Contenu du sommaire : Savants, sciences et savoirs en société

L'ascension des éditions Odile Jacob témoigne de la place de plus de plus importante prise par les essais inspirés des sciences naturelles au sein de la production éditoriale en sciences humaines et sociales. L'analyse du catalogue de cet éditeur aspirant à favoriser une forme de renouvellement intellectuel en France, fait apparaître un projet combinant orientation théorique biologisante et ingénierie sociale. On peut interpréter ce positionnement à partir des évolutions survenues depuis une vingtaine d?années dans les champs éditorial et intellectuel. Son succès renvoie surtout à la légitimité culturelle de plus en plus large de l'argument biologique dans l'approche des phénomènes sociaux.

L'objectivation statistique montre que les clivages de la profession de mathématicien selon la filière de formation et le sexe sont très marqués en France et qu'ils sont relatifs à la carrière comme aux positions occupées. Mais elle montre aussi que ces clivages ne sont pas indépendants. Ainsi, les décalages, quant à l'occupation de positions de pouvoir, à la participation à l'animation de la profession, etc., entre normaliens et autres mathématiciens sont-ils plus forts parmi les femmes qu'ils ne le sont parmi les hommes et l'investissement professionnel indiqué par le temps de travail hebdomadaire, qui pour les seules femmes dépend de leur situation familiale, est-il très sensiblement inférieur à la moyenne générale pour les femmes qui ne sont pas normaliennes uniquement.

Cet article s'intéresse à une controverse scientifique dans le monde des sciences du sport. Elle concerne plus particulièrement l'électrostimulation, technique d'augmentation de la force musculaire au moyen d'un appareil électrique (l'électrostimulateur) envoyant des impulsions électriques dans le muscle. Cette technique a été étudiée par de nombreux travaux scientifiques dont les résultats sont contradictoires et dessinent ce que l'on appelle classiquement en sociologie des sciences, une controverse. Celle-ci met en jeu plusieurs catégories d'acteurs que l'on identifie tout en envisageant les modes argumentaires que ces groupes déploient pour imposer leur point de vue. Nous analysons les éléments sociaux intervenant dans la constitution et le règlement de la controverse. Celle-ci mobilise diverses conceptions de la recherche scientifique et met plus particulièrement en exergue le conflit entre science fondamentale et science appliquée. La controverse s'ancre également sur différents points de vue axiologiques ; notamment diverses conceptions du sport mais aussi des relations que doit entretenir la recherche avec l'industrie. Enfin, les positions des chercheurs dans le champ de la recherche en sport et les intérêts associés à ces positions permettent de comprendre les conflits évoqués.

La question des liens qui peuvent exister entre une position intellectuelle et une prise de position politique est à la fois complexe et le plus souvent propice à de virulentes polémiques, voire à de véritables entreprises de disqualification ou de mise à l'index. Nous nous proposons au contraire de fournir ici une analyse socio-historique détaillée des configurations politico-intellectuelles qui ont existé au moment des procès de Moscou de 1936-1938 afin de comprendre pourquoi deux commissions d'enquête parallèles – l'une de la Ligue des Droits de l'Homme en France, l'autre sous la présidence du philosophe pragmatiste américain John Dewey aux États-Unis – ont abouti à des conclusions diamétralement opposées quant à l'attitude à adopter face aux procès staliniens.

L'intervention de Pierre Bourdieu au Val Fourré, en décembre 1999, a été diversement perçue et appréciée par le public auquel il s'est adressé. L'article décrit les interactions conflictuelles qui se sont alors nouées, et interroge les relations des intellectuels aux classes populaires, en mobilisant les catégories de la sociologie critique. Il cherche à mettre au jour les limites de l'entreprise du “scholarship with committment” (du « savoir engagé ») à partir de la réception contrastée de l'intervention du sociologue, en identifiant certains des obstacles à l'appropriation profane d'une analyse des mécanismes de domination.

L'article décrit les effets de l'implantation d'un nouvel équipement de lecture publique dans une grande ville et s'intéresse aux réactions des usagers et à l'émergence de nouvelles pratiques. Dans un premier temps, on s'interroge sur l'impact d'un équipement culturel d'envergure sur le nombre de lecteurs : on examine ainsi les principales raisons et les conditions qui freinent l'extension du lectorat. Lorsque l'ouverture d'un équipement culturel tel qu'une médiathèque ne s'inscrit pas dans le cadre d'un projet de démocratisation de la culture, avec une forte volonté politique d'impliquer dans la lecture des franges de la population pas ou peu concernées, les effets peuvent être inattendus. Ce sont ces effets que l'article s'attache à identifier et à décrire au travers d'une enquête ethnographique. Dans un second temps, l'article montre la différenciation des pratiques entraînée par l'ouverture de la médiathèque. Cette différenciation repose sur la capacité des usagers à se mouvoir dans la ville et à se fabriquer eux-mêmes une « carte documentaire » afin de tirer profit des équipements offerts en réseau et théoriquement disponibles au plus grand nombre.