Contenu du sommaire : La macroéconomie par le bas

Revue Politique africaine Mir@bel
Numéro no 124, décembre 2011
Titre du numéro La macroéconomie par le bas
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le dossier : La macroéconomie par le bas

    • Macroéconomie et politique en Afrique - Béatrice Hibou et Boris Samuel p. 5 accès libre
    • Un demi-siècle de fictions de croissance en Afrique - Entretien de Béatrice Hibou et Boris Samuel avec Morten Jerven p. 29 accès libre
    • "Ko s'owo" : il n'y a pas d'argent ! - Jane Guyer p. 43 accès libre avec résumé
      L'article explore les termes dans lesquels les citoyens comprennent la macroéconomie. À partir d'une recherche de terrain réalisée dans une petite ville de l'ouest du Nigeria, je suggère que l'offre d'argent est l'une des fonctions macro-économiques qui affecte le plus clairement l'économie monétaire indispensable aux moyens de subsistance de la population. Cette dernière a quelques intuitions sur cette offre mais elle considère que l'argent provient en premier lieu du gouvernement et a conscience que l'élite politique contrôle des sommes importantes d'argent, qui ne circulent pas, mais qui témoignent de sa richesse. Localement, la fluctuation annuelle de la masse monétaire est considérée comme normale, les institutions locales de paiement différé et la rotation de crédit tempèrent les fluctuations habituelles. L'éthique encourage l'usage plutôt que la thésaurisation de l'argent. Prises ensemble, les pratiques locales peuvent maintenir une vitesse de circulation monétaire élevée, bien qu'il y ait aussi des périodes de la vie personnelle ou collective au cours desquelles kos'ówó, « il n'y a pas d'argent ». La sensibilisation à ces forces macro-économiques qui déterminent la masse monétaire en circulation est devenue aigue pendant une grève en 2010. Celle-ci est attribuée à l'intransigeance politique du gouverneur de l'État, qui a provoqué la perte des salaires mensuels de plus de 600 enseignants entrainant une situation de kos'ówó. L'article décrit plusieurs effets, y compris la perte d'une source majeure de rentrée régulière d'argent dans l'économie locale et les difficultés pour les établissements locaux de prêt, étant donné que les salariés et autres fonctionnaires garantissent ces prêts. Je conclus cet article avec des observations sur l'étude comparative d'une « théorie quantitative populaire de la monnaie » dans les économies à devises faibles.
    • L'économique africain saisi par la finance - Olivier Vallée p. 67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le décalage entre les résultats économiques de l'Afrique – jugés positifs – et la crise financière dans laquelle s'enfonce le monde développé a renouvelé l'approche misérabiliste dont a longtemps fait l'objet cette partie du monde. Au-delà des explications tenant soit au bénéfice des réformes induites par les programmes financiers des institutions de Bretton Woods, soit à la dynamique de la hausse du prix des matières premières tirée par la demande chinoise, il est nécessaire de considérer l'impact d'autres microstructures. En effet, sous les agrégats macroéconomiques s'est formé un rhizome d'agencements financiers et de renouvellement des instruments de marché. Cette mutation participe de la modernisation de l'économique en Afrique, mais également de sa reconnexion avec la globalisation financière. Cet article montre concrètement comment s'expriment des formes inédites de la consommation, de l'investissement et de l'échange marchand sur le continent africain. Sans douter des questions que peuvent soulever ces innovations, elles remettent en cause les approches conventionnelles de l'économie du développement qui privilégient les changements structurels au sommet pour agir sur la base. De plus, ce qui est en jeu, c'est la capacité africaine de revisiter sur un mode dynamique un capitalisme financier contesté dans les économies développées confrontées à la crise.
      African Economics Redesigned by Financial Innovations
      The gap between the good economic results of Africa, and the financial crises which hits harder the most advanced economies has renewed the long-term pessimistic approaches of the continent. If Africa's success today might be explained either by structural reforms advocated by the Bretton Woods institutions, or by the increase of commodity prices due to the Chinese demand, one needs to consider more micro dynamics at work. Indeed, beyond macroeconomic aggregates, a number of financial intermediation and market phenomena have burgeoned contributing to modernise areas of the economy and effectively reconnecting Africa to financial globalisation. This article aims to describe, froma bottom-up perspective, how the African continent is inventing new microstructures for consumption, investment and trading. Although, some of these new ways are questionable, they all seem to challenge a form of conventional wisdom set out by the top-down approach of the economy of development which focuses more on top down structural changes. What is really at stake is a distinct African way of enacting a form of this financial capitalism that is contested and in crisis in advanced economies.
    • Les macroéconomistes africains : entre opportunisme théorique et improvisation empirique - Entretien de Béatrice Hibou et Boris Samuel avec Kako Nubukpo p. 87 accès libre
    • Calcul macroéconomique et modes de gouvernement : les cas de la Mauritanie et du Burkina Faso - Boris Samuel p. 101 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le « cadrage macroéconomique » est le support de la définition des politiques économiques depuis l'ajustement. Réalisé avec les organisations internationales, il exerce un pouvoir normalisateur sur les pratiques administratives nationales mais passe, en pratique, par des séries de tâtonnements et de négociations. Au Burkina Faso et en Mauritanie, le cadrage et ses normes ont contribué à l'émergence de récits fictionnels sur l'économie et contribué à asseoir les modes de domination politique. Ils ont donc placé des objets formels fragiles et instables au cœur des pratiques de pouvoir.
      Macroeconomic calculation and modes of government: the cases of Mauritania and Burkina Faso
      The macroeconomic framework has been at the heart of economic policies since the adjustment period. Produced together with international organisations, it acts as a normalizing power on national administrations practices. But it also relies largely on hesitations and negotiations. In Burkina Faso and Mauritania, the macro framework contributed to the emergence of fictional narratives on the economy and of political domination mechanisms. Thus it has placed fragile and instable formal objects at the heart of national power practices.
    • Macroéconomie et domination politique en Tunisie : du "miracle économique" benaliste aux enjeux socio-économiques du moment révolutionnaire - Béatrice Hibou p. 127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le discours sur le « miracle économique » de la Tunisie de Ben Ali était élaboré par la technocratie économique et politique tunisienne : les grands agrégats macroéconomiques faisaient l'objet d'une attention exclusive, les autres données étaient travaillées ou occultées, de façon à corroborer le récit offert par ces excellents « fondamentaux », sans que la réalité économique et sociale soit réellement questionnée. Cet article déconstruit ce discours afin de mieux comprendre les dynamiques bureaucratiques, politiques et sociales à l'œuvre dans cette « élaboration ». Il suggère ainsi comment sa constitution en fiction structurante des modes de gouvernement relevait de processus beaucoup plus complexes qu'une simple invention aux fins disciplinaires. Acteurs étrangers et nationaux contribuaient – parfois consciemment, parfois à leur insu – à la vulgarisation et à la diffusion de ce discours, de sorte que ce dernier n'était pas seulement imposé du haut, mais largement partagé dans la société tunisienne. En suivant l'hypothèse que le discours est constitutif de l'art de gouverner, on peut comprendre qu'en dépit du mouvement social qui a largement mis à mal la pertinence du « miracle », le discours sur la macroéconomie n'a pas été foncièrement remis en cause par la « révolution » : il continue à structurer le champ du possible politiquement. La macroéconomie apparaît ainsi comme un élément des processus de légitimation du régime, une expression de sa puissance et de sa capacité à créer un ordre.
      Macro economy and political domination in Tunisia: from the benalist economic miracle to socio-economic issues in the revolutionary period. The discourse of the « economic miracle » in Ben Ali's Tunisia was elaborated by the economic and political Tunisian technocracy. What were scrutinized were only the macroeconomic aggregates. Other data were restaped in order to confirme a general narrative based on these « macro economic fundamentals ». Economic and social reality was not questioned. This article unravels this discourse in order to better understand the making of the bureaucratic, political and social dynamics. The shaping of this account came to structure modes of government in much more complex ways than a simple invention for disciplinary goals. Foreign and national actors contributed – sometimes consciously, sometimes not – to the vulgarisation and widespreading of this discourse. The latter was not only imposed from above, but largely shared within the Tunisian society. If one subscribes to the idea that the discourse is a component of the art of government, one can understand why the macroeconomic discourse is not fundamentally challenged by the revolution, despite the social movement that damaged the relevance of the miracle. This discourse continues to be within the realms of political possibility. Thus macroeconomy appears to be one element of regime's legitimation process, an expression of its power and of its capacity to craft an order.
  • Recherche

    - p. 155 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    En Afrique subsaharienne, la mobilisation juridique reste un répertoire d'action marginal au sein du mouvement des femmes. Dans un contexte de concurrence entre différents ordres normatifs (étatique, coutumiers et/ou religieux), les obstacles à l'appropriation du droit sont nombreux et expliquent le décalage important entre droit formel et droit réel, permettant ainsi de comprendre pourquoi le droit est resté un outil sous-utilisé par les militantes. Néanmoins, certaines associations ont tenté de s'en saisir pour faire avancer les droits des femmes tant sur le plan législatif que sur le terrain judiciaire. À partir de l'étude du cas de l'AJS (Association des juristes sénégalaises), cet article se propose de montrer comment s'est construite et a évolué cette mobilisation juridique qui tend à s'imposer progressivement comme un mode d'action légitime parmi les militantes de la cause des femmes.
    Legal mobilization and women's cause: the case of the Association of Senegalese Women Lawyers (AJS). In Sub-Saharan Africa, legal mobilization still appears as an unconventional repertoire of contention regarding the women's movement. Ina context of competition between different normative orders (state, customary and/or religious orders), it is difficult for people to become acquainted with the law and there is an important gap between legal and actual orders. Thus, it is easier to understand why law has rarely been a tool used by activists. Nevertheless, some associations have tried to mobilise the law in order to improve women's rights in both legislative and judiciary fields. Through the case study of the Association of Senegalese Women Lawyers, this paper intends to show how this legal mobilization was built and has evolved to gradually appear as a legitimate tool to advance the women's cause.
  • Lectures