Contenu du sommaire

Revue Gérer et comprendre (Annales des mines) Mir@bel
Numéro no 153, septembre 2023
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Réalités méconnues

    • Introduction de la pratique de la méditation au travail : quel cheminement ? Le cas du groupe Humanis - Eline Nicolas, Stéphane Onnée p. 3-20 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Initiée aux États-Unis, l'introduction de la pratique de la méditation en entreprise a gagné la France ces dernières années, et de nombreuses études ont permis d'analyser l'effet de ces pratiques au niveau individuel ou organisationnel. Toutefois, peu de travaux sont consacrés aux processus d'introduction de la pratique de la méditation en entreprise. Nous menons ici une exploration de ce processus en nous intéressant aux mécanismes et logiques qui le sous-tendent. Pour ce faire, nous avons conduit une recherche inductive qualitative à visée compréhensive, à l'appui d'une étude de cas approfondie. Le cas renvoie à un secteur pionnier, à savoir le secteur des mutuelles, au travers de la mutuelle Humanis avec laquelle nous avons signé un partenariat de recherche qui couvre la période 2017-2021. À l'appui de nos résultats, nous interprétons le processus d'introduction de la pratique de la méditation comme un enchevêtrement de logiques individuelles et collectives, qui suivent chacune leur cheminement sans qu'il ne soit observée de planification souhaitée ou maîtrisée. De plus, nous montrons que l'introduction de la pratique de la méditation n'est ni l'expression d'une volonté performative assumée et relayée par l'organisation, ni celle d'une volonté d'instrumentaliser la pratique de la méditation.
      Initiated in the United States, the introduction of meditation practice in the workplace has spread to France in recent years, and numerous studies have analyzed the effect of these practices at individual or organizational level. However, little work has been done on the processes involved in introducing meditation practice into the workplace. In this article, we explore this process by looking at the mechanisms and logic behind it. To this end, we have conducted inductive qualitative research with a comprehensive approach, supported by an in-depth case study. The case refers to a pioneering sector, namely the mutual insurance industry, through the Humanis mutual insurance company, with which we have signed a research partnership covering the period 2017-2021. In support of our findings, we interpret the process of introducing the practice of meditation as an entanglement of individual and collective logics, each of which follows its own path without any desired or controlled planning being observed. Furthermore, we show that the introduction of meditation practice is neither the expression of a performative will that is assumed and relayed by the organization, nor that of a will to instrumentalize meditation practice.
    • Travailler avec des cobots dans l'usine du futur : vers une évolution du rapport de prescription ? - Thierry Colin, Benoît Grasser p. 21-33 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que les robots industriels fonctionnent dans des cages pour éviter tout contact, les robots collaboratifs ou cobots partagent les mêmes espaces physiques que les opérateurs humains. Ils peuvent être redéployés facilement, sont aisément programmables et peuvent s'utiliser avec une grande variété d'outils. Dans cet article, basé sur une recherche qualitative, nous cherchons à comprendre dans quelle mesure la robotique collaborative remet en cause l'organisation du travail dans l'usine du futur. Après avoir défini ce qu'est un robot collaboratif et analysé les limites de la notion de collaboration humain-cobot, nous montrons l'intérêt du concept de rapport de prescription pour comprendre les évolutions en cours. Les résultats empiriques que nous avons recueillis permettent de proposer une typologie des formes émergentes d'utilisation des cobots, et de la discuter en termes d'évolution du rapport de prescription. Enfin, trois défis importants pour envisager la place des cobots dans l'usine du futur sont pointés.
      Whereas industrial robots operate in cages to avoid contact with them, collaborative robots or cobots share the same physical spaces as human operators. They can be redeployed easily, are readily programmable, and can be used with a wide variety of tools. In this article, based on qualitative research, we seek to understand the extent to which collaborative robotics is challenging the organization of work in the factory of the future. After defining what a collaborative robot is, and after analyzing the limits of the notion of human-cobot collaboration, we show the interest of the concept of the prescription relationship in understanding the evolutions underway. The empirical results we have gathered enable us to propose a typology of emerging forms of cobot use, and to discuss it in terms of the evolution of the prescription relationship. Finally, three key challenges for the future role of cobots in the “factory of the future” are highlighted.
  • L'épreuve des faits

    • L'odyssée de Spring : manager des stratégies d'innovation globale dans un monde fragmenté et instable - Christophe Midler, Marc Alochet p. 35-48 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'innovation, traditionnellement associée à la compétition sur les marchés, est aujourd'hui de plus en plus « administrée » par les politiques publiques, au nom d'impératifs sociétaux comme la lutte contre la crise climatique ou la souveraineté. Comment une entreprise, qui appartient à une industrie globalisée, intègre-t-elle les réglementations de plus en plus précises et intrusives des différents pays dont elle veut conquérir les marchés ?L'article apporte des réponses à cette question à la lumière de l'analyse d'un projet de véhicule électrique accessible, conçu en Chine pour le marché chinois puis commercialisé en Europe sous le nom de Dacia Spring.Tout d'abord, nous présentons le cadre théorique du management des stratégies d'innovation globale, puis précisons la question de recherche étudiée dans cet article.Ensuite, nous analysons le déroulement du projet, depuis son émergence en Chine jusqu'à son débouché commercial en Europe, en se focalisant sur les opportunités et les contraintes liées à l'intrusion des politiques publiques en matière de véhicule électrique, et sur la manière dont le projet a pu les intégrer dans son management.Finalement, nous tirons des enseignements de ce cas tant au niveau du management du projet pilote dans le pays cible qu'au niveau du déploiement global.Nous mettons d'abord en évidence l'importance d'un « développement innovant » combinant les impératifs classiques de qualité, coût et délai du développement d'un produit classique et les nécessités d'un processus d'exploration et de décision en contexte inédit. Ensuite, dans une situation de coopération multi-entreprises et multiculturelle, généralement imposée par le pays hôte du projet, nous soulignons l'importance d'une organisation du projet qui assure une autonomie de décision et une intégration des acteurs de l'équipe.Au niveau du déploiement global, nous analysons comment des entreprises peuvent manager, à partir de ces projets pilotes locaux, des stratégies d'innovation globale, selon des lignées de projets associant capitalisation des apprentissages et adaptation au coup par coup à des contextes locaux variés.En conclusion, nous résumons les apports théoriques et empiriques de cette recherche, ses limites ainsi que les perspectives de recherche qu'elle ouvre.
      Innovation, traditionally associated with market competition, is today increasingly “administered” by public policies, in the name of societal imperatives, such as the fight against the climate crisis, or sovereignty. How does a company belonging to a globalized industry integrate the increasingly precise and intrusive regulations of the various countries whose markets it wants to conquer?This article provides some answers to this question, based on an analysis of a project for an accessible electric vehicle, designed in China for the Chinese market, and then marketed in Europe under the name Dacia Spring.First, we present the theoretical framework of global innovation strategy management, and then outline the research question addressed in this article.Next, we analyze the progress of the project, from its emergence in China to its commercial launch in Europe, focusing on the opportunities and constraints linked to the intrusion of public policies on electric vehicles, and on the way in which the project was able to integrate them into its management.Finally, we draw lessons from this case both in terms of the management of the pilot project in the target country and in terms of global deployment.Firstly, we highlight the importance of “innovative development”, combining the traditional imperatives of quality, cost, and lead-time for the development of a conventional product with the needs of an exploration and decision-making process in a new context. Then, in a situation of multi-company and multi-cultural cooperation, generally imposed by the project's host country, we emphasize the importance of a project organization that ensures decision-making autonomy and integration of team players.In terms of global deployment, we analyze how companies can use these local pilot projects to manage global innovation strategies, following project lines that combine capitalization of learning and piecemeal adaptation to a variety of local contexts.In conclusion, we summarize the theoretical and empirical contributions of this research, its limitations, and the research prospects it opens up.
    • Des puces et des hommes : quand le travail « 4.0 » se révèle plus humain que prévu - Véronique Blanc-Brude, Christian Defélix p. 49-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Pour répondre aux enjeux d'efficacité et de qualité de fabrication, la forte automatisation et l'intégration de données qui caractérisent l'industrie 4.0 permettent de produire des séries personnalisées aux coûts de la production de masse, ce qui engendre la création de situations de travail dynamiques et complexes. Dans les industries « de flux » telles que celle de la microélectronique, le travail humain, bien réel, devient moins visible puisqu'il n'intervient qu'en cas d'interruption du flux ou de process. Mais quelles conséquences a exactement cette automatisation poussée à son maximum, sur le travail et les compétences requises pour les opérateurs ? Cet article s'appuie sur l'étude d'un cas industriel, où la quête de haute performance et les seuils successifs d'automatisation conduisent à intensifier la surveillance des anomalies. Le cadre théorique choisi est celui du travail invisible et de son expérience triple (Gomez, 2013), qui permet de lever le voile sur une mutation du travail peu prise en compte par l'organisation officielle. À partir d'une observation directe et d'entretiens semi directifs, cette recherche révèle que l'expérience du travail est d'abord marquée par une hypertrophie de la dimension objective, en décalage avec de nombreuses présentations flatteuses des usines 4.0. Elle est également caractérisée par une dimension collective, non formalisée mais nécessaire, basée sur de nombreuses interactions. Elle est enfin l'occasion d'une expérience subjective, où se concentrent et s'arbitrent de nombreuses tensions. Ainsi, le travail « 4.0 », bien que plus automatisé, se révèle plus humain que prévu.
      In order to meet the challenges of efficiency and manufacturing quality, the high levels of automation and data integration that characterize “industry 4.0” make it possible to produce customized series at the cost of mass production, which leads to the creation of dynamic and complex work situations. In “flow” industries, such as microelectronics, the very much real human work becomes less visible as it only intervenes in the event of a flow or process interruption. But what exactly are the consequences of this automation pushed to its maximum on the work and the skills required for production operators? This paper is based on the study of an industrial case, where the quest for high performance and the increase in automation lead to more monitoring of anomalies. The theoretical framework chosen is that of invisible work and its threefold experience (Gomez, 2013), and allows to discover a mutation of work that is not really considered by the official organization. Thanks to a qualitative approach combining direct observation and semi-directive interviews, this research reveals that the work experience is marked by a hypertrophy of the objective dimension, far from the most frequent, flattering presentations of “industry 4.0”. A collective part, non-official, is still necessary, with many interactions. At last, the subjective experience reveals many tensions. Thus, the “4.0” work, even it is more automatized, turns out to be much more human than expected.
  • Mosaïque