Contenu du sommaire : L'Amérique latine
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 98, 2001/3 |
Titre du numéro | L'Amérique latine |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'Amérique latine dans la géopolitique mondiale - Saint-Geours Yves p. 5-16 Le récent sommet des Amériques de Québec laisse présager la constitution d'une vaste zone de libre échange panaméricaine à l'horizon de 2005. Pour autant les pays d'Amérique latine et des Caraïbes sont, d'une part, très divers, et, d'autre part, traversés par des tensions internes que la pauvreté, les inégalités sociales ou ethniques, les questions liées aux identités culturelles ou religieuses entretiennent. Dans un espace conquis par les procédures démocratiques et dans le contexte d'un modèle libéral de développement économique, les pays d'Amérique latine s'engagent dans des processus d'intégration multiples et parfois concurrents. L'ALENA d'un côté et le Mercosur de l'autre dessinent une alternative pour l'avenir d'un sous-continent, qui sera aussi en première ligne pour le traitement des grandes questions « globales » : développement durable, identités culturelles...Following the recent Summit of the Americas in Quebec, the constitution of a vast pan-American free-trade zone may be expected by 2005. However, the countries of Latin America and the Caribbean are very diverse, and are experiencing internal tensions compounded by poverty, social or ethnic inequalities, as well as problems arising from cultural or religious identities. In a region converted to democratic procedures, and within the framework of a liberal model of economic development, Latin American countries are entering into multiple and sometimes opposite processes of integration. NAFTA and MERCOSUR present alternative models for the future of a sub-continent that will also be at the vanguard of the treatment of “global” issues, such as sustainable development or cultural identities.
- L'État en Amérique latine - Bon Pierre p. 17-36 Entendu stricto sensu comme le cadre du pouvoir, l'État ibéro-américain soulève plusieurs séries de problèmes. D'abord, celui de la difficile structuration de l'Amérique latine en États. Ensuite, ceux qui sont liés aux éléments classiques de l'État que sont le territoire (multiplicité des conflits territoriaux), la population (création artificielle de nations solides qui, néanmoins, sont multiculturelles) et l'autorité (autrefois souvent contestée de l'extérieur, maintenant parfois contestée de l'intérieur). Enfin, ceux qui naissent du choix de la forme de l'État (État fédéral ou État unitaire) même si, quelle que soit cette forme, il y a un mouvement général de décentralisation qui doit être poursuivi. Entendu lato sensu, l'État ibéro-américain soulève deux interrogations supplémentaires : les États militaires qui disparaissent dans les années 1960 sont-ils remplacés par des États véritablement démocratiques ? La remise en cause contemporaine de l'État néo-libéral annonce-t-elle un retour de l'État ?Taken stricto sensu, as the framework of power, the Latin-American state raises several types of problems. First, the difficult organization of Latin America into States. Then, problems linked to the classic elements pertaining to the state, such as territory (multiplication of territorial disputes), population (artifical creation of nations that are strong, and yet multicultural), and authority (in the past it was often challenged from without, and it is now sometimes being challenged from within). Finally, problems emerging from the form of the State (federal or centralized), even though, whatever the form chosen, the general movement toward decentralization should be carried on. Taken lato sensu, the Latin-American state raises two additional questions : Have the military states which disappeared in the 1960s been replaced by genuinely democratic ones? Does the current challenge to the neo-liberal model announce a come-back of the state?
- Consolidation démocratique ? Pour une approche constitutionnelle - Blanquer Jean-Michel p. 37-47 La question de la consolidation démocratique en Amérique latine implique un recours conjoint à la science politique et au droit constitutionnel. Grâce à la première, on peut prendre la mesure des phénomènes qui ont permis la transition puis la consolidation (influence extérieure, crise du modèle économique, demande sociale, intégration régionale...). Mais, de façon complémentaire, l'approche institutionnelle permet de comprendre structurellement le rapport essentiel entre droit et histoire dans des pays qui, tout en étant très différents, ont connu des cycles comparables depuis les indépendances du XIXe siècle, marquées par une adhésion très précoce aux principes démocratiques.Political science and constitutional laws are useful tools to study the current process of democratic consolidation in Latin America. The first allows us to measure the phenomena which have made the transition and the consolidation possible (external influences, crisis of the economic model, social demand, regional integration?). As a complementary approach, the second allows us to understand the structural nature of the essential relationship between law and history in countries which, though very different, have experienced similar cycles since their independance in the XIXth century, marked by and early adhesion to democratic principles.
- L'intégration régionale en Amérique latine : le mythe de Sysiphe - Sberro Stephan p. 49-61 L'histoire de l'intégration est indissociable de l'histoire même de l'Amérique latine. Commencée par l'échec du morcellement initial, sauf au Brésil, elle est depuis une suite de tentatives avortées. La présence des États-Unis introduit une complication additionnelle et à l'alternative consolidation nationale/intégration régionale s'ajoute celle de l'intégration ou non des États-Unis (panaméricanisme contre latino-américanisme). Depuis la Seconde Guerre mondiale, le débat s'est précisé et enrichi d'expériences de plus en plus concrètes qui n'ont toutefois pas su apporter un élan décisif à l'intégration dans le continent. La fin de la guerre froide semble avoir donné un nouveau souffle tant au latino-américanisme avec le Marché commun des pays du Cône Sud, qu'au panaméricanisme avec l'Initiative pour les Amériques puis la Zone de libre échange des Amériques lancées par George Bush et Bill Clinton. S'il est difficile de savoir si les expériences actuelles connaîtront davantage de succès que les précédentes, elles prouvent au moins que, quelles que soient les conditions historiques, sociales ou économiques, les dirigeants latino-américains se remettent sans relâche à l'ouvrage inachevé, prouvant qu'il reste au cœur du débat politique dans la région.Regional integration stimulated by the failure of the initial fragmentation, except in Brasil, has been a series of aborted attempts. The presence of the United-States adds an additional complication. Indeed, to the alternatives of national consolidation and regional integration must be added the possible integration of the United States (pan-Americanism vs. Latin-Americanism). The end of the Cold War seems to have given a new vitality both to Latin-Americanism, with the creation of Mercosur, and to Pan-Americanism with the Initiative for the Americas and the Free Trade Zone of the Americas launched by George Bush and Bill Clinton. While it is difficult to know whether the current experiments will be more successfull than previous ones, they never the less testify to the fact that, regardless of the historical, social and economic conditions, Latin-American leaders go back to work without respite on the unfinished project, thereby proving that it remains at the center of the political debate in the region.
- Les avatars du présidentialisme dans les États latino-américains - Moderne Franck p. 63-87 À l'origine plus ou moins directement inspirés par la Constitution des États-Unis mais aussi tributaires de considérations locales (idéologie bolivarienne, pratiques du caudillisme et du caciquisme), les gouvernements présidentiels latino-américains ont rapidement dérivé vers des formes diversifiées de présidentialisme personnalisé. Modèle dominant, le présidentialisme des États d'Amérique latine se caractérise par une hypertrophie accentuée des pouvoirs du président élu, chef unique de l'exécutif, sur façade démocratique. La mythification de la fonction présidentielle a pu conduire ainsi au césarisme constitutionnel, voire à la dictature, les seuls antidotes prévus étant le principe de non-réélection et la mise en accusation pénale du chef de l'État. Mais la controverse présidentialisme-parlementarisme revient à l'ordre du jour. Quelques éléments propres aux régimes parlementaires se sont glissés çà et là dans les chartes constitutionnelles. Combinée avec le retour à des formes plus authentiques de démocratie élective ou de participation populaire et avec le développement de partis politiques cohérents et organisés, cette évolution affecte la plupart des États de la zone, soulignant ainsi l'isolement des expériences marxisantes (Cuba) ou néo-populistes (République bolivarienne du Venezuela).Originally more or less directly inspired by the Constitution of the United States, but also influenced by local factors (bolivarianism, caudillismo, caciquism), the Latin-American presidential governments have rapidly drifted toward various forms of personalized presidentialism. The dominant model of Latin-American presidentialism is characterized by a marked hypertrophy of the power of the elected president, sole chief of the Executive branch, behind a democratic facade. The mythicizing of the presidential function has led to constitutional caesarism, or even to dictatorship, the only existing antidotes being the principle of a single term and the penal responsibility of the Chief of State.However the controversy between presidentialism and parliamentarism is back on the agenda. A few elements typical of parliamentary regimes have begun to appear in constitutional charters. Combined with a return to more genuine forms of elective democracy or popular participation, and with the development of coherent and well-organized political parties, such an evolution affects most of the states of the region, underscoring the isolation of marxist or neo-populist experiences such as Cuba and the Venezuelan Bolivarian Republic.
- L'apurement du passé - Hermet Guy p. 89-101 La difficulté qu'il y a d'apurer le passé dictatorial proche de l'Amérique latine se révèle double. Elle procède de la complexité d'une mise en œuvre équitable du devoir de mémoire et de recherche de la vérité, et aussi de la nécessité de réfléchir sur l'opportunité d'un pardon des crimes commis décrété au nom de la réconciliation nationale. Par ailleurs, cette fois au regard de facteurs politiques nouveaux tant locaux que mondiaux, cette difficulté résulte du déphasage qui s'observe entre les substances très tangibles de l'histoire récente de l'Amérique latine et les exigences fort abstraites et ignorantes des contextes réels des hérauts pourtant bien intentionnés de la justice globale des droits de l'homme.There are two types of difficulties in trying to audit the recent dictatorial past of Latin America. The first is linked to the complexity of a fair exercice of the « duty of memory » and of the discovery of the truth, as well as to the need to ponder the timelessness of a general pardon in the name of national reconciliation. In the context of new local and global political factors, the second difficulty comes from the visible discrepancy between the very concrete nature of recent history in Latin America and the very abstract demands, oblivious to the local reality, of the well-intentionned fighters for a global defense of human rights.
- Crise, transformation et restructuration des systèmes de partis - Couffignal Georges p. 103-115 Les partis politiques ont été des acteurs majeurs des transitions démocratiques en Amérique latine. Au cours de la décennie passée, ils sont, dans la plupart des pays, entrés dans une crise profonde, sur fond de dégradation des institutions démocratiques. Certains n'ont pas su changer leurs pratiques et ont parfois complètement disparu, balayés par le succès d'outsiders charismatiques et antipartis. D'autres ont laissé naître à leur côté des formations concurrentes. Tous ont eu tendance à se « désidéologiser » et à se transformer en de simples machines électorales, au service de candidats qui recourent de plus en plus au discours populiste, à l'instar de ceux qui ont mis fin à la partitocratie.Political parties have been major players in the democratic transitions in Latin America. However, during the past decade, in most countries they have experienced a major crisis in relation to the degradation of democratic institutions. Some have been unable to alter their practice, and have sometimes disappeared, wiped out by the success of charismatic and anti-party outsiders. Others have let competitors emerge. All have tended to abandon their ideological stance and to transform themselves into simple electoral machines, serving candidates who increasingly resort to a populist discourse, following the example of those who put an end to the « partitocracy ».
- Violence, politique et armée en Amérique latine - Gourdon Hubert p. 117-134 En Amérique latine, on constate aujourd'hui le retrait des armées de l'espace politique, qui tient pour une part à la difficulté qu'éprouve la corporation militaire à adapter ses structures. Celles-ci sont en effet commandées par le principe de hiérarchie de compromis et négociations inhérents aux processus d'élaboration de la décision politique. Les violences collectives qui secouent de manière persistante ces sociétés sollicitent aujourd'hui encore un interventionnisme militaire qui peut, dans certains États, conduire l'armée à se substituer à nouveau aux autorités civiles.In Latin America today, the army tends to abandon the political field, a trend which is partly explained by the difficulties encountered by the military corporation in adapting its own structures. Indeed, the latter are based on a hierarchical principle alien to the compromises and negociations typical of the policy-making process. The collective outbursts of violence recurrent in these societies still prompt a military interventionism which may, in some cases, lead once again the army to replace the civil authorities.
- Pluralisation religieuse, pouvoir politique et société en Amérique latine - Bastian Jean-Pierre p. 135-146 L'Amérique latine se pluralise sur le plan religieux, ce qui entraîne une redéfinition des rapports religion, pouvoir politique et société. Informées par une culture catholique, les représentations du pouvoir continuent de se traduire dans le sens d'un corporatisme sociétal. Ceci explique la mobilisation collective des nouveaux acteurs religieux pentecôtistes qui usent de leur rapport clientélaire à l'État pour combattre la relation historique exclusive détenue par l'Église catholique. Ceci pose la question du type de sécularisation religieuse qui caractérise la région latino-américaine et le rôle du religieux dans les processus actuels de transition démocratique.The growing religious pluralism of Latin America is bringing about a redefinition of the relationship between religion, political power, and society. Shaped by a Catholic culture, the representations of power are still expressed in a corporatist model of society. This explains the collective mobilisation of the new Pentecostal religious actors, who are using their bargaining power with the state in order to fight the exclusive historical relationship held by the Catholic Church. This raises questions as to the type of religious secularisation which characterizes Latin America, and the role of religion in the current process of democratic transition.
- Métissage et identité. La mosaïque des populations et les nouvelles demandes ethniques - Gros Christian p. 147-159 L'article s'interroge sur la montée des revendications ethniques en Amérique latine à rebours des politiques du métissage culturel promues jusque-là dans le cadre public des indigénismes. Contrairement aux apparences, les demandes identitaires s'orientent moins vers un repli communautaire que vers une exigence de participation aux prises de décision qui affectent l'avenir des sociétés indigènes au sein de nations définies désormais comme multiculturelles.The article deals with the growing ethnic militancy in Latin America which runs counter to the cross-cultural policies promoted until recently by the various native groups. In spite of appearances, this turn to identity politics does not lead so much to a communitarian withdrawal than to a demand for participation to the making of decisions which affect the future of native societies within multicultural nations.
Chroniques
- Repères étrangers. (1er janvier - 31 mars 2001) - Astié Pierre, Breillat Dominique, Hiscock-Lageot Céline p. 163-166
- Chronique constitutionnelle française. (1er janvier - 30 avril 2001) - Avril Pierre, Gicquel Jean p. 167-197