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Revue | Revue Française de Science Politique |
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Numéro | 41e année, n°1, 1991 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pratiques représentatives et construction identitaire. Une approche des coordinations - Patrick Hassenteufel p. 5-27 II est intéressant d'étudier les coordinations apparues dans le monde du travail en partant de leurs pratiques représentatives, la dimension « représentative » étant une des grandes lacunes des paradigmes dominants de l'étude de l'action collective et de la mobilisation. Ces pratiques se caractérisent par une forme de rapport direct entre représentant et représenté. Elles permettent un rapport « limité » des acteurs au collectif, garant de leur autonomie individuelle et caractéristique du rapport au politique de la génération qui s'est mobilisée au sein des coordinations. Leurs pratiques représentatives sont également un vecteur central de la construction identitaire, à fondement professionnel et générationnel. L'échec des syndicats à mobiliser ces acteurs peut s'expliquer par leurs pratiques représentatives trop médiatisées et par une construction identitaire privilégiant l'affirmation d'identités organisationnelles.Representational practices and identity construction : a study of "coordinations " It is interesting to study the " coordinations " (informal committees) which have appeared in the French labor world by starting with their representational practices, for the " representation " dimension is one of the major gaps in the dominant paradigms for the study of collective action and mobilization. These practices are characterized by a form of direct link between the representative and the represented. This mode of representation favors a " limited " relations between the actors and the group, which guarantees their individual autonomy, characteristic of the relationship to politics of the generation which mobilized itself in the " coordinations ". Their representational practices are also a central vehicle of identity construction, centered on occupation and generation. The failure of trade unions to mobilize these actors can be explained by their overpublicized representational practices and by an identity construction which stresses the affirmation of organizational identities.
- Le Conseil d'État et la laïcité. Propos sur l'avis du 27 novembre 1989 - Jean-Claude William p. 28-58 L'avis du Conseil d'Etat du 27 novembre 1989 relatif au problème posé, au regard de la laïcité, par un petit nombre de jeunes filles de confession musulmane qui se présentaient à l'école la chevelure dissimulée par un foulard, marque une double évolution : quant à la fonction d'expertise du Conseil d'Etat ; quant au contenu de la notion de laïcité. L'auteur s'efforce d'en repérer les manifestations et cherche à faire ressortir les interrogations et les conséquences suscitées par cette double évolution.The Conseil d'Etat and secularism. The advice rendered on 27 november 1989 The 27 November 1989 advice of the French Conseil d'Etat on the problem concerning secularism raised by a few Muslim girls who came to school with their hair hidden by a scarf signifies a two-fold shift : concerning the expertise function of the Conseil d'Etat, and concerning the meaning of secularism. The author identifies their expressions and seeks to show the issues and the consequences brought up by this double shift.
- Révolution et démocratie : Rosa Luxemburg - Martine Leibovici p. 59-80 A rebours de l'illusion rétrospective qui tend à ancrer le totalitarisme comme abolition de la démocratie dans le phénomène révolutionnaire lui-même, l'œuvre de Rosa Luxemburg se caractérise par l'exigence jamais abandonnée d'articuler révolution et démocratie. La révolution (dont la théorie apparaît dans Grève de masses, parti et syndicat) est chez elle la redécouverte par les masses de l'action politique : c'est ainsi qu'à partir de certaines catégories de pensée arendtienne on peut interpréter la notion de spontanéité, laquelle est auto-organisation et non violence. De plus, Rosa Luxemburg ne cessera de considérer comme essentielle la question de la forme de régime politique appropriée au pouvoir du peuple (d'où ses critiques adressées à la Révolution russe), s'inscrivant en faux contre la notion de « démocratie bourgeoise ». Refusant toute conception de l'action politique comme fabrication, commandement ou stratégie militaire, il y a chez elle une théorie de l'organisation politique d'inspiration machiavélienne, dont l'action est vue comme une intervention dans le présent et la contingence. Cette contingence reste toutefois inscrite dans le cadre fixé par Marx qui fait du conflit de classe la substance de l'action politique.Revolution and democracy: Rosa Luxemburg Contrary to the retrospective illusion which tends to locate totalitarianism as abolition of democracy in the revolutionary phenomenon itself, Rosa Luxemburg's work is characterized by the ever present requirement to join revolution and democracy. Revolution (the theory of which appears in Mass strikes, parties and unions) is the masses' rediscovery of political action ; one can thus, using certain categories of Arendt's thought, interpret the concept of spontaneity as self-organization rather than violence. Moreover, Rosa Luxemburg never ceased considering as essential the issue of the form of political regime appropriate for popular power (which explains her criticism of the Russian revolution), and was opposed to the concept of "bourgeois democracy ". Refusing to interpret political action as fabrication, as command or as military strategy, she held a theory of political organization inspired by Machiavelli, action being seen as intervention under contingent circumstances. Contingency remained nevertheless set in the framework established by Marx, which views class struggle as the substance of political action.
- La Théorie de la justice de John Rawls. Contrat social versus utilitarisme - Philippe Adair p. 81-96 La Théorie de la justice de Rawls élabore une version moderne de la théorie du contrat social en mettant l'accent sur la justice distributive qui s'efforce d'offrir une alternative à la doctrine utilitariste. A l'encontre de l'utilitarisme, la théorie de Rawls n'est ni altruiste ni téléologique mais déontologique : il s'agit de procéder au choix de règles justes sans se prononcer sur le but poursuivi (le bien recherché) par les individus. Ces règles, les deux principes de la justice ? libertés de base les plus étendues et égalité démocratique assortie d'un avantage aux plus désavantagés (fraternité) ?, sont hiérarchisées selon l'ordre lexical. Elles fondent un optimum social (le juste) qui est compatible avec, mais prime sur l'optimum économique (relatif au seul bien). Le choix de ces principes relève de la théorie des jeux. Les partenaires choisiront ces deux principes de préférence à ceux de toute autre doctrine en vertu du critère du maximin. Rawls s'expose aux critiques du public choice qui réfutent la justice distributive (fraternité) selon des arguments utilitaristes. Par ailleurs, le constructivisme de Rawls ne s'accorde pas aisément avec l'individualisme et le libéralisme que l'auteur affiche.John Rawls' a theory of justice. Social contract vs utilitarianism Rawls' A Theory of Justice constructs a modem version of the theory of social contract by emphasizing distributive justice, which attempts to offer an alternative to the utilitarian doctrine. Unlike utilitarianism, Rawls' theory is neither altruistic nor teleogical, but deontological : one must try to find the right rules without taking a stand on the purposes of individuals. These rules, the two principles of justice ? the broadest basic liberties and democratic equality together with advantage granted to the underprivileged (fraternity) ?, are in lexicographic order. They form a social optimum (what is right) compatible with, but taking precedence over, the economic optimum (relative only to what is good). The choice of these principles belongs to game theory. The players will choose them rather than those pertaining to any other doctrine because of the maximin criterion. Rawls is open to « public choice » critics who reject distributive justice (fraternity) on the basis of utilitarian arguments. Rawls' constructivism does not agree easily with the individualism and liberalism which he claims.
Notes Bibliographiques
- P. Rosanvallon : L'État en France de 1789 à nos jours - F. Mélonio p. 97-98
- Y.C. Zarka, J. Bernhardt : Thomas Hobbes, Philosophie première, Théorie de la science et politique - L. Jaume p. 98-99
- T. Hobbes : Dialogue des Common-Laws d'Angleterre ; T. Hobbes : Béhémoth ou le Long Parlement - L. Jaume p. 99-100
- L. Jaume : Échec au libéralisme, Les Jacobins et l'État - M. Sadoun p. 100-101
- M. Grawitz : Michel Bakounine - M. Sadoun p. 101-102
- J. Nye Jr. : Bound to lead, The changing nature of American power - Z. Laïdi p. 102-105
- Informations bibliographiques - p. 106-132