Contenu du sommaire : La démocratie déclinée

Revue Cahiers d'études africaines Mir@bel
Numéro Vol. 35, no 137, 1995
Titre du numéro La démocratie déclinée
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'Afrique des pouvoirs et la démocratie - Jean Schmitz, Marc-Éric Gruénais p. 7-17 accès libre
  • Pouvoirs locaux

    • La démocratie au Mali, ou le pouvoir en pâture - Claude Fay p. 19-53 accès libre
    • Hostilités et alliances. Archéologie de la dissidence des Touaregs au Mali - Georg Klute p. 55-71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Beaucoup de rebelles touareg au Mali tiennent un discours nationaliste en revendiquant une zone autonome dans le nord du pays ou même un État-nation qui regrouperait toute la « nation touarègue » (temust) de la sous-région. Ce discours s'oppose à la scission du mouvement rebelle en plusieurs groupements politico-militaires indépendants se combattant parfois militairement. On peut démontrer que les différences entre les mouvements rebelles ne reflètent pas uniquement des divergences d'orientations politiques actuelles, mais renvoient aussi à des relations d'hostilité ou d'alliance entre des tribus ou des confédérations de tribus. Ces relations ne remontent cependant pas très loin ; elles ont pris leur forme actuelle au début du siècle, lors de la pénétration coloniale. C'est dans le contexte de la conquête que quelques tribus ont perdu de l'influence, que d'autres ont pu profiter de la situation du bouleversement en élargissant leur zone d'influence, pendant que d'autres encore ont simplement été créées par l'administration coloniale dans le cadre de sa politique de diviser pour régner.
      The nationalistic discourse adopted by many Tuareg rebels in Mali calls for an autonomous zone in the north or even a nation state for grouping the whole &ampamp;ampamp;ampquot;Tuareg nation&ampamp;ampamp;ampquot; (temust). This discourse contrasts with the division in rebel ranks as several independent, political or military, groups have formed. The differences between these groups do not just reflect diverging political orientations at the present time; they also refer back to hostile or friendly relations between tribes or confederations of tribes. These relations do not date from the distant past. Their present day form goes back to the turn of the century. In the context of colonial conquest, some tribes lost influence; others profited from the upheaval and widened their zone of influence; and still others were simply created by colonial authorities as part of a divide-and-rule policy.
    • Les courtiers du développement en milieu rural sénégalais - Giorgio Blundo p. 73-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le contexte dans lequel s'inscrit l'analyse des processus de développement au Sahel, et au Sénégal en particulier, se caractérise par un double mouvement : l'intérêt croissant des agences de coopération pour les initiatives promues directement par les acteurs locaux et, en même temps, le dépérissement du rôle de l'administration publique comme « dispensateur du développement », sous l'effet des programmes d'ajustement. S'ouvrent ainsi de nouveaux espaces pour l'émergence d'acteurs sociaux qui s'offrent comme intermédiaires entre le dispositif d'aide au développement et les communautés bénéficiaires, revendiquant en même temps des compétences techniques modernes et une connaissance endogène de la société locale. Cette double légitimité est acquise progressivement selon des itinéraires biographiques extrêmement diversifiés. Bien plus que de simple interprètes entre systèmes culturels différents, les courtiers du développement contrôlent les canaux de communication entre les agences de développement et les populations rurales, et filtrent savamment les aides et les financements selon des logiques redistributives de nature clientélaire.
      The context of Sahelian and, in particular, Senegalese development has two characteristics: the growing interest of foreign aid agencies for projects directly proposed by local actors and, given &ampamp;ampquot;adjustment programs&ampamp;ampquot;, the public administration waning role as a &ampamp;ampquot;supplier of development&ampamp;ampquot;. Social actors have thus emerged who propose to serve as intermediaries between foreign aid programs and recipient communities. These middlemen daim to have both modem, technical skills and inside knowledge of local society. Biographical accounts show how this twofold legitimacy is gradually acquired. These &ampamp;ampquot;development brokers&ampamp;ampquot; do much more than merely serve as interpreters between different cultural systems. They also control channels of communication between development agencies and rural people, and filter aid so as to redistribute it as a form of patronage.
  • Mémoires

    • The Mau Mau Myth : Kenyan Political Discourse in Search of Democracy - Galia Sabar-Friedman p. 101-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Quarante ans après que les autorités britanniques du Kenya aient proclamé l'état d'urgence pour écraser les Mau Mau, les réponses concluantes sur la nature de ce qu'avait été ce mouvement restent à venir. Depuis 1961, des débats incessants ont lieu à propos de l'interprétation du mythe mau mau, et plus particulièrement quant la pertinence de ce mythe dans le domaine socio-politique. Le gouvernement, qu'il s'agisse de celui de Kenyatta ou de Moi, disposait du pouvoir de décider quels thèmes mau mau devaient figurer dans le discours politique officiel et la manière dont ils devaient être présentés. Il a donc défini comment l'histoire kenyane et, plus particulièrement, la mémoire collective du mouvement mau mau ont été reconstruites. Différentes composantes de la société kenyane sont entrées en conflit à cause d'analyses contradictoires de ce mouvement, manifestant ainsi que la question mau mau était indissociable d'un débat permanent portant sur l'idéologie et le pouvoir au Kenya. Ce débat prit une tournure tellement importante que certains adversaires rejetèrent le mouvement mau mau et tentèrent de le chasser de la mémoire en l'enfermant dans les cachots de l'histoire.
      Forty years after the British colonial authorities in Kenya declared a state of emergency to crush the Mau Mau, conclusive answers to what was the Mau Mau are still intriguing. Since 1961 there has been an ongoing dispute over the interpretation of the Mau Mau myth, especially in relation to its relevance to the socio-political presence. The government, whether Kenyatta's or Moi's, has had the power at its disposal to determine which themes in the official discourse should be stressed, and in what light should the Mau Mau be perceived. In so doing, it determined the ways in which Kenyan history and specifically the collective memory of the Mau Mau was reconstructed. Various elements within the Kenyan society have clashed over conflicting interpretations of the Mau Mau, thus indicating that the whole issue of the Mau Mau was part of an ongoing political debate over the questions of ideology and power in Kenya. This debate was broadened to such an extent that some of the contestants were unwilling to accept the Mau Mau and tried to lock the memory of it back in the &ampamp;ampquot;historical closet&ampamp;ampquot;.
    • De la communauté des convertis amakholwa à la naissance de l'Inkatha. - Véronique Faure p. 133-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1879, tandis que les armées zouloues capitulaient face aux troupes coloniales britanniques, l'activité missionnaire s'intensifiait dans la zone australe du continent. La décision était prise, depuis le monastère Maria Stern en Bosnie, de fonder un monastère trappiste en Afrique du Sud. Malgré l'inexpérience des Trappistes en matière missionnaire, le succès de leur entreprise fut énorme et déboucha sur la formation d'une nouvelle classe africaine de petits propriétaires christianisés, rompus aux vertus de la « modernité ». On les appela les « convertis », en zoulou amakholwa. Répondant aux besoins de leur communauté et mettant en pratique l'enseignement acquis dans les missions, ces amakholwa, dans les années 1920, créèrent les premières coopératives et associations africaines. Devenant presque aussitôt des mouvements culturels zoulous, ces associations se trouvèrent en compétition avec le mouvement ouvrier et syndical socialiste, en pleine expansion à la même période, et se politisèrent rapidement, sous l'influence du gouvernement central lancé dans une politique de retribalisation des Africains. L'analyse du rôle que jouèrent les élites africaines chrétiennes dans la création des congrès nationaux africains — le South African Native National Congress et le Natal Native Congress, qui, respectivement, allaient devenir l'ANC et l'Inkatha — permet de mieux comprendre comment est née entre les deux organisations l'ambiguïté que cultive Mangosuthu Buthelezi depuis 1975, et aide à saisir la complexité des alliances et des enjeux contemporains autour de la question identitaire zouloue et, en particulier, de la guerre civile qui, décrite à tort comme un conflit ethnique, fait rage au Natal-KwaZoulou depuis plus de dix ans.
      In 1879, as Zulu armies were capitulating to British colonial forces, missionary activities were intensified in southern Africa. The Maria Stern Monastery of Bosnia decided to found a Trappist order in South Africa. Despite their lack of missionary experience, the Trappists were enormously successful. Thus emerged a new class of converted Africans, called amakholwa in Zulu, attached to the values of &ampamp;ampquot;modernity&ampamp;ampquot;. In the 1920s, these Christians created the first African cooperatives and associations. The latter became part of the Zulu cultural movement, itself in competition with the fast growing labor movement. Under the national government's policy of retribalization, these associations became involved in politics. By analyzing the role played by this Christian elite in founding organizations that would later become the ANC and Inkatha, we can better understand how the ambiguous relations between these last two organizations arose. We can also catch a glimpse of alliances and issues in the question of Zulu identity and in the civil war that, erroneously called an ethnie conflict, has been raging in Natal-KwaZulu for over ten years.
  • Religions

    • Messies, fétiches et lutte de pouvoirs entre les « grands hommes » du Congo démocratique - Marc-Éric Gruénais, Florent Mouanda Mbambi, Joseph Tonda p. 163-193 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Conférence nationale qui se déroule au Congo en 1991 engage résolument le pays dans la voie de la « démocratisation ». Elle conforte l'émergence des trois principaux leaders politiques congolais d'aujourd'hui : P. Lissouba, l'actuel président de la République, B. Kolélas et D. Sassou Nguesso. Tout le déroulement de la Conférence nationale, ainsi que les termes dans lesquels luttes et alliances entre ces trois hommes sont exprimées, invitent à une surinterprétation religieuse de la vie politique récente du Congo où le messianisme le dispute à la magie, à la sorcellerie et au christianisme dans une lutte de ces « grands hommes » dans les champs des « pouvoirs ».
      The 1991 National Conference in the Congo solidly placed the country on the way to &ampamp;ampquot;democratization&ampamp;ampquot;. Three major political leaders thus emerged. P. Lissouba (the current president), B. Kolelas and D. Sassou Nguesso. This conference and, in particular, the terms used to express alliances and rivalry between these three men suggest that recent politics in the Congo should be interpreted in religious terms: messianism at odds with magie and witcheraft and also with Christianity as these &ampamp;ampquot;big men&ampamp;ampquot; fight it out in the field of &ampamp;ampquot;powers&ampamp;ampquot;.
    • De la démocratie et des cultes voduns au Bénin - Emmanuelle Kadya Tall p. 195-208 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'exemple du Festival international des cultures voduns (Ouidah 1992), l'auteur se propose d'analyser les rapports entretenus entre le politique et le religieux depuis le régime marxiste-léniniste de Mathieu Kérékou jusqu'au régime démocratique de Nicéphore Soglo, en faisant une rapide incursion aux temps précoloniaux du royaume du Danxomé. Cette analyse se veut moins une observation objective des faits politiques et religieux qu'une interprétation fondée sur des anecdotes et les commentaires qu'elles appellent.
      The International Festival of Voodoo Cultures in Ouidah (1992) serves as an example for analyzing the relations between politics and religion from Mathieu Kerekou's Marxist-Leninist government till Nicephone Soglo's democratie one. Brief references are made to precolonial times and the Kingdom of Dahomey. This analysis is not intended as an objective account of political and religious facts but rather as an interpretation based on anecdotes and the comments about them.
    • Du témoignage à l'histoire, des victimes au martyrs : la naissance de la démocratie à Kinshasa - Bogumil Jewsiewicki, Flory-Kante Mbuyamba, Marie Daniella Mwadi wa Ngombu p. 209-235 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le récit de vie autorise une analyse qualitative des représentations qui servent à donner aux activités des individus ordinaires un sens politique, ouvrant ainsi la voie à la démocratie. Le contexte d'un récit de vie permet de minimiser la surpolitisation volontaire d'un récit produit à partir d'un événement politique. Tiré d'une histoire de vie, ce récit d'une participation à la marche des chrétiens du 16 février 1992, la plus grande manifestation publique de l'opposition à l'auto-reproduction du régime politique de la deuxième République zaïroise permet d'analyser le processus d'appropriation d'un geste politique par les acteurs sociaux. Il montre comment la mise en récit d'un événement investit celui-ci d'une symbolique chrétienne. Pour les victimes transformées ainsi en martyrs, on revendique la qualité de héros fondateurs de l'activité politique du peuple. Cultiver leur mémoire induit le passage du souvenir à l'histoire et entraîne alors une revendication de participation active à l'ordre politique.
      Qualitative analysis of représentations, based on personal narratives, helps to restore political meaning of ordinary people's actions and opens the way to participatory democracy. Extracting the story of someone's participation in a political event from that person's life story helps avoiding the pur-poseful overpoliticisation of the account offered on the spot. The paper analyses the process of people's appropriation of politics through the personal narrative of Christians' March (February 16, 1992) in Kinshasa, the most important street demonstration against the self perpetuation of the Zairian Second Republic. Once invested by Christian symbols, the narration transforms victims into martyrs. As martyrs, they became founding heros of the people's political participation. As custodians of their memory, ordinary men and women became political actors.
  • Chronique bibliographique