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Quels sont les processus capables de remettre en question la différenciation de l'Etat dans les sociétés contemporaines ? En acceptant une définition très restrictive de l'Etat comme résultat de la différenciation se produisant seulement dans certaines sociétés, on refuse, pour éviter tout évolutionnisme, de considérer ce processus comme définitif et on s'efforce de mettre au jour les événements qui peuvent affecter cette structure : développement de la démocratie comme espace public contraire à l'Etat, épanouissement du marché qui réduit l'Etat à un rôle minimal, organisation du corporatisme qui introduit les intérêts privés dans une structure devant fonctionner de manière universaliste, apparition de mouvements de mobilisation collective remettant en question l'institutionnalisation de l'Etat, déclenchement de guerres qui peuvent à leur tour provoquer la dédifférentiation de l'Etat. Une sociologie comparative reposant sur de multiples exemples empiriques permet d'illustrer ces perspectives et de mesurer les résistances éventuelles de l'Etat.

Lorsque a éclaté la guerre du Liban en 1975, la communauté chi'ite, la plus nombreuse et la plus défavorisée du pays, constituait le gros de militants des partis progressistes membres du Mouvement national allié aux Palestiniens. En peu d'années, elle se trouve mobilisée par une organisation communautaire fondée par un religieux, qui pèse de tout son poids pour le rétablissement de la légalité tout en réclamant un rééquilibrage confessionnel du système politique libanais. Changement radical ? Au Proche-Orient arabe, les identités communautaires enracinées dans la religion et l'histoire se combinent avec des identités de classe esquissées à partir d'un processus naissant de modernisation. Dans une crise qui menace la survie des individus, les identités primaires prennent le dessus ; les identités plus fragiles se recomposent en fonction des bouleversements du pays. Et derrière l'unanimité communautaire invoquée par la direction de Amal se profilent de multiples clivages idéologiques, sociaux, régionaux.

Folklore ou Volkskunde, ce mot évoque un appel qui porte simultanément l'empreinte d'un savoir légitimé et l'écho d'une « primitive innocence » perdurant aux marches d'un monde à présent « télématisé ». Or cet intérêt positif porté aux usages et coutumes populaires apparaît comme un phénomène relativement récent dans l'histoire des idées européennes dont on découvre l'ébauche puis l'épanouissement dans les débats qui occupèrent l'intelligence allemande pendant le dernier tiers du 18e siècle. C'est en s'opposant à l'universalisme de la ratio kantienne que le premier romantisme découvre la culture populaire qui servira à construire la nouvelle langue et la nouvelle culture savante : la Bildung. La référence populaire devait rapidement déborder sur le politique grâce à l'idée de liberté portée par la Révolution française. Ainsi naquit une conception médite de FEtat-nation qui identifiait en une seule et même entité l'étendue de l'ethnie souveraine et l'aire linguistique des parlers. Loin de représenter par rapport à l'universalisme des Lumières une régression, cette conception est le moment inaugural de la modernité politique dont J.G. Herder fut le premier philosophe à systématiser les raisons historiques, linguistiques et métaphysiques. Au travers d'un chemin à rebours qui commence avec les ersatz touristiques les plus dégradés de l'héritage herdérien, la modernité doit être regardée comme une pensée et une dynamique sociale qui incluent les schizes dues aux recours à l'archaïsme ethnique.

L'étude de la critique du marxisme à laquelle, en son temps, procède Camus peut paraître aujourd'hui d'un intérêt limité : elle occupe peu de place dans son œuvre et présente bien des faiblesses et des contradictions. Mais elle se veut radicale au sens où il s'agit non pas d'une critique des excès ou des déviations mais d'un historicisme qui pervertit la théorie marxienne elle-même. Une telle critique théorique, au-delà de l'indignation morale, convainc Camus de l'urgence d'un engagement antitotalitaire : il refuse, en effet, de transiger au nom d'une quelconque nécessité de l'histoire ou d'une quelconque arriération de société gélatineuse... En ce sens, cette étude est susceptible d'éclairer d'autres aspects de l'œuvre de Camus et de bousculer quelques idées reçues à l'égard d'une « belle âme » condamnée à l'inaction : Camus a moins choisi la morale contre la politique qu'il n'a tenté de penser leur consubstantialité.

« L'affaire Ponting » a commencé avec la poursuite en justice de Clive Ponting, haut fonctionnaire au ministère britannique de la Défense, en août 1984, pour fuites sur les circonstances du torpillage du General Belgrano, durant la guerre des Malouines en 1982. Clive Ponting est acquitté en janvier 1985. L'analyse des événements ayant conduit aux fuites et de l'attitude du gouvernement et de l'opposition face à l'« affaire » permet de s'interroger sur l'intervention du gouvernement dans le fonctionnement de la justice, la législation sur le secret des actes officiels, la neutralité politique des hauts fonctionnaires britanniques et la nécessité éventuelle d'une réforme qui conduirait à l'institution de cabinets ministériels à la française.

Les modèles permettant d'expliquer les résultats électoraux d'un pays ne sont pas toujours de bons instruments de prévision. En particulier, ils utilisent souvent des variables indépendantes dont la valeur n'est pas connue suffisamment longtemps avant l'élection. Le modèle de Lewis-Beck et Rice, pour les élections à la Chambre des représentants des Etats-Unis, ne présente pas ce défaut : deux variables mesurées six mois avant l'élection ? la popularité du Président et la croissance réelle du PNB trimestriel ? permettent de bien prévoir les résultats en voix et les résultats en sièges. En appliquant ce modèle à l'étude des élections législatives françaises, les résultats obtenus sont très satisfaisants et peuvent servir de base à des prévisions électorales pour 1986 (pourcentage des voix obtenues par les partis de gauche et nombre des sièges attribués à ces partis).

Le rapprochement des champs de savoir, naguère séparés, de la science politique et des disciplines psychologiques et/ou de la psychanalyse a des conséquences importantes aussi sur le statut scientifique de la science politique elle-même. Certaines de ces conséquences peuvent être négatives. Notamment, les normes de décentrement des auteurs, souvent brillants, venus d'horizons extérieurs à la science politique et qui écrivent sur des sujets politiques sont parfois moins contraignantes que les nonnes jusqu'ici communément admises dans la discipline (ou d'ailleurs parfois dans certaines des disciplines d'origine de ces auteurs). Il en va de même pour les nonnes de spécification des concepts et des données : la science politique a des exigences épistémologiques et méthodologiques plus strictes que celles qui régissent le marché des « objets culturels généraux ». C'est ce qui apparaît à l'examen d'un ouvrage récent représentatif de ces courants de la littérature scientifique : E. Enriquez, De la horde à l'Etat, Essai de psychanalyse du lien social.