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À partir d'une enquête ethnographique sur l'intégration des travailleurs chinois à la CGT (2009-2014), cet article analyse les frontières mouvantes de la « communauté » à travers la négociation, la régularisation et la résistance au travail dissimulé. Si l'entre-soi économique favorise l'insertion professionnelle des travailleurs immigrés, il ralentit cependant l'acceptation de la valeur du syndicat et freine la mobilisation, sauf lorsque la régularisation entre en jeu1.

ResumeÀ travers une enquête ethnographique dans un club de  self-help réunissant des diplômés, cadres et membres des professions intellectuelles de « culture musulmane », cet article analyse le processus de formation et d'investissement dans ce type de groupement. Parfois envisagé comme reproduisant des liens et une solidarité communautaires, le groupement étudié réunit des descendants de travailleurs maghrébins en ascension sociale qui, après une socialisation primaire marquée par la distance avec les descendants de travailleurs, activent les liens jusqu'alors faibles qu'ils entretiennent avec eux au moment de leur entrée dans le monde professionnel, sans pour autant partager de sentiment d'appartenance uniforme. Bien que le haut de la hiérarchie associative mène un travail de communalisation en son sein, les formes d'investissement y demeurent hétérogènes, en lien avec les positions socioprofessionnelles des membres et les rétributions recherchées.

Nombre de travaux ont mis en lumière les processus de démobilisation politique au sein des classes populaires, tandis que d'autres se centrent sur les pratiques des militants les plus expérimentés. Ils laissent ainsi dans l'ombre des individus ou groupes de milieu populaire s'attachant à défendre leur situation matérielle mais aussi à valoriser leur statut social, sans avoir d'importantes ressources militantes. Ce type de dispositions et pratiques constitue ce que l'on propose d'appeler un rapport mobilisé à sa condition sociale. L'article montre que prendre en compte un tel rapport à sa condition éclaire les conditions de l'engagement syndical ordinaire et de sa pérennité. Il repose sur une enquête ethnographique auprès de déléguées d'atelier d'une blanchisserie hospitalière, où le personnel est majoritairement féminin et composé de migrantes. Dans ce contexte, les fondements de la pratique et de la sociabilité syndicales, qui renvoient au type de rapport mobilisé que ces femmes entretiennent à leur condition, sont triples : un rapport revendicatif aux institutions, la lutte contre la déconsidération du travail ouvrier et l'affirmation d'une respectabilité populaire féminine reposant sur des valeurs domestiques mais aussi sur un attachement à l'emploi salarié.Mobilization for One's Social Value and Trade Unionism Among the Working ClassesThe Case of Women Working in an Industrial LaundryMany researches have underlined the growing distance between the working classes and politics, while others focus on much experienced activists. The situations in between remain less studied. Nevertheless, many groups or persons among the working classes aim to improve materially and symbolically their social status, without being activists. We call in this paper this kind of practices and dispositions a rapport mobilisé à sa condition sociale. Taking into account theses practices and dispositions helps to understand the social conditions of ordinary commitment into trade unions. It is based on a field survey in the trade union of a laundry employing immigrant women. Their commitment in the union relies on the attachment to manual work and to public institutions but also on the fact that the sociability in the union strengthens their respectability of women, both as mothers and as workers.

Cet article traite des enseignants en poste dans les dispositifs relais. Créés en 1996 dans le cadre d'un Plan de lutte contre la violence scolaire, ces dispositifs s'inscrivent dans le prolongement du modèle de « ségrégation partielle » qui regroupe les élèves en grande difficulté sociale et scolaire dans des voies spécialisées. Si ces dispositifs dérogatoires constituent un lieu de relégation pour des élèves sortis des classes généralistes du collège, ils sont aussi un espace professionnel spécifique relativement libre de prescriptions pour les enseignants qui y sont affectés. Ils donnent accès à de nouvelles fonctions et à de nouvelles tâches, à un niveau de responsabilité important, et à une place relativement singulière dans l'institution. Conduits à exercer en dehors du cursus scolaire modal, ces derniers ne semblent ni marginalisés ni particulièrement dominés au sein de leur univers professionnel. Au contraire, l'enquête montre qu'ils se saisissent plutôt de leur poste dans un dispositif relais comme d'une possibilité d'accorder leur activité professionnelle avec le rapport au métier et les dispositions construites au fil de leur parcours. C'est ce que s'attachent à montrer les pages qui suivent.Teaching with Marginalised PupilsThis article focuses on the teachers that intervene in programs designed for out-of-school secondary pupils. Created in 1996, these programs are part of a "partial segregation" model aimed at tracking students faced with important social and academic difficulties into specific curricula. Whereas these programs segregate students taken out of the non-specialized classrooms, they also create a specific professional space where teachers are relatively free from the standard prescriptions that structure regular secondary education. Such programs give teachers access to new functions, new tasks, important levels of responsibility, and specific spaces relatively particular in the institution. As they practice outside the standard school program, these teachers seem neither marginalized nor particularly dominated within their professional universe. On the contrary, this research shows that they seize upon their situation as a possibility for adapting their professional activity with the perspectives and the dispositions built along their social path.

Cet article revisite la question des choix d'orientation post-obligatoires juvéniles dans l'espace des filières de l'enseignement professionnel. S'appuyant sur une enquête ethnographique réalisée dans un établissement scolaire romand, il montre qu'à cet espace différencié correspond un espace des habitus populaires au principe des choix. Ceux-ci sont structurés par une variété de principes qui distinguent les classes populaires elles-mêmes. L'originalité de cette approche consiste à articuler ces dimensions avec le travail pédagogique des agents scolaires qui, dans le cadre d'un système scolaire suisse divisé en filières très peu perméables, cherchent à ajuster les aspirations subjectives des jeunes aux chances d'insertion professionnelle telles qu'ils les perçoivent. L'enquête questionne le sens et les transformations de la culture anti-école chez les garçons, mais aussi chez certaines filles des classes populaires.‟Leaving” or ‟Staying in” Full Time School-based ProgrammesYoungsters Educational Choices, Working-Class and Vocational Training. The Case of Western SwitzerlandThis article revisit youngsters educational choices in the field of post compulsory vocational training options. Based on an ethnographical study realized in a lower-secondary school located in French speaking part of Switzerland, it shows how working class specific habitus explain these choices in different vocational training options. These habitus are shaped by a range of principles differentiating working class among themselves. The originality of this approach is to link youngsters choices with teachers' pedagogical work. In the Swiss educational system divided into different tracks with little permeability between them, they try to adjust youngsters subjective aspirations to their own perception of professional integration chances. This study raises question about the sense and change of counter-school culture among working class boys but as well among some girls.