Contenu du sommaire : L'ONU
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 109, 2004/2 |
Titre du numéro | L'ONU |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Peut-on réformer les Nations unies ? - Boutros-Ghali Boutros p. 5-14 L'ONU est restée inchangée dans ses structures et ses modes de fonctionnement depuis cinquante ans, alors qu'on assistait, dans le même temps, à la fin de la Guerre froide et à une redistribution des pouvoirs au sein de la famille des nations sur fond de mondialisation. Une réforme drastique s'impose. Les principaux obstacles auxquels elle se heurte sont avant tout liés à la fracture Nord-Sud. Les États riches ont tendance à considérer l'ONU comme le prolongement de leur politique étrangère. En outre, depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis se retrouvent en position d'unique superpuissance. Pour leur part, le tiers monde, les pays en développement réclament la démocratisation de l'ONU et la prise en compte de leurs propres attentes pour le développement et l'assistance. Il faut rêver une Organisation des Nations unies apte à répondre aux besoins de l'humanité, à encourager un dialogue Nord-Sud renouvelé et à créer les conditions pour la démocratisation de la mondialisation avant que la mondialisation ne dénature la démocratie.The structure and operation of the United Nations have not changed for fifty years, although the period has witnessed the end of the Cold War and a redistribution of powers within the family of nations in the context of globalization. A drastic reform is necessary. The main obstacles for such a reform come from the North-South divide. The rich nations tend to see the UNO as an extension of their own foreign policy. In addition, since the end of the Cold War, the United States has become the sole superpower. On the other hand, the Third World developing countries demand a democratization of the UN and the taking into account of their own expectations in terms of development and assistance. One must imagine a United Nations Organization able to satisfy the needs of mankind, to encourage a renewed North-South dialogue, and to create the conditions of a democratization of the globalization process before this process distorts democracy.
- De la SDN à l'ONU - Defarges Philippe Moreau p. 15-26 La SDN puis l'ONU sont les enfants successifs du même projet de paix perpétuelle par la sécurité collective. Les États-Unis sont l'initiateur de ce mouvement de fond, s'imposant, dès la fin de la Première Guerre mondiale, comme arbitre des équilibres planétaires. Dès la SDN, les trois questions clés sont posées : qui doit être associé ? Quel policier ? Enfin, quelles bases économiques ? La SDN, extraordinaire « première expérience », était sans doute vouée à échouer, l'écart entre les buts et les moyens étant immense. L'ONU tire la leçon de ces insuffisances, mais ne peut que se heurter à nouveau aux structures mêmes du système mondial, ce dernier demeurant articulé autour d'États souverains et très inégaux, peu disposés à renoncer à leur atout majeur : le contrôle de la force armée.The Society of Nations and the United Nations are the successive children of the same project of perpetual peace through collective security. The United States was the initiator of this project and it imposed itself, at the end of the First World War, as the umpire of the world balance of power. With the creation of the Society of Nations, three key questions were raised : who should be associated ? What police power ? What economic bases ? The Society of Nations was an extraordinary “first experiment”, but it was probably bound to fail, given the enormous discrepancy between goals and means. The United Nations drew the lessons from these shortcomings but could not help be confronted again to the very structure of the world system which was articulated around sovereign and highly unequal national states, unwilling to give up their main asset, i.e. the control of their armed forces.
- Le système onusien - Maury Jean-Pierre p. 27-39 Le système des Nations unies comprend l'ONU et les institutions spécialisées ou apparentées qui lui sont reliées. Les activités de ces institutions et des nombreux organes de l'ONU couvrent l'ensemble de la vie sociale. Mais le système, né à la suite de la Seconde Guerre mondiale, a vieilli. Il est critiqué pour sa lourdeur et son inefficacité. Le vaisseau onusien paraît dépourvu de timonier. Le caractère inégalitaire du FMI et de la Banque mondiale ainsi que les politiques qu'ils imposent aux pays pauvres du Sud sont souvent stigmatisés. Avec l'Organisation mondiale du commerce, le FMI et la Banque mondiale paraissent les instruments de la « mondialisation libérale ». L'organisation mondiale peut-elle être démocratisée et devenir l'instrument d'un multilatéralisme rénové ?The UN system includes the UNO itself and a number of specialized or related institutions. The activities of these institutions and the many agencies of the UN cover the entire spectrum of social life. But the system created at the end of the Second World War has aged. It is being criticized for its slowness and inefficiency. The UNO vessel seems to have lost its captain. The unequal character of the IFM and the World Bank, together with the policies they impose on poor countries from the South are often criticized. With the World Trade Organization, the IFM and the World Bank appear as the instruments of “neo-liberal globalization”. The question is whether the international organization can be democratized and become the instrument of a renewed multilateralism.
- Inutile assemblée générale? - Pellet Alain p. 43-60 Véritable centre de gravité des Nations unies jusqu'au début des années quatre-vingt, l'Assemblée générale a progressivement sombré, avec la fin de la Guerre froide et la globalisation libérale, dans une logorrhée morose sans prise sur le réel. Elle n'est cependant pas dépourvue d'atouts dans le cadre du « bicéphalisme singulier » institué par les rédacteurs de la Charte et elle a forgé les instruments et les concepts lui permettant de pallier les carences du Conseil de sécurité. À cette fin, elle aurait pu avoir recours, lors des affaires du Kosovo et d'Iraq, à la « résolution Dean Acheson » de 1950, mais la volonté politique a manqué.The General Assembly which, until the beginning of the 1980s, had been the real gravity center of the UN, has gradually turned into a chat box without any grip on reality since the end of the Cold War. However, it is not without a number of assets in the framework of the “particular bicephalousness” created by the authors of the Charter, and it has forged the instruments and concepts necessary to compensate for the weaknesses of the Security Council. To this end, on the occasion of the Kosovo and Iraq crises, it could have used the “Dean Acheson resolution” of 1950, had it had the political will to do so.
- Le conseil de sécurité : blocage, renouveau et avenir - Sur Serge p. 61-74 Les vicissitudes du Conseil de sécurité en 2003, inhabituellement médiatisées, ne doivent pas masquer les questions permanentes autour de son utilité et de son rôle. Un procès est souvent instruit à son sujet, autour de sa conception même, de sa composition, du droit de veto, de son impuissance à faire appliquer ses décisions ou de l'arbitraire dont il ferait preuve. Ce procès doit être relativisé. On peut relever à l'inverse les progrès réalisés par le Conseil depuis quelques années, sa dynamique institutionnelle, les ajustements fonctionnels qu'il a su réaliser, et l'adaptation thématique qui lui permet d'agir avec efficacité dans des domaines comme la reconstruction des États, le terrorisme international, demain peut-être la prolifération des armes de destruction massive. Le véritable défi auquel est confronté le Conseil est la volonté américaine de se soustraire à toute canalisation de son hégémonie.The unusually mediatized trials and tribulations of the Security Council in 2003, should not mask the permanent questions about its role and usefulness. It is often criticized for its very conception, its composition, the right of veto, its inability to implement its decisions, or its supposedly arbitrary judgment. This criticism should be tempered. Indeed one could mention the progress achieved by the Council for some years, its institutional dynamic, the functional adjustments it has operated, and the adaptation to new themes which has led it to intervene in such domains as state reconstruction, international terrorism, and tomorrow maybe the proliferation of weapons of mass destruction. The real challenge it faces is the determination of the United States to avoid any limitation to its hegemony.
- Le secrétaire général des Nations unies : sa position et son rôle - Fleischhauer Carl-August p. 75-87 L'attention portée au Secrétaire général des Nations unies par les médias est aussi grande que le nombre des articles de la Charte qui s'occupent de lui est réduit. Sa nomination y est traitée d'une façon rudimentaire laissant beaucoup de questions ouvertes. Les États membres ont été capables de trouver des solutions pratiques et acceptables pour les problèmes qui ont surgi. Les tâches administratives du Secrétaire général – comme d'ailleurs toutes ses tâches de caractère exclusivement international – sont également circonscrites dans la Charte d'une façon générale. Il joue cependant un rôle dans la préparation et l'exécution de la presque totalité des résolutions et décisions des organes et sous-organes des Nations unies. Le rôle du Secrétaire général est extrêmement important pour le bon fonctionnement de l'organisation dans tous les secteurs de sa compétence. Indépendamment de l'article 99, ce rôle est hautement politique et très difficile à remplir.The media focus on the General Secretary of the United Nations is as important as the number of articles of the UN Charter dealing with this position is limited. His appointment is discussed in a very rudimentary manner leaving many questions unanswered. The member states have been able to find practical and acceptable solutions to the problems that have appeared. They have thus expressed their interest for a General Secretary who should be able to work without being continually involved in conflicts about the legitimacy of his election. The administrative tasks of the General Secretary – as well as all his exclusively international tasks for that matter – are also presented in a very rudimentary and general manner in the Charter. He, nevertheless, plays an important role in the preparation and the implementation of almost all the resolutions and decisions of the various agencies and sub-agencies of the United Nations. On the other hand, the role of Article 99 of the Charter is often overestimated. Even without this Article, the General Secretary would not be a purely administrative position and Article 99 does not give him, in practice, an explicitly political responsibility. His responsibilities for the management of the staff are clearly established in the founding texts, but here again in a very general fashion. The role of the General Secretary is extremely important for the smooth operation of the Organization in all its spheres of competence. Despite Article 99, this role is highly political and very difficult to perform.
- L'organisation des Nations unies et ses juges - Guillaume Gilbert p. 89-102 Selon la Charte des Nations unies, la Cour internationale de justice est l'organe judiciaire principal de l'ONU. Ainsi, la Cour, institution judiciaire indépendante, n'en est pas moins partie intégrante des Nations unies. Elle a de ce fait des relations complexes avec l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, que l'on considère sa composition, son fonctionnement administratif, sa saisine ou les conditions d'exécution de ses décisions. La multiplication récente des juridictions internationales tant au sein qu'à l'extérieur de l'ONU amène en outre à s'interroger sur le rôle que la Cour pourrait jouer dans ce contexte nouveau pour assurer le respect et l'unité du droit international.According to the UN Charter, the World Court of Justice is the main judicial organ of the UN Although the Court is an independent judicial institution, it is nevertheless part of the Organization. It therefore entertains a complex relationship with the General Assembly and the Security Council, as regards its composition, its administrative operation, the mode of referral of cases, or the implementation of its rulings. The recent multiplication of international courts within and outside the UN raises questions about the role the World Court could play in this new context in order to guarantee the unity and respect of international law.
- Pourquoi les Nations unies font-elles problème pour l'Amérique? - Parmentier Guillaume p. 103-109 Les États-Unis ont largement inspiré la création des Nations unies, et l'idée qu'une « communauté internationale » puisse avoir une légitimité supérieure à celle des États qui la composent. Pourtant, au cours des années récentes, l'ONU a fait l'objet de critiques acerbes de la part des États-Unis. Les relations entre eux sont passées de l'espoir, né de la première guerre du Golfe, que les Nations unies jouent finalement le rôle qui leur avait été dévolu par ses fondateurs, à la brouille amère qui a marqué la fin des années quatre-vingt-dix. Cependant, depuis le 11 septembre, la plupart des Américains estiment que la légitimité de l'action internationale réside dans la participation à un système de valeurs démocratiques et non dans la reproduction de la réalité du monde, très imparfaite, dont l'ONU est l'expression. Toute la question est de savoir si l'Amérique traumatisée demeurera marquée par cette vision idéaliste de la société internationale, ou si elle retrouvera les voies du réalisme qui a inspiré l'essentiel de sa politique de 1945 aux années quatre-vingt-dix.The United States has, to a large extent, inspired the creation of the United Nations and the idea that an “international community” could have a legitimacy superior to that of the states which compose it. However, in recent years, the United Nations have been the target of caustic criticism by the United States. Their mutual relationship has changed from the hope, following the first Persian Gulf War, that the UN might finally perform the role envisaged by its founders, to the bitter quarrels of the late 1990s. However, since September 11, Americans think that the legitimacy of any international action comes from the participation to a system of democratic values rather than from the reproduction of the very imperfect world reality represented by the UN. The question now is whether the traumatized United States will maintain this idealistic vision of the international community, or whether it will move back to the realism that characterized most of its policy from 1945 to the 1990s.
- L'usage de la force par l'ONU - Bettati Mario p. 111-123 Depuis sa création, l'ONU a décidé, conduit ou autorisé des opérations armées de maintien de la paix, de rétablissement de la paix ou de protection humanitaire. Simples actions d'interposition, au début, ces opérations sont devenues, surtout après la fin de la Guerre froide, plus contraignantes jusqu'à constituer de véritables opérations d'imposition de la paix. Mais les moyens matériels, juridiques et humains mis à la disposition de l'organisation par les États membres n'ont pas toujours été à la hauteur de ses besoins. L'efficacité des interventions s'en est trouvée réduite et des critiques parfois sévères lui ont été adressées. Ce qui a conduit le Conseil de sécurité à sous-traiter ces actions avec ceux des États qui acceptaient de les déployer, notamment à des fins humanitaires. Toutefois, diverses actions armées récentes ont été menées sans l'accord des Nations unies au cours des dernières années. Une révision générale de la capacité d'intervention de l'organisation s'impose, mais elle demeure tributaire de la volonté politique des États.Since its creation the United Nations have decided, led or authorized military operations to maintain peace, to restore peace, or for humanitarian reasons. At first simple actions of interposition, these operations have become more constraining, in particular since the end of the Cold War, to the point of representing actions that aim to impose peace. But the material, judicial, and human means given to the Organization by the member states have not always been equal to its needs. Consequently, the efficiency of its interventions has declined and it has been the target of sometimes harsh criticism. This has, in turn, led the Security Council to subcontract these actions to the states that were willing to undertake them, in particular for humanitarian aims. However, several recent military interventions have been deployed without the consent of the United Nations. A general reappraisal of the UN's intervention capacity has become necessary but it depends on the political will of the member states.
- Réflexions sur la réforme de l'ONU - Védrine Hubert p. 125-140 Ce texte rappelle les arguments en faveur d'une réforme de l'ONU, même si celle-ci paraît aujourd'hui bloquée, et la nécessité d'une relégitimation du système multilatéral pour endiguer la contagion unilatéraliste. En plus de réformes de gestion et de fonctionnement, il préconise l'élargissement du Conseil de sécurité à six nouveaux membres permanents, l'encadrement et l'autolimitation du droit de veto, l'élargissement du chapitre VII à des interventions humanitaires, la réactivation et la redéfinition des tutelles, une seconde chambre constitutive. L'auteur est favorable à un Conseil de sécurité économique et social, mais se méfie d'une « architecture » institutionnelle globale aux pouvoirs excessifs et estime que ce n'est pas au sein de l'OMC qu'il faut veiller à la mise en œuvre des critères sociaux et environnementaux. Hubert Védrine estime que la réforme ne doit pas viser à fabriquer des institutions idéales et parfaites ni à rassembler les démocraties contre les autres régimes, mais à perfectionner l'enceinte au sein de laquelle tous les pays doivent pouvoir coexister et coopérer.In this article Hubert Védrine recalls the arguments in favor of a reform of the United Nations – even if such a reform seems at a standstill today –, as well as the necessary re-legitimization of the multilateral system in order to counter the unilateralist trend. In addition to reforms regarding the management and operation of the Organization, he advocates the opening of the Security Council to six new permanent members, the monitoring and self-limitation of the right of veto, the widening of Article VII to humanitarian interventions, the reactivation and redefinition of administrative supervision, and a second constitutive chamber. The author favors an Economic and Social Security Council, but is suspicious of a global institutional “architecture” with excessive powers, and feels that it is not up to the WTO to implement social and environmental criteria. Hubert Védrine thinks that this reform should not aim to create ideal and perfect institutions, nor to regroup democracies in opposition to other regimes, but to improve the framework within which all countries should be able to coexist and cooperate.
Chroniques
- Repères étrangers. (1er octobre - 31 décembre 2003) - Astié Pierre, Breillat Dominique, Hiscock-Lageot Céline p. 143-153
- Chronique constitutionnelle française. (1er octobre - 31 décembre 2003) - Avril Pierre, Gicquel Jean p. 155-181