Contenu du sommaire : Ce qu'évaluer voudrait dire
Revue | Cahiers internationaux de sociologie |
---|---|
Numéro | vol. 128-129, janvier-décembre 2010 |
Titre du numéro | Ce qu'évaluer voudrait dire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Avant-propos
- Évaluation, substitution - p. 5-7
I. Évaluer : théories
- Variations anthropologiques et sociologiques sur l'« évaluer » - Georges Balandier p. 9-26 L'« évaluer » appartient en longue durée au lexique des notions philosophiques. Le problème de l'évaluation – omniprésent, instrumentalisé à toutes fins dans les sociétés de la surmodernité – semble absent des sociétés étudiées par les anthropologues. Absent ou substitué. Mais la discipline, l'anthropologie en ses réalisations, révèle une évaluation originelle d'où découle celle des phénomènes étudiés. La « Grande Transformation » qui se poursuit dans l'univers de la surmodernité nourrit l'incertitude. Elle engendre des nouveaux nouveaux mondes qui s'étendent d'une façon fulgurante, s'imbriquent avec ce qui reste du réel d'avant et exposent les contemporains à un « dépaysement » croissant. La confrontation à l'autrement et à des risques inédits contribue à une gestion erratique des pouvoirs, à la multiplication d'évaluations qui substituent les idéologies de naguère.In the long-term, « evaluating » belongs to the lexicon of philosophical concepts. The problem of evaluation – omnipresent and used for all sorts of ends in sur-modernity – does not seem to exist in societies studied by social anthropologists. Absent or substituted. But the discipline, social anthropology in its productions, reveals an original form of evaluation which is the source of the phenomena studied. The « Grand Transformation » which is ongoing in the world of sur-modernity nurtures uncertainty. It engenders « new new worlds » which spread at high speed, become interwoven with what remains of the previous reality and expose their contemporaries to an ever-increasing « disorientation ». The confrontation with otherness and new risks contributes to an erratic management of power and the multiplication of forms of evaluation which replace the former ideologies.
- Critique de la philosophie de l'évaluation - Danilo Martuccelli p. 27-52 L'article propose une lecture analytique globale de l'évaluation. D'une part, il identifie les huit grands principes sur lesquels s'appuie la philosophie de l'évaluation, avant de les soumettre, dans une seconde partie, à un examen critique. Au travers de ce mouvement d'analyse, l'article montre comment, en dépit de ses faiblesses et contradictions, l'évaluation est l'objet d'une croyance collective qui est en train de devenir le cœur d'un nouveau mode de gouvernement et de gestion.The article sets out a general critical review of evaluation. We begin by providing an outline of the eight major principles of the philosophy of evaluation before submitting them to a critical examination. The article shows how, despite its weaknesses and contradictions, evaluation is the object of a collective belief which is becoming the centre of the contemporary exercise of domination and a new form of government.
- L'inévaluable dans une société de défiance - Claudine Haroche p. 53-78 Nous sommes à présent dans des sociétés de contrôle continu qui induisent et renforcent le manque de confiance, et au-delà une défiance diffuse et grandissante qui conduit à parler de société de défiance. Dans ces sociétés, il est exigé, des organismes comme des individus, de rendre compte avec précision non tant de ce qu'ils ont fait, mais de ce qu'ils sont en train de faire dans le moment présent, et tout autant de ce qu'ils envisagent de faire : on cherche ainsi à supprimer la perte de temps, le manque de rentabilité, mais encore l'imprévisible par définition inévaluable. Face à l'inintelligible provoqué et intensifié par le changement permanent lié entre autres à l'accélération des technologies, la société a été amenée à développer des outils d'évaluation ; indifférente à l'individu dans sa singularité, l'évaluation tend dans le même temps à l'individualiser et le contrôler incessamment, à le différencier et l'homogénéiser toujours davantage. Les biens et les personnes sont aujourd'hui de plus en plus évalués, et en cela inévitablement comparés, engendrant et renforçant des formes de concurrence et de rivalité permanentes et exacerbées.At the moment we live in continous assessment societies which induce and reinforce a lack of confidence, and even a diffuse and increasing distrust which leads to talking in terms of a distrustful society. In these societies, both organizations and individuals are expected to give a precise account not so much of what they have done, but of what they are doing at the present and, equally, what they intend to do: the aim being to eliminate the loss of time, the lack of economic viability, as yet unforeseeable and in this respect and by definition, non-assessable. Confronted with the unintelligibility provoked and intensified by the constant change associated with the acceleration of technology amongst other things, society had been led to develop tools for evaluation; evaluation, which is indifferent to the singularity of individuals, tends at the same time to constantly differentiate and control them, in a process of ever-increasing differentiation and homogenization. Today, material goods and people are increasingly evaluated, and as a result inevitably compared, engendering and reinforcing permanent and ever-intensified forms of competition and rivalry.
- Évaluation et élitisme : d'une alliance à l'autre - Isabelle Berrebi-Hoffmann p. 79-90 L'article développe la thèse suivante : le phénomène évaluatif, ses instruments et ses institutions nouvellement créées (agences de notation, agences d'évaluation, hautes autorités) sont à la fois les révélateurs et les opérateurs d'une transformation des rapports entre deux institutions en crise : L'État et les professions. S'inspirant de la trilogie des pouvoirs de Freidson (2001), l'auteur suggère d'analyser l'alliance actuelle entre marché et État tandis qu'une crise et une mutation des élites traditionnelles françaises (haute fonction publique, experts d'État, élites politiques) fragilisent l'alliance entre professions et État caractéristique de la construction de l'État social à la fin du xixe siècle.The article develops the following hypothesis: the phenomenon of evaluation, its recently created tools and institutions (credit rating agencies, assessment agencies, national authorities) both reveal and operate a transformation in the relationship between two institutions in crisis: the State and the professions. Basing my approach on Freidson's (2001) trilogy of powers, I suggest an analysis of the present alliance between the market and the State, while a crisis and change in traditional French elites (high ranking civil servants, State experts, political elites) is weakening the alliance between the professions and the State characteristic of the social State at the end of the XIXth century.
- Évaluer : de la théorie de la décision à la théorie de l'institution - Lucien Sfez p. 91-104 Ce n'est pas seulement la théorie de la Décision qui permet de définir ce qu'on entend aujourd'hui par « évaluation », c'est aussi la théorie de l'Institution, chère à Maurice Hauriou, qui permet d'éclairer le concept d'« évaluer » ainsi que d'enrichir celui de « tiers partagé » de Nicolas Dodier.It is not only the theory of decision-making which enables us to define what is known today as « evaluation ». The theory of the Institution, dear to the heart of Maurice Hauriou, also enables us to clarify the concept of « evaluation » as well as of enriching that of Nicolas Dodier's idea of the « shared third ».
- Variations anthropologiques et sociologiques sur l'« évaluer » - Georges Balandier p. 9-26
II. Évaluations : domaines
- Évaluer les vies essai d'anthropologie biopolitique - Didier Fassin p. 105-115 La plupart des études, analyses et critiques portant sur l'évaluation s'attachent à la gouvernance des affaires humaines, autrement dit la part managériale et technocratique de la politique. En revanche, on s'est peu efforcé de comprendre le gouvernement des êtres humains, et singulièrement les dispositifs et procédures d'évaluation des vies. C'est à cette anthropologie biopolitique qu'est consacré le présent article. La distinction entre les dimensions morale et éthique de l'évaluation permet d'aborder successivement deux questions générales : comment on juge les vies ; ce que valent des vies. L'évaluation morale concerne les formes de jugement sur le bien et le vrai à l'œuvre dans les justices distributive, rétributive et attributive au-delà des principes dont elles se réclament. L'évaluation éthique met à l'épreuve l'égalité des êtres humains et le consensus autour de la vie comme bien suprême en révélant les profondes disparités de fait dans l'appréciation des existences.The majority of studies, analyses and criticisms concerning evaluation focus on the governance of human affairs, in other words the managerial and technocratic aspect of politics. On the other hand, little attention has been given to understanding the government of human beings and, in particular, the measures and procedures for evaluating lives. This article is devoted to this biopolitical anthropology. The distinction between the moral and ethical dimensions of evaluation enables us to deal in turn with two general questions: how lives are judged; what lives are worth. Moral evaluation deals with ways of passing judgment on the good and the true at work in the instances of distributive, retributive and attributive forms of justice over and above the principles to which they claim to adhere. Ethical evaluation, by revealing the profound inequalities de facto in the assessment of lives, questions the equality of human beings and the consensus around life as the supreme good.
- La ville se dit par évaluations - Alain Bourdin p. 117-134 On a toujours comparé la réalité matérielle des villes ou les expériences qu'elles procuraient. Désormais, la comparaison se fait de manière abstraite en utilisant les critères et les indicateurs de l'évaluation. La ville constitue de moins en moins une réalité sociale économique et spatiale spécifique et appréhendable. Elle existe toujours plus à travers l'action que l'on exerce sur elle et se trouve de ce fait touchée par les incertitudes et les débats qui portent sur la légitimité, l'effectivité et les modalités de l'action publique et alimentent la demande et les savoirs de l'évaluation. Le fort développement de la concurrence entre villes conduit à élaborer des instruments de mesure (classements, etc.) de leurs capacités concurrentielles. Cet appareillage de l'évaluation qui découpe et abstrait peut sembler destructeur de la réalité urbaine et de son unité. Mais il permet également de reconstruire, de façon partielle et qui justifie la discussion, un objet urbain qui de toute façon n'existe plus. Pour la sociologie urbaine, le débat théorique et méthodologique sur les modalités et les contenus de l'évaluation revêt un caractère central et s'inscrit dans une sociologie de l'action urbaine qu'il faut promouvoir.The material reality of cities or the experiences which they provide have always been compared. Nowadays comparison is made in an abstract manner by using the criteria and indicators of evaluation. The economic and spatial reality of the city which is specific and can be grasped is declining. There is an ever-increasing tendency for the city to exist through the actions which are carried out on it; as a result, the city is affected by the uncertainties and the discussions which bear on the legitimacy, the effectiveness and the modes of public action and sustains the demand for evaluation and its expertise. The marked development of competition between cities has led to the elaboration of tools for measuring (classification, etc.) their competitive capacities. This apparatus of evaluation which dissects and abstracts may seem to destroy urban reality and its unity. But is also enables reconstruction, in an incomplete manner and one which is worth discussing, an urban object which in any event no longer exists. For urban sociology, the theoretical and methodological debate on the modes and contents of evaluation assumes a central character and is part of a sociology of urban action which should be promoted.
- L'automatisation du jugement sur le travail. Mesurer n'est pas évaluer - Marie-Anne Dujarier p. 135-159 Cet article traite de l'évaluation au travail et du travail dans les grandes organisations contemporaines. Il montre que les systèmes d'évaluation s'inscrivent dans une histoire moderne de la mesure des hommes et de leur activité. À partir de données empiriques, il défend l'hypothèse selon laquelle l'« évaluation » produit non pas des valeurs, mais des mesures et des jugements. Ceux-ci font l'objet d'une automatisation. Bien que les critiques sociales et sociologiques sur ces systèmes abondent, notamment parce qu'ils empêchent une évaluation qualitative et délibérative, ils prospèrent. Nous pouvons comprendre cet apparent paradoxe en examinant de manière compréhensive le travail réel des différents acteurs concernés : dirigeants, concepteurs des systèmes d'évaluation, cadres de proximité et évalués.This article deals with job evaluation and employment in major contemporary organizations. It shows that evaluation systems fall within the scope of a modern history of the measurement of people and their activity. On the basis of empirical data, it defends the hypothesis whereby “evaluation” does not produce values but measurements and judgments. These are the objects of automation. Although social and sociological criticisms of these systems abound, in particular because they prevent qualitative and thoughtful evaluation, they thrive. We can understand this apparent paradox by examining comprehensively the real work of the various individuals in question: managers, those who conceive evaluation systems, the managers and those who are evaluated.
- Du travail à l'action publique : quand les dispositifs d'évaluation prennent le pouvoir - Marie-Christine Bureau p. 161-175 Du travail à l'action publique, les dispositifs d'évaluation font aujourd'hui système en exerçant une emprise croissante sur nos vies. Si chacun de ces dispositifs apparaît vulnérable à la critique, la machinerie de l'évaluation, soudée par un même esprit de classement et de comparaison systématique, est devenue largement autonome. Ce qui rend la critique de l'évaluation si difficile, c'est le fait qu'elle allie l'exercice de la rationalité instrumentale, caractéristique de la modernité, avec la poursuite de finalités éthiques peu contestées telles que la justice ou la démocratie.From employment to public policy, evaluation processes are part of a system which exerts an increasing hold over our everyday life. While all these evaluation processes are open to criticism, the whole apparatus based on benchmarking by comparison with a point of reference has become autonomous. It is particularly difficult to criticize this type of evaluation because the system combines the practice of instrumental rationality – characteristic of modernity –with the pursuit of legitimate ethical aims such as justice and democracy.
- Comment évaluer une personne ? L'expertise judiciaire et ses usages moraux - Fabrice Fernandez, Samuel Lézé, Hélène Strauss p. 177-204 L'expertise psychiatrique est un instrument d'évaluation devenu indispensable dans le champ judiciaire tout en étant régulièrement contesté. Comment comprendre ce paradoxe apparent ? En décrivant, répond l'article, comment le droit formalise une partie de la morale autour de la catégorie de personne. À partir d'une étude de cas fondée sur une observation des usages de l'expertise dans une chambre correctionnelle, la première partie montre comment les acteurs de la justice évaluent l'instrument d'évaluation ; la seconde partie se penche sur la construction d'une altérité déviante, celle du délinquant sexuel.The psychiatric report is an assessment tool that has become essential in the judicial field while, at the same time, being regularly challenged. How can we understand this seeming paradox? In response, the article describes how the law formalizes part of the morality of the category of person. From a case study based on observation of how psychiatric reports are used in criminal courts, the first part shows judicial actors evaluating the assessment tool; the second part focuses on the construction, during a trial, of a deviant otherness, that of the sexual offender.
- Éléments pour une sociologie des examens universitaires - Claude Javeau p. 205-215 Cet article met l'accent sur les examens à l'Université, principalement dans leur forme orale. Au moment situationnel des phénomènes sociaux, ceux-ci se ramènent à une confrontation face-à-face entre candidat et examinateur, dans une relation dite « docimologique », basée avant tout sur des actes de parole, qui ne fait pas intervenir uniquement la simple restitution d'une « matière » par le premier au second, qui l'aurait enseignée. Des composantes de ritualisation et de possibilité de transfert et de contre-transfert psychologiques doivent aussi être prises en compte.This article focuses on university-level examinations, especially oral ones. At the situational level of the social phenomena studied, they amount to a face-to-face encounter between examinee and examiner – in what is known as a “docimological” relationship, based primarily on speech acts –, which do not consist in the mere restitution of a “subject matter” by the examinee to the examiner, who may have taught it. Components of ritualization, as well as the possibility of psychological transfer and counter-transfer, must also be taken into account.
- Évaluer les vies essai d'anthropologie biopolitique - Didier Fassin p. 105-115
III. Évaluation : perspectives critiques
- L'éclipse du sujet et de la singularité dans le discours de l'évaluation - Joël Birman p. 217-244 Cet essai propose une lecture critique du processus d'évaluation qui a lieu actuellement dans les champs de la recherche scientifique et de l'université. Cet essai précise la relation intime que ce processus établit avec le discours de la gestion et l'ordre social institué par le néolibéralisme. Il soutient que par les effets produits dans le champ de la pensée, c'est le sujet et la singularité qui sont en cause dans la contemporanéité.This article sets out a critical approach to the processes of evaluation which are taking place at the moment in the fields of scientific research and in the university. This article makes clear the intimate relationship which this process establishes with the discourse on management and with the social order instituted by neo-liberalism. It maintains that as a result of the effects produced in the sphere of thought, it is the subject and individuality which are challenged in the contemporary world.
- L'évaluation entre perversion et sublimation - Eugène Enriquez p. 245-265 L'évaluation est de toutes les sociétés et de tous les temps. Pourtant, ce terme usuel hante le monde contemporain, il suscite les plus vives réactions. Évaluation et notation sont liées, et les agences de notation pèsent sur la politique des États, non pas seulement sur les firmes cotées en Bourse. L'évaluation est-elle nécessaire ? De fait, elle situe les sociétés contemporaines entre perversion et sublimation.Evaluation is an aspect of all societies and all eras. However, this ordinary word haunts the contemporary world and arouses the sharpest reactions. Evaluation and rating are linked and credit rating agencies influence the policy of States and not only the firms quoted on the stock exchange. Is evaluation necessary? In fact, it locates contemporary societies between perversion and sublimation.
- Évaluation des dangers et goût du risque - David Le Breton p. 267-284 L'évaluation devient aujourd'hui une nouvelle tyrannie, mais sous une forme intuitive, elle est au cœur de toutes les activités humaines. Elle est au cœur des activités physiques et sportives à risque où un enjeu de vie ou de mort est toujours présent, surtout dans le contexte de l'alpinisme solitaire où une part d'imprévisible demeure toujours, mais contribue à donner son sel à l'action.Today evaluation is a new form of tyranny, but in an intuitive form it is at the core of all human activities. It is the focus of high-risk physical and sporting activities in which the question of life and death is always present, in particular in the context of solo climbing where there is always an element of the unknown but which contributes to the excitement of the action.
- L'évaluation du fait technique, une métaphysique pour l'hypersauvage contemporain - Alain Gras p. 285-297 La fascination pour la mesure, que représente l'évaluation quantitative dans le domaine écologique, occulte le fait que le choix des éléments à mesurer est subjectif et qu'en aucun cas la scientificité ne vient directement de l'observation de l'objet. J'en donnerai la preuve dans trois catégories qui regroupent l'ensemble du sophisme scientifique que constitue l'évaluation : le suivi d'un objet technique simple, avec l'exemple du progrès mesuré dans l'évolution du couteau et d'autres objets, l'histoire quantitative d'un fait naturel, le réchauffement climatique, la chronique d'un indicateur qui est lui-même un concept, l'empreinte écologique. L'évaluation est bien un mode privilégié de connaissance de la technocratie « info-com ». Et la question environnementale a mis ce mode au centre du débat. Fondée sur la recherche obsessionnelle de la mesure, elle fait partie des instruments de connaissance qui nous enferment dans le monde techno-scientifique et participe à la fabrication de la modernité dans toute sa puissance aliénante, celle de l'hypersauvage contemporain.Quantitative assessment fascinates the researchers working in the field of environment. But it obscures the fact that the choice of what is to be measured is subjective and in no case does the scientific evaluation come directly from observation of the object. Three aspects of scientific fallacy will be described: evaluation of technological progress using the evolution of the knife and other technical artifacts; the quantitative history of a natural fact, global warming; the chronicle of an indicator which is itself a concept, the ecological footprint. Evaluation is, in fact, the preferred mode of knowledge for the « info-com » technocracy, especially in the case of environmental issues. Based on the obsessive search for measurement, quantitative evaluation locks us into the techno-scientific world and participates in the production of the ready-to-think, the knowledge of the contemporary hyper-savage.
- L'autoévaluation, une parenthèse ? Les hésitations de la biopolitique - Dominique Memmi p. 299-314 Comment les institutions pensent-elles aujourd'hui ceux qu'elles administrent ? Les discours de prévention en matière de santé depuis les années 1970 présupposent des capacités individuelles à l'autoévaluation : une introspection sans profondeur guidée par des représentants de l'État, et conjuguant jouissance du calcul et érotisation de l'autocontrôle. Mais, doublant cette gouvernementabilité libérale, l'intense dramatisation du récit de prévention depuis la fin des années 1990 signale le retour à une biopolitique plus impérieuse et plus conservatrice, axée sur une sacralisation laïque de la vie. Celle-ci épaule une sédimentation de procédés gouvernementaux pourtant idéologiquement contrastés.How do institutions « conceive of » those they govern, and what kind of citizens do they produce in the process? Public health campaigns since the 70s assume that individuals have a capacity for self-evaluation: a superficial form of introspection guided by representatives of the State, and combining the enjoyment of calculation and the erotisation of self-control. But, since the end of the 1990s this form of liberal government has been overtaken by the intense dramatization of such narratives, thus revealing that biopolitics has reverted to a new authoritative and conservative stage, where the extension of a lay sacralization of Life now seriously competes with the exaltation of individual Choice and responsibility.
- L'éclipse du sujet et de la singularité dans le discours de l'évaluation - Joël Birman p. 217-244