Contenu du sommaire : La syndicalisation en France

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 22, no 85, 2009
Titre du numéro La syndicalisation en France
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Dossier : La syndicalisation en France

    • La CGT, une anarchie (plus ou moins) organisée ? - Piotet Françoise p. 9-30 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article vise à mettre à jour le fonctionnement organisationnel de la CGT en suivant la mise en œuvre des décisions du 47e Congrès confédéral (2003) concernant les réformes de structures et la répartition des moyens ayant pour objectif de permettre le développement de la syndicalisation. La manière dont ces décisions sont traitées par les Unions départementales et locales et par les syndicats révèlent, contrairement aux stéréotypes dominants, une organisation dont les structures, très soucieuses de leur autonomie, entretiennent entre elles des liens très lâches, conduisant l'organisation à fonctionner comme une « anarchie organisée », conférant aux dirigeants de l'organisation un pouvoir faible sur ses orientations.
      This article aims at enlightening the CGT's organisational functioning by following the 47th Confederal decisions around structural reforms and financing implemented to develop unionization (2003). The way Professional, Departmental and Local union branches deal with these decisions shows that, contrary to what major stereotypes claim, the CGT's organization is based on structures that are very cautious about their autonomy and that are linked by weak ties. This organizational reality leads to an « organized anarchy », in which the leaders' power on the organization's orientations is limited.
    • La professionnalisation de l'activité syndicale : talon d'Achille de la politique de syndicalisation à la CFDT ? - Guillaume Cécile, Pochic Sophie p. 31-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La CFDT fait figure de pionnière en matière de politique de syndicalisation. Sa stratégie volontariste édictée dès 1985 se caractérise par un succès quantitatif sans doute unique en France, mais aussi par des limites. L'analyse montre que la volonté de promouvoir un « syndicalisme d'adhérents », ouvert à la participation du plus grand nombre, achoppe sur le caractère oligarchique des fonctionnements syndicaux et sur l'évolution des légitimités militantes. La restriction des espaces de participation révèle ainsi la sélectivité accrue du recrutement des militants, liée à la professionnalisation de l'activité syndicale, marquant aujourd'hui clairement la « fin de l'ouvriérisme » chez les cadres et dirigeants de la CFDT.
      In France, CFDT is known to have promoted a strong policy of recruitment and organizing since the late 1980's. This action has sustained a continuous growth of its membership until 2000. However, the will to develop a participatory union model is constrained by the oligarchic nature of the organisation and the strength of union internal selection. Formal participation and access to full-time positions is not only linked to personal dedication, but requires a wide range of skills and aptitudes that can be quite detrimental for low-qualified members.
    • Quand le syndicalisme s'éprouve hors du lieu de travail. La production du sens confédéral à Force ouvrière - Yon Karel p. 57-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article rend compte d'un aspect du tournant « contestataire » de Force ouvrière (FO) depuis les années 1980 : l'importance nouvelle accordée par les instances confédérales à l'action syndicale interprofessionnelle. Il tente de dépasser le registre de la contradiction entre discours confédéral et pratiques fédérales en prenant en compte la culture organisationnelle qui structure FO. Marquée par le fédéralisme et la distance à la politique, cette culture est saisie à travers l'observation des stages de formation confédéraux. La notion de « style de groupe » est mobilisée comme catégorie d'analyse. L'article montre que l'injonction à « penser interpro » qui se diffuse dans les stages découle de ces contraintes structurelles tout en essayant de les déjouer. Le fédéralisme et la distance à la politique ne doivent pas être interprétés de façon univoque comme des obstacles à la production d'un sentiment d'appartenance confédérale. Ils sont constitutifs du style FO et entretiennent tout à la fois son morcellement interne et la solidité de ses frontières extérieures. L'entreprise confédérale de renforcement de l'identité interprofessionnelle, en valorisant cette singularité, a ainsi moins contribué à consolider la cohérence organisationnelle qu'à développer la scène confédérale comme une niche permettant de nouveaux types d'investissements militants.
      This article deals with an aspect of the contentious turn the french trade union Force ouvrière (FO) has been knowing since the 1980s : the growing importance given by its leaders to interprofessional action. It aims at overstepping the idea of a contradiction between confederal discourse and federal practices by taking into account FO's organizational culture. Structured by federalism and distance from politics, this culture is apprehended through the observation of union training courses. They are described by means of the concept of « group style ». The article shows that the training to « think interprofessional » derives from those structural constraints as it tries, in the same time, to outsmart them. Federalism and distance from politics cannot simply be understood as obstacles to the making of a confederal sense of membership. They shape FO's group style, maintaining the division inside the group as well as the solidity of its outer boundaries. By emphasizing that singularity, the confederal enterprise to reinforce interprofessional identity less contributed to homogenizing the organization than developing the confederal scene as a setting for new sorts of activist commitment.
    • Les transformations des formes d'engagement au prisme du local. L'exemple de la CGT du Nord - Contamin Jean-Gabriel, Delacroix Roland p. 81-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis le milieu des années 1990, s'est largement diffusée une thèse selon laquelle les formes d'engagement militant se sont transformées dans les démocraties occidentales, sans que, pour l'essentiel, les chercheurs se soient donné les moyens de tester empiriquement cette hypothèse. C'est à un test de cette nature que cet article est précisément consacré en se focalisant sur l'une des organisations qui est souvent présentée comme un symbole de ces formes d'engagement en déshérence : la CGT. À partir d'une étude à la fois quantitative et qualitative centrée sur les multi-engagements des adhérents de la CGT du Nord, on met en avant un ensemble d'éléments qui corroboreraient cette hypothèse – notamment la distinction de trois profils qui sembleraient se succéder –, avant de la mettre en crise en opposant notamment l'apparente évanescence de l'engagement syndical cégétiste tel qu'il transparaît au niveau individuel et l'omniprésence de la CGT dans l'espace local de mobilisation. Décalage qu'il convient d'interroger tant d'un point de vue sociologique que d'un point de vue méthodologique.
      Since the middle of the nineties, it is largely said that forms of activist commitments have changed in western democracies. However, few studies have empirically dealt with this thesis. This article aims at questioning this hypothesis by focusing from a local point of view one of the organizations which is often shown as a symbol of the disappearing forms of commitment: the Confédération générale du travail (CGT). Studying quantitatively and qualitatively the multi-commitments of CGT members in Département du Nord, it can be proved that, if some elements might corroborate the hypothesis – for instance, the opposition of three profiles which might follow one another –, some others are more ambiguous, in particular the disjunction between the individual level and the organizational level. A disjunction which should be questioned from a sociological and from a methodological point of view.
    • « Dans le nettoyage, on ne fait pas du syndicalisme comme chez Renault ! ». Implantation et stratégies syndicales dans le secteur du nettoyage industriel - Denis Jean-Michel p. 105-126 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans le secteur du nettoyage industriel, les obstacles à la syndicalisation sont nombreux et de toute nature. Ils sont liés à la structure du marché du travail interne, aux conditions d'emploi et de travail, au profil social des salariés, etc. Entravent-ils totalement le développement des organisations syndicales et la conduite d'actions revendicatives ? Ou celles-ci réussissent-elles à les surmonter par une approche renouvelée et une offre spécifique ? C'est à ces questions que ce texte cherche à répondre en portant la focale sur les orientations et les pratiques des organisations syndicales implantées dans ce secteur et en s'intéressant à leur aptitude à faire face aux différentes formes de flexibilité auxquelles ont recours les entreprises de la branche.
      In the industrial cleaning sector, barriers to unionization are numerous and of all kinds. They are related to the structure of the internal labour market, conditions of employment and work, the social profile of employees, etc. Do they totally hinder the development of trade unions and the conduct of industrial action? Or do the latter succeed in overcoming them through a renewed and specific offer? These are the questions the text addresses in focusing on the policies and practices of trade unions, operating in that sector, and examining their ability to cope with different forms of flexibility used by companies in that sector.
    • Organiser les inorganisés. Des expérimentations syndicales entre renouveau des pratiques et échec de la syndicalisation - Béroud Sophie p. 127-146 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse deux tentatives menées par des équipes syndicales de la CGT pour organiser des salariés précaires, l'une dans un site de construction automobile, l'autre dans un centre commercial. Les efforts pour toucher ces salariés, pour adapter les revendications et les modalités d'action à leurs conditions de travail, s'entrecroisent avec les objectifs de syndicalisation, sans les recouvrir complètement. Des tensions en découlent, l'action en direction des précaires relevant d'une temporalité longue pour aboutir éventuellement à des adhésions et posant de nombreuses difficultés aux syndicats. De ce fait, les équipes qui se lancent dans ces expériences de redéploiement se retrouvent peu soutenues par les structures syndicales interprofessionnelles et s'épuisent vite, soit parce que les militants sont aspirés par d'autres tâches, soit parce qu'ils sont soumis eux-mêmes à la précarité. Les deux cas étudiés permettent, dès lors, de réfléchir à la façon dont une organisation comme la CGT envisage l'extension de son champ d'influence et hiérarchise, de façon implicite, ses priorités.
      This article deals with two attempts by the French CGT union workers to organise casual workers in the car manufacturing industry and in a mall. Efforts to organize among temporary workers involve an adaptation of demands and actions only partially coinciding with the traditional objectives of unionization. In order to reach temporary workers effectively and generate possible memberships, the union needs to create long-term links which leads to many tensions. Thus, the CGT teams which try and build temporary workers unions end up being poorly backed up by their own hierarchy and run out of steam quickly, either because the leaders are recruited at a higher level of the organization or because they are temporary workers themselves. The two study cases analysed here give an insight into the way the CGT understands the widening scope of its activities, and how it implicitly orders its priorities.
  • Varia

    • Meetings de fin de campagne au Mexique et ethnographie des milieux partisans - Combes Hélène p. 149-179 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les meetings donnent à voir comment les partis inscrivent leurs identités partisanes dans l'espace urbain, mais également comment cette inscription dans l'espace urbain est, en retour, productrice d'identité(s) partisane(s). L'analyse ethnographique, combinée à la réalisation d'entretiens et d'une enquête par questionnaires, a permis de comprendre de plus près les reconfigurations du militantisme et des milieux partisans des trois principaux partis du Mexique : l'affirmation des appareils locaux (« la structure territoriale ») face aux structures corporatistes dans le cas du PRI ; l'émergence d'entrepreneurs de mobilisation indépendants dans le cas du PAN (et ce malgré la force de l'appareil du parti) ; la diversité de l'encadrement militant et le lien lâche au label partisan dans le cas du PRD. Ce travail a aussi mis en relief les variations des ethos et des sociabilités militantes en fonction des partis, ainsi que l'importance variable de la famille ou des réseaux affinitaires. Enfin, il permet de mieux comprendre comment la mobilisation partisane repose aussi sur l'existence d'une « économie morale » : un ensemble spécifique d'appréciations normatives, par nature ambivalentes, concernant le rapport au parti et à ses ressources.
      In order to study political rallies, it is first of all necessary to understand how parties are part of the evolving identities of urban spaces, and how belonging in specific ways to urban spaces in turn produces party allegiances and identities. Meetings are, furthermore, privileged observation points of the “partisan milieu” and of its constitutive ethos. Ethnographic analysis, combined with interviews, indeed allows a better understanding of the ongoing transformation of party militancy in Mexico: the rise of local organizations (the “territorial structure”) caught in a competitive relationship with corporatist structures in the case of PRI ; the emergence of independent entrepreneurs of mobilization in the case of PAN in spite of the strength of its party apparatus ; the diversity of militant networks and their loose relationship to the party label in the case of PRD. This study also highlights the variations of militant sociability with regards to parties, as well as the variable importance of family-based or affinity-driven networks of sociability. Lastly, this study of rallies was also the occasion to put under close scrutiny the “moral economy” of mobilization, hence to devote special attention to the ambivalent beliefs and values that people invest in so-called “clientelistic relationships” with local party leaders.
    • Les premières élections libres en Russie (1989-1990). Quand la compétition dévore les enfants de la perestroïka - Sigman Carole p. 181-198 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'interroge sur les effets des premières élections libres sur l'espace politique dans des situations de « transition à la démocratie ». La compétition a-t-elle besoin d'être « libre et sincère », comme semblent le considérer les transitologues, pour provoquer l'effondrement d'un régime autoritaire ? Les élections qui ont eu lieu en Russie en 1989 et 1990 montrent que, dès lors qu'est introduite une dose de compétition, même fortement encadrée, la structure du jeu politique peut se trouver complètement bouleversée et des dignitaires de l'ancien régime propulsés à la tête de l'opposition démocratique. Les clubs « informels », organisations politiques nouvelles qui revendiquaient ce statut, étaient apparus au milieu des années 1980 grâce à la perestroïka qui a créé les conditions de la compétition. Or cette compétition, devenue effrénée lors des élections, a fini par les dévorer.
      This article focuses on the effects of the first contested elections on political space in situations of “transition to democracy”. Has competition to be “free and fair”, as transitologists are keen to consider, for it to bring about the collapse of an authoritarian regime? The 1989 and 1990 elections in Russia show that, as soon as competition is introduced, even at a modest scale, the structure of political game may thoroughly change, and ancien regime's dignitaries even become the leaders of the democratic opposition. The first political organizations created in the mid-1980s which claimed this status were called the “informal” clubs. They had emerged thanks to Perestroika, which had produced the prerequisites of competition. But this very competition, once it turned unbridled in the electoral process, eventually devoured the clubs.
  • Notes de lecture