Contenu du sommaire : Étudiants étrangers : des migrants comme les autres ?

Revue Migrations société Mir@bel
Numéro vol. 32, no 180, avril-juin 2020
Titre du numéro Étudiants étrangers : des migrants comme les autres ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Éditorial

  • Étudiants étrangers : des migrants comme les autres ? Les migrations pour études au prisme des mobilités sociales coordonné par Hicham Jamid, Lama Kabbanji, Antonina Levatino et Kevin Mary

    • Les migrations pour études au prisme des mobilités sociales - Hicham Jamid, Lama Kabbanji, Antonina Levatino, Kevin Mary p. 19-35 accès libre avec résumé
      Les migrations étudiantes se déploient aujourd'hui selon des modalités liées aux dynamiques récentes de la mondialisation néolibérale, au développement d'un marché du travail toujours plus tertiarisé et à la place qu'y tiennent désormais les étrangers. Les étudiants internationaux, dans ce qui est devenu un marché très stratifié et relativement complexe de l'enseignement supérieur mondial, forment néanmoins une population socialement hétérogène. En remettant la classe sociale au centre de l'analyse, ce dossier vise à rendre compte de la diversité de leurs trajectoires et de repenser l'articulation entre les études supérieures, la mobilité géographique et la mobilité sociale. En s'inscrivant dans le cadre des réflexions menées depuis 2016 par le collectif de chercheurs MobElites, il a pour objectif de montrer comment et jusqu'à quel point les migrations pour études peuvent générer, ou non, une mobilité sociale et, à un autre niveau, reproduire ou engendrer de nouvelles inégalités pendant, mais aussi après les études. Ce faisant, ce dossier interroge les inégalités liées à la globalisation, en multipliant les approches disciplinaires et théoriques, et à travers des terrains et des méthodologies variés.
    • Politiques migratoires et sélectivité des migrations étudiantes en France : une approche sociodémographique - Lama Kabbanji, Sorana Toma p. 37-64 accès libre avec résumé
      Depuis l'annonce de la nouvelle « stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux », dénommée « Bienvenue en France », le thème des migrations étudiantes est revenu avec force sur le devant de la scène politique et médiatique en France. Les mesures préconisées s'inscrivent dans le prolongement d'une politique sélective de l'immigration mise en place depuis 2003. Dans cet article, nous nous proposons d'examiner la façon dont les politiques visant les étudiants étrangers depuis les années 1970 ont impacté les migrations étudiantes. Les données administratives mobilisées nous permettent de montrer que les politiques d'immigration sélectives contribuent non seulement au ralentissement des migrations étudiantes vers la France, mais ont également pour effet de reconfigurer les caractéristiques de ces migrations au détriment des étudiants les plus modestes, issus des pays à faible pouvoir d'achat, et de certaines disciplines. Une récente enquête que nous avons menée en 2016-2017 nous permet également d'anticiper le fait que la hausse drastique des frais de scolarité instaurée en 2019 pour les étudiants extracommunautaires risque d'accélérer ces dynamiques.
    • (Re)penser les liens entre catégories sociales et migrations pour études au Sud : Réflexions méthodologiques sur les attributs sociaux des élites maliennes - Kevin Mary p. 65-81 accès libre avec résumé
      Cet article propose une réflexion méthodologique sur les catégories sociales dans les pays du Sud et en particulier dans les contextes africains. Il plaide pour des formes d'innovations méthodologiques mieux à même de permettre de comprendre certains ressorts fondamentaux de la migration pour études. Par la critique des catégories officielles, l'article indique que les avancées des travaux de nature ethnographique peuvent être mobilisées par les chercheurs pour (re)construire des typologies mieux ancrées dans les réalités socio-économiques des pays en développement. Le cas des élites maliennes ici développé montre que les migrations pour études s'insèrent pleinement dans des modes de vie tournés vers l'extérieur, où la réussite sociale s'affiche par la possession de biens emblématiques et d'agréments de luxe dont les études à l'étranger constituent l'un des éléments centraux.
    • Réinstallations d'émigrés africains : les usages sociaux des diplômes étrangers - Hugo Bréant p. 83-96 accès libre avec résumé
      Dans un contexte d'accélération des migrations de retour des immigrés dans leur pays d'origine, cet article propose d'analyser le rôle des ressources scolaires dans ce processus de réinstallation. Le diplôme constitue une faible protection contre le déclassement des immigrés en France, mais qu'en est-il dans leur pays d'origine ? Si les migrants comoriens et togolais de retour enquêtés sont plus souvent diplômés que leurs compatriotes qui restent en France, les effets de leur(s) diplôme(s) ne semblent pas univoques et dépendent largement de leur trajectoire migratoire. Selon leur position sociale, le diplôme est une ressource — plus ou moins indispensable — pour accéder à une promotion sociale. En déclinant ces situations socialement contrastées, l'article démontre qu'il est difficile de penser le diplôme comme un capital scolaire déterminant et isolé des autres formes de ressources. Il est davantage un révélateur du caractère socialement très sélectif de ces migrations de retour.
    • Le paradoxe de la mobilité. Les évaluations subjectives des trajectoires postuniversitaires des diplômés chinois en France - Yong Li p. 97-112 accès libre avec résumé
      En Chine, depuis une quinzaine d'années, dans un contexte d'inflation des diplômes et de crise de l'emploi, la signification des études à l'étranger a profondément changé pour les jeunes générations. Jadis garantie des positions d'élite en Chine, un diplôme étranger perd aujourd'hui une grande partie de son exceptionnalité statutaire. C'est pourquoi beaucoup d'étudiants chinois en mobilité s'efforcent d'acquérir une expérience de travail dans leur pays de formation avant de retourner dans leur pays d'origine. Ils espèrent ainsi améliorer leur employabilité par l'épreuve du marché du travail étranger. Notre contribution se focalise sur les trajectoires des diplômés chinois qui exercent un emploi en France après leurs formations françaises. À partir d'une enquête par récits de vie, nous mettrons en relief le sentiment d'immobilité des diplômés enquêtés et leur évaluation ambivalente quant au succès de leur migration. Plus profondément, dans un contexte de montée en puissance de la Chine et de stagnation économique en Occident, l'avancement d'une carrière professionnelle paraît toujours plus lent et plus difficile à l'étranger que dans le pays d'origine. Pour beaucoup d'enquêtés, l'entrée dans la vie adulte en France, ainsi que le sentiment de double décalage (par rapport à leur idéal de réussite et par rapport à autrui) qu'ils éprouvent durant leur migration, expliquent en grande partie la révision de leur projet migratoire. Celui-ci s'articule de plus en plus autour d'un ancrage durable en France au lieu d'un retour définitif en Chine. En analysant cette immobilité paradoxale dans la mobilité pour études, nous souhaitons souligner l'importance de placer les trajectoires des étudiants dans le processus biographique plus général et d'étudier les effets des changements sociaux sur les parcours individuels.
    • Des origines aux destinations : l'importance des « lieux » dans les parcours des étudiants Erasmus - Magali Ballatore p. 113-130 accès libre avec résumé
      L'institutionnalisation de la mobilité pour études, qui permet aux étudiants d'obtenir des bourses et de voir leurs démarches administratives liées au fait de séjourner dans un pays étranger être simplifiées, est souvent pensée comme un moyen d'assurer sa « démocratisation ». Il faut noter cependant que cette hypothèse, bien que diffuse, n'a pas été démontrée scientifiquement et empiriquement. Dans la lignée des recherches qui souhaitent renouveler l'attention sur les positions sociales et géographiques des individus pour comprendre les migrations, comme les mobilités, nous observerons dans cet article les formes de hiérarchies sociales qui s'opèrent entre les lieux et entre les étudiants qui ne sont pas tous égaux face à l'offre de mobilité Erasmus, ni face aux injonctions multiples à internationaliser leurs trajectoires. Cette contribution repose sur deux enquêtes empiriques menées entre 2004 et 2014, ainsi que sur une revue récente de la littérature scientifique concernant le programme Erasmus et des analyses secondaires de données statistiques de la Commission européenne. Ce faisant, nous montrerons que l'ouverture à l'international prônée par les politiques européennes est très inégalement développée sur le territoire européen et selon les établissements d'enseignement. Aux inégalités d'accès à la mobilité s'ajoutent, en outre, des inégalités de « réussite » des parcours migratoires, très variable en fonction des routes empruntées.
  • Bibliographie sélective - p. 131-134 accès libre
  • Varia

    • « Basta con la pasta ! » La cuisine italo-américaine, de la tradition à l'intégration - Marie-Christine Michaud p. 135-148 accès libre avec résumé
      La cuisine étant un véhicule de l'identité, son étude peut apporter des éclairages sur l'évolution de l'identité des Italiens qui ont émigré aux États-Unis. La transformation des pratiques culinaires et des aliments consommés montre la mise en œuvre d'un processus d'américanisation. La cuisine des migrants va se transformer par-delà les normes culturelles, populaires, traditionnelles italiennes, pour devenir, après la Seconde Guerre mondiale surtout, une cuisine italo-américaine, miroir de l'intégration de ces hommes et femmes des nouvelles générations. Simultanément, on note que les Américains adoptent certaines habitudes italiennes, certains aliments, comme « la pasta », révélant l'existence d'un processus d'interactions culturelles et sociales appelé « transculturation ».
    • Que nous dit l'approche transnationale sur l'immigration portugaise en France ? - Dominique Vidal p. 149-164 accès libre avec résumé
      À partir d'une revue de la littérature sur l'émigration portugaise en France et d'une enquête en cours depuis 2015, l'objet de cet article revient sur l'intérêt du transnationalisme à partir du cas de l'immigration portugaise en France qui, aussi étonnant que cela puisse paraître, n'a pratiquement pas été étudiée dans cette perspective. Nous nous proposons notamment de distinguer ce qui relève d'activités transnationales à proprement parler de pratiques liées à une ethnicité construite et vécue en migration. Dans ce but, nous considérons l'apport possible de l'approche transnationale depuis l'intensification de ce flux migratoire à partir de la fin des années 1950. Nous nous intéresserons d'abord à la grande vague d'émigration portugaise, principalement originaire du nord du pays, qui va jusqu'au début des années 1970, avant d'aborder la différenciation de ce groupe en France. Dans une dernière partie, nous analyserons les effets de la crise de 2008 sur ces emigrantes et les Portugais restés au pays.
  • Note de lecture

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