Contenu du sommaire : Trajectoires sociales et bifurcations
Revue | Cahiers internationaux de sociologie |
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Numéro | vol. 120, Janvier-Juin 2006 |
Titre du numéro | Trajectoires sociales et bifurcations |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- L'imprévisibilité dans les parcours sociaux - Michel Grossetti p. 5-28 Cet article propose les éléments d'un cadre théorique permettant d'analyser des situations sociales comportant une part d'imprévisibilité. S'intéresser à des ruptures, des changements soudains, c'est en partie revenir sur de vieux tabous de la sociologie et plus généralement des sciences sociales : la contingence, l'événement, l'imprévisible. Une solution possible réside dans la définition précise de ce qui est considéré comme imprévisible et dans la prise en compte de différents niveaux de temporalité, à condition d'accepter l'idée que les temps « courts » peuvent parfois influer sur les temps « longs ».
- Crises, décisions et temporalités : autour des bifurcations biographiques - Claire Bidart p. 29-57 Les trajectoires d'entrée dans la vie adulte sont parsemées d'événements, de périodes de crise, de carrefours biographiques devant lesquels les jeunes sont amenés à réagir, à faire des choix et à opérer parfois un changement brutal dans leur parcours. Dans ces moments de crise, de basculement et de réalisation de l'improbable, se révèlent des enjeux et des logiques de choix qui resteraient invisibles dans le cours tranquille des choses. À partir d'une enquête qualitative longitudinale auprès d'un panel de jeunes, je propose ici une tentative d'exploration de la notion de bifurcation. Les récits et les argumentaires développés permettent d'identifier les « ingrédients » mobilisés dans la prise de décision. Sont parcourus là divers registres structurels, contextuels, relationnels et individuels, ainsi que des temporalités diverses en interaction. C'est peut-être justement leur conjonction qui autorise cette « rupture » de l'ordre social attendu.
- Parcours professionnels et histoires de santé : une analyse sous l'angle des bifurcations - Valentine Hélardot p. 59-83 Cet article propose une réflexion sur l'approche biographique en sociologie, centrée sur le concept de « bifurcation » étudié ici dans le registre des interdépendances et des interactions entre parcours professionnels et histoires de santé. Après avoir brièvement rappelé les principales caractéristiques du matériau biographique et, simultanément, les principaux problèmes qu'il pose à l'analyse, le texte souligne certaines spécificités de l'articulation sociale et biographique entre santé et travail. Il propose ensuite une définition opératoire de la notion de « bifurcation » et la met à l'épreuve de quelques exemples issus d'un corpus d'entretiens. Cette analyse permet de montrer en quoi l'approche sous l'angle des bifurcations se révèle fructueuse pour mieux comprendre certaines formes de changements à l'échelle des parcours de vie et leurs mises en intrigue par les acteurs concernés.
- Les conditions individuelles et collectives des ruptures professionnelles - Sophie Denave p. 85-110 Notre enquête traite d'un type particulier de mobilité intergénérationnelle dans la France des années 1980-2000 : les ruptures professionnelles définies par le changement de profession et de domaine professionnel. Il s'agit de reconstruire les raisons contextuelles et individuelles de ces trajectoires professionnelles en dépassant notamment les frontières classiques entre sociologie du travail, sociologie de la famille et sociologie de l'éducation. Prenant appui sur une quarantaine d'entretiens, une analyse en termes de carrière permet de montrer que les ruptures professionnelles sont des processus qui se déroulent dans le temps : elles sont le résultat d'une succession de phases communes aux diverses expériences des enquêtés qui infléchissent leur trajectoire générale. Parallèlement, elle autorise la prise en compte des singularités éclairant ainsi les disparités sexuées et sociales à l'œuvre. Une telle analyse est enfin particulièrement attentive à la variation dans le temps des manières d'être, de faire et de penser des individus selon les contextes.
- Réversibilités et parcours scolaires au Québec - Johanne Charbonneau p. 111-131 Les analyses des parcours de vie s'intéressent surtout au repérage des régularités du cycle de vie ou, tout au plus, aux écarts aux modèles types, en termes de retard des événements ou d'allongement des transitions sur les calendriers scolaires, professionnels, résidentiels ou familiaux. Les études empiriques suggèrent pourtant la présence de dynamiques non linéaires évoquant la possibilité que les parcours comportent des « bifurcations » où tout peut être remis en question, pouvant entraîner des changements durables de situation. Ce phénomène est plus souvent interprété en référence à la capacité des individus de faire leurs propres choix qu'en fonction de l'influence possible des cadres institutionnels. L'étude de parcours scolaires et professionnels de jeunes Québécois dans les années 1990 constitue la base de cette réflexion sur la place des bifurcations dans les parcours de vie qui met l'accent sur le rôle des dispositifs institutionnels dans la création d'une flexibilité des structures, sur les phénomènes d'appropriation par les individus des opportunités offertes par cette flexibilité et sur le mouvement des réversibilités et irréversibilités construites à travers ce processus. L'analyse suggère que les individus peuvent s'engager dans des actions en évaluant les possibilités offertes par les institutions qui encadrent la vie sociale, qu'ils sont capables de percevoir les irréversibilités associées aux choix offerts et ainsi, de les prévenir, les exploiter ou s'y adapter. La croissance du nombre de personnes adoptant les mêmes comportements dans une situation donnée accroît ainsi la possibilité que ce choix se transforme en une convention sociale et que les bifurcations s'institutionnalisent.
- Sociologie de la traduction. : L'exemple de la « Bible des écrivains » - Pierre Lassave p. 133-154 Le mot « traduction » est à l'honneur : le philosophe Paul Ricœur l'érige en principe éthique, la « traductologie » se pose en nouvelle discipline littéraire et un courant de la sociologie des sciences le prend pour paradigme. Au-delà de ce dernier usage analogique, n'y a-t-il pas place pour une sociologie de la traduction qui ne soit pas seulement une sociographie des traducteurs amateurs ou professionnels, ni même une annexe fonctionnelle de la théorie des champs culturels et de leurs échanges inégaux ? L'événement éditorial que constitue une nouvelle traduction littéraire de la Bible offre ainsi au sociologue matière à associer ses dimensions linguistiques, institutionnelles et relationnelles pour déterminer une « configuration traductive » exemplaire de la rencontre équivoque entre mondes littéraires, médiatiques et religieux en contexte de modernité avancée.
- Sociologie de la critique. : A propos d'ATTAC France et de Functions of social conflicts de Lewis A. Coser - Raphaël Wintrebert p. 155-165
- Comptes rendus - p. 167-175
Trajectoires sociales et bifurcations
- Michel Grossetti, Claire BidartEtude critique
Notes de lecture, Comptes rendus
- The Public Sphere : An Introduction (Yves Laberge) - Alan McKee p. 170
- Les huissiers de justice (Gérald Bronner) - Alexandre Mathieu-Fritz p. 173