Contenu du sommaire
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | Vol. 18, 3, 1987 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La modernisation structurelle d'une agriculture privée en économie socialisée : le tournant polonais - Alain Pouliquen p. 5-45 Après 40 ans de consolidation et de fonctionnement d'un système économique et social « de type soviétique », en Pologne, l'agriculture « individuelle » reste sa base essentielle d'approvisionnement agro-alimentaire. Pourtant une politique longtemps discriminatoire à son égard, et des offensives cycliques de socialisation agraire, ont notablement retardé sa modernisation et semblaient accréditer jusqu'à présent la thèse de sa profonde incompatibilité structurelle avec ce système, donc de la fatale liquidation ou marginalisation à terme de ce phénomène atypique des économies est-européennes. Par ailleurs le mécanisme ouest-européen (et notamment français) de modernisation agricole structurelle, où l'auto-régulation marchande-monétaire générale a joué le rôle décisif (même s'il était médiatisé par l'intervention d'un important appareil étatico- corporatif) s'est avéré, pour cette raison, inassimilable par la Pologne. L'histoire de cette longue coexistence difficile se prête de plus en plus à une autre lecture possible, à savoir celle d'un apprentissage lent et tâtonnant d'un mode spécifique, et historiquement inédit, de modernisation sélective de l'agriculture privée, tout à fait conforme à la logique « distributive » de l'économie et de la société globales, et d'intégration à cette logique générale. C'est bien le sens du tournant pris par la politique agricole polonaise d'après 80-81, que la dépression économique générale semble avoir durablement débarassée de l'hypothèque paralysante de la « nécessaire » socialisation agraire. Les premiers résultats productifs et économiques de ce tournant en confirment la réalité et la pertinence. Mais en même temps ils semblent montrer à la fois la nécessité de son approfondissement dans le sens d'une véritable mutation structurelle des exploitations concernées, et la grande difficulté de celle-ci dans l'état actuel des rapports entre elles et l'administration agricole.The modernization of private agriculture in a socialized economy : the Polish policy turn After forty years of consolidation and functioning of a soviet-type economy in Poland, individual farming remains its key source of agricultural and food products. However, a lasting discriminatory policy towards it, and multiform attempts of socializing it, have delayed and hindered its modernization and seemed so far to show its structural incompatibility with this system, then the necessary liquidation, or substantial reduction, of this phenomenon, atypical in the east european economies. Moreover the west european scenario of agricultural modernization, where the money-market self- regulation has played the crucial role (even though it was complicated by the interference of a considerable state-corporate apparatus), has proved, for this reason, to be inassimilable by Poland. Yet the recent developments suggest another view of this long and difficult coexistence, namely a slow learning process by trial and error, of a specific and historically unprecedented way of selective modernization of individual farms, and of their integration into the global economy and society, quite consistent with the « distributive » logic of the latters. The new Polish farm policy in the 80s, that the national economic depression seems to have freed from the previous inhibiting commitment to the « necessary » agricultural socialization, and its first productive and economic results, tend to confirm the reality and pertinence of a turning point in this direction. But simultaneously they show the need for its strenthening, towards a true structural mutation of the modernized farms, especially their specialisation, and the difficulty of such a mutation in the present state of their relations with the agricultural administration.
- Pourquoi les réformes économiques échouent-elles dans les systèmes de type soviétique ? - Jan Winiecki p. 47-72 Dans cet article, on cherche à répondre à une question qui intrigue tout le monde : pourquoi les réformes orientées vers le marché échouent-elles dans le système soviétique malgré l'intérêt évident manifesté par les divers groupes dirigeants pour l'amélioration d'économies en détresse ? L'auteur se replace dans le cadre de la « nouvelle histoire économique » qui met l'accent sur la répartition des richesses en tant que variable fondamentale. Dans la première partie, l'auteur explique comment la répartition de la richesse détermine les comportements de la couche dirigeante qui se compose d'apparatchiks du parti, de bureaucrates (ceux notamment de l'économie), de membres de la police et de l'armée. Tous bénéficient du maintien du système politique parce que la part des richesses qu'ils en tirent est supérieure à ce qu'elle serait dans une démocratie parlementaire. Mais, en outre, deux groupes de la couche dirigeante y trouve des avantages supplémentaires en influençant la création des richesses par le biais de la nomenklatura et d'un accès prioritaire aux biens rares. Les réformes orientées vers le marché élimineraient la nomenklatura dont on devient membre en faisant preuve de loyauté (dorénavant, les postes seraient pourvus en fonction du mérite) et les prix d'équilibre annuleraient les avantages de l'accès priviligié à certains biens et services. Par conséquent, les apparatchiks du parti et les fonctionnaires de l'économie font la sourde oreille dès qu'il s'agit d'introduire des changements radicaux dans le système économique. Dans la seconde partie, l'auteur explique l'hostilité de ces deux groupes envers le secteur privé en se fondant sur la même approche, celle de la répartition de la richesse. La troisième partie est consacrée aux réactions des apparatchiks du parti et des fonctionnaires de l'économie si et quand des réformes économiques sont envisagées ou introduites. Ces deux groupes de la couche dirigeante étant chargés de l'application des réformes, ils ne manquent pas de marge de manœuvre pour faire échouer ou inverser le cours des réformes. Le mode d'action des « contre-réformateurs » est expliqué en détails. Les autorités sont confrontées à un dilemme : elles doivent s'efforcer d'améliorer les médiocres performances de l'économie tout en préservant simultanément les avantages de ces groupes de la couche dominante qui bénéficient le plus du statu quo. Et puisque leur maintien au sommet dépend précisément de ces groupes, les autorités choisissent de ne rien changer ou de se limiter à quelques changements qui n'affectent en rien les performances de l'économie ou la structure du profit. Dans la dernière partie, l'auteur évalue certaines tentatives récentes de réforme, toujours en se fondant sur l'argumentation mentionnée.Why economic reforms fail in the Soviet system ? This article tries to answer intriguing question : why market-type reforms fail under the Soviet system in spite of the obvious interest of respective ruling groups in improving the performance of their ailing economies ? The author stresses the explanatory framework of the "new economic history" pointing at the wealth distribution under the Soviet system as the very important variable. In the first section the author explains how wealth distribution determines attitudes of the ruling stratum, consisting of party apparatchiks, bureaucracy (mainly economic one), police and military. All of them benefit from the maintenance of the political system because they get a larger part of the created wealth than they would have got under the representative democracy. But on top of that two segments of the ruling stratum uniquely benefit also from the persistent interference in the wealth creation process itself through nomenklatura and privileged access to goods in short supply. Since market-type reforms would do away with the loyalty-based nomenklatura (managerial nominations would have to be based on merit) and equilibrium prices would wipe out the benefits of privileged access, party apparatchiks and economic bureaucracy are dead set against any serious changes in the economic system. In the second section the author explains the unremitting hostility of these two segments of the ruling stratum toward the private sector, applying the same method of analysis, i.e. wealth distribution approach. The third section deals with the moves of party apparatchiks and economic bureaucracy if and when economic reforms are envisaged or introduced. Since it is these two segments of the ruling stratum that are charged with implementing reforms, they have ample room for manœuvre in their moves aimed at aborting or reversing reforms. Next, the modus operandi of "counterreformers" is explained in some detail. The ruling group finds itself between the need to improve ailing performance of the economy and the necessity to keep intact the benefits of these segments of the ruling stratum that benefit from the status quo. And because it depends primarily upon precisely these segments to stay at the top, it choses to do nothing or to make limited changes that do not affect either the performance or the structure of benefits. In the last section some recent attemps at economic reforms are evaluated in terms of the analytical framework set forth in the previous sections.
- Comparaison des niveaux de vie : France-Pologne (1983) - Ryszard Zukowski p. 73-121 La comparaison concerne la consommation marchande de même que les services sociaux rendus gratuitement à la population. Pour ce qui concerne la valeur des services sociaux gratuits, on peut noter que l'écart relatif entre les deux pays n'a presque pas changé entre 1971 et 1983. Cependant l'écart absolu mesuré comme la moyenne arithmétique sur les écarts exprimés en monnaie française et polonaise s'est amplifié de 92,5 %. Des divergences importantes se manifestent entre l'évolution des structures des paniers de consommation des ménages français et polonais. En se basant sur les discordances entre les prix français et polonais, l'auteur constate que par rapport à l'année 1971 elles se sont accentuées et se réfèrent aux mêmes catégories de biens et de services. Il semble que ce fait, reflète la rigidité du système économique polonais qui a consolidé les déséquilibres sectoriels du marché au lieu de les corriger. Quant à la consommation marchande, connue à partir d'enquêtes sur les ménages de même que sur la consommation marchande totale, on note une réduction insignifiante des écarts relatifs. Néanmoins, les écarts absolus se sont élargis (de 20,5 % exprimé en monnaie française et de 30% exprimé en monnaie polonaise). 11 en résulte qu'en termes absolus la Pologne ne rattrape pas la distance qui la sépare de la France et on peut estimer que le niveau de consommation des ménages polonais en 1983 correspondait à celui des ménages français de 1962.Standards of living compared : France-Poland (1983) This study compares living standards in France and Poland in 1983. The comparison relates to commodity consumption, and likewise to the social services available free of charge to the population. As to the value of free social services, it is noted that there has been practically no change in the relative gap between the two countries between 1971 and 1983. However, the absolute divergence, expressed as the arithmetical average in terms of French and Polish currency, has increased by 92,5 %. Sizeable gaps show up in the composition of the average household consumption baskets. Basing himself on the divergencies between French and Polish prices, the author affirms that they have, with reference to the year 1971, become more pronounced, over the same categories of goods and services. This would appear to reflect the rigidity of the Polish economic system, which has enhanced the sectoral disequilibria of the market instead of correcting them. On the question of commodity consumption, as calculated by research on households and total commodity consumption, there emerges a negligible reduction in the relative gaps (by 20,5 % expressed in French currency and 30 % expressed in Polish curency). The conclusion is that in absolute terms, Poland cannot bridge the gap separating her from France, and that the level of consumption of Polish households in 1983 probably approximates to that of French households in 1962.
- Évolution de la politique littéraire soviétique : XXe-XXVIIe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique - Dauphine de Montlaur Sloan p. 123-146 Cet article explore les rapports entre politique et littérature en U.R.S.S. depuis le premier « dégel » déclenché par le XXe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique, prélude à l'austérité du régime de Leonid Brejnev, jusqu'à F« ouverture » (glasnost) pratiquée par l'actuel Secrétaire général, Mikhaïl Gorbatchev. Les autorités assignent à l'écrivain la mission de défendre et promouvoir l'idéologie officielle, conforter l'assise du pouvoir et éduquer le peuple dans le but d'édifier une société communiste nouvelle. Afin de faire exécuter sa commande, l'État s'est efforcé d'organiser nature et contenu de la littérature ainsi que tout aspect de la profession d'écrivain. Le Réalisme socialiste, modèle littéraire officiel institué en 1932, reste en vigueur et comprend thèmes et héros exaltant idéologie (idejnost) et Parti (partijnost), patriotisme, activisme et optimisme, valeurs contribuant toutes à la force de la nation et auxquelles M. Gorbatchev a désormais rajouté la nécessité d'une critique objective et constructive. Mécanisme précis, la censure contrôle le contenu, l'orthodoxie et l'impact social de toute œuvre et veille ainsi au respect de ces principes. Enfin, l'Union des écrivains régit les devoirs politiques et droits sociaux des écrivains ayant la chance d'appartenir à cette élite. Avantages et récompenses sont offerts aux fidèles serviteurs de l'État ; tracasseries et répression menacent les individualistes. L'interaction entre politique et littérature apparaît clairement puisque l'écrivain demeure un instrument aux mains du pouvoir soviétique : conformiste, il l'assiste en véhiculant sa politique ; non-conformiste, il permet d'évacuer un trop-plein d'insatisfaction, agissant ainsi en « soupape de sûreté », et offre à l'État, par la répression dont il peut faire l'objet, l'occasion de démontrer sa puissance. Toutefois, par contrecoup de l'intervention de l'État dans la création littéraire, l'écrivain soviétique non-conformiste a retrouvé son influence politique et sociale grâce aux moyens techniques (méthode d'Esope) et pratiques (samizdat et tamizdat) mis au point depuis le début des années soixante. Il contribue à l'évolution de son art par l'apport d'idées hétérodoxes d'une part, par une nouvelle esthétique de l'écriture, d'autre part.Evolution of Soviet literary policy : XXth-XXVIIth Communist Party Congresses This article examines the relationship between politics and literature in the U.S.S.R. since the first "thaw" brought about by the XXth Communist Party Congress ? a prelud to Leonid Brejnev's repressive regime ? through Mikhail Gorbatchev's openness or glasnost'. Soviet authorities assign the writer the role of defending and promoting the ruling ideology, preserving and consolidating the position of the ruling group, and educating the people in order to build a new, communist society. In order to control the implementation of these tasks, the State has striven to structure the nature and contents of literature and all aspects of the literary profession. An official literaty model, known as Socialist Realism, was instituted in 1932 and remains in force. It involves themes and heroes glorifying Communism (idejnost) and the Communist Party (partijnost) patriotism, activism, optimism. To these values, meant to strengthen the nation, M. Gorbatchev has now added the need for objective and constructive criticism. Censorship plays a major role in ensuring adherence to these principles by means of precise mechanisms for supervising the content, orthodoxy and social impact of all written work. Finally, the Writers' Union regulates the political duties and social rights of the writers loyal or lucky enough to belong to this very select community. A "carrot and stick" program is an integral part of the overall policy related to the rights and duties of writers : advantages and rewards are offered to the faithful servants of the State ; harrassment and repression threaten independent thinkers. The interaction between politics and literature is clearly shown by the use Soviet authorities make of writers for political purposes : conformists serve the State by transmitting its policies ; non-conformists serve as a "safety valve" releasing an overflow of discontent, and the repression targeted at them further demonstrates the State's power. However, as an indirect consequence of State intervention in literature, Soviet non-conformist writers have regained and reinforced their political and social influence with the help of technical (Aesopian method) and practical (samizdat and tamizdat) means developed since the 1960s. Furthermore, by the expression of unorthodox ideas and the development of new esthetics, these writers have contributed to the evolution of their art.
- Politique urbaine et politique régionale en U.R.S.S. : à la recherche d'une convergence - Roberta Benini p. 147-165 Les problèmes d'économie urbaine en U.R.S.S. ont été pris en considération dès les premiers plans, notamment avec les mesures adoptées pour limiter la croissance des grandes villes comme Moscou et Leningrad. Mais c'est surtout à partir des années 70 qu'ils ont été traités plus systématiquement en raison d'un regain d'intérêt des économistes et géographes soviétiques pour les questions spécifiques à ce domaine. En effet, le retard accusé dans la formulation d'une problématique urbaine résulte de la spécification et de la conception mêmes de l'expérience industrielle de l'Union soviétique. C'est pourquoi, il faut attribuer le type d'urbanisation, tout comme ses faiblesses, à la nature du modèle d'industrialisation. Considérée comme le moteur de la croissance, l'industrie à bénéficié de larges priorités aux dépens de la cohérence dans la formation du tissu urbain, avec tous les effets que cela entraîne au niveau des espaces régionaux. Ce type de stratégie économique a provoqué de profonds déséquilibres, tant sectoriels que régionaux et « l'urbain » était conçu plutôt comme un moyen de « valorisation de la production » que comme un champ d'activités multiples relevant d'une dynamique spécifique. Au vu de cette conception, les phénomènes urbains constatés font apparaître les limites d'une politique industrielle qui cherche à assurer les bases économiques du développement urbain sans pour autant contrecarrer les tendances dominantes à la concentration et à la polarisation dans les grandes villes, à l'exemple des pays occidentaux. C'est pourquoi la redéfinition d'une politique urbaine exige la mise en œuvre d'une politique régionale qui prenne en compte l'espace en tant que dimension essentielle dans la définition des critères d'allocation des ressources et non seulement en tant que lieu géographique.Urban policy and regional policy in the USSR : reconciling the two Problems of urban economy in the USSR have been taken into account since the early days of planning, particularly with regard to the measures taken to curb the growth of big cities such as Moscow and Leningrad. However, it is mainly since the 70's that they have been more systematically considered, because of a resurgence of interest from Soviet economists and geographs in the specific problems of this field. Indeed the delay noted in formulating urban economic problems arises from the specific nature and conception of industrial experience in the Soviet Union. This is why the chosen type of urbanization, and its drawbacks, must be attributed to the nature of the industrialization model. Considered as the motive power for growth, industry has enjoyed wide priority over the demands of coherence in the creation of the urban structure, with all the consequences that this entails in the regional context. This type of economic strategy has caused serious disequilibria both in the sectoral and the regional context, and "urbanism" was conceived more as a means of "valorization of production" than as a field of complex activities generated by a specific dynamic. In the light of this concept, the urban phenomena noted reflect the limits of an industrial policy which seeks to consolidate the economic bases for industrial development without however counteracting the prevailing tendencies in the big cities towards concentration and polarization, as is the case in Western countries. This is why the redefinition of an urban policy calls for the implementation of a regional policy which will take account of space as an essential dimension in the definition of criteria for resource allocation, and not simply as a geographical location.
Revue des livres
- « La Chine à la recherche d'un État de droit », dossier des Problèmes Politiques et Sociaux préparé par Jean-Pierre CABESTAN - Éric Seizelet p. 169-170
- Louise I. Shelley, Lawyers in Soviet Work Life - Francis Kessler p. 171-172
- Ulrich Albrecht, Peter Lock, Herbert Wulf, Mit der Rüstung gegen Arbeitslosigkeit - Francis Kessler p. 173-174
- Janusz Lewandowski, Jan Szomberg, Samorzad w dobie « Solidarnósci ». Wspolpraca samorzadów pracowniczych Pomorza Gda?skiego na tie sytuacji w kraju w latach 1980-81 (L'autogestion à l'époque de « Solidarité ». La coopération des organes autogestionnai - Alexander Matejko p. 175-177
- Résumés des articles - p. 179-186