Contenu du sommaire : Amériques
Revue | Revue Européenne des Migrations Internationales |
---|---|
Numéro | Vol. 2, no 2, novembre 1986 |
Titre du numéro | Amériques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - Yves Charbit, Jacqueline Costa-Lascoux p. 5-7
Articles
- Les migrations intra-caribéennes - Hervé Domenach p. 9-24 L'économie de plantation puis l'économie de dépendance sont à l'origine de mouvements de population quasi-permanents qui ont largement induit l'histoire des sociétés caribéennes depuis leur constitution. Les migrations intra-caribéennes résultèrent d'abord des grands déplacements de main-d'œuvre provoqués par la croissance économique coloniale, puis relevèrent pour partie d'une dynamique propre. Ces flux se sont considérablement diversifiés au cours des trois dernières décennies, affectant sous des formes diverses la quasi-totalité des pays du Bassin caraïbe. Certains ont une assise historique, relativement indépendante des variations conjoncturelles, tandis que d'autres proviennent de situations de rupture politiques ou économiques, dont on ne saurait prédire l'évolution. La description de ces divers flux et leur quantification approchée constituent une synthèse porteuse d'interrogations sur la mobilité future à l'intérieur du Bassin caraïbe.Plantation and dependency economies originated quasi permanent population movements, which, from the beginning, partly shaped the history of Caribbean societies. Intra-Caribbean migrations were first produced by the massive displacements of the labour force subsequent to the growth of colonial economy. Then they acquired their own dynamism. During the last three decades, the flows became more diversified, and concerned practically all the countries of the Caribbean basin. Some had historical roots and were relatively independent from short-term variations, while others were caused by economic or political breaks which could not be predicted. The description of these flows, and their quantification, even if only roughly assessed, is a useful synthesis, which might raise interesting questions as far as future regional population movements are concerned.
- L'immigration au Venezuela - Michel Picouet, Adéla Pellegrino, Jean Papail p. 25-47 L'immigration au Venezuela a un caractère conjoncturel marqué. Les flux suivent les opportunités d'emploi, s'adaptent à la situation des marchés du travail ou à la capacité financière du marché des changes. La croissance importante des déplacements vers le Venezuela dans les années 70 s'accompagne ainsi d'une plus grande diversification de leur provenance et surtout d'une plus grande instabilité des flux. Ils sont largement clandestins, en particulier ceux originaires de la Colombie et de la Caraïbe. La crise que connait le Venezuela depuis le début des années 80, renforcée actuellement par l'évolution profonde du marché des produits pétroliers et de la baisse du dollar, le rend certainement moins attractif aux immigrants de toutes nationalités, surtout à ceux en provenance des pays limitrophes. Le problème tient sans doute qu'au fait que nombre des immigrants de ces dernières décennies ne se sont pas réellement fixés dans le pays et que leur départ risque d'entamer le fragile équilibre des compétences et de la technicité, moins aux effectifs eux-mêmes.Immigration to Venezuela is clearly of a short-term nature. Flows follow job opportunities and adjust to the labour markel and to the financial capacity of the exchange market. The large increase of migratory movements to Venezuela in the 1970s is characterized by a diversification of their places of origin and by a greater instability. To a large extent, the migrants are illegal, especially those coming from Columbia and the Caribbean islands. Because of the crisis of the early 1980s, which is now worsened by the down trend of both oil prices and the US dollar, Venezuela has become less attractive to immigrants, particularly from neighbouring countries. The problem for Venezuela is not so much that of the overall number of migrants, but rather lies in the fact that immigrants are not really integrated in Venezuela and their return might upset the fragile balance on the labour market, especially as far as specialized and technical jobs are concerned.
- Circuitos migratorios en el occidente de Mexico - Jorge Durand p. 49-67 Les récents travaux sur les migrations au Mexique soulignent le divorce entre les études des mouvements de population, internes et internationaux, et les limites des approches centrées sur les pays soit d'origine, soit d'arrivée. L'analyse porte sur l'Ouest mexicain, où la migration est une vieille tradition, et où l'interdépendance entre les flux internes et externes est évidente. S'appuyant sur diverses sources et statistiques, l'article montre l'importance des deux types de migration et les changements dans les facteurs endogènes ou exogènes qui ont affecté la vie et les mouvements migratoires de la population de la région. Le circuit migratoire n'étant pas seulement un flux de personnes, mais aussi de biens matériels et de capitaux, les villes, en particulier Guadalajara ont une importance stratégique. Elles remplissent diverses fonctions et sont devenues la colonne vertébrale du processus migratoire : centre d'attraction et d'« accueil » pour les migrants internes, elles sont aussi le lieu d'origine d'autres migrants, le point de départ pour l'émigration internationale et le milieu où se réinstallent de nombreux migrants d'origine rurale. Cette analyse de la migration, du point de vue de la ville, révèle que la conjonction de la tradition et de l'expérience migratoires avec l'industrialisation de Guadalajara a entraîné la réhabilitation des relations ville-campagnes et a permis le développement de multiples activités commerciales et de production qui impliquent à la fois les zones rurales, les villes et les points d'arrivée des migrants aux Etats-Unis.Recent studies of migration in Mexico point out the divorce between analyses of internal and international population movements, as well as the limits of approaches which center their attention on either the sending or the receiving community. The analysis refers to Western Mexico, a region with a long migratory tradition, in which the interaction between internal and international migration is evident. Drawing on data from different sources and statistics, the essay demonstrates the importance of both types of migration, the changes in endogenous and exogenous factors which have affected the life and the migratory patterns of the population of this region. The migratory circuit being aflow not only of persons, but of goods and capital as well, the cities, specifically that of Guadalajara have a strategic importance. They fulfill various functions and have hecome the backbone of the migratory process : they serve as centers for attracting and « hosting » internal migrants as well as places of origin for other migrants ; jumping-off points for international migrants ; and the milieu in which many returning migrants of rural origin settle. This view of migration from the vantage point of the city reveals how the confluence of the migratory experience and tradition with Guadalajara's particular pattern of industrialization has transformed relations between urban and rural areas, contributing to the developpement of a variety of economic activities which bind together rural regions, cities and migrants' destinations in the United States.
- La crise des relations entre l'Italie et le Brésil : la grande naturalisation (1889-1896) - Gianfausto Rosoli p. 69-90 Les relations entre l'Italie et le Brésil sur la question politique et juridique de l'immigration italienne sont devenues épineuses au lendemain de la révolution républicaine du 15 novembre 1889. Le flux migratoire italien constituait 40 % du total de la population étrangère au Brésil dans les années qui suivirent l'abolition de l'esclavage, en 1889, et atteignait le chiffre record de plus de 132 000 entrées en 1891. Le projet de la Constitution brésilienne non seulement établissait le droit du sol en matière de naturalisation (celui qui naissait au Brésil avait la citoyenneté brésilienne), mais stipulait également que tout étranger qui ne faisait pas de déclaration de maintien de sa nationalité dans les six mois de l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, était considéré comme Brésilien. L'Italie s'opposa à la naturalisation massive des immigrés et réussit même à créer un front commun des pays européens contre ce projet (Portugal, Allemagne, Espagne, France). Malgré ces protestations, le projet brésilien connu sous le nom de « citoyenneté présumée » ou « tacite », fut inscrit dans la Constitution Républicaine du 24 février 1891. De nombreuses questions, telles que les droits électoraux et les garanties de la protection des étrangers, restèrent liées à l'acquisition de la nationalité. Les rapports déjà difficiles entre l'Italie et le Brésil furent aggravés par les mouvements anti-italiens (les incidents de Santos et de Sao-Paolo, de juin-juillet 1892) qui, sans revêtir un caractère ouvertement xénophobe, alourdirent le contentieux entre les deux pays. Ce fut seulement en 1896 que, par une solution à l'amiable, cette ancienne querelle fut réglée. Les incidents autant que les mesures juridiques prises par le Brésil, firent naître ou renforcèrent chez les émigrés italiens un certain nationalisme populaire. Cette attitude défensive était le succédané à une vie communautaire compromise par l'émigration, le dysfonctionnement et l'arbitraire du pouvoir local.The relations between Italy and Brazil on the political and legal aspects of Italian immigration became strained at the aftermath of the republican revolution of November 15 1889. The Italian migratory flow constituted 40% of the total foreign population in Brazil during the years following the abolition of slavery in 1889, and reached a peak of more than 132,000 entries in 1891. The project of the Brazilian Constitution not only established the « right of land » (whoever was born in Brazil had Brazilian nationality), but also stipulated that foreigners who had not declared their intention to keep their nationality within the first six months of the new Constitution's coming into effect were considered as being Brazilian. Italy opposed itself to massive naturalization of immigrants and even succeeded in creating a European common front against the project (Portugal, Germany, Spain and France). Despite these protests, the Brazilian project known as « presumed » or « tacite nationality » was included in the Republican Constitution of February 1891. Numerous questions such as electoral rights and the guarantees of foreigners' protection remained subordinate to the acquisition of the nationality. The already difficult relations between Italy and Brazil were aggravated by anti-Italian mouvements (the incidents in Santos and Sao Paolo of June-July 1892) which, though not of an openly xenophobic character, embittered the quarrel between the two countries. It was only in 1896, after an agreement was reached, that this dispute was settled. The incidents as well as the judicial measures taken by Brazil brought about or reinforced among the Italian immigrants a feeling of popular nationalism. This defensive attitude was the substitute to a community life jeopardized by emmigration disfunction and arbitrariness of local authorities.
- « Trigo y plate » (Grano e soldi) : l'emigrazione e l'agricoltura argentina (1870-1914) - Eugenia Scarzanella p. 91-109 Entre 1850 et 1914, l'Argentine fut l'un des principaux pays d'accueil de l'émigration italienne outre-atlantique. La plupart des nouveaux arrivés furent embauchés dans l'agriculture. On peut distinguer deux phases : 1) De 1870 à 1895, les émigrants italiens arrivèrent en masse dans la province de Santa Fé, où s'amorça un vaste processus de colonisation. La terre fut lotie puis vendue par l'Etat ou par des particuliers. Grâce à un système de paiement à tempérament, en peu d'années les colons devinrent propriétaires. Ils agrandirent ensuite leurs entreprises agricoles, créèrent des « società di mutuo soccorso » (sociétés d'aide mutuelle) et des écoles. Le développement agricole de Santa Fé offrit des débouchés aux émigrants temporaires, qui furent embauchés comme journaliers pour la saison de la récolte. 2) De 1895 à 1914, l'émigration agricole s'étendit aux autres provinces de la « pampa húmeda » (Buenos Aires, Cordoba, Entre Ríos, La Pampa). La terre ne fut plus lotie et vendue mais le plus souvent offerte en location par les propriétaires qui développaient parallèlement l'agriculture et l'élevage. Pendant cette deuxième phase, les conditions économiques et sociales des fermiers devinrent plus dures que celles des colons de l'époque précédente. Les marges bénéficiaires diminuaient tandis qu'augmentait la condition subalterne des fermiers vis-à-vis des propriétaires, source de revendications et de conflits sociaux.Between the years 1850 and 1914 Argentina was one of the most important countries for Italian emigration. Most of the new arrivals found work in agriculture. Two main phases can be distinguished : 1) From 1870 to 1895 the Italian emigrants poured into the province of Santa Fe, where extensive colonization took place. The land was divided up into lots and then either sold by the state or privately. Through the operation of a system of payment by instalments, the settlers became owners after some years. Then they extended their farms, and created « societa di mutuo soccorso » (mutual benefit societies) and schools. The agricultural development of Santa Fe also offered job opportunities to temporary emigrants, who worked as agricultural labourers in the harvest season. 2) From 1895 to 1914 agricultural emigration also spread to other provinces of the « pampa húmeda » (Buenos Aires, Cordoba, Entre Ríos, La Pampa). The land, however, was no longer divided up and sold, but usually rented by the owners who combined agriculture with stock-farming. In this second phase the social and economic conditions of those who rented land were worse than those of the settlers of the previous era. Earnings gradually dropped, and the tenants' relationship to the owners worsened. Hence social claims and conflicts.
- Un siècle d'immigration française au Canada (1881-1980) - Bernard Penisson p. 111-125 En un siècle, 144 000 Français environ ont émigré au Canada. Le mouvement, faible jusque vers 1900, s'est amplifié jusqu'en 1914, effondré de 1915 à 1945, et a connu un essor sans précédent après la Seconde guerre mondiale. Jusqu'en 1914, les Français allaient surtout vers l'Ouest ; depuis 1945, ils vont principalement dans le Québec. Le gouvernement canadien n 'a ni vraiment gêné ni vraiment encouragé l'arrivée des Français au Canada.In one century, about 144, 000 Frenchmen emigrated to Canada. The movement, which was very limited until 1900, spread until 1914, collapsed between 1914 and 1945 and then soared after the second world war. Until 1914 Frenchmen went mainly to the West ; since 1945 they have gone principally to Quebec. The Canadian government has neither hindered nor encouraged the immigration of the French to Canada.
- Spécificités de l'immigration française au Canada après la Deuxième Guerre Mondiale - Richard Jones p. 127-143 Heurs et malheurs de l'immigration française au Canada après la Deuxième guerre mondiale. Richard JONES Peu d'immigrants français sont venus au Canada au lendemain de la Deuxième guerre. Certes, la France ne favorisait pas l'émigration et le Québec, province francophone, faisait bien peu pour accueillir les nouveaux arrivants, même français. Cependant, le gouvernement canadien porte aussi une large part de responsabilité pour cet insuccès. Pour des raisons politiques, Ottawa décida, en septembre 1948, de modifier les règlements de l'immigration et de mettre les Français sur un pied d'égalité avec les Britanniques et les Américains. Toutefois, la crainte de voir arriver de nombreux Français communistes ou collaborateurs conduisit le gouvernement fédéral à ériger d'autres barrières, celles-là inconnues du public, qui eurent pour résultat de limiter sensiblement le nombre des Français admis au Canada. Par ailleurs, le gouvernement canadien continua de solliciter principalement l'immigration britannique et ne sembla pas accroître de façon substantielle les ressources, humaines et financières, qu'il consacrait à l'immigration française.Joy and sorrows of French immigration in Canada after the Second World War. Richard JONES Few immigrants came to Canada from France in the years following the Second World War. Certainly, the French government did not regard emigration with enthusiasm and the French-speaking province of Quebec, in Canada, did little to welcome new arrivals, even those from France. Still, the Canadian government must bear a large part of the blame for this failure. For political reasons, Ottawa decided, in September 1948, to modify the Immigration regulations and to place citizens of France on an equal footing with British subjects and American citizens. However, the federal government's fear that the new rules would enable French Communists or collaborators to immigrate to Canada led it to set up new, unpublicized barriers. These controls limited the number of French admitted to Canada. Moreover, the Canadian government continued to favour British immigration and it did not appear ready to invest substantial resources, both human and financial, in a programme designed to boost immigration from France.
- Catégories d'immigrants et « niveaux d'immigration » au Canada : une politique volontariste - François Crepeau p. 145-164 La politique canadienne d'immigration est fondée sur un processus rigoureux de sélection des immigrants mais fait une place non négligeable au critère d'opportunité, les agents d'immigration disposant d'un large pouvoir. Les candidats à l'immigration sont évalués individuellement selon les catégories, familiale, humanitaire ou économique, et en fonction de critères divers : connaissance des langues, formation et expérience professionnelle... et plus largement l'« aptitude à s'établir avec succès au Canada ». Cela étant, le Gouvernement fixe annuellement, pour chaque catégorie, le nombre d'immigrants à accueillir. En 1986, le niveau global d'immigration a été relevé de 30 %, de 85 000 en 1985 à 115 000 immigrants. Les considérations démographiques ont largement influé. Mais cette augmentation profite essentiellement à l'immigration économique qualifiée, c'est-à-dire, dans une période de chômage élevé, aux immigrants susceptibles de créer des emplois au Canada.The Canadian immigration policy is based on a rigourous selection process, but the appropriateness criteria play an important part, the immigration officers being vested with a large power of assessment. The immigrants are individually selected, in each category (family, humanitarian or economic) according to an evaluation system taking into account several criteria : languages, vocational training, work experience..., and, above all, the ability « to become suecessfully established in Canada ». In any case, the Government sets every year, for each category, the number of immigrants to be admitted. The immigration levels have been raised from 85 000 in 1985 to 115 000 immigrants in 1986, that is to say, more than a 30 % increase. Demographic considerations have shown to be of great importance. But this rise has been essentially to the advantage of qualified economic immigration, i.e. considering the high level of unemployement, of immigrants intending to create jobs in Canada.
- Les migrations intra-caribéennes - Hervé Domenach p. 9-24
Chronique scientifique
- Migrations et recherches en Allemagne Fédérale - Robert Hettlage p. 165-192
Notes de lecture
- Lydio F. Tomasi. Italian Americans. New Perspectives in Italian Immigration and Ethnicity - Perotti Antonio p. 193-195
- Note aux auteurs - p. 198