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Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol 31, no 3, septembre 2000 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les communistes en Europe centrale
- 1989 et la ruine littérale et dialectique du POUP - Dariusz Stola p. 5 Les finances du Parti ouvrier unifié polonais (POUP) étaient l'un des secrets les mieux gardés du régime communiste polonais. Leur histoire est un champ de recherche presque intouché, bien que les archives offrent des centaines de dossiers de documents renfermant la comptabilité minutieuse du parti. Ce dernier était une grande et coûteuse machine bureaucratique employant plus de 20 000 personnes. Ses dépenses annuelles atteignaient des milliards de zlotys, dont seule une fraction mineure provenait des cotisations. Depuis 1973, les finances du parti étaient fondées sur les revenus de la Coopérative ouvrière d'édition, qui fonctionnait comme un "domaine royal". Cet article présente la crise financière du parti qui, depuis le choc de 1980-1982, s'est déroulée parallèlement à la crise générale du système politique et économique de la Pologne. À partir de 1988, cette crise a forcé les dirigeants du parti à chercher de nouvelles sources de revenu, étrangères à l'orthodoxie du socialisme étatique. La spirale inflationniste et les conséquences de la défaite électorale de juin 1989 ont provoqué la faillite littérale du parti et porté les dirigeants à une transformation institutionnelle du parti. En fondant des entreprises quasi-capitalistes, le parti s'est bien préparé à l'introduction de l'économie de marché et du pluralisme politique.The history of the funding of the Unified Polish Workers' Party - one of the best kept secrets in Communist Poland - is a little explored field of research even though the Party's detailed book-keeping records are stored in hundreds of files in the archives. The Party was a big, costly bureaucratic machine employing more than 20.000 persons. Its yearly expenditures amounted to billions zlotys, of which only a small fraction came from dues. As of 1973, the Party's finances were based on income from the Workers' Publishing Cooperative, a sort of "royal domain". Following the 1980-1982 shock, the Party's finances plunged into a crisis along with Poland's economy and political system. By 1988, this crisis was forcing Party leaders to look for new sources of income, not in line with the orthodoxy of the Communist state. The inflationary spiral and the consequences of the defeat at the polls in June 1989 literally ran the party into bankruptcy and forced its leaders to reform its institutions. By setting up quasi capitalistic companies, the Party prepared itself for the introduction of a market economy and political pluralism.
- Les communistes tchèques face à leur passe - Françoise Mayer p. 21 Le Parti communiste de Bohême et Moravie (PCBM) présente cette particularité de rester une force significative de l'échiquier politique tchèque, alors même qu'il développe à l'égard du passé un discours en porte à faux avec les valeurs revendiquées par le nouveau régime. Cette situation paradoxale oblige à repenser les conditions de la trajectoire des communistes tchèques dans toute leur historicité et à s'interroger sur la place et l'importance réelles du "rejet communiste" dans les recompositions politiques après 1989. Parler des communistes après 1989 dans les sociétés post-communistes pose en général un sérieux problème d'identification : de qui parle-t-on ? des ex "nomenkla- turistes", des ex-communistes convertis dans les sphères politiques ou économiques, des membres des partis néo-communistes ou réformés ? La référence au passé et au régime communiste joue un rôle différent dans les dispositifs identitaires de chacune de ces catégories. Alors que les "rénovateurs" communistes du début des années 1990 ont eu tendance à "évacuer" la relation au passé - dans des discours qui brouillèrent leur image dans le camp communiste -, les "conservateurs", à partir de 1993, ont remodelé l'identité partisane à partir d'une réaffirmation de l'héritage communiste. Ce discours qui emprunte au discours passé mais s'élabore dans des conditions nouvelles (nationales et internationales) a pour ambition de redonner au communisme, en tant que mouvement et idéologie, sa place dans les références tchèques et au PCBM sa légitimité dans la gauche tchèque. Face aux contradictions et aux failles de la décommunisation tchèque, cette construction mémorielle axée autour de la souveraineté nationale rejoint parfois l'argumentation d'autres tendances politiques.The Communist Party of Bohemia and Moravia (CPBM) stands out because it still represents a significant force in Czech politics even though it has worked out a discourse about the past that falls out of line with the values advocated by the new political system. This paradoxical situation forces us to reconsider the conditions underlying the historical itinerary of Czech Communists and to reassess the impact of a "rejection of Communism" in post-1989 political realignments. How to identify "Communists" in the post-Communist societies that have emerged since 1989? Who are we talking about? former officials in the party system? former party members who have turned to politics or now hold positions in the economy? members of reformed or "neo-" Communist parties? References to the past play a different role in the identities of each of these categories. Whereas Communist "renovators" in the early 1990s tended to skirt around the past in an attempt to blur their image, the "conservatives" have, since 1993,
- Un visage pratique du « néocommunisme » tchèque : la propagande électorale du Parti communiste de Bohème et de Moravie depuis 1990 - Michel Perottino p. 43 Le Parti communiste de Bohême et Moravie (KSCM) est le seul parti communiste d'Europe centrale à présenter, aujourd'hui encore, de nombreux traits communs avec l'ex-Parti communiste tchécoslovaque. Il est notamment accusé d'avoir conservé la même base militante, mais surtout d'être resté un parti communiste « conservateur », un parti communiste à l'idéologie toujours très orthodoxe, c'est-à-dire un « parti antisystème ». Cependant, le KSCM, qui, à l'issue de son Ve congrès (décembre 1999) réunissait sur son nom plus de 20 % des intentions de vote, intervient activement dans la vie politique dans le cadre des élections concurrentielles. En revanche, il demeure un parti toujours exclu de toute forme de participation au niveau national, autre que le simple travail de proposition parlementaire. Comment expliquer ce décalage grandissant entre un poids électoral si important et un rôle politique si faible ? Cette étude a donc vocation à présenter une réponse partielle à cette question en analysant quelques éléments caractéristiques de la communication politique (entendue ici comme propagande écrite comprenant tracts, affiches et programmes divers) de ce parti tchèque pas comme les autres. Il convient avant tout de déterminer si une évolution idéologique est sensible lors de ces "présentations" officielles du Parti communiste en période électorale (lorsqu'il s'agit d'attirer un maximum d'électeurs) et de voir si l'image que donne le Parti de lui-même est conforme à celle que véhiculent les médias ou ses adversaires politiques.The Communist Party of Bohemia and Moravia (KS^M) is the only Communist Party in central Europe that preserves several characteristics of the former ruling Communist Party. It is accused of having maintained the same rank and file and, especially, of remaining a "conservative" Communist Party with an orthodox ideology, in other words, of being an "anti-system" party. Following its Fifth Congress in December 1999 however, the KSCM played an active role in competitive elections, and more than 20 % of respondents in public opinion polls said they would vote for it. But it is still kept out of any political participation at the national level, apart from the possibility of introducing bills of law in parliament. How to account for this growing cleavage between electoral support for this party, so different from other parties, and its weak role in politics? A partial answer is provided to this question by analyzing a few characteristics of this party's political communication through its written propaganda (pamphlets, tracts, posters). Can we detect an ideological evolution in the way this party officially "presents" itself during elections, as it tries to attract as many voters as possible? Does the image that it gives of itself correspond to the image conveyed by the media and its political opponents?
- 1989 et la ruine littérale et dialectique du POUP - Dariusz Stola p. 5
Le système éducatif en Russie
- L'égalité en Russie : mythes et réalités - David Konstantinovskij p. 69 L'auteur exploite les résultats d'une recherche de sociologues soviétiques, qui ont constitué par diverses méthodes, sur une durée de 35 années (1963-1998), une importante base de données sur l'avenir des jeunes en URSS à la sortie de l'école secondaire. À partir des différents matériaux utilisés dans cette recherche, qui concerne surtout la région de Novosibirsk, il a été possible d'établir une dynamique générale de l'évolution du système d'enseignement en URSS des années 1960 à nos jours, démontrant comment celui-ci n'a pas su assurer l'égalité d'accès de l'ensemble des élèves aux études secondaires longues et supérieures ; au contraire, il a introduit et développé des formes de sélection sociale de plus en plus précoces. Analysant les résultats d'enquêtes relatives à deux groupes caractéristiques de filles en fin d'études secondaires, l'auteur constate que, sous l'influence des changements structurels et des conditions de vie de ces dernières années, le processus de différenciation sociale dans l'enseignement s'est encore accéléré.This article is drawn from the results of a research project conducted by Soviet sociologists who, using various methods over a 35-year period (1963-1998), established a major data base about what has happened to young people in the USSR upon finishing secondary school. On the basis of material from research mainly in the Novosibirsk area, trends in the evolution of the Soviet educational system from the 60s till the present are described, thus showing how this system has been incapable of ensuring equal opportunity for all students to undertake long courses of study in secondary and higher education. On the contrary, this system introduced and developed forms of social selection at an ever younger age. An analysis of survey findings concerning two groups of girls at the end of secondary school shows that, owing to structural changes and modifications in living standards in recent years, the process of social différenciation in education has sped up.
- L'école secondaire russe en mutation (d'après la situation à Moscou) - Galina Cerednicenko p. 99 L'article expose, à partir d'exemples pris dans les écoles de Moscou, la situation nouvelle de l'enseignement secondaire depuis le début des années 1990. La crise de société traversée par la Russie a provoqué et accéléré l'abandon progressif de l'école unifiée au profit des écoles et enseignements spéciaux, des écoles privées, sous couvert du respect de la diversité des élèves. Cette multiplication des écoles destinées en réalité à une nouvelle élite de dirigeants et de spécialistes, qui sont prêts à payer pour que leurs enfants reçoivent un enseignement plus performant, accentue la différenciation sociale qu'on observait déjà à la fin des années 1980 et qui culmine à l'entrée dans l'enseignement supérieur. Elle est encore favorisée par le fait que l'État non seulement finance de moins en moins le secteur de l'enseignement, mais substitue « la liberté et le pluralisme dans l'enseignement » au principe d'égalité qu'il s'efforçait jusqu'alors de garantir. L'auteur analyse à travers les résultats de deux enquêtes la montée de la sélection de plus en plus sévère des élèves du secondaire et les trajectoires de ces derniers en fonction de leur origine socio-culturelle.The new situation in secondary education since the early 1990s is described through examples of schools in Moscow. The social crisis in Russia has led, at an ever faster pace, to abandoning the unified school system in favor of developing specialized schools and courses, as well as private schools with the claim of respecting student diversity. This multiplication of schools, in fact intended for a new elite of leaders and specialists who are willing to pay so that their children receive a better education and improve their chances for admission into post-secondary institutions, is intensifying social differentiation, a trend already observable in the late 1980s. It is reinforced by the fact that the state has increasingly withdrawn its financial backing from the public school system and that it has replaced the principle of equality, which it used to try to promote, with "freedom and pluralism in education". On the basis of two surveys, the increasing severity of selection procedures as applied to secondary school students is analyzed as well as students' trajectories as a function of their social and cultural backgrounds.
- L'égalité en Russie : mythes et réalités - David Konstantinovskij p. 69
- Organiser la diversité : la fixation des catégories nationales dans I'Empire de Russie et en URSS (1897-1939) - Juliette Cadiot p. 127
- Islam officiel contre islam politique en Ouzbékistan aujourd'hui : la Direction des Musulmans et les groupes non-hanaff. - Bakhtyar Babadjanov p. 151
- La politique de disinflation en Hongrie entre 1995 et 2000 - Balazs Égert p. 165
- Les mutations polonaises : politiques volontaristes et catalyseurs sociaux - Andrezej Dudzinski et Krystyna Symkiewicz p. 193 L'observation des économies en transition montre que les trajectoires suivies par les différents pays furent nettement diversifiées, l'un des exemples en étant la Pologne. Dans sa mutation, le "volontarisme" des politiques économiques et du changement institutionnel s'est visiblement conjugué aux facteurs socio-politiques, qui eurent une influence très forte sur la nature du changement et le cheminement de l'économie. Même si des caractéristiques générales de la transition existent, il est nécessaire qu'apparaisse une certaine cohérence entre les différents aspects de cette mutation. Ceci étant, nous rappelons quelques traits majeurs de la voie polonaise, en insistant sur le long terme et les "conditions initiales", pour montrer comment les conditions historiques, les facteurs politiques et les attitudes sociales ont influencé la transformation du système. Ces facteurs l'ont parfois accélérée mais aussi apporté des restrictions au "déterminisme" du changement, contribuant à la cohérence du processus d'instauration d'une économie de marché, notamment par la mise en place de formes institutionnelles diversifiées. Le succès des réformes ultérieures et, en particulier, la poursuite de l'ouverture de l'économie dépendront grandement du maintien de cette cohérence.By observing the transition economies, we see that the trajectories followed by various countries have differed significantly, Poland being an example thereof. In the Polish transition, willful economic policies and institutional changes have been conjugated with social and political factors that have had an impact on the nature of changes and the course taken by the economy. Even though the transition has general characteristics, a degree of coherence is necessary between its different aspects. A few major traits of the Polish process, especially those having to do with the long-term and "initial conditions", are pointed out in order to show how historical conditions, political factors and social attitudes affect the system's transformation. While, at times, speeding up change, these factors have also restricted the "determinism" of change, thus contributing to the institution of a market economy, especially by setting up diversified institutional forms. The success of future reforms and, in particular, the wider opening of the economy will very much depend on maintaining this coherence.
Compte rendu de colloque
- Le congrès de Tampere - Sandrine Devaux, Irmina Matonyte, Laure Neumayer et Michel Perottino p. 229
Revue des livres
- Talline Ter Minassian, Colporteurs du Komintern. L'Union soviétique et les minorités au Moyen-Orient - Sophie Coeuré p. 239
- Christian von Hirschhausen, Jürgen Bitzer, Eds., The Globalization of Industry and Innovation in Eastern Europe. From Post-socialist Restructuring to International Competitiveness - Christian von Hirschhausen p. 240
- Cuong Le Van, Jacques Mazier, éds., L'économie vietnamienne et la crise asiatique - Wladimir Andreff p. 243