Contenu du sommaire : Fractures dans la société de la connaissance
Revue | Hermès (Cognition, Communication, Politique) |
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Numéro | no 45, 2006 |
Titre du numéro | Fractures dans la société de la connaissance |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Fractures dans la société de la connaissance
- Numéro coordonné par Didier Oillo et Bonaventure Mvé-Ondo- Introduction - Didier Oillo p. 9
I. La fracture numérique en recherche de sens
- La lutte contre la fracture numérique en Afrique : aller au delà de l'accès aux infrastructures - Olivier Sagna p. 15 Le potentiel de développement porté par les TIC reste quelque chose de purement théorique pour des millions de personnes compte tenu de l'existence de la fracture numérique qui sépare les « inforiches » des « infopauvres ». Dans la perspective de la construction d'une société de l'information inclusive, la question de l'accès universel aux TIC est donc centrale, notamment pour les pays africains. Cette problématique ne doit cependant pas être réduite à la question de la disponibilité des infrastructures de télécommunications ; elle doit prendre en compte l'accès réel, c'est-à-dire les usages. Afin de résoudre les problèmes de diverses natures interdisant l'appropriation des TIC par le plus grand nombre, il faut aller au-delà de la régulation par le marché et mettre en œuvre de vigoureuses politiques publiques visant à faire de l'accès universel une réalité concrète pour tous ceux dont les chances de bénéficier pleinement des opportunités offertes par la société de l'information sont aujourd'hui hypothéquées.Bridging the digital divide in Africa: going beyond access to infrastructures
Opportunities of human development carried by ICT's remains something purely theoretical for millions of people relating to the existence of the digital divide which excludes info-poors from their benefit. According to the perspective of building an inclusive Information Society, the question of universal access to ICT's is critical, in particular for African countries. However, the problem should not be limited to the question of the availability of telecommunication infrastructures but included real access, i.e. ICT uses. In order to bypass various obstacles which restrict the uses of ICT by the majority of people, it is necessary to go beyond market regulation by implementing strong public policies aiming to make universal access a concrete reality for all those whose chances to benefit fully from Information Society opportunities are today limited. - La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet - Caroline RIZZA p. 25 Cet article traite la problématique du facteur humain dans la société en réseau en mettant en évidence que les TIC sont à la fois créatrices et destructrices de lien social. Il propose une approche de la fracture numérique selon deux niveaux :un accès inégalitaire à Internet et aux TIC ;des savoirs et savoir-faire insuffisants pour communiquer dans une société désormais régie par la manipulation et les mécanismes de génération de la connaissance.Il prend comme exemple référentiel la génération Internet née de la double médiation technique et sociale caractéristique du lien social engendré par l'usage des TIC. Et, il situe ainsi la véritable origine de la fracture numérique dans les inégalités socio-économiques et culturelles qui existaient pour la plupart avant l'introduction des TIC et la mise en réseau de la société.The digital divide, paradox of the Net generation
This article is about human factor issues inside of our Web society : it highlights how ICT produce and destroy social bond. It proposes an approach of the digital divide according to two levels :an uneven access to Internet and the ICT ;insufficient knowledge and know-how to communicate in a society based on knowledge. It takes for principal example the Net generation born from the technological and social mediation generated by ICT. So, finally, it defends that digital divide is based on socio-economic and cultural inequalities that existed for the major part before the introduction of the ICT and the network setting of our society. - Fracture numérique : ne soyons pas dupes des mots - Bruno Ollivier p. 33 Quelle est la pertinence de l'expression « fracture numérique » qui sert à désigner des inégalités entre populations, en prenant en compte le niveau technologique, le taux de connectés, le nombre de machines, les budgets consacrés aux TIC, etc. ? S'agit-il d'un concept qui pourrait servir à définir des politiques ou des investissements ?En fait, il apparaît que la fracture numérique, tant entre les pays du Sud et les pays du Nord qu'au sein d'un même pays (entre des populations de statuts différents), n'est qu'une transposition d'autres inégalités ou phénomènes d'exclusion, comme le chômage, la précarité, la prolétarisation, etc.Porter sur les équipements et les pratiques liés à l'informatique et aux réseaux un regard exclusif, en les isolant du contexte global économique et social, revient à admettre que le développement des TIC serait indépendant de ces facteurs généraux, qu'il existerait un progrès technologique applicable en tous lieux de la même manière et qu'à travers les TIC, et leur seule implantation, on pourrait remédier aux inégalités et au sous-développement.Digital divide : let's be cautious about words
How relevant is the concept of “digital divide” ? This phrase is used to identify and account for inequalities among populations in the field of technologies. It is meant to indicate the ratio of connected people, the number of computers, the budgets devoted to the ICT in various countries... Is it a reliable concept to account for policies or investments ?In fact, what is called digital divide, both between Southern and Northern countries and, within those countries, between populations of very different statuses, only reflects other inequalities or exclusion phenomena, such as unemployment, poverty or outcast position. Focusing on the equipment and the practices related to technologies and networks amounts to isolate them from the general economic and social context. The implicit suggestion is that the development of the ICT is totally independent from those general factors, and that technological improvement could be implemented everywhere and in the same way and effectively cure inequalities and under-development. - Les contradictions d'une politique de diversité culturelle - Mokhtar Ben Henda p. 41 La machine uniformisatrice de la mondialisation prétend respecter la diversité des langues et des cultures, qui est devenue l'un des nouveaux dogmes de ce temple socioculturel universel qu'est l'Unesco. Mais elle manque encore de profondeur et d'originalité dans sa manière de concevoir et de consolider cette diversité ; une profondeur et une originalité que l'on peut, par contre, découvrir dans les basses couches de la société mondiale, riches de leurs particularismes identitaires, fécondes par leurs métissages et innovantes grâce aux bouleversements constants qu'elles subissent.Cette réflexion part de l'étude de quelques textes fondamentaux de l'Unesco qui donnent des orientations en vue de la sauvegarde et de l'optimisation de la diversité culturelle et linguistique du monde actuel. Elle est un regard critique porté sur les incohérences dans la démarche vers une démocratisation culturelle universelle.Inconsistencies in a cultural diversity policy
The modelling machine of globalization pretends to respect the diversity of languages and cultures, which has become one of the new dogmas of this universal social and cultural temple named Unesco. But it still reveals a lack of profundity and of originality in its way of approaching and promoting this diversity ; a profundity and originality which shall be found in the bottom layers of human society, which are wealthy from their own peculiarities, fertile by their interbreeding and inventive thanks to the hard evolution that they are obliged to endure. These comments are based on the study of some fundamental texts of Unesco which give orientations towards the safeguard and the optimization of the cultural and linguistic diversity of the present world. It is a critical survey of an incoherent strategy aiming at a world cultural democratization.
- La lutte contre la fracture numérique en Afrique : aller au delà de l'accès aux infrastructures - Olivier Sagna p. 15
II. Les modèles économiques et juridiques en question
- Economie de l'immatériel : abondance, exclusion et biens communs - Hervé Le Crosnier p. 51 La « société de la connaissance » concerne l'ensemble des secteurs productifs. Elle induit une réorganisation des entreprises, qui a des conséquences sur la définition du travail et sur l'établissement de la valeur des firmes. Les enjeux de transfert de connaissances pour le développement sont devenus critiques, comme le montre l'exemple des médicaments.Dans cette situation, une stratégie de verrouillage, par la construction de nouvelles enclosures dans le domaine immatériel est en chantier dans l'ensemble des pays développés. En contrepoint, les nouveaux mouvements sociaux du numérique visent à étendre le domaine public et à construire les biens communs de l'information. Ces mouvements se rapprochent des pays en développement et permettent de définir un nouvel équilibre économique et géopolitique mondial.Deux questions peuvent nous servir de boussole pour inventer les nouvelles formes d'organisation publique de l'ére informationnelle : le critère de l'accès au savoir pour tous et celui de la défense de la vie privée.Immaterial economy : wealth, exclusion and common goods
The “knowledge society” imposes dramatic changes on every productive sector. Firms are following new organisational schemes with consequences on the workforce definition and stocks evaluation. Transfering knowledge for development on a worldwide scale is becoming critical, as shows the exemple of medicines. In this situation, new enclosures on the immaterial are locking knowledge in developed countries. But new social movements of the digital age are trying to extend public domain and to build new knowledge and information commons. These movements meet the developing countries agenda, trying to define a new economic and geopolitic world equilibrium. Two questions are keys on these new public organisational structures for the information era : the acces to knowledge criterium and protection of privacy. - Propriété intellectuelle et accès public au savoir en ligne - Michel Arnaud p. 61 La privatisation de la connaissance est en contradiction avec la possibilité d'accéder à l'ensemble des savoirs disponibles à travers les nouveaux réseaux de communication. La qualification de l'accès au savoir en ligne comme « bien public international » répond à la demande des populations des pays en développement qui n'ont pas les moyens de s'équiper à domicile et encore moins de payer l'accès à des contenus en ligne à des tarifs élaborés par les marchands des pays développés. Les modalités de mise à disposition des savoirs incluent des composantes techniques, informatiques et juridiques qu'il est nécessaire de mettre au point. Quant au régime de propriété intellectuelle, il devrait être modifié en conséquence.Intellectual property and public access to online knowledge
Privatization of knowledge is in contradiction with what communication tools offer to access online knowledge through Internet. Qualification as “international public good” of online knowledge access answers to the needs of developing countries populations who have no means to buy home computers neither to pay online knowledge access at tariffs fixed by merchants from developed countries. Modalities of knowledge accessibility include technical, computer-related and legal aspects. Intellectual property rights should be consequently modified. - Promesses et périls de la nouvelle économie - Adrian Mihalache p. 69 Comprendre les mécanismes sous-jacents de la « nouvelle économie » (l'économie de l'information et du savoir) permet d'augmenter ses chances de gagner au jeu. Un rapide survol des conditions de naissance et de développement de la nouvelle économie montre que le passage de l'économie industrielle à l'économie du savoir a été accompagné par des malentendus similaires à ceux qu'a soulevés l'avènement de l'industrie dans les sociétés agraires. Dans cet article, nous montrons qu'il faut bien distinguer la nouvelle économie, l'économie des services et l'économie du don. Nous évaluons la pertinence des grandes théories économiques (néoclassicisme, marxisme et marginalisme) pour rendre compte de la nouvelle économie. En examinant les sources des revenus qu'elle peut fournir, nous montrons les dangers qu'une gestion imprudente et non orthodoxe risque d'engendrer. Le temps romantique des pionniers est révolu ; la crise de croissance est dépassée. Il reste que la nouvelle économie offre à l'homme du nouveau millénaire l'occasion de se réinventer.Promise and danger of the New Economy
Understanding the underlying mechanisms of the New Economy increases the chances for success in dealing with information and knowledge. A bird's eye view on the birth and development of the New Economy shows that the passage from the production-based economy to the knowledge-based one has been accompanied of similar misunderstandings to those related to the transformation of agricultural countries into industrial ones. A clear-cut distinction is made between the New Economy, the service economy and the gift economy. The relevance of the main economical theories (neoclassicism, Marxism and marginalism) to the New Economy is duly examined. The analysis of the revenue sources of the New Economy points out the dangers related to the employment of unorthodox accounting methods. The time of the New Economy pioneers is over ; the growth crisis is behind. Still, the New Economy provides an opportunity for the third millennium human being to reinvent himself. - La norme comme instrument d'accès au savoir en ligne - Jacques Perriault p. 77 Du fait de la mondialisation, notre histoire présente est pleine de nouveaux enjeux culturels, éducatifs, économiques, et technologiques, qu'accompagnent un cortège de problèmes. Les différentes aires culturelles et linguistiques produisent de plus en plus de savoirs en ligne sur toute une variété de supports. Il semble que la normalisation des accès à ces savoirs soit une condition essentielle et incontournable pour, à la fois, faciliter la circulation de ces données et respecter la diversité de leurs sources. Cette normalisation devrait contribuer non seulement à combler le fossé séparant les pays du Nord et du Sud, mais aussi à préserver le pluralisme culturel de l'humanité.Standards as means of access to online knowledge
Because of globalization, current history is full of new stakes, cultural, educational, economical and technological, and also full of the many collateral damages that accompany them. The world's various cultural and linguistic zones produce more and more online knowledge using a wide variety of tools. It appears that the standardization of access to this knowledge is an essential condition to facilitate the dissemination of this data and to respect the diversity of its sources. This standardization would contribute to bridge the gap that separates Northern and Southern countries, and would also help to preserve the cultural pluralism of mankind.
- Economie de l'immatériel : abondance, exclusion et biens communs - Hervé Le Crosnier p. 51
III. Les limites du virtuel dans les modèles pédagogiques
- A l'heure de la société mondialisée du savoir, peut-on supprimer les enseignants ? - Jacques Wallet p. 91 La question à laquelle nous tentons de répondre doit être abordée de différentes façons : elle est récurrente dans l'histoire des technologies pour l'éducation ; elle peut être pensée à l'échelle mondiale, particulièrement pour ce qui est des pays en développement ; elle concerne à la fois les sciences de l'éducation, les sciences de la communication, l'économie et les institutions.Nous évoquons d'abord les établissements scolaires sous l'angle de l'histoire des technologies pour l'éducation et des discours sur « la fin des enseignants ». Dans une deuxième partie, nous analysons les effets du e-learning sur les établissements universitaires et leurs enseignants. Enfin, nous nous interrogeons sur l'absence de réflexion concernant le rôle des enseignants dans les projets TICE mis en place dans les pays en développement.In the knowledge world wide society, can we remove teachers ?
Answering this question needs several approaches : it concerns the history of ICT for education ; it can be thought at a globalized level, particularly for the situation of developing countries ; it gathers together education sciences, communication sciences, economy and institutional dimension. First, the article brings up basic schools with speeches on “the end of teachers”. Then, it analyzes the effects of e-learning on the University and their professors. Finally, it wonders about the absence of reflection on the role of the teachers in ICT projects set up in developing countries. - Médias et mondialisation : des alternatives aux pratiques hégémoniques - Véronique Kleck p. 99 Bras armés de la mondialisation néo-libérale, la communication, l'information et les médias sont aussi un levier puissant des mouvements qui tentent de promouvoir des alternatives aux logiques dominantes. Dans le cadre des Forum sociaux mondiaux, des alternatives aux pratiques hégémoniques des médias traditionnels sont portées par des médias communautaires, alternatifs et activistes, et par les mouvements de l'Internet solidaire et du logiciel libre. Ces mouvements défendent les droits à la communication et entendent faire reconnaître que l'information est un bien commun qui doit être accessible à tous.Media and globalization : alternatives to hegemonic practices
As a support to the neo-liberal globalization trend, communication, information and media are also a strong lever for civic movements trying to promote alternatives to the mainstream thinking. Within the World Social Forums, alternatives to the hegemonic practices of traditional media are held by communities, alternative and activist media, as well as by citizen networks and free software movements. These movements defend communication rights and strive to highlight the common good of information. - Pratique du travail collaboratif en communautés virtuelles d'apprentissage - Guy Casteignau et Isabelle Gonon p. 109 Le campus virtuel de la filière TIC de Limoges propose depuis 1998, via Internet, des formations diplômantes pour les TIC et par les TIC. Les 600 étudiants sont organisés en communautés virtuelles d'apprentissage. Les communautés virtuelles sont une forme de socialisation propre à Internet. Le travail de groupe évite le sentiment d'isolement et facilite les apprentissages. Les étudiants et les enseignants échangent et partagent au niveau de la communauté globale, au niveau des communautés de promotion et d'unité d'enseignement qui sont des communautés de pratique. Ils pratiquent le travail collaboratif au niveau des communautés de travail, c'est-à-dire qu'ils mutualisent leurs compétences et coordonnent leurs actions pour mener à bien les apprentissages. Pour réussir ce travail collaboratif il y a des règles et une « nétiquette » à respecter. L'intelligence collective naît du travail en commun des étudiants en réseau.Work sharing in virtual learning communities
Since 1998, The IT department of Limoges virtual campus offers distance course via the Internet, and degrees in IT, via IT. The 600 students are organized in virtual training communities (VTCs). Virtual learning communities result from a socialization process specific to the Internet. The working group is a good means to avoid a feeling of isolation and to facilitate learning. Students and teachers communicate at two different levels : that of the global community, and within communities based on the courses. They share work within working communities, that is to say that they mutualize their skills and have to coordinate their work in order to succeed in their training. Successful collaborative work needs the implementation of a netiquette, while work groups, organized in student networks, promote collective intelligence. - Formations à distance en ligne et liberté d'apprendre - Viviane Glikman p. 117 Chaque nouvelle technologie suscite des illusions sur les nouvelles possibilités d'accès aux connaissances qu'elle ouvre à tous. Cet article s'intéresse aux différents types d'offres éducatives accessibles sur Internet, de la moins structurée à la plus organisée, et s'appuie sur des travaux de recherche pour mettre en évidence le fait qu'il existe un fossé entre la liberté potentielle d'accès aux savoirs et son accès effectif. Il souligne les diverses difficultés rencontrées par les apprenants et rarement prises en compte par l'institution éducative, et il insiste sur l'importance de la fonction tutorale pour aider les moins armés, qui sont aussi les plus nombreux, à acquérir l'autonomie nécessaire à ce mode d'apprentissage. Il conclut que, faute d'un investissement important dans ce domaine, l'égalité des chances et la « liberté d'apprendre » pour tous, dont les formations en ligne se prétendent ou se voudraient porteuses, ne peuvent que demeurer des mythes.Online learning and freedom of learning
Each new technology provokes illusions about the new possibilities of accessing to knowledge for everybody. This paper deals with various educational offers using the Internet, from the less structured to the more organized. It refers to some researches to enlighten the fact that there is a gap between potential free access to knowledge and real access. It points out the various difficulties met by learners and seldom taken into account by the educational organization, and it stresses the importance of the tutors' function to allow the ill-equipped ones, which are the more numerous, to gain the autonomy required by this type of learning. It concludes that, without an important investment in that function, the equality of chances and the “freedom of learning” for all, which e-learning pretends or sometimes would like to offer, can only remain myths. - L'Université virtuelle africaine : ambitions sans limite, limites d'une ambition - Pierre-Jean Loiret p. 123 Les technologies de l'information et le e-learning sont souvent invoqués par les grands organismes internationaux de coopération comme l'unique moyen de sauver de ses faiblesses l'enseignement supérieur en Afrique. Le renforcement des universités traditionnelles, la modernisation de leurs laboratoires, les dotations en faveur de leurs bibliothèques ne semblent jamais être proposés comme solution. Ce positivisme technologique trouve l'une de ses principales manifestations dans le lancement par la Banque mondiale, en 1997, de l'Université virtuelle africaine (UVA). Près de dix ans après sa création, elle se situe encore au cœur des stratégies des institutions financières internationales concernant l'enseignement à distance en Afrique. Etudier l'UVA conduit à s'interroger sur les objectifs éducatifs et politiques de ses commanditaires. Contribue-t-elle à améliorer la situation des établissements d'enseignement supérieur africains ?African Virtual University : boundless ambitions, limits of an ambition
Information technologies and e-learning are often called upon, by the great international organizations, as the only way to save higher education in Africa from its weaknesses. The reinforcement of the traditional universities, the modernization of their laboratories, the improvement of their libraries seem to be never regarded as solution. This technological positivism finds one of its principal achievements in 1997, when the World Bank launched the African Virtual University (AVU). Almost ten years after its creation, AVU is still in the heart of the strategies of international financial institutions dealing with distance learning in Africa. Studying AVU leads to wonder about the educational and political goals of its sponsors. Does it contribute to improve the situation of African universities ?
- A l'heure de la société mondialisée du savoir, peut-on supprimer les enseignants ? - Jacques Wallet p. 91
IV. Les universalismes à l'épreuve de la technique
- Machines à communiquer et lien social - Anne-Marie Laulan p. 131 L'article met en cause l'efficacité des différentes machines à communiquer dans la mesure où elles ne sont pas centrées sur les besoins humains. D'où le paradoxe d'un lien social effiloché, voire détruit, au fur et à mesure que les outils techniques se multiplient. Les fractures sociales ainsi engendrées se rencontrent en Amérique latine où l'identité culturelle issue des luttes coloniales se heurte de plein fouet aux structures verticales à sens unique des dispositifs de communication. Mais la déchirure s'observe aussi en Europe, où l'on rencontre l'« illectronisme » dans toutes les classes sociales. S'observe aussi une montée des « suspicions » envers les contenus diffusés dont l'authenticité et la neutralité sont mises en doute.Communication devices and social link
The article questions the efficiency of existing communication devices insofar as they do not focus on human needs. This would explain the paradox between frayed social ties, indeed even severed at times, and the increase in the number of technical tools available. Social gaps created in that way can be found in Latin America, where the cultural identity born of colonial struggles collides with the one-sided vertical structures of communication processes. This gap is also visible in Europe, where “technological illiteracy” exist in all social classes. Also to be noticed is a rise of suspicion towards disseminated contents, the authenticity and neutrality of which are questioned. - Les langues diasporiques et Internet : entre nouvelle territorialité, résistance identitaire et partage des savoirs - Nicole Koulayan p. 139 Notre réflexion s'appuiera sur l'idée selon laquelle les langues diasporiques ont toujours assumé une fonction culturo-identitaire pour leurs membres. En ce sens, elles peuvent être perçues comme des facteurs, aussi bien symboliques que concrets, de résistance contre l'assimilation culturelle plus ou moins irréversible exercée par le pays d'accueil.Nous abordons l'analyse du rapport des langues diasporiques et d'Internet en considérant ce réseau comme une nouvelle territorialité, à la fois contenant et contenu d'une « cyber-diaspora » planétaire. Cette cyber-diaspora présente un rapport d'analogie multiple avec la diaspora classique et s'analyse comme métaphore de la mondialisation. Notre propos sera illustré par l'exemple de la diaspora arménienne qui est l'une des plus anciennes de l'histoire.Diaspora languages and Internet : new territories, identity resistance and knowledge sharing
Diaspora languages have always maintained a cultural and identity function for their members. In that sense, we may consider these languages as tools, both symbolic and concrete, for resisting the cultural assimilation generated by the host country. In our analysis of the links between Internet and diaspora languages, we view the Web as a new territory for a “cyber-diaspora”, understood as a metaphor for globalization. The very ancient Armenian diaspora will be the main example of that analysis. - Humaniser les TIC - Jean-Pierre Letourneux p. 147 Poser la question de l'humanisation des TIC, c'est, en contrepoint, s'interroger sur leurs relations avec l'inhumanité de l'humain. Les TIC résultent d'une convergence entre deux traditions, l'epistèmè d'une part, la technè d'autre part. Elles s'inscrivent aujourd'hui dans une nouvelle convergence, celle du paradigme « nano », regroupant, sous l'hégémonie des nanotechnologies, les TIC, les sciences de la cognition et la biologie. À travers l'extension aux objets artificiels du principe d'auto-organisation, cette convergence est porteuse de risques majeurs pour l'humanité. Elle actualise le mythe de Babel.Construire une alternative humaniste devient urgent. Celle-ci passe par la restauration d'un monde commun concret. L'emprise des TIC sur la vie quotidienne rend nécessaire leur intégration à ce projet. Toutefois, leur ancrage dans le paradigme « nano » la rend délicate et risquée. La voie est étroite. Nous avons essayé de la tracer ici en prenant comme outils la connaissance, le lien social et la diversité culturelle.How to humanize communication and information technologies
Asking the question of humanization of the ICT, is, in counterpoint, wondering about their relationships to the inhumanity of the human. The ICT result from a convergence between two traditions, the epistèmè on one hand, the technè on the other hand. Today, they fit in a new convergence, the “nano” paradigm, which gathers ICT, cognition sciences and biology, under the hegemony of the nanotechnologies. Through the extension of the principle of self-organization towards artificial objects, this convergence is carrying major risks for humanity. It brings up to date the myth of Babel.Building a humanistic alternative becomes urgent. This challenge supposes to get through the restoration of a concrete common world. The influence of the ICT on the everyday life makes necessary this project. However, their anchoring in the “nano” paradigm makes it delicate and risky. The way out is narrow. Here is an attempt to outline it through the tools of knowledge, social bonds and cultural diversity. - Société de la connaissance, le paradigme de l'approbation - Henri Hudrisier p. 153 L'interconnexion globale du monde redistribue beaucoup plus en profondeur qu'on ne voudrait l'admettre les enjeux technolinguistiques et technoculturels. L'Extrême-Orient notamment devient un acteur incontournable tant pour la production de contenus que pour les composants et les machines à communiquer. La montée en puissance de cette production la conduit à devenir un acteur de premier plan dans la recherche et la définition normative des TIC. Cette nouvelle donne peut à moyen terme influer radicalement sur le monopole nord-américain. Si la diversité culturelle des sociétés d'écriture partiellement ou entièrement idéographique s'accommode déjà très mal de cette vision unique, elle ne l'exprimera certainement pas par des discours mais plutôt par des actes notamment en tissant de nouvelles alliances.L'Afrique, le Moyen-Orient, l'Amérique latine, la Francophonie, l'Europe non anglophone et le reste de l'Asie ont sans doute intérêt à s'inscrire dans la redistribution favorisée par l'émergence de cette bipolarité latente, en déployant leur diversité culturelle et en l'instrumentalisant dans les nouveaux paradigmes d'une information structurée, normalisée, et réellement articulée sur la diversité et non plus sur un marché unique, quelquefois dissimulé sous des localisations incertaines.Knowledge society and how to bring it under control
The global interconnection of the World reallocates, in a far wider measure than usually admitted, technolinguistic and techno-cultural issues. Specially, Eastern Asia is becoming a major actor, producing contents as well as components and communication equipment. The increasing importance taken by this production helps Eastern Asia to become a major actor in research and in the definition of IT standards. This new deal could, at medium term, radically affect North America's monopoly. If culturally diverse societies, with partially or entirely ideographic writing, already seem to have difficulties in putting up with this doctrinaire approach, they will certainly not express this through long discourse but rather by acts, like setting up new alliances.It is in the interest of Africa, the Middle-East, Latin America, French-speaking countries, non-Englishspeaking Europe and the rest of Asia to partake in this redistribution movement currently encouraged by the rise of this latent bipolarisation, by displaying their cultural diversity and using it within the new paradigms of a structured and standardised information that would be truly linked with diversity and no longer with a standardised market, sometimes hidden under uncertain localisations. - L'Afrique, les langues et la société de la connaissance - Camille Roger Abolou p. 165 L'intérêt des sciences humaines pour les rapports entre TIC, langues et savoirs n'est pas nouveau. Cependant l'intelligibilité d'une construction épistémologique des relations reste un domaine en friche dans le contexte de la mondialisation. Le présent article essaie de s'en prendre à ce vide épistémologique en interrogeant particulièrement les enjeux des langues africaines dans le travail de structuration et de dissémination du savoir global et des savoirs locaux. Ces savoirs, chacun à sa manière, tentent de se construire un statut nouveau en s'insérant dans les divers marchés de la connaissance. Pour cela, ils tirent profit du renouvellement des thématiques occidentales vis-à-vis des consommateurs africains d'information scientifique. En conséquence, des politiques de productivité et de circularité des savoirs s'érigent dans des stratégies d'uniformisation épistémologique. Parallèlement, la mode de la « diversité linguistique et culturelle », censée protéger les langues et savoirs locaux, risque de les transformer en de simples objets ethnographiques.Africa, languages and knowledge society
The interest of social sciences towards the interactions between ICT, language and knowledge is not new. However, the intelligibility of an epistemological construction of these interactions within the framework of globalization has not been studied in depth yet. This article tries to tackle this epistemological void by examining specifically the issue of African languages in the process of structuring and spreading global knowledge as well as local knowledges. These two types of knowledge, each in its own way, try to get a new status by filtering into the different knowledge markets. With that aim, they take advantage of the renewal of Western interest towards African consumers of scientific information. Therefore, policies concerning knowledge productivity and circulation are being set up within strategies of epistemological standardization. At the same time, the “linguistic and cultural diversity” fashion, which was supposed to protect local languages and knowledges, could eventually turn them into simple ethnic items. - Conclusion générale. Systèmes fracturés, libertés et innovations retrouvées - Bonaventure Mvé-Ondo p. 173
- Machines à communiquer et lien social - Anne-Marie Laulan p. 131
Varia
- Les forums électroniques municipaux : un espace délibératif inédit - Stéphanie Wojcik p. 177 Cet article examine les spécificités des forums de discussion proposés par les municipalités françaises au regard de quelques-unes des interrogations animant les réflexions sur la délibération. Le forum apparaît comme un lieu conflictuel où l'expression relève davantage du registre de l'émotionnel que de la seule argumentation rationnelle. Ce caractère polémique des échanges n'est pas cependant exempt du souci de l'intérêt général : les internautes disent œuvrer pour la collectivité à partir de leurs revendications personnelles. Les inégalités de compétence entre participants ne disparaissent pas lors des échanges électroniques, notamment en raison d'une maîtrise différenciée de l'écriture ; mais la prédominance de l'institution municipale, qui accompagne habituellement les débats publics, est largement érodée. L'influence du forum dans l'espace public local se manifeste indirectement, à travers son instrumentalisation dans le cadre d'actions collectives.The electronic forums proposed by local authorities : a new debating space
This paper considers the specific characteristics of the debating forums proposed by French local authorities, compared to some issues put up by the study of modern ways of deliberation. The forum appears as a conflicting place where expression follows an emotional way more than a rational argumentation. Nonetheless, this controversial aspect of electronic exchanges includes concerns for general interest : the forum visitors pretend to connect their personal demands to more general issues regarding the community. During electronic debates, the inequalities do not disappear, specially because of different skills in writing ; but the town authorities leadership, which generally goes with public debates, is widely weakened. Debating forums have some indirect effects in the local public life through their use within the context of collective actions. - L'échec du livre électronique Cybook : une innovation en mal de traduction - Dominique Nauroy p. 183 Cet article est consacré à l'analyse du destin d'une innovation portée par la société française Cytale, conceptrice du livre électronique Cybook commercialisé en 2001 et 2002. Il s'agit d'expliquer la raison qui amène Cytale à faire une proposition de lecture sur support électronique et numérique, puis de comprendre la nature et les causes de l'échec de cette innovation. Pour ce faire, l'article se focalise sur la construction de l'objet et de ses publics, ainsi que des réseaux que tenta de constituer l'entreprise.Il est fait appel aux outils de la sociologie de la traduction, pour comprendre comment l'identité d'un objet technique, le Cybook, se construit, et comment ses fonctions lui sont assignées ou refusées. La réalisation de ce livre électronique apparaît comme le fruit d'une négociation plurielle, mais la solidité et la cohérence des alliances que Cytale était parvenue à sceller autour du Cybook posèrent question.The failure of electronic Cybook : an innovation hard to express
This article is dedicated to the analysis of the destiny of an innovation carried by the French company Cytale, manufacturer of Cybook, an electronic book marketed in 2001 and 2002. We have managed to explain the reason why Cytale made a proposal consisting in reading on a digital and electronic device, and we have tried to understand the nature of its failure. We consider this question under two sets of themes : the building of an object and its customers, the organization of a network around Cytale. The tools given by translation sociology have allowed us to understand how Cybook was built and how Cytale and its partners assigned (or refused) its functions to this electronic book. The carrying out of this electronic book appears as the result of a negotiation on many different levels, but the reliability of alliances that Cytale managed to seal around its Cybook was a delicate issue.
- Les forums électroniques municipaux : un espace délibératif inédit - Stéphanie Wojcik p. 177
Hommage
- A Jean Cazeneuve (1915-2005) - Par André Akoun p. 195
Lectures
- Mireille Thibault, comprendre les médias, Paris, Ellipses, 2005 - par Eric Dacheux p. 197
- Vincent de Gaulejac, La société malade de la gestion, Paris, Le Seuil, 2005 - par Arnaud Mercier p. 198
- Michel Meyer, Le Livre noir de la télévision, Paris, Grasset, 2006 - par Isabelle Veyrat-Masson p. 201
- Soraya El Alaoui, Les Réseaux du livre islamique. Parcours parisiens, Paris, CNRS Editions, 2006 - par Anne-Marie Chartier p. 203