Contenu du sommaire : "Mémoire à l'Est"

Revue Revue d'études comparatives Est-Ouest Mir@bel
Numéro vol 37, no 3, septembre 2006
Titre du numéro "Mémoire à l'Est"
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • "Mémoire à l'Est"

    - Coordonnatrice : Françoise Mayer
    • Avant-propos - Marie-Claire Lavabre et Françoise Mayer p. 5 accès libre
    • La Pologne post-communiste face à l'héritage de Potsdam : acteurs, enjeux et cadres d'une recomposition mémorielle - Agnieszka Niewiedzial p. 13 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La recomposition mémorielle autour de la transformation de l'assise territoriale et démographique de l'État polonais, officialisée par les accords de Potsdam (juillet-août 1945), offre un exemple de l'évolution des modes d'élaboration et de la vocation des mémoires nationales. Entre la défense de l'intégrité de l'espace national et la condamnation des déplacements forcés de populations, le retour sur le passé implique des enjeux politiques et sociaux en apparence contradictoires. L'engagement des promoteurs de la mémoire historique et des porteurs de la mémoire commune dans le réexamen critique de l'histoire nationale - objet de cet article - est révélateur de la modification du nationalisme polonais sous l'effet de l'instauration du régime démocratique.
      Post-Communist Poland faces the Potsdam heritage: Actors, issues and frameworks in reworking the nation's memory Reworking the national memory around the changes (officialized by the Potsdam Conference, July- August 1945) in the Polish state s territory and population provides an example of how this memory and its vocation changes. Between defending the national territory and condemning the forced displacement of populations, this looking back on the past involves apparently contradictory political and social issues. Those who advocate history and those who convey the "common" memory are critically reexamining the nation s history. Their involvement shows how Polish nationalism is being modified under the sway of democracy.
    • Les usages militants de la mémoire dissidente en Russie post-soviétique - Françoise Daucé p. 43 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la Russie du début des années 1990, les militants des associations de défense des droits de l'homme, nouvellement créées, ont mobilisé leur mémoire du communisme pour orienter leur action post-soviétique. Cette mémoire a généralement été travaillée par le prisme de la dissidence. D'une part, les militants ont gardé le souvenir des répressions, des crimes de l'État communiste et de l'atomisation de la société. De l'autre, ils ont maintenu des amitiés fortes et des relations de connivence nouées dans les réseaux de la clandestinité. Aujourd'hui, les militants associatifs disposent donc d'un double héritage mémoriel. Si l'on se place du point de vue de l'historien, cet héritage relève de deux interprétations antagonistes de l'histoire soviétique : l'une totalitaire, l'autre révisionniste. Cette double mémoire n'est pas anodine car elle contribue à la complexité des pratiques associatives post-soviétiques. En effet, depuis la chute de l'URSS, les associations de défense des droits de l'homme mobilisent le passé pour justifier leur place dans la vie publique russe. D'une part, en rupture avec l'arbitraire de l'époque soviétique, les militants témoignent d'un souci de l'action collective et d'un fort attachement au droit qui relèvent de l'engagement civique. De l'autre, inquiets des dangers de l'idéologie et des tensions interpersonnelles produites par le débat partisan, ils manifestent une grande méfiance à l'égard des luttes électorales. Cette position ambiguë, à la fois soucieuse du bien public mais réticente devant l'exercice du pouvoir, dévoile aujourd'hui ses limites. Les associations de défense des droits de l'homme sont marginalisées et souvent démunies face aux injonctions du pouvoir qui pèsent sur elles.
      How activists put the memory of dissidence to use in post-Soviet Russia At the beginning of the 1990s in Russia, the activists in newly founded human rights organizations used their own memory of Communism, evoked through the prism of dissidence, in order to justify their actions during the post-Soviet period. They kept alive the memory of Communist crimes and repression against dissidents and recalled Soviet society's atomization. They also maintained strong friendships and bonds formed in underground networks. Today's activists have a twofold heritage that, from the historian's viewpoint, can be interpreted in two contradictory ways, totalitarian or revisionist. This accounts for the complexity of practices in post-Soviet organizations. Since the USSR's collapse, human rights NGOs have been activating the past in order to justify their role in Russia. In a break with arbitrariness during the Soviet period, today's activists value collective action and are strongly attached to legality and civic involvement. Worried by both the dangers of ideology and the interpersonal tensions fueled by partisan politics, they have a strong mistrust for politics and electioneering. This ambiguous position - concern for public interests and reluctance to exercise power - has encountered its limits. Pushed along the margins of politics, human rights organizations are powerless in reacting to government orders.
    • Conversion partisane et usages politiques du passé : le cas du Parti socialiste bulgare - Marta Touykova p. 67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si la plupart des organisations politiques mobilisent des références au passé dans leurs discours, toutes n'ont pas le même rapport à l'expérience communiste étant donné leur propre histoire. Le présent article étudie le cas du Parti socialiste bulgare (PSB), successeur de l'ancien parti dirigeant mais engagé dans un processus de rénovation. Cette formation est dépositaire d'une histoire et contrainte de gérer un héritage qu'elle revendique sous bénéfice d'inventaire. Les usages et la gestion du passé communiste sont ainsi au cœur de sa refondation partisane. Il s'avère que l'héritage communiste n'est pas uniquement un handicap et une contrainte pour le parti successeur et qu'il a pu, à certaines conditions et dans un contexte donné, être converti en ressource pertinente dans la compétition politique. Toutefois, l'instrumentalisation du legs de l'ancien régime n'est pas dépourvue de risques pour un parti cherchant à valoriser sa nouvelle image. Sa moindre mobilisation au fil du temps témoigne d'une certaine réorientation de la stratégie socialiste en matière d'usages du passé mais, peut-être aussi, d'une certaine dévaluation de cette ressource dans la compétition politique.
      Converting a political party and using the past: The Bulgarian Socialist Party Although most political organizations make references to the past, they do not all have the same relations with the Communist experiment. The Bulgarian Socialist Party, the successor of the former single ruling party, is being renovated. Given the long historical legacy with which it has to cope, it has laid claim to this inheritance as a positive inventory. Its renovation is based on how it is using and managing its Communist past, which, besides being a handicap and a constraint, could be converted into a resource useful for politics under certain conditions. Profiting from the former regime's legacy is not without risks for a party seeking to promote a new image. Its moderation in using this legacy is evidence that it is reorienting its strategy and, perhaps too, that the past carries less weight in politics.
    • La muséification du passé récent en Hongrie post-communiste : deux mises en spectacle de la mémoire - Anne-Marie Losonczy p. 97 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers une analyse comparative de deux muséifications récentes du passé communiste en Hongrie (Parc National des Statues, 1992, et Maison de la Terreur, 2002), ce texte propose de considérer l'oblitération d'un passé par la mise à l'écart muséale comme l'une des fonctions peu analysées des stratégies de mise en musée. En second lieu, dans les débats actuels qui opposent constructions mémorielles et historicité, il montre que la « mise en mémoire » d'un passé traumatique, loin d'empêcher toute historicité, constitue souvent une étape intermédiaire dans la revendication d'une historicité alternative. L'étude de ces deux formes de mise en spectacle muséal du passé confirme, en outre, la nature cultuelle des mémoires patrimoniales dans les sociétés contemporaines sécularisées.
      Storing the recent past in a museum in post-Communist Hungary: Two forms of exhibiting memory This comparative analysis of two recent cases in Hungary of fitting the Communist past into a museum (National Park of Statues, 1992, and House of Terror, 2002) proposes the hypothesis that obliterating the past by storing it in a museum is one of the seldom analyzed functions of museological strategies. In the current debates that set memorials opposite history, this storing of a traumatic past in memory, far from preventing historicity, often represents an intermediate phase in the claim for an alternative history. This study of these two forms of exhibiting the past in a museum confirms that the patrimonial sense of memory in contemporary secular societies is a form of worship.
    • Le "monde disparu" et la "société naissante" : représentations savantes de la sortie du communisme en Roumanie - Iona Cirstocea p. 113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte propose au public non familiarisé avec les travaux des spécialistes roumains - qui, à de rares exceptions près, ne sont pas accessibles dans les langues de communication internationale - quelques thématiques développées par les études sur le communisme et la sortie du communisme en Roumanie. La démarche adoptée consiste à s'intéresser, successivement et dans un mouvement de va-et-vient entre les pôles institutionnels de production et les catégories explicatives mobilisées, aux discours traitant respectivement du « monde disparu » (le communisme) et de la « société naissante » (postcommuniste). Mettant en évidence les dits et les non-dits des sciences sociales (notamment l'histoire et la sociologie), la reconstitution de la perspective savante « indigène » sur la Roumanie contemporaine éclaire à la fois la manière dont cette société gère son rapport au passé et la place réservée à ce dernier dans les mobilisations identitaires actuelles.
      The "lost world" and the "emerging society": Intellectual conceptions of the Romanian transition out of Communism For readers not familiar with studies by Romanian scholars, most of which are not available in the languages used for international communication, a few themes related to Communism in Romania and the transition out of it are proposed. Focus shifts back and forth between the institutional poles of production and the explanatory categories used to talk about a "lost world" (Communism) and an "emerging society" (post-Communist). By bringing to light what is said and what is left unsaid in the social sciences (in particular history and sociology), this reconstitution of the "native" intellectual perspective on contemporary Romania sheds light both on the way this society is managing its relation to the past and on the place reserved for the past in efforts to activate a sense of identity.
    • À la recherche d'une place dans l'histoire ou comment revaloriser un passé dévalorisé : micro-analyse d'un entretien avec un ancien militaire de la Nationale Volksarmee - Nina Leonhard p. 143 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution a pour objet les anciens militaires de l'armée de « l'autre Allemagne » et la manière dont ils appréhendent le passé de la RDA. À partir d'un cas précis, l'auteur se demande comment les militaires est-allemands évoquent et interprètent leur parcours professionnel et comment ils mettent en rapport leurs expériences d'autrefois avec ce qu'ils ont vécu depuis la réunification. Il s'avère que le rapport au passé se fonde tout d'abord sur les inégalités que les militaires est-allemands affrontent dans l'espace public ainsi que sur le sentiment d'être dévalorisés et, notamment, défavorisés par rapport aux Allemands de l'Ouest. Par ailleurs, l'on observe une autre forme de réappropriation du passé qui est fondée sur l'affirmation d'un rôle positif de la Nationale Volksarmee (NVA) lors de la révolution de 1989. Ces résultats permettent de mieux comprendre les effets, au niveau des individus, du transfert du système politique, social et économique ouest-allemand aux nouveaux Lander et soulignent la nécessité de prendre en compte les enjeux de la mémoire dans l'analyse des sociétés en transition.
      The search for a place in history, or how to enhance an undervalued past: A microanalysis of an interview with a Nationale Volksarmee veteran How have veterans of the East German army come to terms with the GDR's past? An interview with an NVA veteran serves to analyze how former soldiers mention and interpret their military service, especially in relation to what they have experienced since reunification. Their relation to the past is grounded in feelings of inequality in the public sphere and of a loss of value or even discrimination by comparison with West Germans. Another way to reappropriate the past is to attribute a positive meaning to the East German army and its role during the 1989 revolution. These insights help us better understand how the transfer of West-Germany's political, social and economic system to the east has affected individuals. Attention is drawn to the need to take into account the issues related.
    • Le "grand compromis" et la mémoire familiale : les ex-nobles russes à l'époque stalinienne - Sofia Tchouikina p. 165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le mouvement de liquidation du passé et de la tradition ayant accompagné la soviétisation de la société russe après la Révolution engendra des recompositions biographiques dans toutes les couches de la population. Ce travail d'adaptation des histoires personnelles aux canons idéologiques peut être vu comme un « grand compromis », nécessaire à la survie sociale des groupes les plus visés par la répression. C'est le cas de l'ancienne noblesse qui fut très tôt l'objet d'une discrimination systématique remettant entièrement en cause les modes de socialisation et le statut de ses membres. L'auteur analyse, à partir d'une série d'entretiens et de mémoires publiés, les stratégies identitaires successivement poursuivies par les anciens nobles pour survivre socialement, s'attachant plus particulièrement aux modalités de transmission de leur mémoire familiale. L'étude ainsi réalisée permet d'illustrer plus généralement les conséquences pour la société soviétique et post- soviétique du « grand compromis » des années 1920-1950.
      The "Big Compromise" and family memory: Former nobles during the Stalinist era in Russia The liquidation of traditions and of the past during the Sovietization of society following the Russian Revolution led persons in all strata of the population to rework their biographies. This adaptation of personal stories to ideological models can be seen as a "Big Compromise" necessary for social survival, in particular for groups, such as the nobility, targeted by the new regime. Right after the Revolution, systematic discrimination undermined forms of socialization among the nobility and deprived it of its status. Using a set of interviews and published memoirs, the strategies of social survival are studied that former nobles pursued during different phases in Soviet and post-Soviet history, emphasis being given to the forms of conveyance of a family's memory. Light is thus shed on the consequences for Soviet and post-Soviet society of this big compromise during the period from 1920 to 1950.
    • Les "individus demeurés en territoire occupé" : aspects singuliers de l'épuration en Russie soviétique, 1942-1949 - Vanessa Voisin p. 199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Comme plusieurs pays européens, l'URSS a subi l'occupation nazie sur une grande partie de son territoire et procédé à une épuration des collaborateurs après la Libération. Ce sujet demeure peu étudié à ce jour, de même que la création par le régime stalinien d'une nouvelle catégorie de marginaux : les « individus demeurés en territoire occupé ». L'article explore la genèse et l'évolution de cette notion au cours de la guerre et des années suivantes.
      The "individuals remaining behind in occupied territory": Aspects of the purge in Soviet Russia, 1942-1949 Like several European lands, much of the Soviet Union was occupied by German forces for several years and then "purged of collaborators" right after liberation. Few studies have been made of this, nor of the formation of a new category of outcasts by the Stalinist system, namely: the "people remaining behind in occupied territory". This category's origin and evolution are examined during and following WW
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