Contenu du sommaire : L'Europe de l'Est vingt ans après : y a-t-il encore un camp socialiste?

Revue Revue Française de Science Politique Mir@bel
Numéro 19e année, n°1, 1969
Titre du numéro L'Europe de l'Est vingt ans après : y a-t-il encore un camp socialiste?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'Europe de l'Est vingt ans après : y a-t-il encore un camp socialiste?

    • Avant-propos - Jean Meyriat p. 5-10 accès libre
    • Les réalités contre l'idéologie. Classes et nations dans l'Europe socialiste - Hélène Carrère D'encausse p. 11-45 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ?Les réalités contre l'idéologie H. Carrère d'Encausse L'histoire du xxe siècle a été marquée par la désagrégation des empires multinationaux, l'effondrement des empires coloniaux et l'instauration, en Europe et en dehors, des Etats nationaux souverains. Cependant l'évolution de l'Etat soviétique s'est faite en sens inverse. Né de l'idéologie internationale de Marx, défenseur de la libre détermination des nations, cet Etat a reconstitué sous la bannière du socialisme l'ancien Empire russe, puis unifié sous son autorité l'Europe orientale. En principe cette unification a été réalisée au nom de l'unité des classes travailleuses, de leur sentiment d'appartenance à une communauté globale, la classe, qui transcende les communautés nationales. La réalité a mis en évidence les difficultés que rencontre l'idéologie lorsqu'elle est projetée dans un cadre précis, lorsqu'elle s'institutionalise. Partout, en U.R.S.S, comme dans le reste de l'Europe so­cialiste, les intérêts nationaux ont tendu à prendre le pas sur les intérêts de classe, mettant en question la vali­dité de l'idéologie. Si l'U.R.S.S., devant les difficultés nées de la confrontation de la théorie et de la pratique, continue à affirmer son adhésion à une théorie inchangée, tout en essayant de forcer la réalité à s'y adapter, d'autres pays communistes, telle la Roumanie, font du réel la base d'une nouvelle théorie où le fait national est le fondement des relations socialistes et d'un nouvel internationalisme.
      Reality versus ideology H. Carrère d'Encausse The history of the twentieth century has been marked by the disintegration of multinational empires, the collapse of colonial empires and the setting up, in Europe and outside it, of national sovereign states. But in Russia the evolution is inverted. Born of the internationalist ideology of Marx, who defended the right of nations to dispose of themselves, this state has reconstituted under the banner of socialism the old Russian Empire and then unified Eastern Europe under its authority. In principle this unification was realised in the naine of the unity of the working classes, of their common community, their class, which was said to transcend national communities. The facts have however shown the difficulties ideology meets with when it is projected, into a precise framework, when it becomes institutionalized. Everywhere, in Russia as in the rest of Socialist Europe, national interests have tended to dominate class interests, questioning thus the validity of the ideology. If Russia faced with the difficulties born of the confrontation of theory and practice, continues to assert its belief in an unchanged theory, to which it tries to bend the facts, other communist countries such as Rumania, found on reality a new theory ? in which national identity is the foundation of the relationship between socialist countries and of a new internationalism.
    • Les idées contre l'idéologie. Formes et degrés de la débolchevisation - Kostas Papaioannou p. 46-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ?Les idées contre l'idéologie K. Papaioannou La disparition de Staline a ouvert la première phase de la crise générale de la bureaucratie. A la toute-puis­sance de l'ordre stalinien succède une critique systématique de tous les éléments de cette puissance, et cette critique, œuvre d'une intelligentsia révoltée qui, de 1965 à 1968, n'a cessé de s'exprimer dans toute l'Europe socialiste, a porté ses coups non seulement contre le stalinisme mais aussi contre la déstalinisation officielle. En effet, si le pouvoir soviétique a essayé de maintenir la révolte dans le cadre de la critique du « culte de la person­nalité », les intellectuels eux ont attaqué le fond du problème, le système stalinien, dénonçant l'aliénation idéologique, politique et sociale, qu'il recouvrait. Si actuellement cette analyse fondamentale est par moments freinée, voire réduite au silence, par la force des armes, l'effet de la démystification de l'idéologie bolchevique est vraisemblablement irréversible, et derrière le bolchevisme se profile de nouveau l'esprit réel de Marx et les espoirs dont il était le messager.
      Ideas versus ideology K. Papaioannou Stalin's disappearance opened the first stage in the general crisis of bureau-cracy. The all-powerfulness of Stalin's system was replaced by a systematic criticism of all its components. This criticism ? the work of an « angry » intelligentsia which from 1956 to 1968, has constantly made its voice heard throughout Socialist Europe has attacked not only stalinism but also the official destalinization. For if the Soviet government has tried to maintain the revolt within the limits of the criticism of the « personnality cuit », the intellectuals have attacked the heart of the matter, Stalin's System, denouncing the political and social ideological alienation it hid. If at present this fundamental analysis is from time to time checked ? even silenced by arms ? the effect of the démystification of bolchevik ideology can probably not be reversed, and behind bolchevism Zooms again the true spirit of Marx and the hopes he conveyed.
    • Les appareils révolutionnaires et la révolution dans les appareils - François Fejtö p. 63-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les appareils révolutionnaires et la révolution dans les appareils François Fejtö De la disparition de Staline au printemps tchécoslovaque puis à l'intervention militaire d'août 1968, le monde communiste semble avoir connu un total bouleversement. En réalité, à considérer de près les institutions des pays communistes, on y constate des changements profonds, mais aussi des constantes. Parmi ces dernières, il faut d'abord compter la volonté de domination de l'U.R.S.S, et le maintien du contrôle soviétique par les appareils des partis locaux. Cependant ces appareils, organes de l'unité, connaissent eux aussi une révolution, ils tendent à se transformer dans leur composition, leurs conceptions, leurs méthodes, leurs relations avec la société elle-même. La pression sociale pour une modification du fonctionnement des organisations sociales, une démocratisation, une ouverture vers le pluralisme accélèrent aussi ce processus. La Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Yougoslavie sont à des titres divers les centres d'expériences les plus importants ; partout le renouvel­lement passe actuellement par le parti, mais, en Yougoslavie, il existe peut-être avec l'armée une autre éventualité que ce modèle général de démocratisation.
      The revolutionary machine and the revolution within machine François Fejtô From Stalin's death to the Czecho-Slovak spring, and the military intervention of August 1968 thz communist world seems to have been thoroughly shaken. In fact, if one studies thz institutions of thz communist countries closely, one can see both change and continuity. Examples of thz latter are thé USSR's désire to dominate and thz maintaining of Soviet control over thz other party machines. But thzse parties, instruments of unity, are also undergoing a revolution ? in their composition, their conception, their methods, their very relations with society. Social pressure in javour of changes in the working of social organisations, of a democratization ? a first step towards pluralism ? also accelerates this process. Czecho-Slovakia, Rumania, Jugo-Slavia are, in different capacities, centres of the rnost vital experiments : at present renovation occurs in each case via the party ; but in Jugo-Slavia perhaps the army offers an alternative to this general model of democratization.
    • Réalités économiques et volonté d'intégration - Michael Kaser p. 88-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ?Réalités économiques et volonté d'intégration Michael Kaser Malgré l'existence d'un concept étendu de « camp socialiste », les liens institutionnels unissant les nations socialistes entre elles indiquent que, dans la pratique, ce camp est limité à l'U.R.S.S, et aux pays de l'Europe de l'Est, à l'exception de l'Albanie et de la Yougoslavie. L'intervention soviétique d'août 1968 en Tchécoslovaquie visait à sauvegarder la cohésion politique de ce camp ; elle ne résout pas pour autant le second problème posé à l'U.R.S.S, par les orientations économiques récentes de certains pays de l'Europe de l'Est, celui du maintien de la dépendance économique mutuelle où ces pays s'étaient engagés au cours de leur planification d'après-guerre. Les réformes économiques tentées dans la plupart de ces pays depuis 1956-1958, et tout particulièrement au cours des dernières années, qui réorientent vers le profit les entreprises d'Etat, les poussent à rechercher l'aide du capital et de la technologie occidentale et une ouverture commerciale vers l'Occident. La restructuration du commerce des pays de l'Est européen suppose maints changements à l'échelle internationale, mais surtout suppose que l'U.R.S.S, consente à relâcher le lien qui a jusqu'à présent existé entre le Comecon et le Pacte de Varsovie. Si toute l'évolution interne des pays liés à l'U.R.S.S, la pousse à distendre ce lien, il semble que jusqu'à présent l'attitude soviétique soit plutôt fondée sur la volonté de lier la coordination des plans dans le cadre du Comecon à des engagements dans le cadre du Pacte de Varsovie.
      The economic situation and the desire for integration Michael Kaser Despite the existence of an extensive definition of the « socialist block », the institutional links between the socialist nations show that, in practise, this « side » is limited to thé USSR and the Eastern European countries, with the exception of Albania, and Jugo-Slavia. The aim of thé Russian intervention in Czecho-Slovakia in August 1968 was to safeguard the political cohesion of this block; it does not however solve the second problem put to the USSR by the recent economie trend in certain Eastern European countries ? that of keeping these countries in a mutual economie dependence similar to that they knew during the post-war period. The economie reforms that most of these countries have tried to put into effect since 1956-1958, especially during the last few years, tend to base state enterprise on profit and cause them to seek the capitals and technology of the West and commercial openings in the West. The restructuration of the trade of the Eastern European countries supposes many changes at an international level, but it supposes above ail that the USSR agrée to loosen the ties which until now exis-ted between the Council for Mutual Economie Assistance and the Warsaw Pact. If the internal évolution of the countries linked to the USSR pleads in favour of such a step, it seems that so far thé Russian attitude has been founded on the desire to link coordination within the Comecon to the agreements within the Warsaw Pact.
    • L'Europe de l'Est entre l'Est et l'Europe - Pierre Hassner p. 101-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      ?L'Europe de l'est entre l'est et L'Europe Pierre Hassner Pour comprendre la situation de l'Europe de l'Est à l'intérieur du système européen et international, il faut étudier l'interaction de trois niveaux : celui de l'activité diplomatique, celui de l'évolution sociale et idéologique, celui de l'équilibre militaire et territorial. Après la guerre froide commandée par la division territoriale et la domination militaire, les années 1962-1967 ont vu le primat des initiatives diplomatiques venant en particulier de la France et de la Roumanie ; 1968 montre l'importance première, même au point de vue international, des tensions et des transformations inté­rieures, et la puissance de conservation et de réaction des structures appuyées sur la force. L'U.R.S.S, ne peut supprimer en Europe de l'Est ni la volonté d'indépendance nationale ni la soif d'ouverture aux courants transnationaux du monde moderne ; mais elle peut rendre apparent que l'espace géographique et politique de l'Europe de l'Est est défini par la portée de sa domination. Si ses objectifs sont essentiellement conservateurs, ils posent cependant des questions troublantes quant aux limites de leur application. L'opposition entre l'aspiration au changement dans la population et l'immobilisme autoritaire des dirigeants doit amener à une succession de crises imprévisibles. Celles-ci ne peuvent manquer d'affecter le monde extérieur et d'être indirectement affectées par lui, à travers les liens inévitables qui existent entre l'évolution à l'intérieur des deux alliances, la nature des relations Est-Ouest et la stabilité de l'Europe.
      East europe between east and Europe Pierre Hassner The situation of East Europe must be understood through the interaction of three fundamental levels within the framework of the European and the international system ; diplomatie activity, social and ideological evolution, military and territorial balance. After the primacy of the latter during the cold war, we witnessed, between 1962 and 1967, the primacy of diplomatie initiatives, designs and tentative realignments, personified by France and Rumania ; 1968 shows on the one hand the primacy, even from the international point of view, of domestic tensions and transformations and, on the other hand, the staying power of established structures based on force and their ability to fight back. The Soviet Union can suppress neither the désire for national independence nor the need for an opening of the région to transnational winds of change ; but she can make it clear that the geographical and political limits of East Europe are defined by the scope of Soviet domination. However, while her goals are mainly conservative, their theoreical formulation raises disturbing questions about « grey areas » in Europe. The gap between popular aspirations to change in the Soviet Empire, and the authoritarian conservatism of the rulers must bring about a period of umpredictable instability and crises. Their outcome cannot help indirectly affecting the outside world and being affected by it, via the inévitable link between the evolution within the Eastern and the Western alliances, the nature of East-West relations, and the stability of Europe.
  • Les forces politiques en France

  • Notes bibliographiques

  • Informations bibliographiques - p. 194-255 accès libre