Contenu du sommaire : Spécial : Proche-Orient: foyers, frontières et fractures

Revue 20 & 21. Revue d'histoire Mir@bel
Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire
Numéro no 103, juillet-septembre 2009
Titre du numéro Spécial : Proche-Orient: foyers, frontières et fractures
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

  • Articles - Foyers

    • Arabisme, nationalisme arabe et identifications transnationales arabes au 20e siècle - Dakhli Leyla p. 12-25 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur l'histoire des pensées nationalistes arabes et du panarabisme. Il se situe à l'articulation entre les dimensions culturelle, politique et religieuse tout au long du siècle. Cet angle d'étude permet d'échapper à la vision étroite d'un nationalisme arabe originel, purement laïc par nature, dégagé au départ de toute influence religieuse et culturelle. En revenant sur l'importance des composantes linguistique et littéraire dans la structuration initiale de l'« arabité », en rappelant également que l'islamisme politique prend racine dans les premières décennies du siècle, l'article remet en cause la chronologie qui limite ces idéologies à leur seule incarnation autoritaire, dans les années 1950-1960, pour présenter le paysage composite d'une arabité aux aspérités multiples et aux fréquentes reconfigurations.
      This article deals with the history of nationalist Arab thinking and of Pan-Arabism. It is situated at the intersection of the cultural, political and religious dimensions throughout the century. This angle of study makes it possible to escape the narrow vision of a primary Arab nationalism, purely secular by nature, freed at the outset from all religious and cultural influence. By emphasizing the importance of the linguistic and literary element in the initial structuration of Arabity, by recalling that political Islamism took root in the first decades of the century, the article challenges the chronology that limits these ideologies to their authoritarian incarnation alone in the 1950s and presents the composite landscape of an Arabity with many facettes and frequent reshaping.
    • Les sionismes au 20e siècle, entre contextes et contingences - Charbit Denis p. 27-46 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le sionisme fait souvent l'objet d'éloges et de condamnations qui ont en commun de l'expulser hors de l'histoire, alors même qu'il est un produit de l'histoire du 19e et du 20e siècle. Né dans le contexte de l'émancipation, du printemps des peuples et de l'antisémitisme, son développement ultérieur sous la forme de l'État d'Israël tient largement aux événements clés du 20e siècle : la première et la seconde guerre mondiale, la décolonisation et la chute de l'Union soviétique. L'article examine la question récurrente de l'assimilation du sionisme au colonialisme et montre ensuite comment un projet, qui fut révolutionnaire pour le peuple juif après deux mille ans de conscience exilique, a échappé à la tentation totalitaire de nombre de projets révolutionnaires dont le sionisme fut contemporain.
      Despite being a product of the 19th and 20th century, Zionism is frequently either distinguished or decried as existing out of History. Born in the context of emancipation, national revival and anti-Semitism, its subsequent development took the form of the State of Israel and was shaped by key events of the 20th century: the First and Second World Wars, decolonization and the collapse of the Soviet Union. After dealing with the relevance of the analogy between Zionism and colonialism, the paper also demonstrates how Zionism as a revolutionary project for the Jewish People, unlike several other revolutionary projects of the same period, managed to avoid the totalitarian temptation.
    • Le siècle de la Turquie. Une histoire contemporaine ? - Aymes Marc p. 47-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pétrifié au 20e siècle en un toponyme national, le nom de « Turquie » n'est pourtant pas d'un siècle et d'un seul. Il entrecroise de multiples tables de concordance des temps. D'un côté, il y a les longues durées recréées par les versions savantes du discours nationaliste. De l'autre, des profondeurs polysémiques invitent à tenter d'autres expériences d'actualisation, transverses au feuilleté chronologique. Ces mises en contemporanéité acceptent le risque de l'anachronisme méthodique : l'histoire de la Turquie que nous écrivons en ce siècle ne peut être seulement énoncée depuis ce siècle. Il convient donc de chercher à élaborer une approche qui, tout en prenant acte de la pose immobile adoptée par l'État nation, la dérange, et laisse voir les autres temps avec lesquels elle a dû composer. Une étude de cas est privilégiée à cette fin : la configuration aujourd'hui appelée « État profond », et la géométrie variable d'ères et d'aires qui s'appliquent à l'analyser.
      Though petrified as a national toponym in the 20th century, the name “Turkey” does not belong to one century alone. Many time frames criss-cross it. For one, scholarly versions of nationalist discourse have embedded it in their long durée. Besides, there are polysemic depths to explore that lead to other updating experiments, cutting across history's foliated time. Emphasis is thus put on contemporaneity, which implies the endorsement of a form of methodical anachronism: the history of Turkey as written in this century cannot be enunciated from this century only. While acknowledging the immobile pose struck by the nation-state, one also needs to account for the lost times which the latter had to make up for. A case in point is what is nowadays being called the “deep state”, and the kaleidoscopic geometry of knowledge (between and betwixt eras and areas) that revolves around it.
  • Articles - Frontières

    • Construction nationale et discrimination au Proche-Orient. De la fin de l'Empire ottoman à nos jours - Bourmaud Philippe p. 62-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La discrimination nationale est une notion dont le sens varie. Elle prend cependant toute sa signification dans le cadre des États nations. La transition de l'Empire ottoman, un État impérial multi-ethnique, aux États créés comme mandats de la Société des nations, fut l'occasion de ce phénomène. La discrimination était opérée différemment et avec des objectifs variables d'un pays du Proche-Orient à un autre, selon l'équilibre politique au sein des élites locales et selon la vision sociopolitique qui avait façonné ces États. Pendant les Mandats et après les indépendances, les nouveaux États ont eu tendance à sélectionner les communautés qu'ils étaient prêts à accueillir parmi leurs citoyens. Les membres d'autres communautés, moins fortunées, furent dénationalisés par de multiples moyens, surtout par l'émigration et par les politiques d'expulsion. Les Palestiniens, dans les différents États et territoires qu'ils habitent, constituent un exemple des processus d'exclusion par discrimination nationale.
      National discrimination is a notion prone to changes of meaning. It is, however, most significant within the framework of nation states. The transition from the Ottoman Empire, an imperial, multiethnic State, to the States that came into being as mandates of the League of Nations, gave rise to such national discrimination. It was enacted differently and with various objectives in the several new States of the Near East, depending on the political balance within their elites and according to the sociopolitical vision that saw their creation. During the Mandates and after independence, the new States tended to pick the communities that they were willing to welcome within their citizenry. Members of other, less fortunate communities were denationalized in various ways, emigration and expulsion mostly. Palestinians in the various territories and States where they live are an example of those processes of exclusion through national discrimination.
    • De la région frontière à la ligne frontière. Les confins méridionaux de la Syrie de la fin de l'Empire ottoman au début des Mandats - Mizrahi Jean-David p. 77-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Lorsque la France s'installe en Syrie et au Liban au lendemain de la première guerre mondiale, elle doit faire face à une profonde insécurité. En particulier, les confins méridionaux de la Syrie mandataire, au contact d'une Transjordanie encore balbutiante, représentaient une zone particulièrement sensible. Expliquer comment cette région frontière devint une ligne frontière permet non seulement de comprendre comment le Moyen-Orient moderne est né, mais permet aussi de comprendre comment ces nouvelles frontières ont affecté les représentations, à la fois géographiques et politiques, que les populations locales avaient d'elles-mêmes.
      As France established its control in Syria and Lebanon in the aftermath of the First World War, it confronted widespread insecurity. In this regard, the southern outlying areas of mandatory Syria, bordering a fledgling Transjordan, represented a particularly sensitive issue. The effort to explain how an Ottoman borderland became a mandatory borderline is not only a reminder of the way the modern Middle East was born, but also an attempt to understand how these new borderlines transformed self-representations, both geographical and political, of the local populations.
    • Frontières et pouvoir d'État. La frontière turco-syrienne dans les années 1920 et 1930 - Altu? Seda, White Benjamin Thomas p. 91-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article se propose d'étudier la délimitation de la frontière turco-syrienne dans les années 1920 et 1930, afin d'illustrer le rapport dynamique entre le développement des frontières contemporaines – lignes précises et fixes, délimitant des territoires bien définis – et le développement de l'État nation. En Turquie, la définition de la frontière faisait partie de l'extension du pouvoir du nouvel État républicain sur le territoire qu'il revendiquait. La frontière jouait aussi un rôle important dans le discours nationaliste de la République, puisqu'elle servait à définir non seulement le territoire de l'État, mais aussi les groupes et populations qu'il fallait en exclure. En Syrie, si la délimitation de la frontière jouait un rôle identique dans l'extension du pouvoir de l'État mandataire, elle jouait un rôle discursif davantage dans le discours nationaliste arabe syrien que dans le discours de la puissance mandataire.
      This article studies the delimitation of the Turkish-Syrian border in the 1920s and 1930s in order to illustrate the dynamic relationship between the development of modern borders –precise, fixed lines drawn around well-defined territories – and the development of the nation-state. In Turkey, the definition of the border was part of the extension of the new republican State's power over the territory it claimed. The border also played an important role in the Republic's nationalist discourse, since it served to define not only the territory of the State, but also the groups and populations that had to be excluded. In Syria, the definition of the border played a similar role in the extension in the mandatory state power; but it was in Syrian Arab nationalist discourse rather than the discourse of the mandatory power that the border found a discursive role.
    • Identifications nationales et construction des frontières. Les Palestiniens au Liban (1943-1958) - Sfeir Jihane p. 105-119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article se penche sur l'identification des Palestiniens durant les premières années de leur exil libanais (1947-1958). Il s'agit d'abord de revenir sur la mise en place des frontières séparant le Liban de la Palestine mandataire et de l'État d'Israël post-1948. Il est ensuite question d'étudier tout un ensemble de politiques qui définissent l'attitude institutionnelle libanaise à l'égard d'une population étrangère. L'article se termine par une analyse de l'impact des frontières sur le façonnement des nouvelles identités palestiniennes et libanaises, de la redéfinition de l'espace dans lequel s'étaient construites les identités des habitants de part et d'autre de la ligne séparant le Liban sous mandat français de la Palestine sous domination britannique, du Liban indépendant avec le nouvel État d'Israël.
      This paper studies the identification of Palestinians in Lebanon during the first years following their exile (1947-1958). The article starts with a look at the establishment of official borders separating Lebanon from Mandate Palestine and ultimately from the State of Israel post-1948. It is then necessary to look at all the policies that defined the institutional Lebanese attitude regarding a foreign population. The article ends with an analysis of the impact of borders on the remaking of new Palestinian and Lebanese identities, of the redefinition of the space in which these identities were constructed on both sides of the line separating French-mandated Lebanon from British-dominated Palestine, and from an independent Lebanon and the new State of Israel.
  • Articles - Fractures

    • Un Arabe juif dans l'Irak de l'entre-deux-guerres. La carrière d'Anwar Shā'ul - Bashkin Orit p. 120-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie l'œuvre d'Anwar Shā'ul, un intellectuel irakien juif, pendant la période de l'entre-deux-guerres. Né en 1904 à Hilla, Shā'ul est devenu l'un des journalistes et des auteurs de nouvelles les plus influents de la nation. La carrière de Shā'ul dans l'entre-deux-guerres montre comment celui-ci a choisi de construire une identité juive-arabe qui refléterait le désir de sa communauté d'être intégrée dans la communauté nationale arabo-irakienne, tout en conservant son caractère religieux distinctif. Il s'est approprié et a manipulé le langage officiel de l'État, en affirmant que l'unité arabe nationale signifiait l'inclusion des Arabes juifs dans la culture irakienne. Vivant à une époque caractérisée par des conflits religieux et ethniques, Shā'ul et ses pairs intellectuels (juifs, musulmans tout comme chrétiens) ont tenté de diffuser une image plus tolérante, démocratique de l'État irakien.
      This paper studies the works of Anwar Shā'ul, a Jewish Iraqi intellectual, during the period between the two World Wars. Born in 1904 in Hilla, Shā'ul became one of the nation's leading journalists and authors of short stories. Shā'ul's career between the two World Wars demonstrates how Shā'ul opted to construct a Jewish-Arab identity that would reflect his community's desire to become integrated into the Arab-Iraqi national community while preserving its religious distinctiveness. He both appropriated and manipulated the official language of the state by asserting that national Arab unity meant the inclusion of Arab-Jews in Iraqi culture. Living in a period characterized by religious and ethnic strife, Shā'ul and his fellow intellectuals (Jewish, Muslim and Christians alike) attempted to convey a more tolerant, democratic perception of the Iraqi State.
    • Frontières externes et fractures internes entre Juifs et Arabes. Aux sources de la ségrégation scolaire en Israël (1947-1953) - Smotriez Aurélia p. 133-147 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article se propose d'analyser les modalités de la construction des frontières ethnonationales qui traversent l'État d'Israël depuis sa création, à la lumière de la formation de son système scolaire entre 1947 et 1953. L'analyse des débats et des crises politiques de cette période charnière éclaire le rôle décisif joué par la ségrégation entre les élèves juifs et arabes non seulement dans la mise à l'écart et le contrôle de la minorité arabe, mais aussi dans la tentative d'homogénéisation d'une collectivité juive alors confrontée à l'immigration de masse. « Creuset » où doit se réaliser la promesse sioniste de création de la nouvelle identité nationale, l'École devient paradoxalement le lieu de l'ethnicisation des relations sociales en Israël, celui où se cristallisent les frontières ethnonationales non seulement entre Juifs et Arabes, mais aussi entre Juifs ashkénazes et séfarades, notamment à travers l'inscription durable du lien entre ethnicité et religion.
      This article examines the construction of the ethnonational boundaries that cut across the Israeli State since its foundation, based on an analysis of the establishment of its educational system between 1947 and 1953. The debates and conflicts of these years shed light on the crucial role educational segregation between Jewish and Arab pupils plays, not only in the exclusion and control of the Arab minority, but also in the State's endeavor to unify a Jewish society facing massive immigration. Paradoxically enough, School, which was conceived by the Zionist founding fathers as the “melting pot” where the new national identity must develop, is the locus where the ethnicisation of Israeli social relations takes place. This process crystallizes the ethnonational divide between Jews and Arabs, as well as between Jews themselves of Ashkenazi and Sephardic ethnic backgrounds, among others by strengthening the link between ethnicity and religion.
    • Les identités chiites au Liban-Sud. Entre mobilisation communautaire, contrôle partisan et ancrage local - Chaib Kinda p. 149-162 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'appartenance au système confessionnel libanais apporte aux chiites une certaine reconnaissance en tant que groupe constitué, mais ce constat ne nous informe que peu sur la façon dont ils se définissent comme chiites aujourd'hui. Nous prendrons l'exemple du Liban-Sud qui a une histoire particulière, tant par l'ancienneté de la présence chiite que par son contact direct avec l'occupation. Après avoir posé quelques jalons de l'histoire des chiites au Liban, nous verrons comment s'est opérée leur prise de conscience communautaire, entre adhésion à des partis de gauche et affirmation d'une identité confessionnelle (re)découverte à la faveur de la guerre civile et de l'occupation israélienne. L'iconographie et les cimetières de villages, à travers l'étude de la mise en scène des martyrs, permettront ensuite de comprendre comment, entre contrôle partisan et ancrage local, les chiites du Liban-Sud se vivent comme chiites depuis la libération de la région en 2000.
      Being part of the Lebanese religious system brings the Shiites a certain recognition as a constituted group, but this does not provide much information as to how they identify as Shiites. We will consider the example of South Lebanon that has a particular history because of the long-time presence of the Shiites and their direct contact with the Israeli occupation. After indicating a few markers of Shiite history in Lebanon, we will see how “their community awareness” operates between belonging to leftist parties and the affirmation of (re)discovered religious identity with the Civil War and the Israeli occupation. The iconography and village cemeteries through the study of the foregrounding of martyrs show how the Shiites of South Lebanon live as Shiites, between partisan control and local attachment, since the Liberation of the South in May 2000.
    • Guerre, rupture et frontière identitaire dans le Sud du Mont-Liban. Les relations revisitées entre druzes et chrétiens de la Montagne - de Clerck Dima p. 163-176 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article fait le point sur les rapports intercommunautaires druzo-chrétiens dans le Liban d'après-guerre et se penche sur les conditions et les difficultés d'une réintégration des chrétiens dans leur milieu d'origine après plus de quinze ans de séparation avec leurs voisins de toujours, depuis leur expulsion hors de la Montagne en 1983. Les relations druzo-chrétiennes d'avant-guerre sont revisitées, en soulignant qu'elles étaient caractérisées plus par une proximité que par la mixité. Lors de la guerre de 1975-1990, le code tacite de sociabilité forcée qui régulait ces relations et prévenait la violence n'a pas été suffisant pour empêcher la rupture entre druzes et chrétiens. Les préjugés qu'ils nourrissent sont le fruit de leur cohabitation historique et de leurs mémoires affrontées. L'installation massive, souvent forcée des chrétiens en ville et leur adoption de tendances citadines a suscité de leur part un relâchement des pratiques propres au milieu rural restées chères aux druzes.
      The present article examines the relations between the Druze and Christian communities in post-war Lebanon and looks into the conditions and difficulties of the reintegration of the Christians in their native environment more than fifteen years after separation from their Druze neighbours. Prior-to-war relationships between Druzes and Christians are revisited: emphasis is put on the fact that they were characterized by proximity rather than by social mix. During the war (1975-1990), the affected sociability code that used to regulate these relations and prevent violence proved insufficient in avoiding the split between Druzes and Christians. The prejudices that both groups hold against each other result from their historic cohabitation and their harbouring of conflicting memories. The forced urbanization of Christians since they were expelled from the Mountain in 1983 has provoked on their part a slackening of rural practices precious to the Druzes.
    • Vers un féminisme politique hors frontières au Proche-Orient. Regard sur les mobilisations en Jordanie (années 1950-années 2000) - Latte abdallah Stéphanie p. 177-195 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objet l'histoire du féminisme jordano-palestinien depuis les années 1950, entendue comme un cas d'étude exemplaire des recompositions des organisations féminines au Proche-Orient. Depuis les années 1980, ce féminisme a subverti les frontières partisanes, s'est émancipé du nationalisme, avant de s'approprier puis de redéfinir les nationalismes, palestinien puis jordanien, au sein desquels il s'est forgé des années 1950 aux années 1980. Ce féminisme s'est aussi démocratisé en s'ouvrant aux classes moyennes et populaires. Ainsi, contrairement à l'idée d'un renforcement du conservatisme social dans la région au cours des années 1980, qui voit l'émergence de l'Islam politique dans la sphère publique régionale, c'est à partir de cette période que commencent à être formulées des revendications plus radicalement féministes. Celles-ci sont liées à l'émergence de nouvelles actrices militantes, séculières et islamiques, et aux relations qu'elles nouent. Elles sont le plus souvent issues de groupes sociaux ayant moins eu accès à la représentation sociale et politique. Ce féminisme politique hors frontières peut être qualifié de postpartisan, postnationaliste et postislamique. Il s'emploie à contester les violences et les situations de minorités sociales et politiques, à travers la notion large de discrimination (tout à la fois sexuelle, sociale et politique), replaçant au cœur du politique une question démocratique élargie, de la sphère intime et privée à la place des groupes sociaux et nationaux au niveau régional et mondial.
      This paper deals with the history of Jordano-Palestinian feminism since the 1950s. It illustrates the on-going changes within women's organisations in the Near East very well. Since the 1980s, this feminism has subverted party divides, freed itself from both Palestinian and then Jordanian natio-nalism, from which it had developed as of the 1950s and until the 1980s. This feminism also became more democratic by widening its activist base to women from middle and low socio-economic backgrounds. Indeed, contrary to the widespread idea of the resurgence of conservatism in the 1980s when political Islam emerged on the regional public sphere, this period saw the shaping of more radical and independent feminist claims. Such demands are grounded in the emergence of new activist social actors, secular and Islamic, and in their political interactions. These women belong mostly to groups that were poorly represented socially and politically. This cross-boundary political feminism can be considered as postpartisan, postnationalist and postislamic. Using the concept of discrimination (considering at the same time sexual, social and political discrimination), its action is geared towards the contestation of social and political violence and minorities. Yet it places the issue of democratization, understood in a wide sense, from the intimate and private sphere to the role of social and national groups at a regional and global level at the core of politics.
    • Repères chronologiques - p. 197-201 accès libre
    • Comptes rendus d'ouvrages sur le Proche-Orient - p. 203-216 accès libre
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