Contenu du sommaire : Terres et tensions en Afrique

Revue Bulletin de l'Association de Géographes Français Mir@bel
Numéro no 2012/3
Titre du numéro Terres et tensions en Afrique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial -Terres et tensions en Afrique (Editorial -Land and tensions in Africa) - F Bart p. 383-387 accès libre
  • En Afrique, les terres appartiendront à ceux qui les achètent (In Africa, land will belong to those who buy it) - Christian BOUQUET p. 388-398 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La «sécurisation foncière » en Afrique est en marche : chaque parcelle (cultivable ou constructible) devra être cadastrée et faire l'objet d'un titre de propriété. Les lois foncières votées depuis une vingtaine d'années établissent les critères d'éligibilité pour être légalement détenteur d'une terre. Dans un continent où la coutume privilégiait les droits collectifs, c'est une réforme radicale. Parmi les conséquences de ce processus, les achats massifs de terres dans les pays les plus pauvres risquent de précipiter vers l'exode des centaines de millions de petits paysans dépossédés de leurs champs.
    Land securing is on its way in Africa : each farmable or building plot of land will be measured, evaluated and it will be given a title deed. Land laws voted in the last two decades have established criteria for landowning eligibility. On a continent where tradition valued common law, these new land-laws are a radical change. Among the consequences, massive land purchases in the poorest countries will force millions of small farmers deprived from their land into exodus.
  • Les frontières de l'autochtonie, de l'enracinement villageois à la construction de la ville africaine (The frontiers of autochtony, from village roots to the construction of the African city) - Jean-Luc Piermay p. 399-411 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article explore les relations complexes que l'autochtonie entretient avec la ville. Il le fait en mobilisant le concept de frontière. Du fait des enjeux forts qu'elle suscite, l'autochtonie crée dans la ville africaine une frontière forte sur le plan symbolique, mais toujours impossible à définir de manière précise et floue. Loin d'être un facteur d'isolement, elle génère des jeux innombrables dans lesquels on peut reconnaître des interactions sociales qui participent à la construction de la ville, comme à la construction de nombreux pouvoirs.
    This article explores the complex relationships between the autochthony and the city. It does it by using the concept of boundary. Because it generates high stakes in the African cities, autochthony builds strong symbolic boundaries, which are impossible to define accurately or fuzzily. Far from being an isolating factor, it creates countless games in which we can recognize social interactions involved in the construction of the city, such as the construction of many powers.
  • De la terre patrimoine à la terre ressource : tensions entre structures foncières héritées et nouvelles perspectives des acteurs paysans en Afrique de l'Est. (From heritage land to resource land : tensions between inherited land structures and new perspectives of peasant stakeholders in Eastern Africa) - Bernard Charlery de La Masselière, Sylvain Racaud p. 412-426 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Il existe des liens forts entre les dimensions externes et internes de la question foncière qui, par ailleurs, porte en elle des enjeux multiples : sociaux, identitaires, politiques, économiques et environnementaux. A cette complexité s'ajoutent des interactions d'échelles, de temps et d'espaces, qui créent des situations très hétérogènes et sources de conflits. En Afrique de l'Est, la modernisation agricole s 'est imposée aux systèmes locaux suivant un processus de construction territoriale qui s 'est peu à peu figé en un cadre rigide et hétérogène, auquel le blocage foncier a donné une dimension parfois dramatique. Dans ce processus de redéfinition des territoires de production et de redéfinition des identités, les sociétés à base rurale pâtissent de rigidités historiques et se trouvent handicapées par l'extrême fragmentation et le cloisonnement des unités de production. Les tentatives d'engagement des producteurs dans les marchés porteurs ou dans des filières souvent incertaines redéfinissent un «espace de ressources » composite et inégal, où l 'accès à la terre, à l 'eau, au crédit, aux voies de communication et aux circuits d'information constitue un nouvel avantage comparatif. L 'objectif de cet article est d'ouvrir quelques pistes de réflexion à partir de travaux ponctuels menés sur les montagnes d'Afrique de l'Est, selon l'hypothèse principale que la démultiplication et l'hétérogénéité de nouvelles logiques socio-économiques et territoriales sont le signe de la recherche d'un nouvel horizon d'attente, permettant d'articuler plus efficacement l'économie morale des sociétés locales à un projet de société qui offrirait l'accès à une citoyenneté plus large.
    There are strong links between the external and internal dimensions of the land issue which, moreover, deals with many stakes : social, identity, political, economic and environmental. Interactions of scale, of time or space, add further to this complexity, giving rise to heterogeneous situations which are sources of conflicts. In East Africa, the agricultural modernization has been imposed on local systems following a process of territorial construction which has gradually developed into a rigid and heterogeneous framework ; the land tenure blockage gave it sometimes a dramatic dimension. Under this process redefining the territories of production and the local identities, rural-based societies are suffering from historical rigidities and are handicapped by the extreme fragmentation and compartmentalization of production units. The attempts made by the producers to be involved in promising markets or in often uncertain agricultural chains redefine a composite and unequal "area of resources", where access to land, to water, to credit, to infrastructures and to information networks is a new comparative advantage. The objective of this paper is to explore some new ideas from specific studies which has been carried out on East African mountains, on the assumption that the diversity and the heterogeneity of the new socio-economical and territorial logics are the sign of the search of a new horizon of expectation, which could better articulate the moral economy of local societies with a project which could offer access to a larger citizenship
  • Conflits fonciers et combat factionnel : du land grabbing au pillage forestier dans la «crise » malgache (2009-2012) (Land conflicts and factional fights : from land grabbing to forest pilferage in the Madagascar "crisis", 2009-2012) - Didier Galibert p. 427-434 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les conflits fonciers se situent au centre du processus de désinstitutionnalisation faisant désormais de Madagascar un État fragile. Les tentatives de dépossession au profit de firmes d'Asie méridionale et orientale sont un facteur central de la chute du président Marc Ravalomanana en 2009, mais elles n'ont pas clairement cessé sous le régime de son successeur Andry Rajoelina. Simultanément, l 'abattage du bois précieux dans les aires protégées -surtout le bois de rose -fournit des ressources de substitution à un État privé de l 'aide internationale non humanitaire du fait de l'enlisement du processus de réconciliation conduit par l'Union africaine. Les conflits affectant le foncier se situent à la congruence d'une demande économique globale et du délitement clientéliste de l'État.
    Land conflicts are at the center of the current disinstitutionalization process that is changing now Madagascar into a fragile state. Land grabbing attempts by some firms from South and East Asia appear as a major factor in president Marc Ravalomanana' s fall in 2009, but they have not really ceased under the regime of his successor Andry Rajoelina. At the same time, logging of precious wood in protected areas -mainly rosewood -brings new resources to a state which is suffering from the interruption of non humanitarian international aid, due to the lack of progress in the reconciliation process led by the African Union. Conflicts about land tenure are embedded in a global economic demand and in the clientelist erosion of the state.
  • Gestion contractualisée de la forêt et dérégulation foncière. Politiques environnementales à Madagascar (Sub-contracted forest management and land tenure deregulation. Environmental policies in Madagascar) - Hervé Rakoto Ramiarantsoa p. 435-451 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La gestion contractualisée de la forêt (GCF) fait partie du nouveau dispositif environnemental mis en place. Elle se traduit par une dérégulation de l'accès des populations locales aux ressources forestières. Dérégulation, car il s 'agit ici de mettre en lumière la gestion coutumière des terres confrontée à un nouveau visage des politiques environnementales. Il s'agit aussi de montrer comment ce système qui administre localement la question foncière est ««vu, perçu, ressenti, aimé ou rejeté, modelé par les hommes », c 'est-à-dire comment il est vécu par ceux qui habitent et font vivre les lieux. Il s 'agit enfin de voir en quoi ce mode traditionnel régissant les territoires ne s'articule pas avec les dispositions de politiques environnementales qui revendiquent pourtant un fonctionnement déconcentré, participatif.
    The sub contracted forest management is a part of the new implemented environmental system. It results in a deregulation of the local populations ' access to the forest resources. We are talking about deregulation, as we want to highlight the land customary management facing a new aspect of the environmental policies. We also want to show how this system, which runs locally the land tenure question, is seen, perceived, felt, loved or rejected, established by humans : that is to say how it is experienced by local people who are making the places living. Finally, we want to see how this traditional way of governing territories, does not match with the disposals of the environmental policies that yet claim a decentralized, participatory functioning.
  • Dans le Sud-Ouest de Madagascar, la ville se fait plus proche mais la terre change de mains. (In Southwest Madagasacar, te city gets closer but land is changing hands) - Bénédicte THIBAUD p. 452-463 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Si l'intensification des liens entre la ville de Toliara et les campagnes alentours semble offrir de nouvelles opportunités de développement, les recompositions socio-spatiales qui en résultent sont en revanche porteuses de tensions foncières croissantes.
    If the links between Toliara and surrouding villages -on the coast and inside -have intensified and seem to offer new opportunities for development, land conflicts are increasing with rural areas changes.
  • À l'Ouest du nouveau. La ruée vers les terres «vierges » périphériques en Ethiopie (Something new in the West. Land rush to «vacant » peripheral regions in Ethiopia) - Alain Gascon p. 464-473 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    De grandes entreprises, souvent asiatiques, se ruent vers les Suds, surtout en Afrique, afin d'y tailler d'énormes concessions foncières. La hausse continue des cours des produits agricoles est soutenue par la croissance démographique et par la demande de l'industrie. Avec surprise, on note que le gouvernement éthiopien se propose de céder entre 3 et 4 millions d'ha (1/7 à 1/5 de la SAU), il est vrai dans les régions «vides » de l'Ouest, afin d'y lancer d'énormes exploitations en monoculture mécanisée, destinée à l'exportation. Or, de 7 % à 11 % des 87,1 millions d'Éthiopiens dépendent régulièrement de l'aide alimentaire. Ne serait-il pas plus judicieux d'investir dans les productions vivrières ? On doute que les milliers d'agro-éleveurs des basses terres déplacés trouvent à s'employer dans ces fermes où quelques techniciens entretiennent 1 000 ha. Les autorités prennent le risque de déstabiliser la région de Gambélla maintes fois troublée et voisine du Sud-Soudan.
    Large firms, often from Asia, rush to the southern hemisphere, mainly in Africa, in order to obtain huge land concessions. Population growth and industry demand have sustained a continuous rise in the prices of agricultural products. Astonishingly enough the Ethiopian government has selected between 3 and 4 million ha (1/7 to 1/5 of cultivated land) in fact in the "empty" western regions to launch huge farms. Mechanized monoculture production will be targeted at exportation. But, from 7% to 11% of 87.1 million Ethiopians have usually had to rely upon food aid. Would it not be more judicious to invest in subsistence agriculture ? Thousands of displaced agro-pastoralists in the lowlands could hardly be employed in these farms where few technicians can maintain 1,000 ha. The authorities run the risk of destabilizing the often-troubled Gambélla region and then a neighbour of South Sudan.
  • Enjeux fonciers à risques au Congo (RDC) : contexte théorique et pratiques déviantes. (Land stakes at risks in the Congo-DRC : theoretical context and deviant practices) - Jean-Claude Bruneau p. 474-485 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans un Congo disloqué par les dictatures à répétition et les guerres, se généralisent de nos jours les conflits pour la terre. Si le sol et sous~sol appartiennent à l'Etat, deux régimes fonciers coexistent de facto : celui de la concession, en ville et dans les grandes exploitations agricoles, minières ou forestières ; et partout ailleurs celui des terres domaniales relevant des règles coutumières. Celles-ci se heurtent aux bureaux du Cadastre, qui, sur fond de flou juridique et de corruption à tous les niveaux, confisquent les terres des communautés paysannes pour les brader au plus offrant. La spoliation des terres agricoles et le pillage minier sont illustrés par des cas précis relevés au Kivu, et au Katanga. L 'affaire du parc des Virunga, et celle du Lycée de Luishia, montrent l'ampleur d'un désastre qui est aussi humain et environnemental.
    Repeated dictatorships and wars have led the Congo towards a generalization of land conflitcs. Although the soil and the subsoil belong to the State, two land regimes coexist in fact : first the land concession, in urban areas and big agricultural, mining or forest exploitations, and second, anywhere else, the regime of national lands managed according to traditional rules. These collide with the Land registry offices, which, in a context of approximate law and corruption at every level, seize the lands of the peasant communities to sell them to the highest bidder. Spoliation of farmlands and mining plunder are illustrated by recent examples taken in Kivu, and in Katanga. The Virunga national park affair, and the Luishia high school case, show the extent of a disaster which is also human and environmental.
  • Article varia

    • Conflits fonciers et stratégies de sécurisation foncière au Sud-ouest ivoirien (Land conflicts and strategies for land securing in Southwestern Ivory Coast) - Assi Maxime Tano p. 486-498 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La récession cacaoyère au début de la décennie 1980 a bouleversé les rapports de travail et de production des populations agricoles au Sud-ouest ivoirien. Cette évolution qui a consacré la fin d'un "modèle de subsistance", a mis à mal les cohésions familiale et inter-ethnique, à travers les conflits fonciers qu 'elle a engendrés. Face à cette situation, les producteurs ne se sont pas seulement contentés de trouver des moyens de règlement des conflits fonciers. Ils ont aussi mis en place des stratégies innovantes pour les prévenir. Les stratégies des producteurs concernaient la restructuration des rapports de travail avec le contrat "abou" qui ne débouche plus sur des cessions foncières comme ce fut le cas auparavant. De même, l'introduction du contrat de garantie a constitué une réponse à l'aliénation prolongée de l'exploitation en évitant non seulement sa perte définitive mais aussi des affrontements intercommunautaires.
      Cocoa recession at the beginning of the 1980s shook labor and production relations of agricultural populations in southwestern Ivory Coast. This evolution, indicating the end of a "subsistence agricultural model", has undermined family and inter-ethnic cohesions through the land conflicts it has generated. Faced with this situation, producers were not only satisfied to find ways of resolving land disputes, they have also implemented innovative strategies to prevent them. Producers' strategies related to the restructuring of labor relations with the "abou" contract which does not lead as before towards land sales. Similarly, the introduction of the guarantee contract was a response to the prolonged alienation of operation, avoiding not only its permanent loss but also inter-community clashes.
  • Informations AGF - p. 499-500 accès libre