non seulement la taille de la famille mais aussi le bien-être des enfants. Les implications d'un tel modèle concernant l'évolution démographique en période de croissance économique sont examinées. Des estimations sont effectuées et montrent l'existence d'une « Interaction » entre le nombre d'enfants et les transferts et dépenses des familles pour chacun d'eux. Le champ de l'étude est ensuite élargi pour prendre en compte le phénomène de mobilité sociale. Suivant l'approche de G. Becker, un modèle établissant les liens entre les revenus de générations successives et entre la fécondité de ces mêmes générations est présenté et une analyse empirique est effectuée avec des données statistiques françaises.

Stratégies d'entreprise et communautés sociales de production Les entreprises traversent actuellement de difficiles problèmes de changement social pour mieux gérer les mutations économiques et technologiques de l'époque : c'est ainsi que la gestion des ressources humaines rencontre la dimension sociale des rapports de travail. Les travaux de recherche sociologi­que permettent de cerner la réalité culturelle et collective de la structure sociale de l'entreprise. S'agit-il de communautés, de forces antagonistes ou de groupes identitaires ? Dans quelle mesure le caractère systémique de ces relations est-il partie prenante des stratégies de développement ? Telles sont les questions auxquelles cet article propose des réponses.

La jeunesse n'est plus ce qu'elle était : les difficultés d'une description Est-il possible d'opérer, sur la base de données statistiques longitudinales (ou de leurs substituts}, une description sociologique des transformations intervenues dans la jeunesse en tant qu'âge de la vie depuis les années 1920 ? Les données nécessaires n'existant pas, on s'efforce, en construisant des quasi-panels, de mesurer les inflexions des calendriers, l'allongement des durées de Jeunesse propres aux différentes catégories sociales (ici repérées par leur niveau de diplôme) et de trouver des indicateurs d'accès à l'autonomie financière, familiale et résidentielle. La montée du chômage et les difficultés d'insertion professionnelle ne semblent pas suffire pour expliquer le spectaculaire déplacement vers le haut de la borne supérieure de la jeunesse dans les milieux populaires.

Les lois de la production ne sont plus ce qu'elles étaient : une introduction à l'économétrie des panels La présente étude illustre plusieurs problèmes importants rencontrés par l'économètre qui travaille sur des données de panel. Reprenant le titre de l'article célèbre de Paul Douglas « Are there laws of production ? », elle montre qu'il devient difficile, lorsqu'on analyse de telles données, de conserver la conception que celui-ci avait des fonctions de production. On examine d'abord sur trois échantillons de grandes entreprises industrielles américaines, françaises et japonaises sur la période 1967-1979, quelles sont les variabilités (inter) individuelles et temporelles des niveaux et des évolutions de la production et de la productivité du travail, ainsi que celles des coefficients de réponse (élasticités) de la production au capital. On cherche à savoir ensuite si la grande variabilité individuelle observée traduit une hétérogénéité réelle des performances et caractéristiques des entreprises, et notamment des estimations des élasticités du capital, et l'on s'interroge sur l'interprétation à donner aux tests. On met en évidence enfin les disparités des estimations globales de la fonction de production (et notamment celles des élasticités du capital) obtenues dans les dimensions transversales et longitudinales (en coupe et en série), et l'on discute des problèmes qui sont ainsi posés à l'économètre.